Le projet "Under 30" du Kronos Quartet

Chacun sait que l'industrie du disque telle qu'on l'a connue n'est plus qu'un souvenir, et que les musiciens du XXIe siècle doivent regarder dans d'autres directions pour faire connaître leur travail et pourquoi pas arriver à en vivre.

Dans ce contexte, l'initiative du Kronos Quartet autour du projet "Under 30" est à saluer doublement. D'abord un ensemble qui fête ses 30 ans en organisant un appel à projets pour des compositeurs de moins de 30 ans montre bien par là que ses quatre musiciens ont gardé intacte l'envie de jouer, de découvrir et de faire découvrir la musique d'aujourd'hui. Ensuite la formule qu'ils ont choisi pour financer leur projet est vieille comme le monde car il s'agit de la souscription, et moderne comme tout car il suffit de trois clics sur un site internet pour participer. A l'heure où j'écris ce billet, il reste à peine quelques heures pour compléter la souscription, mais le montant souhaité par les artistes (10.000$) semble déjà atteint. Les souscripteurs qui apportent un certain montant se voient remerciés avec des albums MP3 ou même pour les plus généreux une carte postale avec un message personnel.

Alors que les subsides publics ou para-publics (fondations, bourses, prix, mécénat) ont tendance à rétrécir encore plus vite que le PIB de la Grèce ces temps-ci, la souscription, aidée par le "buzz" internet, pourrait faire son retour. C'est après tout un moyen pour les artistes de s'adresser directement à leur public en court-circuitant les intermédiaires traditionnels (agents, maisons de disque, organisateurs de concerts). Mais cela ne peut bien fonctionner que pour des musiciens ayant déjà une certaine notoriété, laquelle s'acquiert grâce au talent et au travail, bien sûr, mais aussi grâce auxdits intermédiaires. Pour les artistes peu connus, les barrières d'entrée subsistent.

Ce modèle économique pourrait-il remplacer celui du disque ? Est-ce que le groupe de rock ou l'ensemble de musique contemporaine de demain auront un site internet où tous les projets passés seront disponibles en MP3 gratuitement, avec la possibilité pour les mélomanes de mettre de l'argent dans les projets futurs ? Cela risque fort de ne pas être suffisant pour garantir aux musiciens un revenu décent, mais cela pourrait fonctionner assez bien en complément des concerts, qui pour moi sont et doivent rester au centre de la vie du musicien. Et ça me paraît plus crédible que les deux alternatives qu'on nous propose souvent et qu'on oppose, à savoir:

  1. La criminalisation des utilisateurs, et l'espionnage généralisé du trafic Internet et des disques durs. "Monsieur, vous avez la facture pour ce MP3 sur votre smartphone ?"
  2. La "licence globale" dont le processus de répartition ne pourrait être qu'aussi opaque et complexe qu'un circuit de blanchiment d'argent, et parfaitement inéquitable à l'arrivée, tout comme la taxe dite "copie privée" sur les CD vierges (j'y reviendrai).
Quoi qu'il en soit, les membres du Kronos Quaret méritent un bon coup de chapeau et tous nos encouragements (y compris financiers) pour la poursuite de leur projet.

Commentaires

1. Le vendredi 2 mars 2012, 10:30 par argent

Bien écrit, les temps changent et il faut s'adapter, chose que l'industrie du disque a encore bien du mal à faire; les idées avancées sont très intéressantes et remettrant enfin les artistes au centre du débat sans qu'il soit question de profit des maisons de disque d'abord..