Le journal de papageno - ConcertsLe Journal de Papageno est un blog francophone consacré à la musique classique et contemporaine.2023-08-18T08:55:10+02:00Patrick Loiseleururn:md5:e3d6f6e2ebef7c45d0c5e125b87d9f0aDotclearLe grand retour du Philharmonique de New Yorkurn:md5:6f08c8a450d7be49e348f837bc8644f72023-03-19T23:41:00+01:002023-03-19T23:54:54+01:00Patrick LoiseleurConcertsAnton BrucknerconcertNew York PhilarmonicOlivier Messiaenonde martenotorchestre symphonique<p>Chères lectrices, je vous ai délaissées depuis si longtemps qu’il serait vain de chercher seulement à me trouver des excuses. J’ai tant de choses à vous dire ! Il faudrait que je vous raconte New York. Ma première ballade à Central Park sous une épaisse couche de neige. Il faudrait que je vous raconte Carnegie Hall, l’orchestre de la Juilliard School (et sa librairie), le Met Opera (et le Met Museum), le cent-deuxième étage de l’Empire state building, les couchers de soleil sur les bords de l’Hudson, la plage de Coney Island, le metro <i>(« stand clear of the closing doors !! »</i>), les clubs de jazz, les théâtres de Broadway, Time Square, Ellis Island et la Statue de la Liberté. Mais je craindrais de m’égarer, de vous perdre en cherchant à tout décrire cette ville qui donne le vertige, si accueillante et si hostile, si belle et si terrible à la fois. Cette ville qu’on croit déjà connaître car on l’a tant vue au cinéma, cette ville dont on n’épuisera jamais la savante alchimie, cette porte ouverte sur le monde, qui se réinvente sans cesse… Pour ce premier billet new-yorkais, je me concentrerai sur un sujet plus modeste quoique tout à fait important : la réouverture du <i>David Greffen Hall</i> après une complète rénovation, et le premier concert postpandémie du « NY Phil » (prononcez <i>« Aine Ouaïe Fil »</i> avec un accent un peu nasal et vous passerez pour une vrai <i>« city girl ! »</i>)</p> <p>Ce n’est pas un mais trois concerts auxquels j’ai eu le privilège d’assister. Le premier était celui de la réouverture proprement dite. Le deuxième permettait d’entendre un concerto de Mozart suivi de la <i>Septième symphonie</i> de Bruckner (dont vous savez, chères lectrices, combien je l’aime, ne serait-ce que parce qu’elle a apporté à ce musicien génial la reconnaissance qu’il méritait). Le troisième était dédié à la magique et grandiose Turangâlila-symphonie d’Olivier Messiaen.</p>
<p> </p>
<p>Commençons par l’architecture. Le <i>Lincoln Center </i>se compose de trois bâtiments réunis autour d’une grande place pavée de grandes dalles de pierre, ornée simplement d’un bassin en son centre. A gauche, le temple de la danse et résidence du New York City Ballet. Au fond, le <i>Metropolitan Opera</i>. À droite, le tout nouveau <i>David Greffen hall</i>,<i> </i>dédié à la musique symphonique. Les architectes ont voulu créer un sentiment chaleureux et intime dès le hall d’entrée, avec des couleurs chaudes, des fauteuils, des flux de circulation bien pensés afin d’éviter la cohue. On est aux antipodes de l’esthétique étatiste de l’opéra Bastille avec ses escaliers monumentaux, ses volumes imposants, sa blancheur froide (je lui ai toujours trouvé une certaine parenté avec l’architecture communiste ou fasciste). La nouvelle maison du NY Phil se veut accueillante et festive, démocratique, à échelle humaine. On peut y venir en smoking et robe de soirée aussi bien qu’avec des baskets roses et une chemise à fleurs. </p>
<p> </p>
<p>Le mot « rénovation » est trop timoré pour qualifier une reconstruction complète qui n’a conservé que les façades. Pragmatiques et pro-actifs comme toujours, les Américains ont tiré parti de la pandémie pour finir ce chantier de 550 millions avec deux ans d’avance. L’ancienne salle de concert du <i>New York Philharmonic</i>, inaugurée en 1962, était souvent critiqué pour sa taille excessive et son format en « boite à chaussure » qui conduisaient à une mauvaise acoustique pour une bonne partie des auditeurs au fond de la salle, trop éloignés de la scène. La version actuelle a fait le choix d’avancer la scène vers le centre, de la rehausser, et de placer une partie des spectateurs sur les côtés et derrière l’orchestre. C’est un choix comparable à celui ce qui a été fait dans les meilleures salles (à commencer par la philharmonie de Berlin), et qui permet d’accueillir plus de deux mille spectateurs sans qu’aucun d’entre eux ne soit a plus de 30 mètres du chef d’orchestre.</p>
