Le journal de papagenoLe Journal de Papageno est un blog francophone consacré à la musique classique et contemporaine.2023-08-18T08:55:10+02:00Patrick Loiseleururn:md5:e3d6f6e2ebef7c45d0c5e125b87d9f0aDotclearPapageno et Tindarella: histoire d'un opéraurn:md5:c32b22929fb80c12894f068ee50bd44d2023-08-18T09:59:00+02:002023-08-18T09:55:10+02:00Patrick LoiseleurOpéraAlejandro GaboraltoAurélie Ligerotchant lyriqueclarinettecréationL Oiseleur des LongchampsMathilde RossignolopéraOrlando BassPapageno et Tindarellapianosmartphonevidéoviolon<p>Certains ont écrit un livre pendant la pandémie de Covid-19: j'ai écrit mon premier opéra, <strong>Papageno et Tindarella</strong>. (Pour l'anecdote, j'ai aussi écrit <a href="https://www.editions-hatier.fr/livre/les-violences-sexuelles-prevenir-detecter-accompagner-9782401087217" hreflang="fr" title="Les violences sexuelles : Prévenir. Détecter. Accompagner">un livre sur la prévention des violences sexuelles</a> publié par Hatier, mais c'est une autre histoire !)</p>
<p>Avec mon complice de toujours, le baryton L'Oiseleur des Longchamps, avec le soutien de l'association ArtemOise, <a href="https://fr.ulule.com/papageno-et-tindarella/" hreflang="fr">le soutien de nos généreuses donatrices</a>, et avec une douzaine d'artistes qui sont aussi mes amis, nous avons récemment tourné en vidéo de larges extraits de cet opéra (6 des 20 numéros). Les vidéos sont en cours de montage, mais vous pouvez d'ores et déjà, chères lectrices, regarder les premières images dans cette bande-annonce:</p>
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<p><iframe allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/EciyyUKZvEY?si=cQ0XxicO6GwepaNW" title="YouTube video player" width="560"></iframe></p>
<p>Nous espérons pouvoir porter ce spectacle sur scène dès l'été 2024, des discussions sont en cours avec plusieurs festivals. </p>
<p>En complément je vous propose le texte que j'ai rédigé pour le programme:</p> <h2 style="text-indent:0cm; text-align:justify; margin-top:3px"><img alt="" class="media media-center" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/theatre/Papageno_et_Tindarella_20.jpg" /></h2>
<h2 style="text-indent:0cm; text-align:justify; margin-top:3px">Histoire d’un opéra</h2>
<p>Vous venez d’entendre l’histoire de Papageno et Tindarella, laissez-moi vous en conter une autre : celle de la fabrication de cet opéra de chambre. Le <em>« making of »</em> si vous préférez.</p>
<p>La toute première chanson de cet opéra fut écrite à l’intention de la femme qui a inspiré le personnage de Tindarella (laquelle emprunte bien évidemment des traits de caractère à plusieurs personnes réelles ou fictive, si bien qu’il serait parfaitement futile de chercher une quelconque fidélité ou un message caché). Cette chanson c’est : <em>« Elle ne veut pas de moi »</em>.</p>
<p>Un peu plus tard, envisageant sérieusement de m’engager avec cette personne, j’ai eu l’idée d’une petite cantate à deux voix (baryton et soprano) et trois instruments (alto, clarinette, piano, une combinaison très riche que j’affectionne particulièrement). Cette cantate de chambre devait résumer avec légèreté et entrain les péripéties d’une rencontre amoureuse semblable à toutes les autres, c’est à dire banale autant que sublime, ridicule autant que touchante, grandiose autant que mesquine, comique autant que dramatique.</p>
<p>Mon projet était de faire jouer cette cantate le jour d’un hypothétique mariage, ce qui aurait eu, avouez-le, un peu plus de cachet que les traditionnels diaporamas avec photos des mariés en train de mettre les doigts dans leur nez, ou bien de tomber du toboggan à 4 ans.</p>
<p>Hélas ! Le mariage n’eut point lieu. Ce projet de cantate inachevée passa quelque temps dans le tiroir, mais il n’était pas enterré pour autant. Durant l’été suivant, j’eus l’idée de l’enrichir avec des scènes de ménage bien sûr, précédant la rupture, mais aussi avec des anecdotes glanées ici et là, vécues ou entendues, ayant en commun le thème de la rencontre amoureuse, et la façon dont la technologie modifie nos comportements et nos attentes. </p>
<p>Au fur et à mesure que l’œuvre prenait forme, les éléments autobiographiques se sont estompés au profit de la cohérence globale de la fiction et des exigences du théâtre musical. <strong>Papageno et Tindarella</strong> étaient nés, et ils commençaient déjà une existence autonome, détachée de celle de leur créateur. C’est devenu encore plus vrai lorsque mes amis chanteurs, instrumentistes, metteuse en scène ont apporté leur propre contribution créative, et leur enthousiasme m’a fait comprendre que j’avais visé juste et que Papageno et Tindarella racontent u<em>ne histoire qui nous concerne toutes et tous.</em><br />
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<p><img alt="" class="media media-center" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/theatre/Papageno_et_Tindarella_21.jpg" /></p>
<p>Les sociologues, philosophes et anthropologues ont écrit des choses fort savantes sur la <em>« dérégulation du marché matrimonial »</em> et ses conséquences (citons Eva Illouz : <em>« Pourquoi l’amour fait mal »</em> par exemple). Sans être aussi structuré intellectuellement, et sans défendre aucune thèse en particulier, cet opéra aborde des questions très actuelles comme la douloureuse contradiction entre les stéréotypes romantiques qui nous font encore rêver sur l’Amour avec un grand A, et nos comportements de consommateurs compulsifs, pusillanimes, impatients et exigeants.</p>
<p>L’un des acteurs principaux de ce drame contemporain est le smartphone, objet fascinant, concentré de prouesses technologiques, qui nous rend autant de services qu’il nous inflige de sévices. J’ai inséré des <em>« sonneries »</em> de téléphones qui viennent sans cesse interrompre ou perturber les chansons, comme un rappel de la présence de ces petites machines qui sont programmées pour nous déranger sans cesse. Je suis allé jusqu’à demander à un chanteur de personnifier un smartphone (poétiquement baptisé « Galaxo SXRB8+ ») dans deux numéros. La présence du smartphone Galaxo sur scène rend visible l’importance démesurée que ces petites machines ont pris dans notre vie intime et quotidienne.</p>
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<img alt="" class="media media-center" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/theatre/Papageno_et_Tindarella_24.jpg" /></p>
<p>Ainsi le sous-titre de cet opéra pourrait être <em>« L’amour au pays des smartphones »</em> voire <em>« L’amour des smartphones »</em>. Si nous passions autant de temps à faire des câlins et dire de douces paroles aux personnes que l’on aime qu’à tripoter ces petites machines hautement addictives et à perdre du temps sur les <em>« réseaux asociaux »</em>, le monde irait bien mieux.</p>
<p>D’autres sujets actuels comme la cause animale ou les violences dites <em>« éducatives ordinaires »</em> sont abordées, en essayant d’éviter tout biais moralisateur. Ainsi on peut se moquer des positions animalistes de Papageno autant qu’on peut les approuver. Et même lorsqu’on les approuve, l’autodérision ne saurait faire du mal. Mes ami(e)s abolitionnistes pourront sourire je l’espère en écoutant la chanson <em>« Corrida basta ! »</em> dont le caractère martial est volontairement exagéré et caricatural, dans les paroles comme dans la musique. Cet opéra aborde des sujets dramatiques et actuels, en gardant toujours une certaine légèreté de ton.</p>
<p>La musique de cet opéra reflète les contradictions de ses personnages : elle est tiraillée sans cesse entre tradition et modernité. Entre douceur et violence. Entre romantisme et machinisme. Entre flirt et brutalité. On y trouve des pastiches et quelques citations, et bien sûr de nombreuses sonneries de téléphone portables passées à la moulinette. On y trouve aussi je l’espère quelques moments de grâce qui auront l’heur de séduire et d’émouvoir les musiciens comme le public.<br />
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<p><img alt="" class="media media-center" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/theatre/Papageno_et_Tindarella_23.jpg" /></p>
<p>Je remercie de tout cœur les personnes qui m’ont inspiré dans la rédaction de cette histoire, à commencer par ma fille aînée qui m’a proposé le mot-valise <em>« Tindarella »</em> (jeux de mots entre « Tinder » et « Cindarella » c’est à dire Cendrillon). Je remercie en particulier toutes les personnes que j’ai pu fréquenter tant soit peu via les sites de rencontres, et qui m’ont toutes apporté quelque chose, d’une façon ou d’une autre. N’étant pas resté en contact avec certaines de ces personnes, je ne pourrai jamais leur témoigner ma gratitude directement. C’est le cas de l’autrice du merveilleux texto : <em>« Tu ne vas pas faire chier s’il y a des lardons sur la pizza »</em> à qui j’envoie toutes mes amitiés de loin !<br />
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Cependant, je n’ai pas cherché à dresser le portrait de personnes réelles. Les personnages de fiction que j’ai élaborés selon ma propre fantaisie avec des éléments autobiographiques et des éléments purement inventés n’ont pas d’autre but que divertir le public sans causer de tort à qui que ce soit. Il n’y a aucun règlement de comptes dans cette œuvre, si ce n’est avec moi-même à travers ce personnage de Papageno qui peut susciter la moquerie autant que la sympathie. Du reste, nul besoin pour l’auditrice de savoir démêler la part de vécu, la part d’exagération et la part d’imagination pure dans cette histoire : si elle la trouve amusante, inspirante ou émouvante, cela suffit.</p>
<p>Je remercie chaleureusement toutes les personnes qui m’ont encouragé et soutenu durant ce travail de longue haleine. L’écriture seule m’a demandé six mois de travail à plein temps. Quant à la production de l’opéra (choisir des musiciens et chanteurs, un metteur en scène, trouver des financements, des lieux de concerts, organiser les répétitions, faire venir le public) c’est encore une autre aventure, la plus belle de toutes : celle de la musique vivante, et je tiens à exprimer ma gratitude à mes camarades musiciens qui se lancent dans l’aventure de la musique vivante, et contribuent à la création au moins autant que l’auteur, ainsi qu’à toutes les personnes qui ne sont pas sur scène mais fournissent un travail essentiel.</p>
<p>Merci à toutes et à tous pour votre soutien à la création musicale et théâtrale, et à bientôt pour de nouvelles aventures !<br />
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<p><img alt="" class="media media-center" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/theatre/Papageno_et_Tindarella_01.jpg" /></p>Le grand retour du Philharmonique de New Yorkurn:md5:6f08c8a450d7be49e348f837bc8644f72023-03-19T23:41:00+01:002023-03-19T23:54:54+01:00Patrick LoiseleurConcertsAnton BrucknerconcertNew York PhilarmonicOlivier Messiaenonde martenotorchestre symphonique<p>Chères lectrices, je vous ai délaissées depuis si longtemps qu’il serait vain de chercher seulement à me trouver des excuses. J’ai tant de choses à vous dire ! Il faudrait que je vous raconte New York. Ma première ballade à Central Park sous une épaisse couche de neige. Il faudrait que je vous raconte Carnegie Hall, l’orchestre de la Juilliard School (et sa librairie), le Met Opera (et le Met Museum), le cent-deuxième étage de l’Empire state building, les couchers de soleil sur les bords de l’Hudson, la plage de Coney Island, le metro <i>(« stand clear of the closing doors !! »</i>), les clubs de jazz, les théâtres de Broadway, Time Square, Ellis Island et la Statue de la Liberté. Mais je craindrais de m’égarer, de vous perdre en cherchant à tout décrire cette ville qui donne le vertige, si accueillante et si hostile, si belle et si terrible à la fois. Cette ville qu’on croit déjà connaître car on l’a tant vue au cinéma, cette ville dont on n’épuisera jamais la savante alchimie, cette porte ouverte sur le monde, qui se réinvente sans cesse… Pour ce premier billet new-yorkais, je me concentrerai sur un sujet plus modeste quoique tout à fait important : la réouverture du <i>David Greffen Hall</i> après une complète rénovation, et le premier concert postpandémie du « NY Phil » (prononcez <i>« Aine Ouaïe Fil »</i> avec un accent un peu nasal et vous passerez pour une vrai <i>« city girl ! »</i>)</p> <p>Ce n’est pas un mais trois concerts auxquels j’ai eu le privilège d’assister. Le premier était celui de la réouverture proprement dite. Le deuxième permettait d’entendre un concerto de Mozart suivi de la <i>Septième symphonie</i> de Bruckner (dont vous savez, chères lectrices, combien je l’aime, ne serait-ce que parce qu’elle a apporté à ce musicien génial la reconnaissance qu’il méritait). Le troisième était dédié à la magique et grandiose Turangâlila-symphonie d’Olivier Messiaen.</p>
