Liszt: Sonate(s) par Marcel Cominotto

Bicentenaires obligent, après un disque Chopin en 2010, le pianiste et compositeur Marcel Cominotto rend hommage à Franz Liszt avec un album enregistrée fin 2011. Ce disque paraîtra très bientôt chez Azur Classical, et comporte l'incontournable Sonate en Si mineur,  ainsi que la "deuxième sonate" de Liszt, à savoir la Fantaisie "après une lecture de Dante", et pour finir la Vallée d'Obermann (ces deux dernières pièces étant extraites du recueil des "Années de Pélerinage").

Liszt_Cominotto.jpgL'intérêt de cette lecture de la Sonate tient selon moi dans le regard du compositeur-pianiste. Une connaissance intime de la partition née de son analyse approfondie lui permet de relier chaque fragment au tout, de donner un sens, une direction à chaque élément musical au sein d'une vision d'ensemble. Pour autant, ce n'est pas une version froide et intellectuelle, et j'y retrouve ce que j'aime chez Liszt, à savoir l'emportement, l'élan, les épanchements romantiques qui manquent parfois dans des versions discographiques trop sages, trop léchées. L'autre mérite de Marcel Cominotto est de nous rappeler la modernité de cette partition, en faisant ressortir les arrêtes assez vives, les dissonances, le côté abrupt de certains passages qui forme un contraste d'autant plus intéressant avec les évocations du paradis (souvent associé chez Liszt avec la tonalité de Fa# majeur). Conformément à la volonté de Liszt qui demandait que cette sonate soit enchaînée, c'est une seule plage de 27 minutes que l'on trouve la Sonate en si. Pas question de saucissonner ce chef-d'oeuvre façon ioutioube (ou façon Radio Classique, serais-je tenté de dire, tant cette station tend à éviter les morceaux qui durent plus longtemps qu'un clip de Madonna depuis son changement de direction). Pour en profiter pleinement, l'auditeur devra trouver une demi-heure dans son emploi du temps, débrancher son smartphone qui fait bip toutes les trois minutes, et faire un minimum de vide en lui-même afin de se plonger tout entier dans cette musique démesurée et géniale.

Nonobstant ce que je viens d'écrire sur le saucissonnage de la musique, mes lecteurs me pardonneront j'espère de leur présenter un extrait, la dernière page du "Quasi Adagio" (fa # majeur) suivi d'un "Allegro Energico" (si bémol mineur) en forme de fugue qui amène le retour triomphale du motif principal (en si mineur, bien sûr):

Fichier audio intégré

J'invite également les curieux à consulter le manuscript de Liszt sur IMSLP, dont l'écriture est elle aussi extrêmement énergique et expressive, et dont les nombreuses ratures en rouge montrent à quel point cette partition a été travaillée. Tout comme la Hammerklavier de Beethoven, c'est une armée de pianistes qu'il faudra pour venir à bout de cette terrible et grandiose sonate en si mineur.

Terminons ce billet par un mini-sondage chez nos lecteurs: quelles interprétations (live ou discograpiques) de la Sonate de Liszt vous ont le plus marqué ?

Commentaires

1. Le samedi 25 février 2012, 22:30 par Mathieu Soleil

Je ne parviens pas à analyser, ni à comprendre ce qui s'est passé en 1980 lorsqu'Horowitz a enregistré cette Sonate. Etait-ce la table d'harmonie de son piano qui était absolument exceptionnelle ? Est-ce que la façon d'enregistrer de l'époque a su mettre le relief exceptionnel de l'interprétation ? Est-ce la sensibilité du Horowitz-compositeur forgée aux 77 ans de vie et de piano qui se retrouvent condensés en un instant ? Et en cet instant d'écoute, il me semble que toute une vie me traverse, avec toutes les images, tous les sentiments, tous les paysages, tout ce que l'humain peut connaître par ses sens et son histoire, des pires désespoirs, des euphories les plus inouïes à l'apaisement que l'on peut imaginer trouver à la fin d'une existence extrêmement vivante et chargée.
Lorsque j'écoute cet enregistrement, je rencontre une densité, une inventivité, une évidence et un choc que j'ai rarement pu rencontrer. J'y entends guitares, tuba basse, orgues, et les mille pianos d'une vie. Non c'est bien plus que cela, elle semble immatérielle et parler directement au coeur. Et si l'on accepte d'accueillir cette musique peu ordinaire, peut-être vous connaitrez ce bouleversement et cette suspension qui me donne l'impression que la vie réelle n'est pas bien sérieuse, et que oui, je crois, oui, que toute une vie peut être donnée à la musique et que tout le reste n'est que tromperie.

ASIN : B000003FCV
http://tinyurl.com/73mzm2o

2. Le lundi 27 février 2012, 17:40 par AlmaSoror

Celle d'Emil Gilels. Quel pianiste puissant et raffiné !

3. Le jeudi 1 mars 2012, 01:22 par gggggas

pour ma part, je reste un inconditionnel de la version d'horowitz. je trouve que la majorité des pianistes jouent le passage fugé bien trop vite par exemple. mais la version de Marcel Cominotto a l'air pas mal.