<p><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/NY_phil_2023-03-17_medium.png" style="margin: 0 auto; display: table;" /></p>
<p> </p>
<p>Et la musique, me direz-vous, chères lectrices ? J’y viens, après avoir pris un moment pour décrire ce merveilleux espace qui lui est entièrement dédié. La programmation audacieuse du concert de réouverture exprime très bien la vision d’un orchestre qui ne fait pas que perpétuer la tradition, mais se projette aussi dans l’avenir.</p>
<p> </p>
<h2>Concert de réouverture (12 octobre 2022)</h2>
<p> </p>
<p>En guise d’apéritif, nous avons en création mondiale une pièce pour orchestre, sons électroniques et lumières de Marcos Balter, <i>Oyá</i>. Elle ne m’a pas complètement séduit. Les sons électroniques étaient davantage superposés a ceux de l’orchestre que fusionnés dans une vision commune. Il y avait un côté moderne et clinquant (surtout avec les jeux de lumière), un travail sur les textures sonores intéressant, mais la narration restait assez linéaire, avec une idée musicale qui succède à une autre, sans qu’il y ait un véritable travail de construction (de composition) pour unifier le tout.</p>
<p> </p>
<p>Après ce prélude distrayant mais superficiel, la pièce de John Adams intitulée <i>My Father Knew Charles Ives</i> nous offre une nourriture nettement plus consistante. J’ai vraiment beaucoup aimé cette pièce, le raffinement des harmonies et de l’orchestration, l’hommage à Charles Ives qui n’a rien d’un pastiche en dépit d’une courte citation de la célébrissime <i>« Unanswered Question ».</i></p>
<p> </p>
<p>Ensuite venait <i>Stride,</i> une très belle pièce de Tania León, compositrice new-yorkaise d’origine cubaine. Commandée dans le cadre du <a href="https://nyphil.org/concerts-tickets/explore/project-19" style="color:#0563c1; text-decoration:underline">Projet 19</a> qui consiste à commander 19 pièces à 19 compositrices pour célébrer le centenaire du 19<sup>e</sup> amendement de la Constitution qui a donné le droit de vote aux femmes. Vous pouvez écouter <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yfuMbD_A6bg" style="color:#0563c1; text-decoration:underline">un extrait de cette pièce en ligne</a>, chères lectrices, si comme moi vous n’aviez jamais entendu la musique de Tania León. Une belle découverte !</p>
<p> </p>
<p>Enfin, un grand classique du XXe siècle, les <i>Pins de Rome</i> d’Ottorino Respighi. Le moins qu’on puisse dire est que le Philarmonique de New York, dirigé par Jaap Van de Sweden, brille de tous ses feux dans ces quatre pièces qui sont une véritable splendeur.</p>
<p> </p>
<h2>Mozart, Bruckner (4 novembre 2022)</h2>
<p> </p>
<p>Peu de temps après, j’ai eu la joie de retourner au <i>David Greffen Hall</i> pour y entendre un concerto de Mozart (le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=KImZ49Fj7zU" style="color:#0563c1; text-decoration:underline">numéro 22 en mi bémol</a>) interprété par Yefim Bronfman, suivi de la 7<sup>e</sup> symphonie d’Anton Bruckner. J’ai passé un très bon moment avec le Mozart, et notamment avec les cadences de Yefim Bronfman lui-même. En revanche la symphonie m’a déçu. La lecture de Jaap van Sweden m’a paru particulièrement laborieuse et peu inspirée. Elle manque de souffle, les tempi sont trop rapides, ça ne respire pas. Le son est magnifique (en particulier les 4 Tubas Wagner qui viennent compléter les 4 cors et offrent un son tellement moelleux qu’on voudrait le manger à la petite cuiller comme