dimanche 8 janvier 2012

Cantus Formus

Hier soir à Paris, écouté L'Oiseleur des Longchamps en grande forme qui chantait, accompagné par Mary Olivon, des mélodies inédites d'Olivier Greif ainsi que Centaures qu'il m'avait commandé pour son disque Chevauchées Lyriques. Ce concert était organisé par l'association Cantus Formus et présenté par le compositeur Nicolas Bacri que je remercie de m'avoir invité. Il m'a permis de faire connaissance de musiciens comme le pianiste Henri Barda (écoutez donc son interprétation d'Olivier Greif sur iou-tioube) ou encore Eliane Reyes, pianiste elle aussi, qui a récemment consacré un disque à la musique de piano de Nicolas Bacri.

Cantus Formus réunit des compositeurs qui manifestent un certain attachement aux éléments traditionnels du langage musical: mélodie, harmonie, contrepoint. Laissons les musicologues et les patrons de bistrot débattre pour savoir s'il faut les situer à l'arrière-garde de l'avant-garde ou bien à l'avant-garde de l'arrière garde. Les lecteurs de ce blog connaissent mon opinion sur le sujet: un compositeur est absolument libre d'écrire ce qui lui chante, ce qui lui tient à coeur. Il ne doit rien s'interdire, et par conséquent ne s'obliger à rien. N'est-ce pas Schönberg lui-même qui déclarait à ses élèves: il reste de la très belle musique à écrire en do majeur ? . In fine, seule la qualité de la musique est importante: parmi les musiciens que les histoires officielles de la musique labélisent aujourd'hui comme grands compositeurs, on trouve aussi bien des passéistes que des avant-gardistes, autant de Brahms que de Liszt. Certains musiciens, et particulièrement au XXe siècle, ont été tour à tour considéré comme modernistes puis comme réactionnaires: Strawinsky, Hindemith, Chostakovitch. Pour résumer ma position, je participerai à nouveau et avec grand plaisir aux concerts Cantus Formus si j'en ai l'occasion, mais je ne m'interdis pas d'écrire d'autres pièces qui seraient décidément en dehors de ce cadre-là.

Un enregistrement du concert sera bientôt disponible au téléchargement (payant): à recommander à nos lecteurs surtout pour les mélodies inédites de Greif. Et pour terminer ce billet, un lien vers Quasi una Fantasia de Bacri pour 3 violons et orchestre, avec Lisa Batiashvili, Alina Pogostkina et Baïba Skride en solistes.

 

samedi 7 janvier 2012

La musique sans marteau, par le Quatuor Béla

A voir et à écouter cette semaine à la cité de la musique dans le cadre de la cinquième biennale du Quatuor à Cordes, un concert pédagogique du très brillantQuatuor Béla, programme intitulé La musique sans Marteau et destiné à présenter la jeune musique au jeune public. Extrait du dossier de presse:

Nous commençons ce concert en jouant, sans explications préalables, un court extrait de In Vivo, de Raphaël Cendo. Pour jouer cette pièce nous devons entourer nos instruments de papier aluminium, ce qui a pour effet de produire un son métallique dont aucune note n'émerge vraiment, il s'agit plutôt d'une matière sonore dont on serait bien incapable de dire qu'elle est produite par un quatuor à cordes ! De plus comme son nom l'indique, c'est une musique très violente qui demande aux musiciens une sorte de déchaînement... autant dire que ce début est assez saisissant ! Nous nous adressons ensuite au public en posant la question suivante, qui est l'argument de tout le concert: « Comment en est-on arrivé à écrire une musique pareille... ? »

La pièce de Raphaël Cendo est visible et audible sur Youtube dans une performance assez époustouflante du quatuor Tana et comme nos fidèles lecteurs pourront le constater, ça n'est pas piqué des vers en effet:

Le programme de cette cinquième biennale est fort alléchant par ailleurs, avec des formations prestigieuses (les Kronos, Modigliani, Artémis, Diotima, Ebène, Borodine, ...) et un compositeur mis à l'honneur: Wolfgang Rihm qui a écrit pas moins de 13 quatuors à cordes, et qu'on considère outre-Rhin comme un des musiciens qui comptent dans l'Allemagne d'après Stockhausen.

lundi 2 janvier 2012

Le Rateau et l'Alciste

Je connais un certain nombre de blagues d'altistes, on pourrait même dire que comme tout altiste du beau masqué, je les collectionne, non par masochisme mais par auto-défense. Lors d'un dîner en ville, si un quidam se lance dans une petite blague d'altiste pour briller auprès des dames, rien de mieux pour lui clouer le bec que de répondre par une autre dix fois plus drôle sur le même sujet.

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dimanche 1 janvier 2012

Les Chevauchées Lyriques de L'Oiseleur des Longchamps

En ce premier janvier, il convient de commencer en souhaitant à tous mes lecteurs, à ceux que je connais personnellement comme à ceux que je rencontrerai peut-être,  une excellente année 2012, en musique bien entendu.

Il convient aussi de rattraper un peu le retard impardonnable pris dans ce Journal en signalant avec six semaines de retard à peine la sortie d'un disque un peu spécial pour moi car c'est le premier auquel j'ai eu le bonheur de participer comme compositeur.

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Ce disque du baryton L'Oiseleur des Longchamps s'intitule Chevauchées Lyriques et c'est un beau récital qui traverse les genres et les époques avec le thème du cheval comme fil conducteur. Disque inclassable où l'on trouve des mélodies françaises assez connues (Chausson, Duparc, Debussy,  Saint-Saëns) ou au contraire beaucoup plus rares (Déodat de Séverac, Aimé Maillart, Olivier Greif, Frédéric Chopin), du lied allemand (Schubert, Schumann, Loewe), mais aussi de la chanson française contemporaine (Hughes Aufray, Georges Brassens) et même une pincée de rock (avec une reprise de Wild Horses des Rolling Sones). De plus L'Oiseleur des Longchamps a commandé deux mélodies spécialement pour cet album: une berceuse sicilienne à Frédérico Alagna ainsi qu'une mise en musique de Centaures de Marguerite Yourcenar (poème tiré des Charités d'Alcippe, publié aux éditions Gallimard) à votre serviteur.

Accompagné tantôt au piano par la fidèle et sensible Mary Olivon, tantôt à la guitare par Mathieu Scala, le baryton français sait donner une véritable unité à ce programme on ne peut plus original et éclectique: le fil conducteur, bien plus que le thème du cheval, c'est cette voix qui nous conduit d'une scène à l'autre, nous invite au voyage dans le temps et l'espace. En vingt numéros et presque autant de compositeur, c'est le portrait d'une voix qui est dressé dans ce disque.

Si vous ne me croyez pas sur parole (ma participation quoique modeste à ce projet me rend suspect de conflit d'intérêt, mais je n'aurais pas participé si la voix de L'Oiseleur des Longchamps ne me séduisait pas), je vous invite à écouter ce extrait du disque mis en images par Paul Gilbert qui avait filmé une des séances d'enregistrement:

L'Oiseleur des Longchamps et Mary Olivon seront en concert le 7 janvier prochain à 17 heures à Paris, à l'auditorium du CNR (14 rue de Madrid). Dans le cadre des concerts Cantus Formus ils chanteront (oui, Mary Olivon sait faire chanter son instrument, le pluriel au verbe chanter n'est donc pas abusif) plusieurs mélodies inédites d'Olivier Greif, une d'Anthony Girard, ainsi que mon Centaures. Le programme comporte également un quatuor à cordes de Jacques Boisgallais. L'entrée est libre, n'hésitez pas à vous faire du bien.