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<p>Commençons par l’architecture. Le <i>Lincoln Center </i>se compose de trois bâtiments réunis autour d’une grande place pavée de grandes dalles de pierre, ornée simplement d’un bassin en son centre. A gauche, le temple de la danse et résidence du New York City Ballet. Au fond, le <i>Metropolitan Opera</i>. À droite, le tout nouveau <i>David Greffen hall</i>,<i> </i>dédié à la musique symphonique. Les architectes ont voulu créer un sentiment chaleureux et intime dès le hall d’entrée, avec des couleurs chaudes, des fauteuils, des flux de circulation bien pensés afin d’éviter la cohue. On est aux antipodes de l’esthétique étatiste de l’opéra Bastille avec ses escaliers monumentaux, ses volumes imposants, sa blancheur froide (je lui ai toujours trouvé une certaine parenté avec l’architecture communiste ou fasciste). La nouvelle maison du NY Phil se veut accueillante et festive, démocratique, à échelle humaine. On peut y venir en smoking et robe de soirée aussi bien qu’avec des baskets roses et une chemise à fleurs. </p>
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<p>Le mot « rénovation » est trop timoré pour qualifier une reconstruction complète qui n’a conservé que les façades. Pragmatiques et pro-actifs comme toujours, les Américains ont tiré parti de la pandémie pour finir ce chantier de 550 millions avec deux ans d’avance. L’ancienne salle de concert du <i>New York Philharmonic</i>, inaugurée en 1962, était souvent critiqué pour sa taille excessive et son format en « boite à chaussure » qui conduisaient à une mauvaise acoustique pour une bonne partie des auditeurs au fond de la salle, trop éloignés de la scène. La version actuelle a fait le choix d’avancer la scène vers le centre, de la rehausser, et de placer une partie des spectateurs sur les côtés et derrière l’orchestre. C’est un choix comparable à celui ce qui a été fait dans les meilleures salles (à commencer par la philharmonie de Berlin), et qui permet d’accueillir plus de deux mille spectateurs sans qu’aucun d’entre eux ne soit a plus de 30 mètres du chef d’orchestre.</p>
<p><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/NY_phil_2023-03-17_medium.png" style="margin: 0 auto; display: table;" /></p>
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<p>Et la musique, me direz-vous, chères lectrices ? J’y viens, après avoir pris un moment pour décrire ce merveilleux espace qui lui est entièrement dédié. La programmation audacieuse du concert de réouverture exprime très bien la vision d’un orchestre qui ne fait pas que perpétuer la tradition, mais se projette aussi dans l’avenir.</p>
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<h2>Concert de réouverture (12 octobre 2022)</h2>
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<p>En guise d’apéritif, nous avons en création mondiale une pièce pour orchestre, sons électroniques et lumières de Marcos Balter, <i>Oyá</i>. Elle ne m’a pas complètement séduit. Les sons électroniques étaient davantage superposés a ceux de l’orchestre que fusionnés dans une vision commune. Il y avait un côté moderne et clinquant (surtout avec les jeux de lumière), un travail sur les textures sonores intéressant, mais la narration restait assez linéaire, avec une idée musicale qui succède à une autre, sans qu’il y ait un véritable travail de construction (de composition) pour unifier le tout.</p>
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<p>Après ce prélude distrayant mais superficiel, la pièce de John Adams intitulée <i>My Father Knew Charles Ives</i> nous offre une nourriture nettement plus consistante. J’ai vraiment beaucoup aimé cette pièce, le raffinement des harmonies et de l’orchestration, l’hommage à Charles Ives qui n’a rien d’un pastiche en dépit d’une courte citation de la célébrissime <i>« Unanswered Question ».</i></p>
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<p>Ensuite venait <i>Stride,</i> une très belle pièce de Tania León, compositrice new-yorkaise d’origine cubaine. Commandée dans le cadre du <a href="https://nyphil.org/concerts-tickets/explore/project-19" style="color:#0563c1; text-decoration:underline">Projet 19</a> qui consiste à commander 19 pièces à 19 compositrices pour célébrer le centenaire du 19<sup>e</sup> amendement de la Constitution qui a donné le droit de vote aux femmes. Vous pouvez écouter <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yfuMbD_A6bg" style="color:#0563c1; text-decoration:underline">un extrait de cette pièce en ligne</a>, chères lectrices, si comme moi vous n’aviez jamais entendu la musique de Tania León. Une belle découverte !</p>
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<p>Enfin, un grand classique du XXe siècle, les <i>Pins de Rome</i> d’Ottorino Respighi. Le moins qu’on puisse dire est que le Philarmonique de New York, dirigé par Jaap Van de Sweden, brille de tous ses feux dans ces quatre pièces qui sont une véritable splendeur.</p>
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<h2>Mozart, Bruckner (4 novembre 2022)</h2>
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<p>Peu de temps après, j’ai eu la joie de retourner au <i>David Greffen Hall</i> pour y entendre un concerto de Mozart (le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=KImZ49Fj7zU" style="color:#0563c1; text-decoration:underline">numéro 22 en mi bémol</a>) interprété par Yefim Bronfman, suivi de la 7<sup>e</sup> symphonie d’Anton Bruckner. J’ai passé un très bon moment avec le Mozart, et notamment avec les cadences de Yefim Bronfman lui-même. En revanche la symphonie m’a déçu. La lecture de Jaap van Sweden m’a paru particulièrement laborieuse et peu inspirée. Elle manque de souffle, les tempi sont trop rapides, ça ne respire pas. Le son est magnifique (en particulier les 4 Tubas Wagner qui viennent compléter les 4 cors et offrent un son tellement moelleux qu’on voudrait le manger à la petite cuiller comme une panacotta aux fruits rouges). Mais ce bel instrument qu’est le NY Phil se retrouve empêtré par ce chef qui ne sait pas trop où il va, ni ce qu’il veut exprimer, dans cette symphonie tout au mois. J’étais surpris de voir Jaap van Sweeden agiter autant les bras au début du sublime mouvement lent, une marche funèbre écrite en hommage à Richard Wagner. Mais pourquoi diable tant de fébrilité, me demandé-je, dans un mouvement qui appellerait des gestes amples, calmes et puissants. Comme cela arrive dans certains Adagio, le tempo trop rapide a créé l’ennui au lieu de le dissiper. En bref, les notes étaient toutes à leur place, mais le souffle manquait. En lisant la presse et en discutant avec des amis new-yorkais, j’ai cru comprendre que je n’étais pas le seul à avoir quelques réserves sur ce chef d’orchestre. L’arrivée prochaine de Gustavo Dudamel devrait changer les choses, et peut-être redonner a ce bel orchestre l’éclat et l’élan qu’il avait du temps de Leonard Bernstein.</p>
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<h2>Messiaen, <i>Turangâlila-symphonie</i> (17 mars 2023)</h2>
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<p>Leonard Bernstein était justement en 1949 l’assistant de Koussevitzky à Boston, et c’est lui qui a tenu la baguette lors de la création de la <i>Turangâlila-symphonie</i> d’Olivier Messiaen. Lorsqu’il lui a passé commande en 1946, Koussevitzky n’a fixé aucune limite au compositeur français, ni pour la durée, ni pour l’effectif, ni pour la date butoir. Il savait peut-être que cette liberté serait le plus puissant des stimulants pour un compositeur à l’inspiration débordante qui a toujours fait les choses en grand.</p>
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<p>L’orchestre est conséquent, avec les bois par trois, cinq trompettes, le piano solo, les ondes Martenot, un célesta, et une abondante percussion. Il n’est pas non plus démesuré (Malher, Strauss et Schoenberg ont fait pire dans les décennies qui précédait). Cette symphonie est une espèce d’opéra sans paroles en dix mouvements et quatre-vingts minutes, dont les thèmes principaux circulent d’un mouvement a l’autre comme des personnages qui entrent sur scène, dialoguent avec d’autres et en ressortent. Les thèmes principaux en sont l’amour et la joie, et il est permis de d’y voir une déclaration d’amour incandescente et mystique à Yvonne Loriod, qui n’était pas encore son épouse, mais qui assura la partie de piano solo lors de la création. L’instrument est tantôt utilisé comme le soliste d’un concerto, tantôt comme un instrument supplémentaire pour enrichir les textures. C’est une partition redoutable, ne serait-ce que par sa longueur, et seuls les pianistes les plus aguerris osent l’affronter. Ce soir c’est Jean-Yves Thibaudet qui s’y colle, pour notre plus grand bonheur.</p>
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<p>C’était un grand bonheur pour moi d’entendre enfin cette partition sur scène, car si je l’ai souvent écoutée au disque, si j’ai acheté et analysé la partition, je ne l’avais pas encore entendue en <i>live.</i> Jaap van Sweden s’en sort beaucoup mieux que dans la 7<sup>e</sup> de Bruckner : il est précis, énergique dans les passages rythmiques (et Dieu sait s’il y en a), lyrique quand il le faut, enthousiaste toujours, et il emmène le NY Phil d’une main sûre à travers cette partition gargantuesque, dont la superposition de plans sonores est orgiaque : par moments on distingue jusqu’à dix ou douze plans sonores ! L’onde Martenot est plutôt discrète, je suppose que c’est à cause des haut-parleurs qui sont tournés vers l’avant tandis que je me trouve à l’arrière de l’orchestre. A moins que ça soit les choix de prise de son qui vont la mettre au premier plan dans les enregistrements que j’ai écoutés, tandis qu’elle peine à faire entendre sa voix dans une salle de concert face à un orchestre entier. Mais ne chipotons pas sur les détails, mes chères lectrices : cette symphonie, c’est du bonheur en barre, c’est un orgasme cosmique et musical, c’est une fête mystique et sonore, c’est un moment de pure extase. Et les caractéristiques propres des orchestres américains – l’énergie, l’enthousiasme, l’ouverture d’esprit, la diversité lui conviennent à merveille. Et le public semblait être d’accord avec moi car les musiciens ont été salués par une <i>standing ovation</i> aussi triomphale que méritée.</p>Lettera Amorosa, par Élise Bertrandurn:md5:9063bd6530468a120efe110690cb1d922022-08-23T18:29:00+02:002022-08-23T18:16:56+02:00Patrick LoiseleurDisquescréationDana CiocarliedisqueElise Bertrandmusique contemporainemusique françaiseviolon<p>Pour le premier album de la violoniste et compositrice <strong>Élise Bertrand</strong>, née avec le XXIe siècle, on aurait pu attendre une série de charmants pastiches attestant d'un talent précoce, destiné à mûrir et à devenir plus personnel par la suite. Il n'en est rien. Ce qui m'impressionne dans cet album c'est au contraire la maturité, l'aisance et l'assurance d'une musicienne de vingt ans qui semble déjà avoir trouvé sa voix (et sa voie).<img alt="Elise_Bertrand_Lettera_Amorosa.jpeg, août 2022" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/.Elise_Bertrand_Lettera_Amorosa_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: table;" /></p> <p>Stylistiquement, <strong>Élise Bertrand</strong> se situe dans la droite ligne de <strong>Nicolas Bacri</strong> avec qui elle a étudié. "<em>L'ensemble de mon travail de compositrice puise et s'assume dans un prolongement de la tradition des formes et du langage de la musique tonale élargie du XXième siècle"</em> écrit-elle sans ambage dans le livret. Un choix qui rejoint celui de nombreux musiciens de sa génération comme Camille Pépin, pour ne citer qu'un seul nom, et qui ne sembe pas freiner sa créativité le moins du monde.</p>
<p>L'album commence par une sorte d'etude pour piano intulée <em>Quasi Variazioni, </em>interprétée avec fougue par la virtuose <strong>Dana Ciocarlie</strong> dont nous avons déjà dit beaucoup de bien dans ce journal.</p>
<p>Vient ensuite une sonate pour violon et violoncelle (interprétée par la compositrice et par <strong>Hermine Horiot</strong>) que j'ai beaucoup aimée, dont la plénitude sonore évoque souvent le quatuor plus que le duo. Un futur classique, à côté de la célèbre Sonate de Ravel pour la même formation.</p>
<p>La flûte occupe une grande place dans cet album, avec quatre <em>Impressions Liturgiques </em>pour flûte et piano (inspirées par le Requiem de Maurice Duruflé), ainsi que les <em>Lettera Amorosa </em>aux couleurs mélancoliques pour flûte et trio à cordes qui donnent leur titre à l'album, et la <em>Mosaïque</em> pour flûte et clarinette. La flûtiste <strong>Caroline Debonne</strong> joue toutes ces pièces avec délicatesse, mais surtout avec un sens de la ligne et de la forme qui rend la musique immédiatement intelligible. La place réservée aux vents donne un côté très "français" à cet album (on pense à Ibert, Françaix ou Poulenc). L'impression de maturité et d'assurance que j'ai mentionné tient aussi à la solidité des musiciens dont Élise Bertrand a su s'entourer. Avec l'altiste <strong>Paul Zientara</strong> et le clarinettiste <strong>Joë Christophe</strong> pour compléter une équipe qui ne comporte que des musiciens du plus haut niveau.</p>