une panacotta aux fruits rouges). Mais ce bel instrument qu’est le NY Phil se retrouve empêtré par ce chef qui ne sait pas trop où il va, ni ce qu’il veut exprimer, dans cette symphonie tout au mois. J’étais surpris de voir Jaap van Sweeden agiter autant les bras au début du sublime mouvement lent, une marche funèbre écrite en hommage à Richard Wagner. Mais pourquoi diable tant de fébrilité, me demandé-je, dans un mouvement qui appellerait des gestes amples, calmes et puissants. Comme cela arrive dans certains Adagio, le tempo trop rapide a créé l’ennui au lieu de le dissiper. En bref, les notes étaient toutes à leur place, mais le souffle manquait. En lisant la presse et en discutant avec des amis new-yorkais, j’ai cru comprendre que je n’étais pas le seul à avoir quelques réserves sur ce chef d’orchestre. L’arrivée prochaine de Gustavo Dudamel devrait changer les choses, et peut-être redonner a ce bel orchestre l’éclat et l’élan qu’il avait du temps de Leonard Bernstein.</p>
<p> </p>
<h2>Messiaen, <i>Turangâlila-symphonie</i> (17 mars 2023)</h2>
<p> </p>
<p>Leonard Bernstein était justement en 1949 l’assistant de Koussevitzky à Boston, et c’est lui qui a tenu la baguette lors de la création de la <i>Turangâlila-symphonie</i> d’Olivier Messiaen. Lorsqu’il lui a passé commande en 1946, Koussevitzky n’a fixé aucune limite au compositeur français, ni pour la durée, ni pour l’effectif, ni pour la date butoir. Il savait peut-être que cette liberté serait le plus puissant des stimulants pour un compositeur à l’inspiration débordante qui a toujours fait les choses en grand.</p>
<p> </p>
<p>L’orchestre est conséquent, avec les bois par trois, cinq trompettes, le piano solo, les ondes Martenot, un célesta, et une abondante percussion. Il n’est pas non plus démesuré (Malher, Strauss et Schoenberg ont fait pire dans les décennies qui précédait). Cette symphonie est une espèce d’opéra sans paroles en dix mouvements et quatre-vingts minutes, dont les thèmes principaux circulent d’un mouvement a l’autre comme des personnages qui entrent sur scène, dialoguent avec d’autres et en ressortent. Les thèmes principaux en sont l’amour et la joie, et il est permis de d’y voir une déclaration d’amour incandescente et mystique à Yvonne Loriod, qui n’était pas encore son épouse, mais qui assura la partie de piano solo lors de la création. L’instrument est tantôt utilisé comme le soliste d’un concerto, tantôt comme un instrument supplémentaire pour enrichir les textures. C’est une partition redoutable, ne serait-ce que par sa longueur, et seuls les pianistes les plus aguerris osent l’affronter. Ce soir c’est Jean-Yves Thibaudet qui s’y colle, pour notre plus grand bonheur.</p>
<p> </p>
<p>C’était un grand bonheur pour moi d’entendre enfin cette partition sur scène, car si je l’ai souvent écoutée au disque, si j’ai acheté et analysé la partition, je ne l’avais pas encore entendue en <i>live.</i> Jaap van Sweden s’en sort beaucoup mieux que dans la 7<sup>e</sup> de Bruckner : il est précis, énergique dans les passages rythmiques (et Dieu sait s’il y en a), lyrique quand il le faut, enthousiaste toujours, et il emmène le NY Phil d’une main sûre à travers cette partition gargantuesque, dont la superposition de plans sonores est orgiaque : par moments on distingue jusqu’à dix ou douze plans sonores ! L’onde Martenot est plutôt discrète, je suppose que c’est à cause des haut-parleurs qui sont tournés vers l’avant tandis que je me trouve à l’arrière de l’orchestre. A moins que ça soit les choix de prise de son qui vont la mettre au premier plan dans les enregistrements que j’ai écoutés, tandis qu’elle peine à faire entendre sa voix dans une salle de concert face à un orchestre entier. Mais ne chipotons pas sur les détails, mes chères lectrices : cette symphonie, c’est du bonheur en barre, c’est un orgasme cosmique et musical, c’est une fête mystique et sonore, c’est un moment de pure extase. Et les caractéristiques propres des orchestres américains – l’énergie, l’enthousiasme, l’ouverture d’esprit, la diversité lui conviennent à merveille. Et le public semblait être d’accord avec moi car les musiciens ont été salués par une <i>standing ovation</i> aussi triomphale que méritée.