A lire également: critiques du disque sur les sites Appogiature et Forum Opéra.

mercredi 14 décembre 2011

La liberté ou la mort !

Samedi 17 décembre 2011, dans le cadre du festival Images Sonores organisé par le Centre Henri Pousseur, le département de cuivres graves du Conservatoire de Liège proposera plusieurs créations, dont celle d'une pièce pour quatre trombones et électroniques que m'a commandée Alain Pire. Extrait des notes de programme de cette pièce:

Le titre fait référence à un roman de N. Kazantzakis, mais cette pièce fut inspirée par les évènements connus sous le nom de “Printemps arabe” qui ne renversèrent pas que des gouvernements, mais aussi les préjugés que les Européens conservaient sur leurs voisins de l'autre côté de la Méditerrranée. Elle est respectueusement dédiée à la mémoire de Mohamed Bouazizi, le marchand de légumes de Sidi Bouzid en Tunisie qui en s'immolant par le feu le 17 décembre 2010 déclencha la révolution tunisienne et toutes les autres. Selon les mots de Hassen Mustapha, il a brisé le “mur de la peur”.

Ce n'est pas une pièce de musique descriptive, mais elle cherche à dépeindre les sentiments d'oppression, de souffrance, de lutte et finalement de triomphe qu'ont connu les combattants de la liberté dont le courage et l'abnégation sont une leçon admirable que les Européens devraient méditer.

La création de cette pièce aura lieu un an jour pour jour après l'immolation de Mohamed Bouazizi. Il est évidemment très frappant qu'elle intervienne la même semaine qu'un tragique fait divers qui frappe la ville de Liège en son coeur (la place Saint-Lambert). Comme le rappelle très justement le directeur de l'OPL, Jean-Pierre Rousseau dans son blog, Liège a vécu hier ce que des milliers d’Irakiens, d’Afghans, de Palestiniens, d’Israéliens et bien d’autres endurent régulièrement dans une indifférence quasi-générale.. On pourrait ajouter les Syriens, les Yéménites, les Birmans, les Coréens...

Quel leçon tirer de cette tuerie aveugle et insensée ? Pour ma part, outre une invitation à la compassion avec les victimes bien au-delà des frontières, j'y vois une mise en garde: le combat pour la liberté, la sécurité, les droits humains n'est jamais terminé. Rien n'est jamais acquis, et surtout pas la démocratie, cette vaste et fragile construction collective qu'il faut toujours réinventer.

Pour revenir au concert du 17 décembre, il aura lieu à 20h30 au Théâtre Royal Universitaire de Liège, et permettra d'entendre également des créations de mes camarades, comme Alithéa Ripoll, Gaëlle Hyernaux, Sarah Wéry, et Igor Kéfalidis.

Je recommande également très chaleureusement aux lecteurs Liégeois de ce journal le concert du jeudi 15 décembre (même lieu, même heure) qui sera un double portait des compositeurs Jean-Marie Rens et Gilles Gobert.

dimanche 11 décembre 2011

Escale à Liège pour le Hollandais Volant

Écouté dans la bonne ville de Liège la semaine dernière, Le Hollandais Volant, quatrième opéra de Richard Wagner, écrit en 1843, et sans doute la première oeuvre où sa personnalité et son style s'affirmèrent nettement, et où les fameux leitmotive, ces thèmes musicaux associés à un personnage ou une idée, furent utilisées systématiquement. Par rapport à Parsifal ou aux Maîtres Chanteurs, cet opéra possède en outre l'avantage de durer à peine plus de deux heures et d'y aller mollo sur le nationalisme allemand, ce qui en fait le candidat idéal pour l'initiation à Wagner.

Le Théâtre Royal de Liège étant en travaux, c'est sous un chapiteau que la représentation se déroule. On entend un peu les mâts du chapiteau grincer quand le vent les secoue, ce qui ma foi est tout à fait dans le thème de l'opéra (les sirènes de police qui traversent de temps à autre étant nettement moins dans le thème marin de cet opéra romantique). Première remarque, les étudiants à Liège ont droit à des places d'opéra à 7€ s'ils prennent un abonnement. Et ce ne sont pas des places de dernière catégorie mais de très bonnes places ! Par comparaison les rarissimes places à 10€ de l'Opéra Bastille font davantage figure d'alibi que d'effort véritable et sincère pour mettre la culture à porté des jeunes et des classes moyennes.

Le principal inconvénient du chapiteau n'est pas tellement dans les bruits extérieurs qui sont en fait assez peu gênants mais dans l'acoustique plutôt sèche qui laisse bien passer les voix et les instruments mais ne leur pardonne pas grand-chose et ne les enveloppe que d'une très mince réverbération. Cela étant dit j'aime écouter de façon très analytique, et le cours d'orchestration dispensé par un Wagner dont on sent bien que le sang lui bouillait dans les veines vaut le déplacement. L'orchestre ne démérite pas: j'aurais aimé de la part de Paolo Arrivabeni des tempi un peu plus enlevés notamment dans le prélude et tous les retours du thème du Hollandais; j'aurais aimé être emporté davantage par ces vagues irrésistibles, mais en dehors de cela les couleurs sont belles et l'orchestre soutient bien les chanteurs sans les couvrir. Côté plateau, c'est un peu inégal. Je ne vais pas jouer au critique musical et distribuer les bons et les mauvais points, disons seulement que je n'étais pas séduit de bout en bout. 

L'ensemble tiendrait tout à fait la route sans les choeurs qui ne sont pas très juste ni en place: en les écoutant je ne peux m'empêcher de penser à la transcription fantaisiste réalisé pour quatuor à cordes par Paul Hindemith du Prélude du Hollandais Volant, transcription dans laquelle le facétieux compositeur expressionniste a introduit décalages et fausses notes sensées reproduire l'effet d'une lecture à vue par un orchestre de station thermale à 7 heures du matin... J'ai l'impression pour faire justice aux choristes que le père Wagner ne les avait pas gâtés avec ces chants de marins plutôt casse-gueule, rapides, très tendus dans l'aigu, en concurrence avec un gros orchestre...

La mise en scène de Petrika Ionesco est assez classique (j'entends pas là qu'elle essaie de raconter la même histoire que le livret, sans chercher à la transposer dans un bar à putes de Berlin-Est dans les années 1960 ou autre genre de relecture post-moderne) et fonctionne très bien. Elle comporte beaucoup d'éléments visuels assez séduisants et évocateurs. En revanche les quelques séquences vidéos (qui représentent une mer houleuse) n'apportent pas grand-chose de plus. De même l'utilité des scènes mimées durant le prélude et le postlude orchestral est contestable: est-ce que la musique ne suffit pas à elle-même pour nous plonger dans l'ambiance durant les 5 minutes de la célèbre ouverture ?


Der Fliegende Holländer (Wagner) - Ouverture par operaliege

C'est tout de même assez gênant de vouloir à tout prix illustrer chaque seconde de musique par un mouvement scénique, comme si on était au cinéma et non au théâtre musical. Je trouve même ces scènes contre-productives car elles apportent une vision des choses qui peut être limitative: ainsi le tableau final est celui du père de Senta pleurant sa fille dans un cimetière: c'est très touchant, mais la musique raconte tout autre chose: Wagner reprend le thème du Hollandais volant pour la première fois en ré majeur: c'est donc la rédemption et une sorte de triomphe de l'amour dans la mort, au-delà de la mort dont il s'agit. Mais comment l'exprimer avec des images ? Parfois le mieux est de laisser la musique parler et l'esprit du spectateur, repu d'images et de musique, vagabonder plus librement. En résumé cette belle mise en scène pèche un peu par excès.