<p>L'album se termine par douze <em>Préludes</em> opus 1 pour piano seul, interprétés par la compositrice (qui joue également du piano fort bien). Ces miniatures dont la plus longue n'atteint pas deux minutes m'ont charmé par leur inventivité, leurs brusques changements d'humeur ou de tempo. Ainsi le premier, intitulé <em>Rêveur,</em> commence assez doucement, dérive vers un épisode rythmé et jazzy, redevient rêveur, et termine sur une plaisanterie musicale, le tout en à peine plus de 60 secondes. Chères lectrices, écoutez donc le 12e prélude <a href="https://www.youtube.com/watch?v=OLspTa44lQw">dans cette version live de 2016</a>. On y voit une jeune fille timide encore. Mais quand elle s'installe au piano pour défendre sa pièce, on change de registre, on comprend qu'elle n'est pas la pour rigoler. Ce n'est plus une adolescente mais une artiste accomplie et sûre d'elle qui s'exprime.</p>
<p>Vous l'aurez compris, ce premier album de musique de chambre n'est pas un coup d'essai mais un coup de maître.</p>Violin Soliloquy par Rachel Koblyakovurn:md5:b6d839689f2618291ee35a521ba4b8f02021-10-22T18:58:00+02:002021-10-22T18:26:18+02:00Patrick LoiseleurDisquescréationdisqueRachel Koblyakovviolon<p>La violoniste américaine <strong>Rachel Koblyakov</strong> publie un album solo original et passionnant.</p>
<p><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/Rachel_Koblyakov_Violin_Soliloquy_2021.jpg"><img alt="Rachel_Koblyakov_Violin_Soliloquy_2021.jpg, oct. 2021" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/.Rachel_Koblyakov_Violin_Soliloquy_2021_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: table;" /></a></p> <p>Nos lectrices la connaissent bien, car elle a enregistré mes huit Béatitudes pour violon et piano (et avec quel talent !) pour l'album <strong><a href="https://tamino-productions.com/29-albums/151-loiseleur-en-blanc-et-noir-audio-cd" hreflang="en" title="En Blanc et Noir Patrick Loiseleur">En Blanc et Noir</a></strong>. Pour ce nouvel album, pas de piano, pas d'orchestre: juste la voix nue du violon. Cet album que je ne peux m'empêcher de rapprocher du <a class="ref-post" href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2007/05/31/26-antoine-tamestit-en-solo">magnifique premier disque d'Antoine Tamestit</a>, ne cède rien à la facilité. Rachel Koblyakov n'a pas choisi les Sonates et Partitas de Bach qui nous sont familières, ni les pièces brillantes de Paganini, Kreisler ou Ysaïe. Elle nous propose d'écouter <strong>Hindemith, Bass, Rihm, Pintscher et Boulez</strong>. Une sélection faite avec un goût très sûr qui témoige d'une grande connaissance du répertoire des XXe et XXIe siècles.</p>
<p>Certains interprètes se croient obligés d'adopter une posture austère, une certaine froideur expressive dans la musique d'aujourd'hui. C'est tout l'inverse que fait Rachel Koblyakov: elle joue Hindemith ou Boulez comme on danse sur un fil: avec énergie, avec passion, avec rage, avec toute une palette d'émotions, avec un engagement complet sur chaque note qui nous engage à la suivre dans ces pièces exigeantes qui demandent d'aller au bout de la technique instrumentale, au bout de soi-même.</p>
<p>Ma plage préférée sur ce disque est <a href="https://www.youtube.com/watch?v=s7bQfCjrRyc">Über die Linie VII de Wolfgang Rihm</a>. C'est la plus développé, elle dure vingt minutes. Rihm a concu une ligne quasiment ininterrompue qui se développe, se tranforme, emmène le violon jusqu'à ses limites extêmes (par exemple des fortissimos dans le suraigu qui sont littéralement parlant injouables). Rachel Koblyakov s'engage sur cette corde raide avec assurance, avec une vision d'ensemble qui confère à chaque note, chaque accord une place bien précise. Comme un funambule, elle ne relâche jamais son attention, elle donne un vrai souffle à cette ligne qui finit par dessiner tout un paysage sonore et émotionnel.</p>
<p>Ce soliloque n'a rien d'abstrait ou d'intellectuel: il est charnel, physique, mais aussi spirituel en ceci qu'il renvoie l'auditeur à son propre dialogue intérieur. C'est un pari audacieux qui révèle tous les talents de cette belle interprète.</p>Le Soulier de Satin (Dalbavie d'après Claudel)urn:md5:f8ccd9d102d15b4f774ae9ca5a3f3e892021-06-07T22:35:00+02:002021-06-08T22:00:56+02:00Patrick LoiseleurOpéracréationMarc-André Dalbaviemusique françaiseopéraPaul Claudel<p style="text-align: justify;">Quel bonheur de quitter la survie pour revenir à la vie en ce printemps où l'épidémie semble prête à reculer pour de bon, grâce aux vaccins notamment ! Il fallait reprendre le quatuor et l'orchestre pour réaliser combien ces activités m'ont manqué. Et il fallait que l'opéra de Paris rouvre ses portes, ce samedi 5 juin, pour comprendre à quel point le concert vivant nous avait manqué, profondément. Et quoi de mieux qu'une création (<em>Le Soulier de Satin</em>, musique de Marc-André Dalbavie d'après un livret de Paul Claudel) pour réveiller cette maison pluri-centenaire dont le seul péché est son culte parfois excessif de la tradition ?</p>
<p><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/opera/opera_de_paris_2021_06_05.png" style="margin: 0 auto; display: table;" /></p> <p style="text-align: justify;">Si vous avez déjà assisté à une pièce de Paul Claudel, mes chères lectrices, vous saurez que la concision et la légèreté ne sont pas ses qualités premières. Laissant le registre du comique à d'autres, Claudel occupe le terrain du drame métaphysique, de l'angoisse qui saisit l'âme chrétienne traversée par des espérances plus grandes et des joies plus hautes que celles que peuvent porter un coeur humain.</p>
<p style="text-align: justify;">Ce qui fait la grande qualité des pièces de Claudel est aussi une grande source de tourment pour les acteurs et metteurs en scène. Car le texte de Claudel, toujours magnifique, souvent un peu long, peut porter les acteurs, les transcender même, tout autant qu'il peut les écraser. Sa grandeur est celle d'une imposante cathédrale qui vise l'éternité et se soucie bien peu des passions et des faiblesses humaines. À l'heure où l'addiction aux réseaux sociaux réduit le temps de concentration d'une personne à moins d'une minute, oser se plonger dans ces textes exigeants autant que sublimes est un acte de résistance, presque une provocation. Cela demande d'adopter subitement un autre rapport au temps.</p>
<p style="text-align: justify;">Pour son troisième opéra, M. Dalbavie a choisi <em>Le Soulier de Satin, </em>la plus longue des pièces de Claudel, en fait une tétralogie en quatre soirées qui couvre près de 12 heures, et un nombre considérable de kilomètres car l'action se situe aux quatre coins du globe, dans le sièlce qui a vu naître la mondialisation (le XVIe). La librettiste Raphaèle Fleury a sorti les ciseaux pour réduire ce monstre scénique à un opéra qui dure près de 5 heures sans les pauses, ce qui n'est pas si terrible quand on y pense (le Crépuscule des Dieux de Wagner dépasse allègrement les 4 heures de musique, et ce n'est que la dernière soirée de la monumentale Tétralogie). Pour ne pas trop fatiguer les musiciens, l'opéra de Paris a décidé d'utiliser ses deux orchestres successivement. Par ailleurs le chant alterne avec la parole, et parfois s'y superpose.</p>
<p style="text-align: justify;">Et la musique, me direz-vous ? Pas facile de résumer une oeuvre aussi ambitieuse en quelques mots. Marc-André Dalbavie me simplifie pourtant un peu la tâche car il a manifestement utilisé les mêmes techniques d'écriture d'un bout à l'autre, ou peu s'en faut. La plupart des scènes se résument à de longs récitatifs orchestrés, où les seules lignes mélodiques sont celles des chanteurs. Ce choix présente au moins l'avantage de respecter et de porter le texte de Claudel. Mais l'orchestre reste comme figé dans d'interminables notes filées (aux cordes surtout), que viennent interrompre de brusques accès de colère des cuivres et des percussions. Les couleurs sont belles, l'orchestration est très fine et se souvient de Ravel autant que de la musique spectrale, mais le tout est diablement statique et d'une immobilité assumée (que Dieu me tripote, aurait dit le regretté Pierre Desproges, voilà que mon inconscient farceur m'a sussuré l'adjectif "diablement". Un exorcisme s'impose !). Les harmonies sont post-modernes, on sent que l'atonal pur et dur, farci de dissonnances aigües, est passé de mode depuis longtemps. Je l'ai déjà dit, le travail est soigné, et les couleurs sont belles, tout en restant excessivement froides, surtout pour un mois de juin. Ainsi la prière de Doña Musique, qui se réjouit d'apporter un enfant au monde malgré la violence et la souffrance qui y règnent, m'a paru plus sombre que joyeuse. Mais ma voisine m'a dit qu'elle était sensible à cette prière, car on peut demander de la joie à Dieu lorsqu'on n'en ressent aucune.</p>
<p><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/opera/opera_de_paris_2021_06_05_foyer.png" style="margin: 0 auto; display: table;" /> </p>
<p style="text-align: justify;">Même dans le grand duo du 3e acte, qui réunit enfin les tourteraux dans une numéro brillant (et difficile à comprendre si on a l'âme moins tourmentée que Paul Claudel) de <em>je t'aime, moi non plus, </em>avant de les séparer de la plus définitive des façons, même ce grand duo a quelque chose d'écrasant et qui m'a paru manquer singulièrement de tendresse. Si c'est cela, l'Amour avec un grand A, si c'est une vie de séparation et de souffrance, et puis quelques déclarations grandiloquentes sur le thème du sacrifice, avant de mourir, alors il vaut mieux coire en Dieu, en effet. Il vaut mieux espérer se retrouver peut-être dans un autre monde plus juste et plus doux car celui-ci est franchement sinistre :</p>
<blockquote>
<p><br />
<strong>Doña Prouhèze</strong></p>
<p>Prends, Rogrigue, mon coeur, mon amour, prends ce Dieu qui me remplit !<br />
La force par laquelle je t'aime n'est pas différence de celle par laquelle tu existes.<br />
Je suis unie à cette chose qui te donne la vie éternelle.</p>
<p><strong>Don Rodrigue</strong></p>
<p>Paroles au-delà de la Mort et que je comprends à peine ! Je te regarde et cela me suffit !<br />
Ô Prouhèze, ne t'en va pas de moi, reste vivante !</p>
<p><strong>Doña Prouhèze</strong></p>
<p>Il me faut partir</p>
<p><strong>Don Rodrigue</strong></p>
<p>Je suis le maître encore ! Si je veux, je peux t'empêcher de partir.</p>
<p><strong>Doña Prouhèze</strong></p>
<p>Crois-tu vraiment que tu peux m'empêcher de partir ?</p>
<p><strong>Don Rodrigue</strong></p>
<p>Oui, je peux t'empêcher de partir.</p>
<p><strong>Doña Prouhèze</strong></p>
<p>Tu le crois ? dis seulement un mot et je reste. Je te le jure, dis seulement un mot et je reste. Un mot, et je reste avec toi. Un seul mot, est-il si difficile à dire ? Un seul mot et je reste avec toi.</p>
<p>(Silence. Rodrigue baisse la tête et pleure, Doña Prouhèze s'est voilée de la tête aux pieds)</p>
<p><strong>L'enfant</strong> (avec un cri perçant) </p>
<p>Mère, ne m'abandonne pas ! </p>
</blockquote>
<p> </p>
<p style="text-align: justify;">Il y a de très beaux moments dans cet opéra, comme la prière de Saint Jacques, chantée par l'excellent Max-Emannuel Cenčić, soutenu par une pure splendeur orchestrale. Mais la plupart des scènes créent une atmosphère figée et glaçante comme la scène de la Lune (les cordes se relaient pour une tenue interminable sur la note de mi tandis qu'une lune gigantesque apparaît sur toute la scène. Seule la voix enregistrée de Fanny Ardant apporte quelque chaleur à ce monoloque de l'astre céleste qui observe tendrement les amoureux séparés par un océan et pourtant incompréhensiblement liés l'un à l'autre dans leur chair.</p>