</p>En Blanc et Noir: Concert Vendredi 25 septembreurn:md5:2cdecf09d82c5a474102910ceee4ec822020-09-19T18:18:00+02:002020-09-19T17:19:18+02:00Patrick LoiseleurConcertsaltoclarinettedisqueL Oiseleur des LongchampsOrlando BassPatrick LoiseleurPhilippe HattatpianoRachel Koblyakovviolon<p>Chères lectrices, il reste encore quelques places pour le concert de sortie de l'album EN BLANC ET NOIR le vendredi 25 septembre. Cependant, la jauge de la salle ayant été réduite en raison des mesures sanitaires, le nombre de place est limité et <a href="https://www.eventbrite.fr/e/billets-en-blanc-et-noir-nouvel-album-113899289842" hreflang="fr" title="25 Septembre lancement de l'album EN BLANC ET NOIR">la réservation est vivement conseillée.</a> Voici le programme définitif de ce concert:</p> <ul>
<li>2 Pièces pour alto, clarinette et piano</li>
<li><em>3 Études</em> pour piano seul</li>
<li><em>Béatitudes</em>: 8 pièces pour Violon et Piano</li>
<li>Ouverture et 2 extraits de l'opéra de chambre <em>"Papageno et Tindarella"</em></li>
</ul>
<p>Artistes interprètes:</p>
<ul>
<li><strong>Orlando Bass</strong> piano</li>
<li><strong>Joséphine Besançon</strong>, clarinette</li>
<li><strong>Philippe Hattat</strong>, piano</li>
<li><strong>Rachel Koblyakov</strong>, violon</li>
<li><strong>L'Oiseleur des Longchamps</strong>, baryton</li>
<li><strong>Ieva Sruogyte</strong>, alto</li>
</ul>
<p>Le concert aura lieu de 20h à 21h30. En raison des mesures sanitaires il n'y aura pas d'entracte ni de "pot" à l'issue du concert: cependant, muni du masque de rigueur, il sera possible d'échanger quelques mots avec les artistes.</p>
<p>Cela se passe à l'<strong>Espace Ararat, 11 rue Martin Bernard Paris 13e, le vendredi 25 septembre 2020</strong>. À très bientôt, chères auditrices !</p>
<p> </p>
<p><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/Affiche_Concert_25_septembre_2020.jpg"><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/.Affiche_Concert_25_septembre_2020_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: table;" /></a></p>Clémence de Grandval: Trios avec Piano (Festival Rosa Bonheur)urn:md5:97d57df50903dc551a3126887450ce8c2020-08-31T20:42:00+02:002020-09-03T10:30:58+02:00Patrick LoiseleurConcertsAlexandre PascalHéloïse LuzzatiLaurianne Corneillemusique de chambremusique françaisepianoviolonvioloncelle<p>Ce récital de musique de chambre offert par <strong>Alexandre Pascal</strong> (violon), <strong>Héloïse Luzzati</strong> (violoncelle) et <strong>Laurianne Corneille</strong> (piano) fut un pur moment de bonheur <a href="https://www.chateau-rosa-bonheur.fr/festival/">dans le château du même nom</a>. Le premier d'entre eux étant la (re)découverte d'une compositrice fort injustement oubliée : <strong>Clémence de Grandval.</strong></p> <p>Elle a écrit des opéras, de la musique religieuse et symphonique, de la musique de chambre… fort célèbre en son temps, respectée et vantée par Camille Saint-Saëns et tant d’autres, elle est tombée aujourd’hui dans un oubli quasi complet. Si vous croyez, chères lectrices, que le jugement de la postérité est équitable et n’a sélectionné que les plus belles œuvres et les meilleurs artistes au fil du temps, vous vous trompez lourdement. Il existe de véritables bijoux qui dorment encore dans les tiroirs (et parfois sont perdus à tout jamais), tandis que des nanars sans goût ni vertu continuent à jouir d’une inexplicable popularité.</p>
