HOME, ô Sapiens !

Vu par petit bouts et presque en entier, le film de Yann Arthus-Bertrand dont tout le monde parle, HOME (MAISON). Les images sont belles, spectaculaires même. Si on veut les voir sur grand écran, il faudra tout de même se cogner une heure et demi de YAB nous faisant la morale en voix off, mais tout se mérite.

Sur le plan du mérite, on saluera celui du milliardaire François Pinault (au centre de la photo) qui a signé un gros chèque afin d'offrir aux internautes la possibilité de voir ce film gratuitement en streaming sur internet, et pour pas très cher dans les salles obscures. Voilà au moins qui contribuera à rentre Yann Arthus-Bertrand populaire chez les jeunes internautes, dont certains défendent le téléchargement gratuit de musique ou de film comme un droit constitutionnel ou presque (voir les commentaires de Maître Eolas sur Hadopi 2 en préparation). On ne fera pas de commentaires sur le fait que le DVD n'est distribué que par la FNAC (propriété du même François Pinault) ce serait tout à fait déplacé. On ne spéculera pas davantage sur la quantité de de kérosène consommée pour faire le tour du monde et en ramener ces splendides images tournées, paraît-il, avec une caméra spéciale muni d'un stabilisateur gyroscopique au départ développé pour des usages miliataires (pauvre monde), et qui permet des plans aussi lisses qu'un travelling sur un rail bien qu'ils aient été shootés depuis un hélicoptère. Du grand art.

J'ai mis ce billet dans la catégorie Opéra car c'est une forme d'art total qui est recherché. Plus précisément, on est à mi-chemin entre le film purement esthétique comme Microcosmos ou Le peuple migrateur et le documentaire engagé à la Cousteau.

La musique d'Armand Amar, dont la publicité nous vante qu'elle est un personnage du drame à part entière, joue dans les faits davantage le rôle de fond sonore pour la voix du réalisateur. Dans un esprit syncrétique bien en phase avec le projet cinématographique, on y trouve des éléments de musique traditionnelle de tous les continents. Bien réalisée mais destinée à plaire au plus grand nombre et à ne jamais heurter l'oreille, je ne lui ai trouvé aucun charme particulier. Certains maniérismes comme la voix excessivement réverbérée (avec de la bonne grosse reverb ajoutée en studio), aux inflexions vaguement orientalisantes sont même plus agaçants qu'envoûtants. Mais comme le rappelle le compositeur, dans la musique de film on est soumis à beaucoup d'impératifs, dont en premier lieu celui de faire plaisir au réalisateur.

Sur le message enfin, celui d'Arthus-Bertrand n'est pas des plus clairs. Soucieux de prendre de la hauteur et de rester très consensuel, il évite les sujets qui fâchent (comme le nucléaire dont il ne dit mot) et reste dans le domaine des engagements non chiffrés et des généralités bienséantes qui ne sont d'ailleurs pas toutes compatibles entre elles. Faut-il par exemple augmenter l'aide au développement si c'est le développement qui cause le dérèglement climatique, l'épuisement des ressources naturelles et l'extinction de milliers d'espèces d'êtres vivants ? On peut craindre hélas que des choix difficiles et douloureux seront devant nous dans les décennies à venir et que la décroissance, si elle a lieu comme certains le prédisent, n'aura rien de très conviviale. Puissé-je me tromper et les optimistes comme l'auteur de HOME avoir raison quand à l'émergence d'une conscience mondiale des défis environnementaux !

A lire aussi: l'opportunisme vu du ciel par Iegor Gran, une petite note dissonante qui ne fait pas de mal dans le concert de louanges qui a salué la sortie du film. Ou encore ConsHome, petit Home d'Hervé Kempf (rien à voir avec Wilhelm, je préviens avant que David et Jean-Brieux se déchaînent) qui commente la phrase suivante de Pinault: "On ne peut pas consommer moins, il faut consommer différemment."

Mise à jour: on peut maintenant voir le fime HOME sur ioutioube.