<p style="text-align: justify;">Mais ce qui m'a manqué sans doute, c'est le contraste, le renouvellement, qui permettent de structurer le récit en changeant de couleur émotionnelle. Dans un opéra digne de ce nom, il peut y avoir des moments pour rire et d'autres pour pleurer, des moments de foi et des moments de doute ou d'horreur, des moments de grande tendresse et des scènes de violence. Songez à la diversité des émotions qu'on traverse dans le seul premier acte de <em>Don Giovanni</em> ou de <em>Carmen</em>.<em> </em>Dans cet opéra, Dalbavie semble vouloir accentuer jusqu'à la caricature la monotonie et les longueurs du texte de Claudel. Son travail sur les résonances et les effets accoustiques (masques, échos, fusion et séparation des fréquences) est toujours d'une grande finesse, mais il reste trop figé dans ses propres maniérismes pour permettre des changements d'atmosphère radicaux. Il utilise toujours l'orchestre pour des effets de masse, travaillant presque comme un ingénieux ingénieur du son plutôt que comme un compositeur classique. Du coup il n'y a pas un seul instrumentiste qui peut se dire "j'ai un chouette solo à la scène 2 de l'acte 3", chaque instrument étant utilisé comme un tuyau d'orgue ou un résonateur acoustique davantage que comme un personnage mélodique. Se plonger dans cette musique lente et hypnotique pendant une après-midi entière, c'est un peu comme traverser la Sibérie à pied : c'est très beau mais plutôt froid et un peu long, surtout les 5000 derniers kilomètres.</p>
<p style="text-align: justify;">Un mot sur la mise en scène de Stanislas Nordey : elle utilise ingénieusement de grands tableaux (pastiches de tableaux célèbres qui évoquent la Renaissance et l'Espagne au temps des <em>Conquistadores</em>), qui peuvent également figurer des bateaux, des balcons, des forteresses. Elle évite de trop en faire, ce qui est bienvenu face au texte chargé de Claudel et à l'orchestre pléthorique avec les bois par trois et une abondante percussion. Les didascalies sont lues à voix haute par deux Monsieur Loyal en redingote, ce qui évite au moins de trop se perdre dans les multiples changements de lieu. D'aucuns les ont trouvés agaçants, ce qui n'est pas mon cas. Leur humour paraît pourtant un peu en décalage avec tout le reste de la pièce qui est excessivement sérieux dans le texte comme dans la musique d'un bout à l'autre.</p>
<p style="text-align: justify;">Malgré ses proportions imposantes, cet opéra se termine abruptement, presque en queue de poisson, lorsqu'au terme de nombreuses péripéties, Doña des Sept Épées (fille de Doña Prouhèze), s'écrie au loin :</p>
<p><em>Délivrance aux âmes captives !</em></p>
<p>SIlence. Rideau.</p>Danse de la joie des étoilesurn:md5:aa32464e80eac54cf982fbc3339d300c2021-02-22T15:50:00+01:002021-02-22T16:16:54+01:00Patrick LoiseleurCompositionsaltoPatrick LoiseleurVincent Royer<p>Nous vivons une époque déprimante, je ne suis pas le seul à le remarquer. Une période spécialement éprouvante pour les musiciennes qui voient disparaître non seulement leur gagne-pain mais ce qui donne un sens à leur vie, ce à quoi elles ont tout sacrifié. Comment parvenir à garder le moral quand la musique a été classifiée parmi les activités inessentielles, que les salles de concert sont fermées alors que l'on se bouscule dans les magasins restés (presque tous) ouverts ? </p> <p>Une anecdote pourra peut-être, mes chères lectrices, vous apporter un baume au coeur, une lueur d'espoir au milieu de la tourmente. Pour cela il faut nous transporter quelques années en arrière, en août 2012. Le cumul des études musicale à Liège (en Belgique) avec un emploi à temps partiel à Paris m'avait amené au bord de l'épuisement. Le rythme infernal de 7 jours travaillés sur 7 avait dégradé ma vie familiale et conjugale. Je l'ignorais encore mais mon (ex-)épouse avait perdu patience et m'avait déjà trouvé un remplaçant. J'étais sur le point de perdre la femme que j'aimais le plus au monde et la famille que j'avais construite avec elle. J'étais épuisé, découragé, je pressentais une catastrophe déjà inéluctable. J'étais au bord du gouffre.</p>
<p>C'est alors que j'ai commencé à écrire la 2e partie de ma pièce pour treize altos commandée par Vincent Royer et la section d'alto du Gürzenisches Orchesters Köln (l'orchestre en résidence de la Philharmonie de Cologne, en Allemagne). En faisant le calme et le silence en moi-même pour y trouver de l'inspiration, à ma grande surprise, je n'y ai trouvé que de la joie. Alors qu'en surface tout allait mal, en plongeant à l'intérieur de moi-même, j'ai contemplé une grande joie. Une joie vivace, irrésistible, contagieuse, mystique, transcendante. Une joie immense qui n'avait pas d'autre cause qu'elle-même, qui éclairait le Monde avec la force généreuse, débordante et inépuisable qui émane du Soleil. La joie que dut éprouver le Créateur lui-même, lorsqu'il vit danser les étoiles et se déployer les galaxies, porteuses de millions de milliards de planètes et de vies innombrables.</p>
<p><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/compo/Loiseleur_Danse_De_La_Joie_Des_Etoiles_13_Altos.png"><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/compo/.Loiseleur_Danse_De_La_Joie_Des_Etoiles_13_Altos_m.png" style="margin: 0 auto; display: table;" /></a></p>
<p>C'est ainsi que j'ai écrit <strong>Danse de la Joie des Étoiles</strong>, deuxième partie de mon triptyque <strong>13.2 milliard d'années-lumière</strong> pour treize altos solistes. Un motif dansant et syncopé, repris dans des micro-polyphonies qui donnent parfois l'impression qu'on a un orchestre entier, des harmonies hypertonales qui explorent librement tout l'espace séparant la consonnance du bruit blanc. La vie étant ce qu'elle est, le concert prévu en septembre 2012 <a class="ref-post" href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2014/05/06/Bravos-de-Cologne">n'a pu avoir lieu qu'en avril 2014</a>. Il a été dédié à la mémoire d'un des altistes de ce bel orchestre, tombé gravement malade et décédé entretemps. Ainsi va notre vie où le rire se mêle parfois au larmes, où la musique nous aide à prendre conscience que nous nes sommes qu'une toute petite partie d'une merveille immense et éternelle, et à entrer pleinement dans cette merveille.</p>
<p>Mes chères amies musiciennes<sup data-footnote-id="jrooe"><a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2021/02/22/Danse-de-la-joie-des-%C3%A9toiles#footnote-1" id="footnote-marker-1-1" rel="footnote">[1]</a></sup>, avec la complicité de Vincent Royer et de ses amis, je vous offre ces 5 minutes de bonheur en vous exhortant à garder la foi, et à chercher au-dedans la source de la joie, de toute joie, qui ne demande qu'à s'exprimer, encore et encore, dans les bons moments comme dans les moins bons. Que la musique vive !</p>
<p><iframe allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/CGJWNvpVBtc" width="560"></iframe></p>
<section class="footnotes">
<header>
<h4>Note(s)</h4>
</header>
<ol>
<li data-footnote-id="jrooe" id="footnote-1"><sup><a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2021/02/22/Danse-de-la-joie-des-%C3%A9toiles#footnote-marker-1-1">^</a> </sup><cite>C'est un féminin inclusif bien sûr, qui enblobe les musiciens et les musiciennes.</cite></li>
</ol>
</section>En Piste !urn:md5:4f6d51aba42687902856ca13b7b189052020-10-19T08:54:00+02:002020-10-19T08:41:26+02:00Patrick LoiseleurGénéralDisques TritonFrance Musiqueradio<p>Les auditrices de France Musique ont pu entendre un extrait de l'album En Blanc et Noir sur France Musique hier soir dans l'émission hemdomadaire <a href="https://www.francemusique.fr/emissions/en-pistes-contemporains/actualite-cd-de-la-creation-patrick-loiseleur-alexandre-desplat-gregoire-rolland-manfred-trojan-87712">En Piste ! Contemporain</a>, revue des sorties discographiques présentée par Émilie Munera et Rodolphe Bruneau-Boulnier.</p>
<p><a href="https://www.francemusique.fr/emissions/en-pistes-contemporains/actualite-cd-de-la-creation-patrick-loiseleur-alexandre-desplat-gregoire-rolland-manfred-trojan-87712"><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/radio/.En_piste_contemporain_18Oct2020_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: table;" /></a></p> <p>Rodolphe Bruneau-Boulnier m'a présenté comme un "autodidacte" ce qui n'est pas exact car j'ai étudié la composition, l'harmonie, le contrepoint, l'orchestration durant 2 ans à l'Ecole Normale de Musique de Paris et 4 ans au Conservatoire de LIège où j'ai obtenu un Master en 2013. Il a dit parlé d'un album où "le piano est roi" ce qui est vrai, et donné à entendre la première<em> Étude pour piano "L'Araignée" </em>par <strong>Philippe Hattat</strong>, dont il a rappelé l'intérêt pour la musique d'aujourd'hui (il a notamment enregistré les Études pour piano de <strong>Philippe Manoury</strong>).</p>
<p>Cette revue m'a permis de découvrir des choses très sympathiques comme le nouvel album de <strong>Tabea Zimmerman</strong> qui a enregistré une bonne partie du très beau cahier de pièces pour alto solo "Signs, Games, and Messages" signé <strong>Giorgy Kurtag</strong>. Ainsi qu'un premier disque de Grégoire Rolland, compositeur dont j'ai eu l'occasion de jouer une pièce pour orchestre avec Ut Cinquième il y a quelques années, lorsqu'il étudiait au Conservatoire de Paris.</p>
<p>Cet album a été également <a href="https://vagnethierry.fr/patrick-loiseleur-en-noir-et-blanc/">recensé sur le blog de Thierry Vagne</a> qui le couvre de compliments (un grand merci à lui d'avoir pris le temps d'écouter l'albuym) et conclut par ces mots: </p>
<blockquote>
<p><em>Un bien beau disque qui contredit les propos du compositeur : “les derniers soupirs de la musique occidentale en état de mort cérébrale”…</em></p>
</blockquote>
<p> </p>En Blanc et Noir: Courrier d'une Auditriceurn:md5:d4e70e43b3d304699f88ecf43cbe7dcf2020-10-16T21:52:00+02:002020-10-16T20:55:16+02:00Patrick LoiseleurDisquesBéatitudesdisquePatrick Loiseleurviolon<p>J'ai reçu bon nombre de très gentils messages des auditeurs et auditrices au sujet de l'album <a href="https://tamino-productions.com/albums/loiseleur-en-blanc-et-noir-audio-cd" hreflang="fr" title="Loiseleur: En Blanc et Noir">"En Blanc et Noir"</a> mais celui-là m'a touché particulièrement, car il a l'accent de la sincérité. Je partage donc ces mots avec vous, tout en préservant l'anonymat de la personne qui me les a envoyé et que je remercie du fond du coeur.</p> <blockquote>
<p>Cher Patrick,</p>
<p>J'ai pris le temps d'écouter ta création, bravo, ton univers est riche et surprenant. </p>
<p>Il n'est pas fait pour plaire, ni pour déplaire, il exprime sa vérité brute.</p>
<p>Sans concession !</p>
<p>Je comprends mieux le titre "En blanc et noir", entre l'ombre et la lumière...</p>
<p>Le contraste des atmosphères aussi, tantôt oppressantes (voire anxiogènes ... voire "hard-core!"...) tantôt plus douces, plus lumineuses, comme un rayon de soleil jaillissant des ténèbres.</p>
<p>(Le violon est magique.) </p>
<p>En allant plus loin, j'y vois l'affrontement entre deux mondes, l'ancien et le nouveau. </p>
<p>Puissant!</p>
<p> "Un véritable artiste est au-delà de la vanité du moi et de ses ambitions." Krishnamurti</p>
</blockquote>
<p> </p>Benoît Menut: Les Îlesurn:md5:846de2a1735efe366d2c006cf58e39a32020-10-13T19:47:00+02:002020-10-13T20:47:40+02:00Patrick LoiseleurDisquesBenoît MenutcréationdisqueEmmanuelle BertrandMaya Villanuevamusique contemporainemélodie françaisepianoRomain DavidStéphanie Moralyviolonvioloncelle<p style="text-align: right;"><em>L'espace est un océan.<br />
Les univers sont des îles.<br />
Mais il faut des communications entre les îles<br />
Ces communications se font par les âmes</em><br />
(Victor Hugo)<br />
<br />
</p>
<p>Nous étiions hier soir à la soirée de lancement du <a href="http://www.harmoniamundi.com/#!/albums/2596">disque monographique Les Îles</a><strong> </strong>consacré par le label Harmonia Mundi au compositeur<strong> Benoît Menut</strong>. Cette soirée était également la clôture du festival "Aux Armes Contemporains !" organisé à la Scala de Paris.</p>
<p><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.aux_armes_contemporains_2020_10_12_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: table;" /></p> <p>Le coeur de <a href="http://www.harmoniamundi.com/#!/albums/2596" hreflang="fr">cet album</a> est constitué un cycle de 16 mélodies intitulé Quanta pour soprano, violon, violoncelle et piano sur des textes de <strong>Dominique Lambert.</strong> Des textes qui évoquent la Bretagne avec son granit, ses forêts, ses côtes sauvages, son vent iodé, sa beauté minérale et froide. Jugez-en: </p>
<blockquote>
<p>Îles, hosties de la déesse, pores de son enveloppe<br />
Sphères et îles, ocelles de sa peau naufragée<br />
Îles cardinales, et sa voix, ouverte à chacun des vents</p>
</blockquote>
<p>C'est la soprano <strong>Maya Villanueva</strong> qui chante ces pièces exigeantes avec virtuosité et sensibilité, accompagnée par l'ensemble Syntonia (avec la violoniste <strong>Stéphanie Moraly</strong> et le pianiste <strong>Romain David</strong> <a class="ref-post" href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2010/09/11/Les-sonates-pour-violon-et-piano-d-Olivier-Greif-a-Paris-le-13-septembre-2010">dont nous avions déjà parlé</a> pour un très beau disque Greif).</p>