Ce spectacle sera repris en streaming sur internet les 17 et 18 décembre prochain.

dimanche 4 décembre 2011

Les sourds, la musique et les implants cochléens

A voir sur le site TED, une conférence de Charles Limb (en anglais non sous-titré) sur le thème de l'audition de la musique par les personnes ayant reçu un implant de la cochlée (une partie de l'oreille interne). Avec les progrès spectaculaires réalisés dans ce domaine (Charles Limb rappelle que l'audition est des cinq sens celui que l'on sait le mieux réparer ou appareiller), même des gens qui étaient sourds de naissance n'ont aucun mal à suivre une conversation. Mais la musique exige des capacités plus étendues dans la perception des fréquences et des intensités: si l'on n'entend pas bien les fréquences aigües par exemple, même le son de la contrebasse est altéré au point qu'on ne saura pas le distinguer de celui du tuba. Et si la perception des hauteurs n'est pas assez précise, toute l'harmonie, avec sa gestion savamment calculée des dissonances et consonances, passe à la trappe.

Oreille-Interne-Schema.jpg

La musique constitue donc le nouveau défi pour la chirurgie de l'oreille interne: il s'agit de restaurer toutes les fonctions d'un organe qui ne sert pas seulement à communiquer ou à prévenir d'un danger, mais aussi à reconnaître et apprécier la beauté. Et comme le remarque Charles Limb, la musique va bien au-delà de l'audition, elle mobilise aussi la mémoire, les émotions, le sens du mouvement. Sans quoi Beethoven n'aurait pas pu composer quatuors et symphonies plus de trente ans après être parvenu à une surdité complète. 

David_Lodge_la_vie_en_sourdine.jpgComme le remarque l'écrivain David Lodge dans La Vie en Sourdine (traduit de l'anglais Deaf Sentence), alors que l'aveugle suscite spontanément la compassion, le sourd provoque plus souvent l'irritation ou la moquerie. Pourtant, étant privé de la communication verbale comme de la capacité à écouter de la musique ou à en jouer, les personnes atteintes de surdité souffrent peut-être d'un isolement encore plus grand. Comme me le confiait un jour une personne très croyante en parlant de sa conception du paradis: "J'espère qu'il y aura Mozart. Sinon, ça ne vaut pas vraiment le coup".

lundi 28 novembre 2011

L'Orchestre National d'Île de France au pain sec

Après les orchestres de la radio néerlandaise (qui n'ont pu être sauvés qu'à moitié comme le savent les lecteurs de ce journal), c'est aujourd'hui l'Orchestre National d'Île de France qui appelle au secours. Le ministère veut réduire d'un tiers sa subvention (qui tourne autour de 2 millions d'euros annuels si j'ai bien saisi).

Avec la mode aux "plans de rigueur" dans les budget publics en Europe, il est à craindre que bien d'autres formations se voient ainsi amputées d'une partie de leur budget. Il est en effet plus facile de couper le robinet des subventions que d'arriver à réaliser des gains de productivité dans la fonction publique. Et c'est souvent la culture qui pourtant représente une part très modeste de la dépense publique qui est sacrifiée en premier. Le côté tragique de cette farce budgétaire est qu'il faut une génération au moins (25 à 30 ans) pour mettre sur pied un bon orchestre professionnel: casser un si bel outil culturel pour économiser quasiment rien parce qu'on est en bas de cycle économique, c'est à hurler tellement c'est bête.

Donnons quelques chiffres pour avoir une idée des ordres de grandeur en question: 

  • Le budget 2012 demandé par l'Hadopi s'élève à 12 millions d'euros. 12 millions pour tenter de décourager le "piratage" de musique sur Internet et "encourager" le développement d'une offre légale de musique en téléchargement (offre légale qui s'encourage très bien toute seule, car elle connaît une croissance à deux chiffres depuis plusieurs années).
  • Le budget "spectacle vivant" du ministère de la culture pèse 663 millions
  • Le budget 2011 de la Région Île de France a été voté à 4,6 milliards. Les premiers postes de dépense sont le transport, les lycées, la formation. Avec 55 millions, la culture représente un peu plus d'un pour cent, autant dire que ça n'est pas ça qui ruine le contribuable francilien.

Un orchestre symphonique n'est pas rentable par nature: avec 60 ou 90 musiciens sur scène, pas possible de rentrer dans les frais avec le prix des billets. A titre de comparaison, les concerts données par des orchestres ou chorales amateurs à Paris sont souvent vendus à 15 ou 20 euros la place, pour payer la location de la salle et le cachet du chef et des solistes quand il y en a. 

Et les possibilités de trouver de l'argent en dehors des concerts sont plutôt limitées en France. Le mécénat ? Il reste peu développé comparé aux Etats-Unis pas exemple. La télévision ? Les concerts de musique classique sont rarissimes sur les chaînes nationales. La radio ? Radio France va surtout travailler avec ses deux orchestres (le National et le Philharmonique). La mendicité dans le métro ? Un créneau déjà surexploité. 

Sans le soutien des collectivités locales et de l'Etat, un orchestre professionnel a peu de chances de survie dans notre pays aujourd'hui. Répétons-le: le coût pour le contribuable du soutien à la culture est très modeste. Au niveau local comme national, le budget total de la culture (qui inclut tous les styles de musique mais aussi la danse, les arts plastiques, les manifestations festives, etc) représente rarement plus de 1% de la dépense. C'est très peu, surtout si l'on prend en compte l'effet de levier, c'est à dire l'impact de l'offre culturelle sur l'attractivité d'un territoire, le tourisme, et l'économie en général. En 2005, lorsque les intermittents du spectacle ont bloqué le festival d'Avignon, les hôteliers ont pu prendre toute la mesure de cet effet de levier, lorsqu'ils ont vu leur chiffre d'affaire chuter de moitié ou plus.

Je ne suis pas un grand fanatique des pétitions en général, et me méfie des pétitions sur Internet. D'abord, soyons honnêtes, une pétition avec 400.000 noms récoltés sur Internet n'a même pas la valeur qu'auraient ces 400.000 noms imprimés sur du papier toilette (surtout quand elles sont obtenues en manipulant les internautes). Si vous avez assisté récemment à un concert de l'ONIDF, je vous invite plutôt à prendre une vingtaine de minutes pour rédiger une courte lettre personnalisée au Ministre de la Culture: "cher M. Mitterrand, j'ai assisté le tant à tel endroit à un concert de l'ONIDF, ils jouaient Beethoven et Stravinsky, c'était vraiment épatant, j'en avais la larme à l'oeil tellement c''était beau. S'il vous plaît ne mettez pas les artistes qui constituent ce bel ensemble au pain sec. Veuillez agréer, cher Monsieur, etc". Ensuite l'imprimer, la signer, l'envoyer à l'ancienne par la Poste au 3 rue de Valois. Une centaine de lettres de ce genre auront certainement plus d'impact que 3 millions de "I like" dans Facebook.

lundi 21 novembre 2011

"Quand allez-vous arrêter de nous emmerder avec votre Messiaen ?"

Lu dans Le Monde de ce jour, un portrait de Roger Muraro. Où l'on apprend que ce fils d'immigrés italiens a commencé le saxophone, et par hasard - il n'y avait plus de place dans le club de foot, le piano presque tardivement (à 10 ans) et en autodidacte. Plus tard il rencontre Yvonne Loriod qui ne tardera pas bien sûr à l'initier à la musique de Messiaen. Musique dont il reste un grand spécialiste, notamment par une intégrale discographique de l'oeuvre pour piano seul qui demeure une référence.