<p>Lorsqu’on sait qu’il a fallu 120 ans pour que l’opéra de Paris se décide enfin à programmer <a class="ref-post" href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2015/06/15/Le-Roi-Arthus-au-Paradis">le sublime opéra Le Roi Arthus d’Ernest Chausson</a> (qui n’est pourtant pas n’importe qui !), on ne peut que deviner le nombre d’œuvres magnifiques qui ne sont pas programmées simplement par paresse, conformisme, manque d’audace et de curiosité. Par ailleurs, quand on voit le niveau de sexisme qui persiste encore en 2020 dans le milieu pourtant feutré et policé de la musique dite "classique", on ne peut pas s'étonner que certaines musiciennes aient été invisibilisés comme l'ont été des scientifiques ou des autrices.</p>
<p>Heureusement certains musiciens vont éplucher les archives, fouiner dans les bibliothèques et les brocantes, toujours à l’affût de la perle rare. C'est le cas d'Héloïse Luzzati qui nous explique avec un enthousiasme communicatif sa découverte récente de la musique de Clémence de Grandval.</p>
<p>On commence avec deux pièces de la maturité: <em>Andante et Intermezzo</em> pour piano, violon, violoncelle (1890). L'écriture est classique, et en cela proche de Saint-Saëns, avec des carrures par 4 mesues, un plan tonal clair et lisible, des proportions équilibrées. Les harmonies sont raffinées, avec des couleurs presques fauréennes par moments. Tout en respectant le moule classique, c'est plein d'invention mélodique, de fantaisie, d'énergie rythmique. </p>
<p>Ensuite ce sont deux pièces (<em>Romance</em> et <em>Gavotte</em>, 1884) écrites à l'origine pour hautbois, violoncelle et piano, où l'on retrouve les mêmes qualités d'écriture (et ça sonne fort bien avec un violon à la place du hautbois, même si on perd bien sûr cette couleur bien spécifique qui fait tout le charme de l'instrument). On pourrait rapprocher ce trio de celui que Brahms a écrit pour clarinette, violoncelle et piano (opus 114).</p>
<p>Et puis trois pièces pour violoncelle et piano (1882), là encore de facture robuste et pleines d'invention. Ce qui s'en rapprocherait le plus serait peut-être les sonates de Beethoven. En tout cas, l'écriture de Grandval est sans aucune mièvrerie, bien loin des stéréotypes. Ensuite une <em>Musette</em> pour violon et piano qui saute et virevolte.</p>
<p>Pour terminer, une oeuvre de jeunesse, le 2e grand Trio (1853) en quatre mouvements. On y sent l'enthousiasme et la fougue de la jeunesse (elle avait 19 ans !), chaque mouvement se termine sur une triomphante coda comme si c'était le Finale. Il y a quelques longueurs et répétitions aussi, mais les oeuvres de jeunesse de Brahms souffrent du même défaut. Là encore ce qui me frappe, après avoir regardé la partition c'est la solidité de l'écriture et le respect des formes classiques. Laquelle est très bien servi par trois grands chambristes qui défendent cette musique avec passion, et nous offrent une interprétation de référence qu'on espère ré-entendre prochainement, et pourquoi pas en disque ?</p>
<p>Clémence de Grandval a écrit des opéras, des mélodies, beaucoup de choses qui ne sont pas éditées, pas enregistrées: c'est tout un travail qui devrait être fait pour exhumer ces oeuvres dormantes, mais qui méritent amplement leur place au milieu de Lalo, Chabrier, Saint-Saëns, Chausson et Franck. Le public ne s'y est pas trompé, en acclamant la re-création de ces pièces rares et en réclamant deux bis à Laurianne Corneille, Héloïse Luzzati et Alexandre Pascal. On en redemande !</p>
<p><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/2020-08-28_20.33.36.jpg"><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.2020-08-28_20.33.36_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: table;" /></a></p>Sortie de l'album EN BLANC ET NOIRurn:md5:abc0a79397151f7f51598b1dc2a4dcae2020-07-17T18:01:00+02:002020-07-17T17:04:25+02:00Patrick LoiseleurConcertscréationdisqueDisques Tritonmusique de chambremusique françaiseOrlando BassPhilippe HattatpianoRachel Koblyakovviolon<p>Chères lectrices, après des mois de confinement qui nous ont privé des joies du concert (mais pas seulement), c'est avec émotion que je vous annonce la date de sortie officielle de notre album <strong>EN BLANC ET NOIR.</strong> Avec mes amis et complices <strong>Orlando Bass, Rachel Koblyakov, Philippe Hattat,</strong> nous avons concocté un joli programme qui vous permettra de découvrir l'album mais aussi de profiter de quelques surprises et d'entendre des inédits !</p>