<p>Quelque mots sur le style de <strong>Benoît Menut</strong>, tel qu'il apparaît dans ces pièces. Le compositeur breton navigue habilement entre les deux écueils du néo-classique inintéressant et du "contemporain" inécoutable. On peut donc trouver dans sa musique des lignes mélodiques, et parfois un point d'ancrage tonal, dans une écriture libre, naturelle et fluide. Marquée d'une indicible nostalgie dans les mouvements lents, capable également d'une grande énergie rythmique, ce n'est pas une musique très sentimentale, dans le sens où elle ne cède rien à la facilité. Sa beauté est celle d'un paysage maritime parfois âpre et austère, parfois plus tendre.</p>
<p>Ce cycle Quanta est complété par d'autres pièces dont les magnifiques traversées pour violoncelles seul interprétées par la non moins magnifique <strong>Emmanuelle Bertrand, </strong>un des points culminants de l'album. On y entend notamment des glissandos d'harmoniques qui peuvent faire penser aux cris des mouettes. Debussy nous a fait rêver à La Mer en utilisant les ressources d'un orchestre symphonique. Benoît Menut a entrepris d'évoquer le voyage maritime avec un seul violoncelle, défi qu'il parveint à relever grâce à une connaissance intime de l'instrument. Il sait jusqu'où aller trop loin dans ce diptyque Terre-Mer exigeant mais très réjouissant à entendre sous les doigts d'une telle virtuose.</p>
<p>Emmanuelle Bertrand est rejointe par le violoncelliste <strong>Patrick Langot</strong> pour un duo <em>Caraïbes</em>. Une introduction lente et lyrique, dont la richesse évoque un quatuor à cordes davantage qu'un duo, débouche sur une danse endiablée, rythmée par de nombreux effets percussifs (y compris avec les pieds ou en frappant la caisse du violoncelle). Globalement, le violoncelle est l'instrument roi de cet album, on sent une affection particulière pour cet instrument.</p>
<p>On trouve encore dans cet album un <em>Canto per Matteo</em>, pour violon seul, aux couleurs élégiaques autour du sol mineur, dans une esthétique pas si éloignée d'Olivier Greif.</p>
<p>Ainsi qu'une Etude-Statue n°5 intitulée <em>L'Oiseau Didariel</em> qui nous invite à suivre cet étrange animal volant sous l'eau. Celle-ci étant <a href="https://www.youtube.com/watch?v=P3Evbo03yWM">disponible sur Youtube en intégralité,</a> il vaut peut-être mieux que je vous laisse la découvrir sans bavarder davantage. Partant d'un simple balancement de sixtes en la mineur, cette musique de résonnance, de caractère méditatif, dans les tons bleu foncé, explore progressivement le clavier jusqu'à l'extrême (le la le plus grave et le do le plus aigu) avant de se fondre dans le silence.</p>
<p>Ainsi que deux mélodies sur des textes d'<strong>Aimé Césaire</strong>: <em>Qui donc, qui donc...</em><b> </b>et <em>Paroles d'Îles</em>:</p>
<blockquote>
<p>Si nous voulons réappareiller l’abeille dans les campêchiers du sang<br />
Si nous voulons désentraver les mares et les jacinthes d’eau<br />
Si nous voulons réfuter les crabes escaladeurs d’arbres et dévoreurs de feuilles<br />
Si nous voulons transformer la rouille et la poussière des rêves en avalanche d’aube<br />
Qu’es-tu…</p>
</blockquote>
<p>Enfin, deux duos <em>Les îles</em> pour violon et violoncelle complètent ce voyage entre Terre et Mer: <em>Ouessant</em> et <em>Belle-Île</em>.</p>
<p>Le livret de l'album raconte que Benoît Menut <em>"veille à marier l’exigence d’une écriture lyrique et structurée, et une sincère volonté de rester proche du public et des interprètes, comme une sorte de “metteur en scène” des émotions."</em> . Grâce à de magnifiques interprètes, la pari est tenu avec ce deuxième album monographique nourri de belle poésie, qui évoque une grande richesse d'émotions et de paysages sans rien céder à la facilité, naviguant avec assurance entre l'écueil d'une approche traditionnelle trop prévisible et celui d'un avant-gardisme qui ne signifie plus rien à force de chercher l'inouï. Chapeau l'artiste !</p>
<p><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/Concert_Benoit_Menut_2020_10_12.jpg"><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.Concert_Benoit_Menut_2020_10_12_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: table;" /></a></p>
<p>(de gauche à droite sur la traditionnelle "photo de famille": Yann Quéfélec, Benoît Menut, Romain David, Stéphanie Moray, Maya Villanueva, Patrick Langot, Emmanuelle Bertrand)</p>En Blanc et Noir: Concert Vendredi 25 septembreurn:md5:2cdecf09d82c5a474102910ceee4ec822020-09-19T18:18:00+02:002020-09-19T17:19:18+02:00Patrick LoiseleurConcertsaltoclarinettedisqueL Oiseleur des LongchampsOrlando BassPatrick LoiseleurPhilippe HattatpianoRachel Koblyakovviolon<p>Chères lectrices, il reste encore quelques places pour le concert de sortie de l'album EN BLANC ET NOIR le vendredi 25 septembre. Cependant, la jauge de la salle ayant été réduite en raison des mesures sanitaires, le nombre de place est limité et <a href="https://www.eventbrite.fr/e/billets-en-blanc-et-noir-nouvel-album-113899289842" hreflang="fr" title="25 Septembre lancement de l'album EN BLANC ET NOIR">la réservation est vivement conseillée.</a> Voici le programme définitif de ce concert:</p> <ul>
<li>2 Pièces pour alto, clarinette et piano</li>
<li><em>3 Études</em> pour piano seul</li>
<li><em>Béatitudes</em>: 8 pièces pour Violon et Piano</li>
<li>Ouverture et 2 extraits de l'opéra de chambre <em>"Papageno et Tindarella"</em></li>
</ul>
<p>Artistes interprètes:</p>
<ul>
<li><strong>Orlando Bass</strong> piano</li>
<li><strong>Joséphine Besançon</strong>, clarinette</li>
<li><strong>Philippe Hattat</strong>, piano</li>
<li><strong>Rachel Koblyakov</strong>, violon</li>
<li><strong>L'Oiseleur des Longchamps</strong>, baryton</li>
<li><strong>Ieva Sruogyte</strong>, alto</li>
</ul>
<p>Le concert aura lieu de 20h à 21h30. En raison des mesures sanitaires il n'y aura pas d'entracte ni de "pot" à l'issue du concert: cependant, muni du masque de rigueur, il sera possible d'échanger quelques mots avec les artistes.</p>
<p>Cela se passe à l'<strong>Espace Ararat, 11 rue Martin Bernard Paris 13e, le vendredi 25 septembre 2020</strong>. À très bientôt, chères auditrices !</p>
<p> </p>
<p><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/Affiche_Concert_25_septembre_2020.jpg"><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/.Affiche_Concert_25_septembre_2020_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: table;" /></a></p>Clémence de Grandval: Trios avec Piano (Festival Rosa Bonheur)urn:md5:97d57df50903dc551a3126887450ce8c2020-08-31T20:42:00+02:002020-09-03T10:30:58+02:00Patrick LoiseleurConcertsAlexandre PascalHéloïse LuzzatiLaurianne Corneillemusique de chambremusique françaisepianoviolonvioloncelle<p>Ce récital de musique de chambre offert par <strong>Alexandre Pascal</strong> (violon), <strong>Héloïse Luzzati</strong> (violoncelle) et <strong>Laurianne Corneille</strong> (piano) fut un pur moment de bonheur <a href="https://www.chateau-rosa-bonheur.fr/festival/">dans le château du même nom</a>. Le premier d'entre eux étant la (re)découverte d'une compositrice fort injustement oubliée : <strong>Clémence de Grandval.</strong></p> <p>Elle a écrit des opéras, de la musique religieuse et symphonique, de la musique de chambre… fort célèbre en son temps, respectée et vantée par Camille Saint-Saëns et tant d’autres, elle est tombée aujourd’hui dans un oubli quasi complet. Si vous croyez, chères lectrices, que le jugement de la postérité est équitable et n’a sélectionné que les plus belles œuvres et les meilleurs artistes au fil du temps, vous vous trompez lourdement. Il existe de véritables bijoux qui dorment encore dans les tiroirs (et parfois sont perdus à tout jamais), tandis que des nanars sans goût ni vertu continuent à jouir d’une inexplicable popularité.</p>
<p>Lorsqu’on sait qu’il a fallu 120 ans pour que l’opéra de Paris se décide enfin à programmer <a class="ref-post" href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2015/06/15/Le-Roi-Arthus-au-Paradis">le sublime opéra Le Roi Arthus d’Ernest Chausson</a> (qui n’est pourtant pas n’importe qui !), on ne peut que deviner le nombre d’œuvres magnifiques qui ne sont pas programmées simplement par paresse, conformisme, manque d’audace et de curiosité. Par ailleurs, quand on voit le niveau de sexisme qui persiste encore en 2020 dans le milieu pourtant feutré et policé de la musique dite "classique", on ne peut pas s'étonner que certaines musiciennes aient été invisibilisés comme l'ont été des scientifiques ou des autrices.</p>
<p>Heureusement certains musiciens vont éplucher les archives, fouiner dans les bibliothèques et les brocantes, toujours à l’affût de la perle rare. C'est le cas d'Héloïse Luzzati qui nous explique avec un enthousiasme communicatif sa découverte récente de la musique de Clémence de Grandval.</p>
<p>On commence avec deux pièces de la maturité: <em>Andante et Intermezzo</em> pour piano, violon, violoncelle (1890). L'écriture est classique, et en cela proche de Saint-Saëns, avec des carrures par 4 mesues, un plan tonal clair et lisible, des proportions équilibrées. Les harmonies sont raffinées, avec des couleurs presques fauréennes par moments. Tout en respectant le moule classique, c'est plein d'invention mélodique, de fantaisie, d'énergie rythmique. </p>
<p>Ensuite ce sont deux pièces (<em>Romance</em> et <em>Gavotte</em>, 1884) écrites à l'origine pour hautbois, violoncelle et piano, où l'on retrouve les mêmes qualités d'écriture (et ça sonne fort bien avec un violon à la place du hautbois, même si on perd bien sûr cette couleur bien spécifique qui fait tout le charme de l'instrument). On pourrait rapprocher ce trio de celui que Brahms a écrit pour clarinette, violoncelle et piano (opus 114).</p>
<p>Et puis trois pièces pour violoncelle et piano (1882), là encore de facture robuste et pleines d'invention. Ce qui s'en rapprocherait le plus serait peut-être les sonates de Beethoven. En tout cas, l'écriture de Grandval est sans aucune mièvrerie, bien loin des stéréotypes. Ensuite une <em>Musette</em> pour violon et piano qui saute et virevolte.</p>
<p>Pour terminer, une oeuvre de jeunesse, le 2e grand Trio (1853) en quatre mouvements. On y sent l'enthousiasme et la fougue de la jeunesse (elle avait 19 ans !), chaque mouvement se termine sur une triomphante coda comme si c'était le Finale. Il y a quelques longueurs et répétitions aussi, mais les oeuvres de jeunesse de Brahms souffrent du même défaut. Là encore ce qui me frappe, après avoir regardé la partition c'est la solidité de l'écriture et le respect des formes classiques. Laquelle est très bien servi par trois grands chambristes qui défendent cette musique avec passion, et nous offrent une interprétation de référence qu'on espère ré-entendre prochainement, et pourquoi pas en disque ?</p>
<p>Clémence de Grandval a écrit des opéras, des mélodies, beaucoup de choses qui ne sont pas éditées, pas enregistrées: c'est tout un travail qui devrait être fait pour exhumer ces oeuvres dormantes, mais qui méritent amplement leur place au milieu de Lalo, Chabrier, Saint-Saëns, Chausson et Franck. Le public ne s'y est pas trompé, en acclamant la re-création de ces pièces rares et en réclamant deux bis à Laurianne Corneille, Héloïse Luzzati et Alexandre Pascal. On en redemande !</p>
<p><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/2020-08-28_20.33.36.jpg"><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.2020-08-28_20.33.36_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: table;" /></a></p>Sortie de l'album EN BLANC ET NOIRurn:md5:abc0a79397151f7f51598b1dc2a4dcae2020-07-17T18:01:00+02:002020-07-17T17:04:25+02:00Patrick LoiseleurConcertscréationdisqueDisques Tritonmusique de chambremusique françaiseOrlando BassPhilippe HattatpianoRachel Koblyakovviolon<p>Chères lectrices, après des mois de confinement qui nous ont privé des joies du concert (mais pas seulement), c'est avec émotion que je vous annonce la date de sortie officielle de notre album <strong>EN BLANC ET NOIR.</strong> Avec mes amis et complices <strong>Orlando Bass, Rachel Koblyakov, Philippe Hattat,</strong> nous avons concocté un joli programme qui vous permettra de découvrir l'album mais aussi de profiter de quelques surprises et d'entendre des inédits !</p>
<p>Cela se passera<big><strong> à l'espace Ararat (11 sur Martin Bernard, Paris 13e) le vendredi 25 septembre 2020 à 20h</strong></big> précises. Une participation aux frais de 15€ est demandée (et nous vous invitons à <a href="https://www.eventbrite.fr/e/billets-en-blanc-et-noir-nouvel-album-113899289842">réserver un billet dès maintenant sur le site eventbrite</a>, le nombre de places étant limité).<br /><br />Prenez vos masques, votre gel hydrohalcolique, vos oreilles, votre curiosité et bien sûr vos mains pour applaudir !</p>
<p>En attendant, voici un peu de lecture: un extrait de la présentation de l'album qui donne quelques clés sur sa composition.</p> <h2><span><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/.couverture_CD_en_blanc_et_noir_m.png" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /><br /></span></h2>