C'est Barenboïm qui lui aurait dit à Berlin, après une Tûrangalilâ donnée en 2008 pour le centenaire du compositeur français: "Quand allez-vous arrêter de nous emmerder avec votre Messiaen ?". Une franchise salutaire dont apparemment Muraro ne lui garde aucune rancune, bien au contraire. Depuis il joue davantage Ravel, Liszt (notamment la très athlétique réduction de la Symphonie Fantastique de Berlioz), Gershwin, Fauré, Schumann et Mozart, pour notre plus grand bonheur. Manière de nous rappeler qu'il est un pianiste accompli et pas seulement le spécialiste d'un répertoire réduit à un seul nom.

Cela étant posé, quand je réécoute les Vingt Regards ou le Catalogue d'Oiseaux dans la version Muraro, je ne m'emmerde pas une seule seconde. Grâces soit rendues au compositeur et à l'interprète qui ont travaillé avec un tel dévouement pour donner vie à cet univers magique et mystérieux dans lequel on se plonge avec délices !

samedi 19 novembre 2011

Sauvons les cordes en boyau de la vache folle

Amis pétitionneurs, bonjour. Après avoir sauvé la Recherche, les bébés phoques, les orchestres de la radio néerlandaise (enfin, pas complètement hélas) et défendu le droit au silence, il vous reste du boulot.

Non, je ne parle pas de notre crypto-ministre aux affaires étrangères BHL et de sa récente (quoique encore virtuelle) déclaration de guerre à Bachar El-Assad. Quel infatigable va-t'en guerre, celui-là...

Je parle d'un sujet plus consensuel à défaut d'être plus important: les cordes de violon en boyau. Elles grincent légèrement, ont une sonorité aigrelette, une certaine propension à se désaccorder ou lâcher au milieu d'un concert, mais on les aime et on ne peut pas s'en passer. Que voulez-vous, elles sont plus souples, moins uniformes que les cordes "tout métal", elles ont un son différent. Et surtout, elles sont d'époque. Alors pour jouer Lully ou Vivaldi, c'est comme les perruques et les chandelles: on ne saurait s'en passer.

Ne vous fiez pas à l'ironie apparente de ce billet pour en déduire que je méprise la musique sur instruments anciens. Je l'ai déjà dit, c'est tout le contraire: quoique ma sensibilité personnelle me pousse à préférer la musique d'aujourd'hui, les trucs bizarres ou électro-acoustiques, le travail sur le son est essentiel pour le musicien. Que le musicien en question travaille à l'Inter-Contemporain ou au Centre de musique baroque de Versailles, son métier est avant tout de sculpter le son.

plantu_53.jpg Or ces cordes en boyau sont menacées par des règlements européens qui limitent fortement (en fait interdisent complètement) l'utilisation des boyaux de boeuf. Ces mesures ont été bien sûr utiles pour lutter contre l'encéphalite spongiforme bovine (plus connue comme maladie de la vache folle) mais elles sont en train de tuer ce marché de niche qu'est la fabrication de cordes de violon et violoncelle pour instruments à l'ancienne. Les importations depuis Argentine restaient autorisées, mais pas de chance, le fournisseur vient de faire faillite. Les fabricants de corde, une poignée de PME aux abois, adressent une pétition à la Commission Européenne pour que leur profession ne soit pas l'innocente victime collatérale de mesures sanitaires par ailleurs justifiées. Ils rappellent au passage que leurs entreprises exportent des cordes (qui sont tout à fait sans danger pour la santé, si l'on exclut les crises de classiquite aigüe de symptôme baroquisant) et que par conséquent les assassiner à cause d'un bug de la machine technocratique conduirait à creuser le déficit commercial de la zone euro...

En un mot: signez.

jeudi 17 novembre 2011

Charlotte

J'ai rencontré Charlotte il y a un certain nombre d'années - dix-sept, pour être précis. Elle jouait de la flûte dans l'orchestre Ut Cinquième que je venais de rejoindre et qui depuis est devenu comme une seconde famille pour moi.

Je me souviens de son rire, de son sourire immense et rayonnant - en fait je n'arrive pas à me rappeler l'avoir vue autrement que souriante. Ce qui dénote certainement une certaine force de caractère. Je me souviens de ses cheveux toujours en bataille, du timbre particulier de sa voix, de ses chamailleries incessantes mais toujours amicales avec Philippe, l'autre flûtiste.

Combien de concerts d'orchestre avons-nous pu donner ensemble ? Dix par an en moyenne, une centaine au bas mot. Le concert est un moment particulier, il y a tous ces déplacements, déménagements, préparatifs, les applaudissements, le chef qui salue le public, le silence et puis... une alchimie qui transforme ces profs, avocats, informaticiens, vendeurs en artistes, qui les fait vibrer à l'unisson quoique sans paroles. Même lorsqu'il y a 60 personnes sur le plateau, le concert est un moment d'intimité partagée, où la personnalité profonde des uns et des autres se révèle et s'épanouit. Dans le cas des ensembles comme Ut Cinquième où le plaisir de jouer ensemble est la seule motivation des musiciens, ce sont aussi des moments amicaux et généreux partagés avec le public.

Je me souviens de Charlotte enceinte, rebondie comme un ballon, plus rayonnante que jamais. Ce gros ventre n'est-il pas un peu gênant pour jouer de la flûte ? Non, me répond-elle, au contraire, ça aide à stabiliser la colonne d'air. Et à calmer le bébé qui cesse de donner des coups de pieds !

Je me souviens aussi des bouts de chou qu'elle amenait en concert ou en répétition, qui grandissait comme par magie d'une année sur l'autre. Nous n'étions pas particulièrement proches, je ne connaissais pas sa famille et j'ignorais même sa passion pour l'alpinisme. C'est qu'elle n'aimait pas trop se vanter, parler d'elle, se mettre en avant. Souriante, avenante même, mais discrète et simple.

Elle a trouvé la mort il y a quelque jours dans le massif du Mont Blanc, en compagnie d'un guide et ami qui a péri lui aussi dans la tempête.

Nous étions réunis ce matin à Sainte Clothilde pour la messe d'enterrement. L'immense et froide basilique s'est révélée trop petite pour qu'on puisse assoir tout le monde. Famille, amis, musiciens, alpinistes, collègues... et au premier rang, son mari et ses deux enfants. C'est aux enfants que s'adresse le prêtre dans son homélie, leur expliquant avec des mots simples que cette petite foule rassemblée autour d'eux l'était par le miracle de l'amour que leur mère leur portait. 

En écoutant ces paroles, je crois avoir un élément de réponse à la question qui me taraude à chaque fois que j'assiste à une messe d'enterrement: à quoi bon ? A quoi bon tout ce tralala quand il n'y a plus rien à faire, rien à dire, que tout est fini ? Indépendamment des convictions que chacun peut avoir sur la destination de ce voyage que nous entreprenons tous tôt ou tard et dont personne n'est revenu, une cérémonie d'enterrement a sans doute une valeur pédagogique. Elle permet à chacun de constater, incrédule, que c'est bien fini, que cette personne qu'on a connu vivante, amicale, chaleureuse, proche est désormais séparée de nous, et de son propre corps qu'on a mis dans cette boîte en bois joliment décorée, ornée de fleurs blanches. L'évidente matérialité de ce corps qu'on entoure sans pouvoir le réchauffer rend solennelle la séparation, tout en encourageant les vivants au courage et à la compassion.

