L'Araignée, Etude numéro 1 pour piano

Bien que j'utilise mon quart de queue de façon quotidienne, aussi bien pour déchiffrer et analyser des partitions (et pas seulement des textes pour piano) que pour improviser ou corriger mes propres partitions, j'écris très peu pour le piano.

Je ne parle pas ici du piano en tant que membre d'un groupe de musique de chambre ou accompagnement d'un chanteur, mais vraiment du piano solo, destiné à fabriquer toute la musique lui-même, chant, contre-chants et textures d'accompagnement.

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D'abord les pianistes s'en foutent des pièces contemporaines. Si on leur dit qu'on a écrit une pièce pour piano seul, ils vont simplement hausser les épaules et retourner travailler leur Chopin. Et le piano n'étant pas mon instrument principal, je n'ai ni le niveau ni la motivation pour jouer moi-même en concert les pièces que j'écrirais. A quoi bon se fatiguer si personne ne jouera ce qu'on écrit ?

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Ensuite, même si on ne considère que les pièces écrites pour le piano moderne (disons à partir de Beethoven), le répertoire comporte nombre de chefs-d'œuvres si imposants que c'est à vous décourager d'écrire la première note. Peut-on encore avoir envie d'écrire pour le piano après la Sonate Hammerklavier de Beethoven et la Sonate en Si de Liszt ? Et à côté de ces grands chefs-d'oeuvre, un nombre impressionnant de pièces honorables et de bonne facture sont disponible, dans tous les styles et pour tous les niveaux de difficulté. Remarquons tout de même que si Olivier Messiaen s'était découragé de la sorte, nous serions privés des Préludes, des Vingts Regards et de tout le catalogue des Chants d'Oiseaux, ce qui serait tout de même fort triste.

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Troisième raison d'hésiter: l'instrument lui-même. La mécanique sophistiquée du piano permet une virtuosité quasiment sans équivalent sur les autres instruments, son jeu naturellement polyphonique et son ambitus énorme peut lui donner l'illusion qu'il sait remplacer un orchestre entier. Mais il ne sait pas faire ces choses si simples à réaliser avec les instruments mélodiques, à cordes, à vents, à plumes ou à cordes vocales: lier deux notes, faire un crescendo puis un decrescendo sur la même note, manipuler la hauteur du son, jouer des micro-intervalles, réaliser une glissade ou enrichir le son par le vibrato. Du reste j'ai déjà évoqué toutes ces difficultés dans ce journal.

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Toutes ces objections étant posées, il m'arrive tout de même, parmi les choses qui me viennent en improvisant, de vouloir garder certaines formules ou gestes instrumentaux qui me paraissent destinées au piano plus qu'à tout autre instrument. Pour mon étude numéro 1, sous-titrée l'Araignée, j'ai pris les choses par leur commencement. Deux mains avec cinq doigts chacune, des touches noires et des touches blanches. En superposant les deux mains, on forme une sorte d'araignée dont les dix pattes s'agitent en tout sens sans jamais se gêner mutuellement. Au point de vue harmonique, on joue avec deux couleurs, celle de la gamme diatonique (les touches blanches) et celle de la gamme pentatonique (les touches noires).

Le geste initial de cette Etude est constitué d'un mouvement ascendant superposé à un mouvement descendant, mais l'oreille distingue plutôt deux voix: une qui descend et remonte, l'autre qui monte et redescend. Ensuite, c'est parti, il n'y a plus qu'à laisser la petite bébête courir sur le clavier... je vous propose d'écouter le meilleur (et le seul) enregistrement de cette pièce, par Philippe Hattat, un jeune pianiste et compositeur surdoué dont vous entendrez certainement reparler, et pas seulement dans le journal de Papageno:

 

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Cette étude n°1 est dédiée à Michel Merlet, mon (ex-)professeur de composition. (Mise a jour: la partition est maintenant disponible sur le site Tamino Productions. On peut également écouter cette pièce sur Spotify, Amazon Music, Apple Music, Youtube Music ou Deezer). 

 

 

 

 

 

Commentaires

1. Le lundi 11 octobre 2010, 17:49 par Lucie

Très intéressant au niveau des textures et du fourmillement. Je me pencherai plus avant sur la partition quand elle sera disponible.

2. Le lundi 11 octobre 2010, 21:06 par Papageno

Pour les amis c'est gratuit ! (envoyez-moi un mail et vous recevrez le PDF en retour).

3. Le jeudi 21 octobre 2010, 23:43 par Raph

La petite araignée, qui monte qui monte

4. Le mercredi 24 novembre 2010, 23:17 par Fnor

Bonsoir,
Je découvre seulement votre site mais la lecture est très intéressante. J'ai visiblement trouvé une mine d'information pour combler mes heures perdues.

J'ai également suivi le lien vers votre site et j'ai découvert que mon parcours est à peu près similaire au vôtre : j'effectue des études scientifiques et je joue du piano (quoi que j'aie commencé beaucoup plus tard). Il est intéressant de voir qu'une reconversion est possible !

Il se trouve aussi que j'habite Liège où vous avez fait vos études musicales (sont-elles finies ? je ne trouve pas d'information datée...). Ma voisine est d'ailleurs violoniste dans l'orchestre philharmonique liégeois ce qui me permet d'y aller bon marché.

J'aurais aimé savoir ce qui vous a attiré à Liège. J'avoue que bien qu'ayant toujours habité là, je ne sais pas grand chose du conservatoire (et musicalement j'en suis encore loin...).

Je tiens également un site web où je partage les conseils que je reçois au cours de mon apprentissage, c'est ma modeste contribution :)
http://www.humeur-piano.com