<h2><span>En Blanc et Noir</span></h2>
<p>Le BLANC ce sont les touches du piano. Le do majeur immaculé qu’on va bientôt souiller avec les dissonances apportées par les touches noires pour que naisse la musique.</p>
<p><span>Le NOIR c’est l’imposant cercueil du piano de concert moderne qui vient recueillir dans sa carcasse imposante les derniers soupirs de la musique occidentale en état de mort cérébrale.</span></p>
<p><span>Le BLANC c’est la tendre nostalgie des Dieux de l’Olympe.</span></p>
<p>Le NOIR c’est la colère homérique et brutale des Titans. Le choc et le rude combat entre ces deux couleurs primordiales donne naissance à <em><a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2020/04/10/D%C3%A9couvrez-Khronos-pour-deux-pianos%2C-mon-chef-d-oeuvre">Khronos</a></em> (le Temps), pièce pour deux pianos qui ouvre ce disque.</p>
<p><span>Le BLANC c’est la page vierge que je noircirai bientôt de symboles mystérieux pour mettre en mouvement le corps de l’interprète et l’âme de l’auditeur.</span></p>
<p>Le NOIR c’est la douce tristesse élégiaque de <em><a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2010/08/06/Le-miel-inalterable-pour-deux-pianos-par-Pascal-Devoyon-et-Rikako-Murata">Thanatos</a></em> (la Mort), deuxième panneau du Triptyque, qui naît avec le Temps et disparaît dans le silence.</p>
<p>Le BLANC c’est la lumière incandescente d’<em><a href="https://www.youtube.com/watch?v=SY8rBLXiSqU">Éros</a></em> (l’Amour) qui triomphe du Temps et de la Mort, dans le troisième panneau de ce Triptyque pour deux pianos, qui évoque le printemps, les oiseaux, et la joie irrésistible que procurent les jeux amoureux lorsqu’ils nous ouvrent sur l’infini.</p>
<p>Le BLANC et le NOIR continuent de dialoguer dans les Études pour piano seul.<em> « L’araignée » </em>superpose presque constamment les mains du pianiste, l’une sur les touches blanches et l’autre sur les touches noires : étrange animal à dix doigts !</p>
<p>La deuxième <em>Étude</em> explore les quintes parallèles, bête NOIRE des professeurs d’écriture, dans une série de variations qui commence comme une douce rêverie, et se transforme jusqu’à devenir une cascade de clusters qui submerge le clavier. </p>
<p>La troisième <em>Étude</em>, « Les sources intérieures » élargit le piano aux dimensions d’un orchestre qui transcende le NOIR et le BLANC, et nous fait désirer l’avènement de la couleur.</p>
<p><span>La COULEUR, c’est finalement le violon qui l’apporte, avec chaleur et tendresse. Son timbre révèle à la manière d’un prisme tout l’arc-en-ciel des couleurs latentes dans le noir et blanc du piano.</span></p>
<p>Dans ces huit <em><a href="https://www.youtube.com/watch?v=jNumgaD26ww">Béatitudes</a></em> pour violon et piano, le violon incarne la voix de l’ange qui annonce la fin du Temps et emmène le terrestre piano vers sa résurrection dans le Royaume où la musique n’est plus nouvelle ni ancienne, mais éternelle.</p>Art (Ralph Waldo Emerson)urn:md5:674a1ecf80030be9fa5737a59e0fd4662020-07-05T17:29:00+02:002020-07-05T16:40:32+02:00Patrick LoiseleurPoésieRalph Waldo Emerson<p><strong>ART</strong></p>
<p>
Give to barrows, trays, and pans,<br />
Grace and glimmer of romance,<br />
Bring the moonlight into noon<br />
Hid in gleaming piles of stone ;<br />
On the city's paved street<br />
Plant gardens lined with lilac sweet ;<br />
Let spouting fountains cool the air,<br />
Singing in the sun-baked square ;<br />
Let statue, picture, park and hall,<br />
Ballad, flag and festival,<br />
The past restore, the day adorn,<br />
And make each morrow a new morn.<br />
So shall the drudge in dusty frock<br />
Spy behind the city clock<br />
Retinues of airy kings,<br />
Skirts of angels, starry wings,<br />
His father shining in bright fables,<br />
His children fed at heavenly tables.<br />
'T is the privilege of Art<br />
Tus to play in cheerful part,<br />
Man in Earth to acclimate,<br />
And bend the exile to his fate,<br />
And, molded of one element,<br />
With the days and firmament,<br />
Teach him on these as stairs to climb,<br />
And live on even terms with Time ;<br />
Whilst upper life the slender rill<br />
Of human sens doth overfill.</p> <p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/2016-01-18_21.31.37.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/.2016-01-18_21.31.37_m.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Donnez aux tombes, aux auges, aux écuelles,<br />La grâce et l'éclat tremblant d'une romance<br />Apportez le clair de lune au milieu du jour<br />Caché dans les tas de pierres luisantes ;<br />Dans la rue pavée de la ville<br />Plantez des jardins couverts de lilas blanc ;<br />Rafraîchissez l'air de sources jaillissantes<br />Chantant dans le square trop ensoleillé ;<br />Que la statue, le tableau, le parc et le hall,<br />La ballade, le drapeau et la fête<br />Restituent le passé ornent le jour présent,<br />Et que chaque jour soit un nouveau matin.<br />Ainsi l'ouvrier en blouse poudreuse<br />Discernera derrière l'horloge de la cité<br />Des cortèges de rois aériens,<br />Des vêtements d'anges, des ailes éclatantes,<br />Ses pères brillant dans des fictions glorieuses,<br />Ses enfants nourris aux tables divines.<br />C'est le privilège de l'Art<br />De jouer ainsi son joyeux rôle<br />Pour acclimater l'homme sur la Terre,<br />Et plier l'exiler à son sort,<br />Et, formé d'un élément<br />Avec les jours et le firmament,<br />Lui enseigner à s'en servir comme de marches pour monter<br />Et vivre en intelligence avec le Temps ;<br />Pendant que la vie supérieure emplit<br />Le petit ruisseau de la raison humaine.</p>L'album Aporie disponible en streamingurn:md5:a36cf36596a29f81b43a33e240af96f82020-06-09T16:46:00+02:002020-06-09T15:57:26+02:00Patrick LoiseleurMusique en LigneAporiecréationdisqueL Oiseleur des LongchampsMary OlivonPatrick LoiseleurSabine Revault d Allonnes<p>Chères lectrices, l'album de mélodies "APORIE" paru l'an dernier est maintenant disponible sur les plate-formes de streaming comme <a href="https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_mjQbwaFIi25ns_UynG79n5zbvrESGMxnA">Youtube Music,</a> iTunes, Qobuz, <a href="https://music.amazon.fr/albums/B089MZMDKX/B089NRXXV1?tab=CATALOG&ref=dm_wcp_albm_link_search_c">Amazon Music</a>. Vous n'avez donc vraiment plus aucune excuse pour ne pas l'inclure dans vos playlist et le partager avec toutes vos amies.</p> <p><a href="https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_mjQbwaFIi25ns_UynG79n5zbvrESGMxnA"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/.Loiseleur_Aporie_Cover_m.png" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Par ailleurs, pour les personnes qui restent attachés au support physique, il est toujours possible de <a href="https://tamino-productions.com/albums/loiseleur-aporie">commande le CD audio</a> sur le site Tamino-Procuctions.</p>
<p>Bonne (ré)écoute chères amies, chers fans ! Très bientôt je reviendrai vous parler du nouvel album <strong>EN BLANC ET NOIR</strong> qui est en préparation et sortira en septembre prochain, qu'on se le dise !</p>L'hermaphrodite: Robert Schumann par Laurianne Corneilleurn:md5:5ed84ce6376bd4345380c80162c705ff2020-04-24T10:57:00+02:002020-04-24T10:03:17+02:00Patrick LoiseleurDisquesdisqueLaurianne CorneillepianoRobert Schumann<p>J'évoquais dans un précédent billet <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2020/04/06/Un-violon-sous-le-toit-%28Genevi%C3%A8ve-Laurenceau%29">les rencontres du confinement</a>, voici une autre belle rencontre. Je connaissais déjà la pianiste <strong>Laurianne Corneille</strong>, qui avait notamment accompagné L'Oiseleur des Longchamps et Mathilde Rossignol dans un beau programme "z'oiseaux en chantant" (enchantants ?). Juste avant le début de la fin du monde, elle a publié <a href="https://www.klarthe.com/index.php/fr/enregistrements/lhermaphrodite-detail" hreflang="fr" title="Robert Schumann: L'hermaphrodite Laurianne Corneille piano">un très bel album <strong>Schumann</strong> chez Klarthe</a>, que le confinement m'a donné le temps de savourer. Et je vous propose, chères lectrices, de découvrir une interview exclusive de cette pianiste pour le Journal de Papageno.</p> <p>Un album, c'est pour l'auditeur un petit concert chez soi. Le rituel de choisir le disque dans la bibliothèque, de le glisser dans l'appareil et de s'installer confortablement est comparable au fait de passer le contrôle, poser son manteau au vestiaire et chercher sa place à la <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2016/09/25/Requiem-pour-la-Salle-Pleyel">salle Pleyel </a>(pardon, la Philharmonie). En l'accomplissant, on fait mentalement le vide, on se rend disponible pour rencontrer le compositeur, le ou les interprètes, et vibrer avec eux.</p>
<p>Un album pour un artiste ou un groupe c'est une histoire et un projet. C'est un programme composé avec soin, réalisé avec passion, où l'on met beaucoup de soi-même. L'histoire que raconte Laurianne Corneille avec L'Hermaphrodite est celle d'une renaissance, d'une reconstruction. C'est une histoire très émouvante qui pourra toucher la plupart d'entre nous au coeur, et pour vous la raconter, le mieux est que je laisse tout simplement la parole à l'artiste qui nous invite à entrer dans son univers musical, spirituel et poétique. Merci à Laurianne Corneille d'avoir accepté cette interview (crédit photo: Anne-Lou Buzot).</p>
<p>
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</p>
<p>
En guise de postlude, rappelons simplement les références des livres cités par Laurianne Corneille:
<ul>
<li><a href="https://www.babelio.com/livres/Hoffmann-Le-Chat-Murr/38974"><em>Le Char Murr</em> d'E.T.A. Hoffmann</a></li>
<li><a href="https://www.babelio.com/livres/Tanizaki-Leloge-de-lombre/23967"><em>Éloge de l'ombre</em> de Junichirô Tanizaki</a> </li>
<li><a href="https://www.babelio.com/livres/Barthes-Lobvie-et-lobtus/247083"><em>L'Obvie et l'obtus</em> de Roland Barthes.</a></li>
</ul>
</p>Découvrez Khronos pour deux pianos, mon chef-d'oeuvreurn:md5:4d06231ee951aa707b9d6703b6935fc32020-04-10T09:39:00+02:002020-09-27T17:01:51+02:00Patrick LoiseleurDisquescréationOrlando BassPatrick LoiseleurPhilippe Hattatpiano<p>Chez les Compagnons du Devoir, il faut réaliser un « chef-d’œuvre » afin d’accéder au statut de compagnon. En ce sens, « Khronos » pour deux pianos est mon chef-d’œuvre : terminé peu de temps avant l’obtention d’un master de composition à Liège en 2013, c’est un des pièces les plus abouties, audacieuses et ambitieuses de mon catalogue. C’est la composition qui m’a demandé le plus de travail et aujourd’hui encore celle dont je suis le plus fier. Je vous propose aujourd'hui et pour la première fois de l'écouter en intégralité.</p> <p><img alt="" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/compo/.khronos1_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p><em>« Khronos »</em> demande aux deux pianistes d’aller au bout des possibilités de l’instrument et de l’instrumentiste, physiquement et mentalement. Ils jouent avec les doigts, mais aussi avec les poings, les paumes et les avant-bras ; la vélocité, la complexité rythmique et contrapuntique ne leur laissent aucun répit.</p>
<h2>Les Dieux et les Titans</h2>
<p>« Krhonos » est la rencontre, le choc de deux musiques antagonistes. La musique des Dieux est nostalgique, impressionniste, française, légère, délicate, un peu décadente, tournée vers le passé en même temps que d'une beauté intemporelle: :</p>
<p> </p>
<div style="text-align: center;">
<audio controls="" preload="auto"><source src="https://www.journaldepapageno.fr/public/compo/khronos_2020_extrait_1_les_dieux.mp3" /></audio>
</div>
<p> </p>
<p>La musique des Titans est brutale, primitive, rythmique, joyeuse, agressive, dansante, moderne et archaïque à la fois :</p>
<p> </p>
<div style="text-align: center;">
<audio controls="" preload="auto"><source src="https://www.journaldepapageno.fr/public/compo/khronos_2020_extrait_2_les_titans.mp3" /></audio>
</div>
<p> </p>
<p>C’est la superposition, le conflit, la rencontre de ces deux extrêmes qui donne finalement naissance au Temps, à l'issue de combats épiques.</p>
<p> </p>
<h2>Sortie de la zone de confort</h2>
<p>Pour écrire <em>« Khronos »</em> j’ai eu besoin de chercher et mettre au point des gestes instrumentaux comme les trémolos et glissandos de clusters, et des techniques de composition spécifiques. Afin de ne pas m’égarer dans ces combats furieux entre les Dieux et les Titans, j’ai dû m’imposer une discipline de fer. Toutes les lignes mélodiques mais aussi toutes les harmonies et tous les rythmes sont systématiquement engendrées par le motif 1-2-4 (do ré fa), ce qui lui confère une véritable unité organique.</p>