Durant cette cérémonie, nous avons joué Bach (concerto pour hautbois et violon) Mozart (concerto pour clarinette) et une pièce de Zino Francescati pour violon et cordes que je découvrait (manifestement ce musicien, à l'instar d'Adolf Busch ou Fritz Kreisler, était aussi compositeur à ces heures). L'hommage rendu par ses amis musiciens à Charlotte ne s'arrêtera pas là. Il est d'ores et déjà prévu de dédier les prochains concerts de l'orchestre à sa mémoire. Il y a également une pièce pour flûte que j'ai écrit pour l'occasion et dont nous reparlerons.

Au revoir, Charlotte. Au revoir et merci. 

mercredi 9 novembre 2011

Zéro sur vingt pour l'élève Ferry

Entendu hier matin sur les ondes de Radio France, Luc Ferry, philosophe et ancien ministre de l'éducation nationale. Lequel présente apparemment tous les symptômes de la classiquite aigüe. Notamment celui-ci (désolé pour l'auto-citation): toute évocation de la musique contemporaine déclenche une phrase où figure les mots "Boulez" et "caca". Et ça n'a pas loupé, on s'est retrouvé en pleine caricature du stéréotype: l'ex-ministre a mentionné Le Marteau sans Maître jugé ennuyeux et implicitement moche car il affirme d'emblée une conviction: la musique ça doit être beau. Propos illustré par le très délicat Après un rêve de Gabriel Fauré joué au violoncelle par Micha Maïsky.

Il n'y a pas de mal à se faire du bien. Personnellement j'aime beaucoup la musique de Fauré, dont mon professeur Michel Merlet disait souvent qu'il est le meilleur professeur d'harmonie qui soit, avec Frédéric Chopin. Il est vrai qu'on apprend beaucoup plus en décortiquant les pièces pour piano de Fauré ou Chopin et en essayant d'imiter leur style qu'en harmonisant les ignobles mélodies et basses obligées de Challan et autres horreurs pratiquées dans les classes d'harmonie. La musique de chambre, les mélodies de Fauré comportent de véritables bijoux.

Cela étant posé, qu'est-ce que beau veut dire exactement, rapporté à la musique ? Si beau est synonyme de tonal, nous sommes devant une vision particulièrement étroite et surtout passéiste de la musique. En effet, je l'ai déjà expliqué dans ce journal, la musique tonale ayant perdu son caractère universel et obligatoire, elle n'existe plus, elle est bel et bien morte. Et cela bien que de très nombreuses compositions contemporaines utilisent des éléments de musique tonale (elles sont largement majoritaires en nombre par rapport aux compositions atonales). C'est notre oreille collective qui a changé, un point c'est tout.

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Ensuite, est-ce que la musique se doit d'être belle, et uniquement belle ? Est-ce que nous musiciens devons nous restreindre à ce qui est harmonique, doux, mélodieux, euphonique voire gentiment soporifique ? La musique a cette fonction bien sûr mais est-ce la seule ? Ne peut-elle pas exciter et provoquer comme elle sait apaiser ? Le fracas, la fureur et la violence qu'on trouve dans les autres arts (peinture, cinéma, théâtre) doivent-ils en être exclus ? Ne saurait-il y avoir d'équivalent musical du Cri d'Edvard Munch, des nus obscènes d'Egon Schiele ou encore des évêques hurleurs de Françis Bacon ? Lorsqu'on place un néophyte devant ces toiles, l'épithète 'beau' n'est pas celui qui vient spontanément. Néanmoins, nul et pas même Luc Ferry ne songerait à nier que ces toiles ont une valeur artistique et émotionnelle, qu'elles ont des choses importantes et même essentielles à nous dire. Et ce philosophe de formation devrait le savoir: moi même qui ne suis pas un crack en philo, si je ressort mon Gourinat, dans les toutes premières pages du chapitre consacré à l'art, on trouve ce constat: l'art ne saurait être défini seulement par la recherche du beau. Un grand nombre d'oeuvres contemporaines montrent même une prédilection pour l'horrible et le laid.  La musique d'aujourd'hui ne comporte pas que des berceuses en style tonal, et alors ? Sommes-nous encore des enfants incapables de faire face à la violence stylisée et magnifiée dans l'art ?

L'exemple du Marteau sans Maître est particulièrement mal choisi. C'est une musique intimiste et délicate, dont les couleurs sonores sont assez debussystes au fond. Elle n'utilise que des instruments doux et délicats (alto, guitare, flûte, xylorimba). Elle est en parfaite adéquation avec le texte de René Char qui est une petite merveille lui aussi. Simplement c'est une musique faite de points et non de lignes mélodiques ou de progressions harmoniques. Pour l'apprécier il faut renoncer à chercher les accords et formules tonales auxquels notre oreille est accoutumée, et goûter chaque note, chaque son pour lui-même. De l'avis général, dans le style pointilliste des années 1950 c'est à peu près ce qui s'est fait de mieux.

De fait la posture adoptée par Luc Ferry - posture stéréotypée, nous l'avons dit - n'est pas celle de la détestation d'une musique qu'il connaîtrait, mais du refus par principe de la connaître. Les seuls noms qu'il a cité sont Bartok, Strawinsky, Schönberg, Boulez et concernant les théoriciens, Adorno et Leibowitz. Autrement dit on est dans les années 1940 et 1950: les polémiques autour de la musique sérielle et de l'émancipation de la dissonance avait du sens à l'époque où notre philosophe apprenait à marcher (il est né en 1951) sont aujourd'hui totalement dépassées. La musique spectrale entre autres (j'y reviendrai) a totalement remis à plat les notions de consonance et dissonance. Enfin et surtout, dans les 50 dernières années, des centaines d'oeuvres magnifiques ont été composées, dans tous les styles. J'ai un peu de réticence à lancer une liste de noms, car je vais en oublier beaucoup, mais il faudrait que Luc Ferry balance ses bouquins d'Adorno et Leibowitz à la poubelle et commence à écouter sérieusement et sans préjugés Messiaen, Dutilleux, Saariaho, Harvey, Murail, Radulescu, Cage, Berio, Levinas, Kurtag, Bacri, Etvos, Bertrand, Hersant, Beffa et tant d'autres. Cela demande des efforts car la musique d'aujourd'hui ne connaît pas la diffusion qu'elle mérite, la programmation des salles de concert étant composée à 95% d'oeuvre écrites il y a 100 ans et plus, le "contemporain" étant confiné dans le ghetto des festivals et concerts dédiés. Mais cela évite d'étaler publiquement son inculture à la radio...

Verdict du jury: zéro sur vingt. Cours à revoir.

lundi 31 octobre 2011

De Giacinto Scelsi à Christophe Bertrand avec Vincent Royer

L'altiste français Vincent Royer est un des grands spécialistes du répertoire spectral qu'il affectionne particulièrement. En particulier il a bien connue Horatio Radulescu qui lui a dédié Lux Animae pour alto seul.

Son dernier disque, paru en juin dernier, est consacré à Giacinto Scelsi et comporte l'enregistrement de toutes les pièces pour alto du maître italien qu'on voit aujourd'hui comme un des précurseur du mouvement spectral. Il en parlait ce soir à la radio Musiq3 (RTBF), émission que l'on peut podecaster comme il se doit. Je vous laisse découvrir par vous-même les qualités de cet artiste passionné, généreux et engagé s'il en est.

