En toute transparence

La SACEM et Google ont annoncé aujourd'hui un accord concernant la diffusion sur Youtube de vidéos utilisant des œuvres protégées. Les termes de cet accord sont secrets. Autrement dit, pas moyen de savoir qui paye quoi, ni en fonction de quels critères (fréquentation ? revenus publicitaires ?), et encore moins bien sûr la part des paiements de Google que la SACEM garderait pour ses menus frais de bouche (Si vous ignorez encore le degré d'opacité des comptes des sociétés sensées défendre les droits des artistes, je vous recommande la lecture de l'article "Les nouveaux fermiers généraux" de Joël Martin sur le site Mediapart qui est assez éclairant).

La seule certitude est que les sommes en jeu ne sont probablement pas considérables. On peut raisonner par analogie avec le site des streaming Deezer qui reverse environ 8% de son chiffre d'affaire publicitaire à la SACEM. Le site reverse 0,07 centimes d'euros par titre écouté, ce qui veut dire que même les morceaux les plus populaires, qui sont écoutés plusieurs centaines de milliers de fois, rapportent au mieux une centaine d'euros aux artistes et éditeurs. En bref, cet accord rapportera un peu d'argent de poche à des stars comme le DJ David Guetta (qui annonce près de 350 millions de visites sur sa chaîne Youtube), et des crottes de nez pour les autres.

Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas écrit: je considère les sites de streaming et de partage de vidéo comme une aubaine pour les musiciens et les mélomanes. Ils permettent aux uns de se faire connaître et aux autres de découvrir le répertoire et les artistes. Et ce ne sont pas que des lieux d'échanges, mais aussi des bibliothèques numériques, sorte de magnétoscopes géants qui permettent de garder une trace, un souvenir d'innombrables évènements culturels. Youtube et Dailymotion contiennent plus de trésors que la très regrettée bibliothèque d'Alexandrie !

Simplement, il nous faut bien constater qu'avant ou après cet accord avec la SACEM, les recettes publicitaires, qui ne suffisent même pas à payer l'hébergement car ces sites sont en général déficitaires, ne sauraient pas non plus fournir un revenu décent aux artistes. Ils ne peuvent remplacer l'agonisante industrie du disque. Notons que cela ne changera pas grand-chose pour les musiciens classiques car les disques classiques se vendent plutôt en milliers d'exemplaires qu'en millions; et le plus souvent ceux qui participent à un projet de disque en retirent davantage la satisfaction d'un travail bien fait que des revenus suffisant pour en faire une activité à temps plein. Parfois (bien plus souvent qu'on ne le croirait) ils ne sont même pas payés du tout. Faut-il s'en plaindre ? Le concert, c'est à dire la rencontre directe entre les artistes et le public, reste le lieu privilégié de création et de diffusion de la musique.