<p>Cette pièce a été créée en 2013 au Conservatoire de Liège puis <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2013/02/01/Cr%C3%A9ation-de-Khronos-pour-deux-pianos%3A-c-est-demain">à Paris par Lena Kollmeier et Jonathan Lago-Lago</a>, et je leur sait gré d’avoir affronté avec énergie et enthousiasme ce redoutable défi. </p>
<p>En décembre 2019, elle a été reprise par <strong>Philippe Hattat </strong>(un ami de longue date qui a également créé mes Études pour piano seul et d’autres pièces) et <strong>Orlando Bass</strong>, deux jeunes virtuoses qu’on réclame déjà partout dans le monde. Comme ils sont également compositeurs, leur interprétation est merveilleusement intelligente et consciente de la structure sans perdre son côté ludique qui est très explicite sur la vidéo.</p>
<p>En janvier, Philippe Hattat et Orlando Bass ont enregistré « Khronos » (ainsi que « Thanatos » et « Eros » pour compléter le triptyque) au studio de Meudon, sur deux magnifiques pianos Fazioli et Steinway. Le disque sortira sous label Triton en juin prochain. Un premier enregistrement mondial qui fera date et servira de référence à tous les duos de pianistes qui oseront relever le défi.</p>
<p>Je vous invite à découvrir dans cette vidéo leur performance en concert (le 21 décembre à Paris dans le cadre de la série <em>Cantus Formus</em> proposée par Nicolas Bacri), aussi spectaculaire à voir qu’à entendre:</p>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=XTjhgoLGDXo" hreflang="fr" title="Loiseleur Khronos pour 2 pianos (vidéo)"><img alt="" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/compo/Khronos_Patrick_Loiseleur_video_500px.png" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Et pour celles qui savent lire les notes, un extrait de la partition (le début de l'extrait des Titans ci-dessus):</p>
<p><img alt="" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/compo/.khronos2_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<h2>Disque disponible</h2>
<p>Je mets à jour ce billet après le concert de sortie du 25 septembre pour vous faire savoir que <a href="https://tamino-productions.com/29-albums/151-loiseleur-en-blanc-et-noir-audio-cd">l'album est maintenant disponible sur le site Tamino Productions</a>. Il sera dans quelques semaines dans les rayons des disquaires.</p>
<p><a href="https://tamino-productions.com/29-albums/151-loiseleur-en-blanc-et-noir-audio-cd" hreflang="en" title="Loiseleur En Blanc et Noir (Album)"><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/.Loiseleur_En_Blanc_Et_Noir_Album_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: table;" /></a><br />
<img alt="" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/.loiseleur_en_blanc_et_noir_album_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>Un violon sous le toit (Geneviève Laurenceau)urn:md5:305dbd812f6439481797a2212db189822020-04-06T18:15:00+02:002020-04-06T18:27:19+02:00Patrick LoiseleurCompositionscréationGeneviève Laurenceauviolon<p>J'avais écrit récemment sur <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2020/03/22/Les-joies-du-confinement">les joies du confinement</a> en insistant sur celles qu'on trouve dans la solitude acceptée et habitée. Mais les moyens de communication modernes permettent d'ajouter <em>la joie de la rencontre</em> à la liste. Laissez-moi vous raconter une belle histoire</p> <p>Je ne connaissais pas la violoniste <strong>Geneviève Laurenceau</strong> personnellement, même si nous avons des amis communs et que je dois avoir 2 ou 3 de ses disques dans ma bibliothèque. Un petit <a href="http://genevievelaurenceau.com/biographie/" hreflang="fr" title="Geneviève Laurenceau">coup d'oeil sur sa bio</a> <span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">vous renseignera sur ses multiples activités de concertiste et de professeure. Voilà qu'elle poste une vidéo sur les réseaux sociaux invitant les compositeurs à lui écrire une pièce pour violon seul, courte et d'une difficulté abordable. Mettant de côté un projet plus ambitieux (pour orchestre symphonique) qui m'occupe en ce moment, j'ai griffonné quelques idées sur un bout de papier à musique, improvisé un peu sur mon alto, et puis j'ai écrit cette pièce </span><em style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Un Violon Sous Le Toit, </em><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">ce qui m'a pris 2 heures environ.</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; "><a href="https://www.facebook.com/genevievelaurenceauoff/videos/vb.431659990304237/208465870593457/?type=2&theater" hreflang="fr" title="Geneviève Laurenceau un violon sous le toit"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/musiciens/Genevieve_Laurenceau.png" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a><br /></span></p>
<p>Je l'envoie à la violoniste française qui me recontacte ensuite pour me dire qu'elle aime bien la pièce et qu'elle la jouera dans les prochains jours. Et pour la suite de ce billet, le mieux est que je lui laisse la parole:</p>
<blockquote><p><span><a href="https://www.facebook.com/genevievelaurenceauoff/videos/vb.431659990304237/208465870593457/?type=2&theater" hreflang="fr" title="Geneviève Laurenceau Un violon sous le toit"><em>« Un violon sous le toit »</em> de Patrick Loiseleur</a></span></p>
<p><span>Cycle de créations #unviolonsousletoit</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;"><em>« Un violon sous le toit »</em>, c’est le nom de cette pièce qui a été composée il y a quelques jours par Patrick Loiseleur.</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;">Patrick, je ne te connaissais pas avant que tu répondes à ce challenge, mais quel bonheur de te jouer !</span></p>
<p><span>J’aime cette pièce drôle, gaie, dansante, pleine d’humour, de dialogues, de rebondissements et d’énergie, où j’ai pu défouler mon violon confiné. J’aime le choix de cette scordatura qui, avec un accord différent de la normale, transforme le son de mon violon et le rend cocasse parfois, comme un fiddle, ou élargit son spectre sonore à d’autres moments.</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;">Merci pour ce beau cadeau.</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;">Quel cadeau aussi de pouvoir faire de nouvelles rencontres musicales en cette période ; un joli paradoxe…</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;">Merci à vous de votre écoute, merci aux compositeurs amis ou inconnus qui continuent à m’envoyer leurs pièces, je lis chacune d’elles.</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;">Et continuons d’aimer la musique vivante</span></p>
</blockquote>
<div>Après avoir inclus <a href="https://www.facebook.com/genevievelaurenceauoff/videos/vb.431659990304237/208465870593457/?type=2&theater" hreflang="fr" title="Geneviève Laurenceau">le lien vers la vidéo de la création de cette pièce</a>, à moi d'ajouter que c'est un grand bonheur pour un compositeur de travailler avec des interprètes aussi brillants et passionnés que généreux. J'ai posé <a href="https://tamino-productions.com/11-scores/loiseleur/134-un-violon-sous-le-toit-a-violin-under-the-roof-loiseleur" hreflang="fr" title="Un Violon Sous le Toit Loiseleur Partition">la partition dans la section des partitions gratuites du site Tamino Productions</a>, afin que d'autres violonistes confinés puissent en profiter. Merci chère Geneviève de m'avoir lancé ce défi<span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; "> et d'avoir relevé le mien en jouant cette pièce avec tant d'énergie et de chaleur. Et comme tu le dis si bien, continuons à aimer la musique vivante !</span></div>Rencontre à trois (Tristan Murail, Robert Schumann, Marie Ythier)urn:md5:d8e942ea60ffa7e852ea20f82a1f3b7b2020-03-30T23:18:00+02:002020-04-12T10:40:21+02:00Patrick LoiseleurDisquesflûteMarie VermeulinMarie Ythiermusique françaisemusique romantiquepianoRobert SchumannSamuel BricaultTristan MurailvioloncelleXXIe siècle<p>Comme le compositeur <strong>Tristan Murail</strong> le reconnaît sans ambages, c'est la violoncelliste <strong>Marie Ythier</strong> qui a tenu a le marier avec <strong>Robert Schumann</strong> <a href="https://divineartrecords.com/recording/une-rencontre-an-encounter-schumann-murail/" hreflang="fr" title="Marie Ythier Une Rencontre Schumann Murail">le temps d'un album</a>. S'il admet son peu de goût pour la musique tonale, dont les cadences et formules toutes faites l'ennuient, Tristan Murail a tout de même apprécié dans les Fantasiestücke "le jeu entre le prévisible et l'imprévisible" qui est à la base de toute musique, quelle que soit l'époque et le style. C'est donc bien volontiers qu'il a adhéré au projet de celle qui avait si bien joué sa pièce <em>Attracteurs étranges</em> au Festival Messiaen des Pays de la Meije en 2017.</p> <p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/Marie_Ythier_Schumann_Murail_Une_Rencontre.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/.Marie_Ythier_Schumann_Murail_Une_Rencontre_m.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Comment se passe cette rencontre ? Introduisons le disque dans l'appareil et installons-nous bien confortablement pour l'écouter.</p>
<p>En guise de hors-d'oeuvre, les cinq Pièces dans le ton populaire de Schuman (<em>Stücke im Volkston op. 102)</em>, pour violoncelle et piano, avec l'excellente <strong>Marie Vermeulin</strong> au piano. Ces deux musiciennes brillent dans le répertoire d'aujourd'hui comme dans celui d'hier. Est-ce pour cette raison que ces pièces ont une vraie fraîcheur, une vivacité qui nous donne l'impression de les entendre pour la première fois ? Le romantisme de Schumann aussi bien que son étonnante modernité (qui tient à cette inquiétude permanente, à cette tension qu'on ressent même dans les passages les plus tendres, comme s'il se tenait en permanence au bord du gouffre) y sont bien servis.</p>
<p>Nous entendons ensuite les <em>Attracteurs étranges</em> de Murail, pour violoncelle solo, composée en 1992. Pièce très virtuose, et c'est peu de le dire, qui explore abondamment les modes de jeu "exotiques" (sul. ponticello, harmoniques, micro-intervalles, pizzicatos de main gauche, etc). Et c'est là que la rencontre avec Schumann commence à se produire, car c'est le même archet, le même sens de la ligne. Sans se perdre dans la complexité technique, Marie Ythier fait chanter son instrument avec autant de naturel que dans Schumann. Une version très lyrique et engagée, sans aucune froideur, dont on comprend bien qu'elle ait séduit le compositeur. "On croit parfois atteindre un point d'équilibre; mais l'équilibre est instable et projette la musique dans un nouveau cycle d'oscillations" écrit-il dans le livret de cet album. Voilà qui n'est pas si éloigné de l'esthétique de Schumann, <em>mutatis mutandi.</em></p>
<p><strong>Samuel Bricault</strong> à la flûte la rejoint pour une autre pièce de Murail, <em>Une lettre de Vincent </em>(2018). Il s'agit de Vincent Van Gogh, dont Murail se souvient avoir vu la reproductions de lettres à son frère dans un livre pour enfants. Un petit motif de quatre notes évoquant la phrase "mon cher Théo" sera développé par petites touches quasi picturales. Comme c'est le cas dans les oeuvres récentes de Tristan Murail (celles que je connais du moins), le développement de lignes mélodiques lui donne une certaine tendresse, un lyrisme qui cependant ne cède jamais à la facilité.</p>
<p>Nous retrouvons Schumann avec les trois <em>Fantasiestücke opus 73. </em>Bien qu'écrites à l'origine pour clarinette et piano, ces pièces sont fréquemment jouées à l'alto ou bien au violoncelle, comme Schumann lui-même l'avait prévu. Il les a écrites en deux jours seulement, d'un seul jet. C'est d'abord une romance indiquée "doucement et avec expression", puis un mouvement plus vif et un finale endiablé <em>"Rasch mit Feuer"</em>. L'unité tonale de ces trois pièces (la mineur, la majeur, la majeur) en fait presque une sonate qui commencerait par le mouvement lent. Les deux Marie (Ythier et Vermeulin) se régalent et nous régalent dans ces pièces pleines de fantaisie et de tendresse inquiète.</p>
<p>Retour à Tristan Murail avec une pièce de circonstance écrite pour un mariage, et à l'origine pour alto seul: <em>C'est un jardin secret, ma soeur, ma fiancée, une fontaine close, une source scellée... </em><a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2008/02/25/167-tristan-murail-c-est-mon-jardin-secret">Nous avions évoqué cette pièce</a> dans le Journal de Papageno. Une belle pièce qui cherche a exploiter l'ambiguïté, la zone frontière entre les sons harmoniques et les sons "ordinaires", et fait usage de la grande liberté rythmique qu'on a par nature dans une pièce pour instrument seul. Marie Ythier la joue avec poésie et délicatesse, et toujours avec ce grand sens de la ligne qui fait merveille dans ce type de répertoire [on peut écouter et regarder <a href="https://youtu.be/7QhkaRYFTS8?t=714">une version de concert de cette pièce dans cette vidéo</a>]</p>