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(photo Serge Verheylewegen)

Il sera également à Bruxelles au Botanique le 3 novembre prochain, et à Clermont-Ferrand le 5 novembre. Dans le cadre du festival Musiques démesurées, il assurera la création "Arashi", une pièce du très brillant et très regretté Christophe Bertrand.

vendredi 28 octobre 2011

Pour le droit au silence

Le silence est d'or, dit le proverbe. Comme le métal précieux, son cours risque la bulle spéculative tant il est devenu rare en comparaison d'une demande qui ne faiblit pas.

Notre époque se caractérise par l'invasion du bruit. Trains, avions, voitures, tondeuses à gazon ou souffleuses de feuilles: des millions de moteurs investissent et polluent l'espace sonore des villes, devenu d'une laideur ignoble que seule une forte accoutumance permet encore de supporter. Mais le pire des bruits, c'est bien sûr la musique. Musique que les machines peuvent amplifier et reproduire jusqu'à la nausée. Musique de remplissage, d'ambiance, d'ascenseur, de supermarché, produite au kilomètre et reproduite à l'infini, jusqu'à saturer la moindre parcelle d'espace sonore et nous faire perdre toute capacité à entendre notre silence intérieur, si essentiel à l'équilibre mental et physique.

Tout comme la voix parlée, la musique dérange plus que les bruits mécaniques ou naturels car elle sollicite l'attention: elle met en branle, qu'on le veuille ou non, ces zones du cerveau qui nous permettent de capter le rythme, le timbre, les hauteurs, de suivre les lignes mélodiques et de reconnaître les paroles (tout cela simultanément, ce qui constitue une petite prouesse de calcul parallèle, soit dit en passant). La musique subie provoque facilement des réactions agressives car il n'y a pas vraiment moyen de s'y soustraire: on ne peut pas détourner les oreilles comme on détourne le regard d'une scène pénible à voir. De même pour la parole, et spécialement les conversations téléphoniques car encore une fois notre cerveau, entendant la moitié d'une conversation, travaille instinctivement à imaginer l'autre. La voix parlée des publicités est spécialement pénible car elle a été travaillée afin de mieux capter l'attention: débit élevé, accents sur toutes les syllabes, compression dynamique (la compression consiste à trafiquer le signal sonore pour forcer le volume au maximum à chaque milli-seconde), slogans répétitifs et bien souvent "musicalisés"...

Les musiciens et mélomanes doivent être les premiers à s'insurger contre cet extrême abaissement de la musique ravalée au rang de remplissage sonore que personne n'écoute et que la plupart ne voudraient pas entendre. Il faut donc signer les pétitions comme celle-ci, initiée par Jean-Michel Delacomptée et destinée à la RATP. Il ne faut pas se priver en plus d'envoyer des messages au service commercial pour les insulter copieusement jusqu'à ce qu'ils débranchent ces fichus robinets à pollution sonore et restaurent la neutralité acoustique des lieux publics et la simple possibilité pour nous d'un minimum de sérénité intérieure.

mardi 25 octobre 2011

Figment IV d'Eliott Carter pour alto seul

Voici un nouveau billet pour compléter la série consacrée au répertoire pour alto seul des XXe et XXIe siècles, série que j'ai tendance à négliger comme ce journal du reste, non par manque d'idées ou de matériaux mais plutôt de temps pour écrire des billets instructifs et parfois même drôles.

Il se trouve que je suis en ce moment en train de chercher des pièces écrites après 2000 pour un nouveau programme destiné à montrer la richesse et la diversité de ce qui s'écrit aujourd'hui. En 2011 il me semble en effet approprié qu'on arrête de considerer Webern ou Xenakis comme de la musique "contemporaine". En essayant d'inculquer quelques notions à mes filles qui sont maintenant adolescentes, je me suis rendu compte qu'il leur est très difficile de se figurer les enjeux d'évènements historiques comme la crise des missiles de Cuba ou la chute du Mur de Berlin. Ou la teneur des débats entres jésuites et jansénistes autour de la grâce nécessaire et la grâce suffisante du temps de Blaise Pascal. Il est tout aussi difficile pour un jeune musicien de se figurer ce que les débats qui agitaient les compositeurs de l'ère post-sérielle au début des années 1960 peuvent avoir d'actuel. Le vingtième siècle, avec ses stars, ses courants esthétiques, ses chefs-d'oeuvres et ses scandales, est maintenant derrière nous. Place à la musique d'aujourd'hui, c'est à dire au vingt-et-unième siècle !

Cela étant posé, c'est une courte pièce écrite en 2007 par un jeune homme qui venait de fêter ses 99 ans que j'aimerais vous présenter aujourd'hui: Figment IV d'Eliott Carter. Le terme figment fait référence à l'imagination, comme le révèle l'exemple choisi par le Merriam-Webster pour l'illustrer:  unable to find any tracks in the snow the next morning, I was forced to conclude that the shadowy figure had been a figment of my imagination. On pourrait donc traduire ce titre par Invention ou Fantaisie. Elle est dédiée à Samuel Rhodes. Le chiffre IV indique que cette pièce fait partie d'une série ou l'on trouve actuellement deux pièces pour violoncelle, une pour contrebasse, et une pour marimba.

Dans ce qu'on pourrait appeler un style sériel libre, Carter fait chanter l'instrument de manière aussi simple qu'efficace. Il arrive à échapper à toute banalité en n'utilisant que les ressources nobles de l'instrument (le jeu de l'archet, sans abus des modes de jeux exotiques du type col legno, sul pont, etc). Si vous ne me croyez pas écoutez donc cette version postée sur Youtube par l'excellent John11inch (mais dont on ne connaît malheureusement pas l'interprète):

Chapeau, monsieur Carter. Thumb up. Pas de félicitations en revanche pour Boosey & Hawkes qui m'ont fait commander sur internet, envoyer un mail, recevoir un formulaire, le renvoyer par la poste, et payer 21 euros pour 2 pages de partitions. Ceux-là n'ont manifestement pas compris qu'on est au vingt-et-unième siècle et qu'il existe un format de fichier appelé PDF.

Je reprendrai cette série prochainement avec György Kurtág, lequel a publié non pas une mais une vingtaine de pièces pour alto seul dans un recueil intitulé Jeux, Signes, Messages en 2005.

mardi 11 octobre 2011

Un petit bout de Métamorphose

Il est sept heure moins quart, je suis encore tout engoncé de sommeil, maman me réveille mais sa voix sonne bizarrement... et quelle drôle de sensation ! que m'arrive-t-il ? à qui sont ces pattes insectoïdes ? où sont passées mes mains ?

La Métamorphose de Kafka, relue par Novarina, mise en musique par Michael Lévinas dont c'est le troisième opéra, a été créée en mars 2011 par l'ensemble Ictus puis diffusée sur France Musique. Pour ceux qui l'auraient manqué, l'ensemble a publié sur son blog des extraits d'un disque en préparation. Instruments acoustiques, sons synthétiques, voix retravaillées: tout se mêle en une étrange alchimie propre à rendre l'atmosphère cauchemardesque et surréaliste de la nouvelle de Kafka. Je vous recommande en particulier le dernier extrait (« la bête est crevée, bien crevée ») lugubre à souhait.

A ceux et celles qui se demanderaient dans quelle direction la musique peut bien aller en ce début de XXIe siècle, après avoir été sérielle, concrète, stochastique, post-moderne, spectrale et j'en passe, l'opéra de Lévinas peut donner des éléments de réponse. Grâce aux courage des défricheurs comme Pierre Henry et tant d'autres, la musique électronique est maintenant parvenue à une forme de maturité qui permet d'intégrer le travail avec les instruments acoustiques et le travail sur le son; qui permet également le retour de la voix au coeur du projet de composition

Le métier du compositeur évolue aussi, car il doit travailler un nouveau type de musiciens qui l'aident à produire des sons synthétique ou retravailler les sons captés. Sans devenir forcément un expert, il doit maîtriser suffisamment certains outils pour les intégrer à sa palette. Au fond, l'ampli, la mixette, l'ingé son et les 60 mètres de câbles qui viennent avec deviendront peut-être partie intégrante de tout ensemble de musique contemporaine, comme c'est le cas depuis longtemps déjà dans la musique populaire.