<p>La dernière partie du disque est ma préférée, celle où la rencontre se joue. Il s'agit des <em>Scènes d'enfants</em> de Schumann (opus 15), revisitées par Tristan Murail. Le compositeur français ajoute une flûte et un violoncelle pour transformer les pièces pour piano seul en trios. Cependant il ne l'a pas fait à la manière des arrangements qui étaient populaires au XIXe (et qui en l'absence de toute machine, tenaient lieu de MP3 pour diffuser la musique dans tous les salons bourgeois). Il travaille plutôt comme un ingénieur du son qui s'amuserait avec les potards d'un filtre analogique "vintage". Ainsi passés à la moulinette, les scènes d'enfant de Schumann sonnent d'une façon plus contemporaine, c'est indéniable. Plus proches et plus lointaines à la fois. Leur étrangeté, l'inquiétude schumannienne dont nous parlions tout à l'heure, est démultipliée par cette instrumentation insolite mais très intelligente et sensible.</p>
<p>Je ne résiste pas au plaisir de vous faire écouter un tout petit extrait de ces Scènes d'Enfants (le numéro 9 "chevaliers sur des chevaux de bois"):</p>
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<div style="text-align: center;">
<audio controls preload="auto">
<source src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/schumann_murail_Kinderszenen_9.mp3">
</audio>
</div>
</p>
<p>
Que nous pouvons comparer avec la version originale (par Maria Joao Pires dans un bel album paru chez Apex)
</p>
<p>
<div style="text-align: center;">
<audio controls preload="auto">
<source src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/schumann_Kinderzenen_9_MariaJoaoPires.mp3">
</audio>
</div>
</p>
<p>Vous me connaissez, chères lectrices. Vous savez que je apprécie les classiques lorsqu'on leur donne la possibilité de dialoguer avec la création. Vous comprendrez sans peine ma joie devant ce bel album qui réunit deux compositeurs que j'aime de la plus belle des manières. Et qui permettra à certains de ré-écouter Schumann, et à certaines de découvrir Murail, pour peu que les uns et les autres l'abordent sans préjugés.</p>
</div></div>Un peu de décence !urn:md5:7419b5224bbae557b4a47a5fa67eb90e2020-03-26T15:45:00+01:002020-03-28T19:30:39+01:00Patrick LoiseleurDisquescréationdisqueDisques TritonOlivie Messiaenpianoviolon<p><span><em>« Vous n’avez rien de mieux à faire que de vendre votre salade en ce moment ? Ayez un peu de décence ! »</em> Voilà un message reçu aujourd’hui sur les réseaux sociaux à propos de <a href="https://fr.ulule.com/loiseleur-en-blanc-et-noir/" hreflang="fr" title="LOISELEUR: EN NOIR ET BLANC">notre album « EN BLANC ET NOIR »</a> dont la sortie est toujours prévu en juin, si tout va bien.</span></p> <p><span><a href="https://fr.ulule.com/loiseleur-en-blanc-et-noir/"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/.En_blanc_et_Noir_De_tail__CARRE__1200px_m.jpg" alt="" style=" display: block;" /></a><br /></span></p>
<p><span>Après y avoir bien réfléchi, il nous semble que nous pouvons être fiers, nous autres musiciens, de travailler dur pour créer de la beauté, qui nous est tout aussi indispensable que le pain et l’eau. Que serait le confinement sans romans à lire, sans musique à écouter, sans films ou captations de spectacle vivant à regarder ? Ce serait une véritable torture.</span></p>
<p>Nous vivons des moments très difficiles, c’est incontestable, mais la guerre elle-même n’a jamais empêché les artistes de travailler. Alors qu’il était prisonnier au Stalag VIII-A de Görlitz, le compositeur français Olivier Messiaen a écrit en 1941, dans des conditions matérielles extrêmement précaires, le <strong>Quatuor pour la Fin du Temps</strong>. Ce chef-d’œuvre est aujourd’hui joué partout dans le monde ! Heureusement qu’aucun de ces camarades de camp n’a dit à Messiaen <em>« vous n’avez pas honte de vous consacrer à ces futilités ? »</em> Au contraire beaucoup l’ont soutenu en l’aidant à se procurer papier et crayons, et même en le remplaçant pour certaines corvées obligatoires.</p>
<p>Une fois rentré à Paris, pendant les années d’occupation, Olivier Messiaen a composé les <em>Vingt Regards sur l’Enfant Jésus</em>, un des sommets de la littérature pour piano seul du vingtième siècle, ainsi que les grandioses <em>Visions de l’Amen</em> pour deux pianos. Il a pu le faire parce que des amis et mécènes parisiens l’ont soutenu malgré la guerre, les violences et les privations.</p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;">Avec tous les concerts annulés, donc tous les cachets supprimés, croyez bien que nous autres musiciens avons parfaitement conscience des difficultés actuelles. Nous sommes pleinement solidaires de ceux qui souffrent bien plus que nous. Certes nous ne risquons pas autant d’être contaminés que les soignants, caissiers, policiers et autres métiers indispensables. Réduits au silence par le confinement, nous utilisons les moyens technologiques modernes pour partager la beauté avec vous.</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;">C’est pourquoi nous sommes heureux et fiers de partager avec vous <a href="https://www.youtube.com/watch?v=GrgD2Jmdvfw" hreflang="fr" title="Béatitude n°1: Heureux les Pauvres">un autre extrait de notre album : intitulée « Heureux les pauvres » c’est une pièce très dépouillée</a>, minimaliste, qui demande au compositeur, aux interprètes et peut-être au public aussi de se concentrer sur l’essentiel.</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;">Nous avons bien avancé sur le master, le livret, la couverture. Ainsi, pour peu que le confinement soit terminé, l’album pourra bien sortir à mi-juin comme prévu. En revanche le concert de sortie est repoussé à la dernière semaine du mois de septembre (la date et le lieu seront précisés bientôt).</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;">Merci de tout cœur pour votre fidélité et votre soutien. <a href="https://fr.ulule.com/loiseleur-en-blanc-et-noir/" hreflang="fr" title="LOISELEUR: EN BLANC ET NOIR">Merci à celles et ceux qui en ont la possibilité de contribuer au succès de cet album et de soutenir les artistes en participant à la souscription</a>. Tout bien réfléchi, il n’y a aucune honte à créer de la belle musique même en temps de crise, et à la partager le plus largement possible. Prenez bien soin de vous et de vos proches, et à bientôt !</span></p>
<p><span><br /></span></p>
<p><span>Rachel Koblyakov</span></p>
<p><span>Orlando Bass</span></p>
<p><span>Philippe Hattat</span></p>
<p><span>Patrick Loiseleur</span></p>Les joies du confinementurn:md5:c305673b72e030b939e7090e91dd36092020-03-22T20:02:00+01:002020-03-23T14:41:59+01:00Patrick LoiseleurHumeurcréationjoiepolitiquesolitude<p>Être assigné à résidence n'est pas une partie de plaisir. Qui que nous soyons, cela nous prive de l'une des choses que nous aimons le plus et qui est sans doute indispensable à notre santé: la vie sociale. Cependant, bien qu'éprouvante, cette période singulière peut aussi nous offrir de grandes joies.</p> <p>Je fais partie des chanceux car mes deux activités professionnelles (écrire de la musique et concevoir des logiciels) se prêtent bien au télé-travail. Je fais partie des malchanceux aussi car j'ai eu des concerts annulés comme tous mes amis musiciens. Tous les compositeurs ont une double personnalité: à la fois solitaires et sociables, anachorètes et connectés au monde entier.</p>
<p>Mon tempérament méditatif me porte à aimer les moments de solitude, à les désirer même car ce sont des moments de ressourcement et de création. La page blanche ne me fait plus peur depuis bien longtemps. Au contraire, quelle joie profonde et intense lorsque je saisis une page de papier à musique vierge pour esquisser une toute nouvelle pièce !</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/confinement.jpg"><br /></a><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/confinement2.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p>La première joie est peut-être celle de la <strong>liberté</strong>. Le mot est paradoxal au moment où l'on nous interdit de sortir de chez nous sous peine d'amende voire de prison. Et pourtant ! Une fois notre agenda transformé en une vaste page blanche avec tous les rendez-vous de travail ou de loisir annulés, pour peu que nous osions débrancher les bidules électroniques et les machins à écran, nous voilà avec du temps réellement libre pour méditer, lire, créer, se reposer, travailler, réviser, écouter de la musique ou en jouer, faire ou de la gym.</p>
<p>La deuxième joie est celle de la <strong>solitude</strong>. C'est un merveilleux rendez-vous avec nous-même que nous offre cette situation inattendue et inédite ! La confrontation peut être rude pour ceux qui cherchent à l'éviter justement, mais elle est salutaire. C'est l'occasion où jamais de se demander: qui suis-je ? Qui compte vraiment dans ma vie, qu'est-ce qui compte vraiment pour moi ? Est-ce que les priorités de mon emploi du temps sont alignées avec mes besoins et désirs profonds ? </p>
<p>La troisième joie est celle de la <strong>rencontre</strong>. Rencontre avec nos proches qui sont confinés avec nous, avec les proches qui en sont tenus éloignés et avec qui on doit inventer de nouveaux modes de relation. Pourquoi ne pas redécouvrir le plaisir des lettres papier, vu que la Poste fonctionne encore ? (certes il vaut mieux avoir un stock de timbres car les bureaux de Poste sont fermés eux aussi !).</p>
<p>La quatrième joie est celle du <strong>calme.</strong> Les rues désertes ont un côté étrange mais aussi apaisant. Les animaux sauvages à poil et à plume seront certainement d'accord avec moi, vu que toutes les activités de chasse ont été suspendues. La frénésie de notre consommation frénétique de biens, de plaisirs et de services a été stoppée net. Elle reviendra sans doute, car l'humain a la mémoire courte, mais cette période restera dans les mémoires comme une expérience différente, singulière, de sobriété forcée et pourquoi pas heureuse.</p>
<p>La cinquième joie est celle de <strong>l'instant</strong>. Personne ne pouvant anticiper de manière fiable ce qui va arriver dans les semaines à venir, la sagesse veut que nous vivions au jour le jour. Que mangeons-nous aujourd'hui ? Quel est le programme scolaire des enfants ? Comment va mamie ? Vivre un instant après l'autre, être réellement présent pour nos proches, c'est un bon moyen d'échapper à l'angoisse que distillent les chaînes d'info en continu, mais c'est beaucoup plus que cela. C'est un véritable chemin spirituel comme beaucoup de maîtres nous l'ont enseigné de Boddhavista et Jésus de Nazareth à Eckhart Tolle.</p>
<p>La sixième joie est celle du <strong>dépouillement</strong>, de la <strong>sobriété</strong> si vous préférez. Je n'oublie pas en écrivant ces lignes tous mes amis intermittents du spectacle qui se demandent de quoi ils vont vivre dans les prochains mois, ni ceux qui vont perdre leur job ou leur entreprise, ni les chômeurs qui auront bien du mal à décrocher des entretiens. Beaucoup d'entre nous vont vivre des temps difficiles, je ne le nie pas (et j'ignore l'ampleur des conséquences de cette pour moi-même mais je sais déjà qu'elles ne seront significatives). J'ose affirmer cependant qu'on trouve une joie véritable à renoncer au superflu pour se concentrer sur l'essentiel. À condition que l'essentiel, personne n'en manque justement. Saurons-nous profiter de cette crise pour devenir plus solidaires ?</p>
<p>Cela m'amène à la septième joie qui est celle de <strong>l'amour</strong>. Après tout, si nous avons décidé collectivement de mettre en place et de respecter le confinement, c'est par solidarité avec nos frères et soeurs humains, pour freiner la maladie et limiter les risques pour les soignants. Si ce confinement va être difficile, c'est parce que nous ne pourrons pas embrasser ni serrer dans nos bras des personnes chères. Et si nous sortons plus pessimistes et plus égoïstes de cette expérience collective et intime à la fois, c'est que nous n'avons rien appris. Je refuse à y croire: chaque crise, individuelle ou collective, est une occasion privilégiée pour progresser humainement et spirituellement. Dans le secret et le silence du confinement, je vous invite, chères lectrices, à cultiver au fond de votre coeur de jolies fleurs que vous pourrez offrir au monde entier quand la vie sociale reprendra son cours.</p>
<p>Et on pourrait ajouter la <strong>gratitude</strong> à la liste: un grand merci à Cécile qui m'a envoyé ce dessin au pastel sec et autorisé à le partager avec vous.</p>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/confinement_cecile.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>