Quoi qu'il en soit, c'est un grand coup de chapeau que méritent les créateurs de cet opéra contemporain. Bravo !

lundi 10 octobre 2011

Hélène Grimaud à la Philarmonie de Liège

Nos amis belges n'ont toujours pas de premier ministre (bien que les négociations avancent, paraît-il) mais il auront bientôt le plaisir d'écouter Hélène Grimaud (le 22 octobre prochain) à la Philarmonie de Liège, non avec le Philharmonique d'ailleurs mais avec l'Orchestre National de Belgique (qui accompagne entre autre les lauréats du célèbre concours reine Elisabeth). Elle se produira dans le premier concerto de Brahms, une valeur sûre à défaut d'être un choix particulièrement original. Le reste du programme l'est davantage avec la 3e symphonie d'Albert Roussel et une ouverture de Jacques Leduc.

J'avoue être un peu surpris lorsque la pianiste française affirme dans une interview vidéo qu'elle allait « à contre-courant » choisissant de jouer Brahms. Vraiment ? Comme anti-conformisme on a déjà vu plus forcené ! Je veux dire par là que Johannes Brahms, lorsqu'il joua lui-même ce concerto à Hanovre en janvier 1859, a de vrais risques par rapport aux goûts du public de l'époque: lequel public ne s'est pas privé de siffler copieusement cette musique jugée « incompréhensible ». Mais aujourd'hui, un siècle et demi plus tard, le moins qu'on puisse dire est que ce concerto est entré dans le répertoire. Il a été joué par des centaines, peut-être des milliers de pianistes dans le monde entier, enregistré en disque, diffusé à la radio, sans doute même utilisé dans des publicité pour déodorant industriel ou des musiques d'attente téléphonique... si ça n'est pas rentré dans l'oreille collective, tout ça, je veux bien qu'on m'appelle Engelbert (Humperdinck pour les intimes).

Madame Grimaud, je sais bien que vous avez mieux à faire que de lire des idioties dans les blogs, néanmoins un ami commun aura peut-être la gentillesse de vous transmettre ma demande. Je n'ai franchement aucun reproche à vous faire, tout ce que j'ai entendu de vous était impeccable: Brahms (les Intermezzi surtout), Bach, Beethoven... Je suis un peu mal à l'aise avec tous ces sites de fans qui montrent à gogo vos photos moitié intello moitié sexy, comme si votre toucher ne suffisait pas à séduire, mais j'imagine que vous êtes vous aussi un peu mal à l'aise devant cette starification même si elle vous est profitable professionnellement. 

Quoi qu'il en soit, la prochaine fois que vous viendrez à Liège, adoptez s'il vous plaît l'attitude de liberté et d'aventure qui y subsiste encore, presque 10 ans après la disparition d'Henri Pousseur. tonnez-nous ! Jouez des oeuvres peu connues, testez un peu la résistance de votre public avec les études de Ligeti ou la 3e sonate de Boulez, la résistance de votre piano avec les Klavierstück de Stockhausen; faites partager au public la délicate poésie des pièces de Kurtag ou celle, plus massive et affirmative, de Messiaen; je ne sais pas moi, faites-nous découvrir quelque jeune compositeur (ou compositrice) totalement inconnu; terminez par une impro si vous le souhaitez, essayez-vous au jazz ou au style manouche si ça vous fait envie. En un mot, démontrez-nous que vous êtes une musicienne et pas seulement une pianiste. Que vous êtes une artiste et pas seulement une représentante haut-de-gamme de ce qu'on produit maintenant en série dans tous les Conservatoires du monde (à ce propos, gare à la redoutable concurrence venue d'Asie...). Alors, chiche ?

vendredi 7 octobre 2011

Comment écrire un tube ?

Comment écrire un tube ? Une mélodie, un petite chanson qui va instantanément se fixer dans la tête des auditeurs, leur donner envie de chanter ou de danser (et peut-être même se transformer en virus auditif impossible à oublier). Voilà une question qui a certainement occupé les musiciens pendant de longs siècles, depuis les compositeurs d'opéra jusqu'à ceux qui écrivent les chansons de Johnny ou encore les musique de film. Curieusement elle ne semble guère préoccuper les compositeurs de musique sérieuse ou avant-gardiste, qui semblent avoir depuis longtemps renoncé à donner à faire chanter ou danser leur auditoire, engagés qu'ils sont dans des recherches trop abstraites (ou trop concrètes) sur le son lui-même.

Comment faire, donc ? Quelle est la recette miracle ? Comme l'aurait dit le regretté Pierre Desproges, que Dieu me tripote si je le sais ! Nous voilà en face d'un vrai mystère. L'harmonie, le contrepoint, l'instrumentation, voilà qui s'apprend et qui s'enseigne dans tous les conservatoires; la construction d'une mélodie est un sujet plus délicat, bien que certains compositeurs l'intègrent à leur enseignement (nous y reviendrons dans un autre billet). Construire une ligne mélodique solide, l'harmoniser au poil et l'instrumenter aux petits oignons, tout professionnel sérieux sait le faire. Mais trouver le petit truc tout simple qui fait mouche ? Les plus grands compositeurs comme les autres ont dû s'en remettre au hasard, à la divine inspiration.

Un exemple parmi mille ? Jean Sibelius, s'étant fait copieusement arnaquer par son éditeur au sujet de la Valse Triste (Marc Vignal raconte dans sa biographie qu'avec les droits de cette seule pièce, qui a été jouée des milliers de fois et arrangée pour toutes les combinaisons instrumentales ou presque, il aurait pu gagner très confortablement sa vie jusqu'à la fin de ses jours, au lieu de quoi il a touché une commission modeste à la livraison et plus rien par la suite), Jean Sibelius, disais-je, a essayé d'écrire d'autres Valses; il a tenté de reproduire cette émotion délicate et ambigüe qui se dégage des premières mesures; en vain. Jamais il n'a égalé ce petit chef-d'oeuvre.

D'ailleurs, un musicien qui est en train de trouver un air génial, le sait-il vraiment au moment où il le couche sur le papier ? A-t-il conscience qu'il est en train de faire quelque chose de différent ? Sans doute Mozart, en écrivant le thème qui ouvre sa 40e symphonie en sol mineur, le trouvait plutôt réussi, mais en quoi se distingue-t-il vraiment des thèmes utilisés dans les autres symphonies ? L'analyse est impuissante à l'expliquer (je vous invite néanmoins à lire cet excellent article sur le blog de Djac Baweur  qui abonde en remarques des plus pertinentes sur ladite symphonie).

 

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Heureusement, là où les hommes de l'art se sentent démunis, la science peut prendre le relais. Deux chercheurs britannique et américains prétendent avoir trouvé comment une combinaison de neuroscience, de mathématiques et de psychologie cognitive peut produire l'insaisissable élixir de la parfaite chanson que l'on va tous connaitre par cœur. Je vous laisse un lien vers le résumé (en anglais) de nos professeurs Tournimbus en goguette, car ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de se payer une bonne tranche de rigolade. Non contents d'être des champions en maths et en neuroscience (sic), ces grands savants sont aussi infatigables car ils ont observé des milliers des personnes écoutant des milliers de chansons (ce qui fait des millions d'observations, si je sais toujours compter).

Derrière des titres ronflants comme A new approach for understanding musicality se cachent en fait des outils destinés à l'analyse statistique des mélodies (représentées par une base de données de titres de pop anglaise réduits à l'état de fichiers MIDI). L'idée même de faire tourner des moulinettes écrites en R ou en python sur des milliers de chansons pop en espérant en tirer une quelconque information valable est tellement stupide qu'elle se passe de tout commentaire.

L'étude concernant la perception (qu'est ce qu'on retient d'une chanson qu'on a entendu une seule fois ?) est plus intéressante a priori, mais elle souffre aussi de nombreux biais. Pour n'en citer qu'un, toutes les chansons du "top 10" des scientifiques sont également des chansons qui se vendaient très bien, qui passaient beaucoup à la radio, et il est donc très probable que la majorité des gens ayant passé le test les avaient déjà entendues non pas une mais de nombreuses fois, et les connaissent quasiment par coeur à leur insu. Il y a aussi la question du lien entre les paroles et le texte, qui joue un rôle essentiel dans la mémorisation (et qui passe complètement à la trappe si l'on se contente d'une analyse statistique sur les notes).

Pour finir, nos pieds nickelés de la psychologie musicale définissent quatre critères qui permettent selon eux de caractériser une bonne chanson:

  • De longues phrases musicales (en une seule respiration)
  • Des mélodies basées sur un réservoir de notes suffisamment riche
  • Des voix masculines
  • .. de préférence dans l'aigu
Des contre-exemples sont faciles à trouver. Non seulement des tubes qui ne satisfont aucun des critères ci-dessus, mais aussi des mélodies qui les satisfont tous sans que personne ne les sifflote dans la rue (par exemple les airs de ténor du Lulu d'Alban Berg qui sera prochainement donné à l'opéra de Paris).

Un tube c'est une mélodie réussie mais c'est aussi un texte qui fait mouche, qui exprime quelque chose de l'air du temps, qui rencontre son public au bon moment. La notion de "tube" est également relative à un groupe culturel et à un style musical, c'est l'adéquation entre une étincelle créative et les attentes du public. Par nature, un tube est un moment unique, que même ses créateurs ne savent pas reproduire.

Un dernier point, le plus amusant: ces "scientifiques" qui prétendent donner la recette miracle pour écrire des tubes n'ont pas écrit une seule note de musique.

Fichier audio intégré

(terminons par un petit test pour nos lecteurs: arrivez-vous facilement à chanter la ligne de clarinette dans l'extrait musical ci-dessus après une seule audition ?)

dimanche 25 septembre 2011

Jimmy Hendricks privé de radio

Entendu sur France Musique mardi dernier, dans la matinale de Christophe Bourseiller, l'interview de Lydie Salvaye qui a sorti un nouveau bouquin, Hymne, où elle détaille les raisons de son amour inconditionnel pour le guitariste Jimmy Hendricks. Elle évoque longuement le mythique solo de guitare de Woodstock (c'était en 1969, en pleine guerre du Vietnam, et au sommet du mouvement hippie, petit rappel pour les plus jeunes lecteurs de ce blog). Ce solo est une improvisation sur le Star Sprangler Banner (l'hymne américain). On y trouve notamment des bruits évoquant la chute de bombes, les sirènes ou les cris des victimes. Fort heureusement grâce aux sites de partage de vidéo, on peut facilement le réécouter de nos jours:

Pour illustrer musicalement les savantes considérations politiques et musicologiques de Lydie Salvaye, que croyez-vous que nous entendîmes ? Du Hendricks ? Que nenni ! Nous eûmes droit à Rachmaninoff, Gossec, Gottschalk, et aussi à une curieuse version pour orchestre bourrée de fautes d'harmonie dont j'appris par la même occasion qu'elle est due à Strawinsky et qu'elle fit scandale dans les années 1940. De fait avec une oreille exercée on entend bien un peu de guitare électrique mais elle est planquée derrière la voix de l'écrivaine lors de sa première intervention (ce que la vidéo permet de vérifier). Autrement dit le solo de guitare qui fait le sujet principal du bouquin se trouve relégué au rang de fond sonore dosé au minimum par les ingé son de Radio France. N'est-ce pas curieux tout de même ?


Lydie Salvayre - Musique matin par francemusique

Si France Musique autorise la diffusion de Strawinsky, qui fit scandale en son temps, pourquoi s'interdit-elle celle de Hendricks ? Il satisfait même au critère habituel (à savoir qu'il est mort, ce qui est toujours de bon aloi pour un compositeur ou même de nos jours pour un interprète). Est-ce le présentateur qui souffre de classiquite aigüe ? Même pas !! Christophe Bourseiller, qui me donne l'impression d'être tout à fait charmant et cultivé, est en plus de cela ouvert d'esprit, car il diffuse tous les jours quelques minutes de musique contemporaine (ce mardi-là c'était une pièce pour violoncelle seul de Sandor Veress par ailleurs remarquable).

Alors, quoi ? Le rock est-il par nature exclu de la musique jugée digne d'intérêt et d'attention ? Même à titre documentaire, on ne peut pas en passer 3 minutes sur France Musique (laquelle arborait fièrement un "s" à Musiques dans son nom il y a quelques années) ? Les improvisations d'Hendricks auraient-elle par nature, fatalement, moins d'intérêt que celles de Karol Beffa, JF Zygel ou Thierry Escaich ? 

On peut bien sûr être moyennement (voire pas du tout...) convaincu par la comparaison que Lydie Salvaye établit entre Hendricks et Beethoven, mais encore faut-t-il pour cela avoir entendu les deux. Entendre une demi-heure de discours dithyrambique sur Hendricks et pas une seconde de musique c'est tout simplement ahurissant.

lundi 19 septembre 2011

La rentrée en beauté de l'Itinéraire

L'Itinéraire fait sa rentrée avec un concert consacré à la beauté. Comme le dit si bien leur département marketing:

Parler de beauté lorsqu’on évoque la musique semble une évidence ; mais lorsqu’on l’accole à la musique de création, le terme paraît soudainement incongru. Pourtant, s’il est une évidence, c’est bien que l’innovation artistique n’a pas vocation à s’éloigner de l’idée de beauté, et que l’émergence de celle-ci pointe derrière chaque note posée sur le papier, aujourd’hui comme hier. Cette saison, l’Itinéraire tisse une trame autour de cette idée de beauté, et la décline comme une histoire chapitrée. En marge de ce récit musical, l’ensemble présente dans ce premier événement un aperçu des belles œuvres qui jalonneront son année. Cette apostille marque aussi la première intervention plastique de l’artiste invité cette saison par l’Itinéraire, Lionel Estève.

image001.jpgAu programme, de la musique française d'aujourd'hui:

  • Gérard Pesson - Ne pas oublier coq rouge dans jour craquelé (moments Proust)
  • Franck Bedrossian - L’usage de la parole
  • Grégoire Lorieux - Branche
  • Dmitri Kourliandski - ~#(:-&PER4Musicians (création française)
  • Gérard Grisey - Talea
C'est bien la première fois que je vois un smiley dans le titre d'une oeuvre musicale (tout finit donc par arriver). Tout ça se passe le Samedi 24 septembre 2011 à 20h30 à la Cité de la céramique de Sèvres (92), avec un avant-concert le mercredi 21 septembre à 19h au Conservatoire de Boulogne-Billancourt. Venez nombreux, comme on dit dans ces cas-là.

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