<p>Cela se passera<big><strong> à l'espace Ararat (11 sur Martin Bernard, Paris 13e) le vendredi 25 septembre 2020 à 20h</strong></big> précises. Une participation aux frais de 15€ est demandée (et nous vous invitons à <a href="https://www.eventbrite.fr/e/billets-en-blanc-et-noir-nouvel-album-113899289842">réserver un billet dès maintenant sur le site eventbrite</a>, le nombre de places étant limité).<br /><br />Prenez vos masques, votre gel hydrohalcolique, vos oreilles, votre curiosité et bien sûr vos mains pour applaudir !</p>
<p>En attendant, voici un peu de lecture: un extrait de la présentation de l'album qui donne quelques clés sur sa composition.</p> <h2><span><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/.couverture_CD_en_blanc_et_noir_m.png" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /><br /></span></h2>
<h2><span>En Blanc et Noir</span></h2>
<p>Le BLANC ce sont les touches du piano. Le do majeur immaculé qu’on va bientôt souiller avec les dissonances apportées par les touches noires pour que naisse la musique.</p>
<p><span>Le NOIR c’est l’imposant cercueil du piano de concert moderne qui vient recueillir dans sa carcasse imposante les derniers soupirs de la musique occidentale en état de mort cérébrale.</span></p>
<p><span>Le BLANC c’est la tendre nostalgie des Dieux de l’Olympe.</span></p>
<p>Le NOIR c’est la colère homérique et brutale des Titans. Le choc et le rude combat entre ces deux couleurs primordiales donne naissance à <em><a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2020/04/10/D%C3%A9couvrez-Khronos-pour-deux-pianos%2C-mon-chef-d-oeuvre">Khronos</a></em> (le Temps), pièce pour deux pianos qui ouvre ce disque.</p>
<p><span>Le BLANC c’est la page vierge que je noircirai bientôt de symboles mystérieux pour mettre en mouvement le corps de l’interprète et l’âme de l’auditeur.</span></p>
<p>Le NOIR c’est la douce tristesse élégiaque de <em><a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2010/08/06/Le-miel-inalterable-pour-deux-pianos-par-Pascal-Devoyon-et-Rikako-Murata">Thanatos</a></em> (la Mort), deuxième panneau du Triptyque, qui naît avec le Temps et disparaît dans le silence.</p>
<p>Le BLANC c’est la lumière incandescente d’<em><a href="https://www.youtube.com/watch?v=SY8rBLXiSqU">Éros</a></em> (l’Amour) qui triomphe du Temps et de la Mort, dans le troisième panneau de ce Triptyque pour deux pianos, qui évoque le printemps, les oiseaux, et la joie irrésistible que procurent les jeux amoureux lorsqu’ils nous ouvrent sur l’infini.</p>
<p>Le BLANC et le NOIR continuent de dialoguer dans les Études pour piano seul.<em> « L’araignée » </em>superpose presque constamment les mains du pianiste, l’une sur les touches blanches et l’autre sur les touches noires : étrange animal à dix doigts !</p>
<p>La deuxième <em>Étude</em> explore les quintes parallèles, bête NOIRE des professeurs d’écriture, dans une série de variations qui commence comme une douce rêverie, et se transforme jusqu’à devenir une cascade de clusters qui submerge le clavier. </p>
<p>La troisième <em>Étude</em>, « Les sources intérieures » élargit le piano aux dimensions d’un orchestre qui transcende le NOIR et le BLANC, et nous fait désirer l’avènement de la couleur.</p>
<p><span>La COULEUR, c’est finalement le violon qui l’apporte, avec chaleur et tendresse. Son timbre révèle à la manière d’un prisme tout l’arc-en-ciel des couleurs latentes dans le noir et blanc du piano.</span></p>
<p>Dans ces huit <em><a href="https://www.youtube.com/watch?v=jNumgaD26ww">Béatitudes</a></em> pour violon et piano, le violon incarne la voix de l’ange qui annonce la fin du Temps et emmène le terrestre piano vers sa résurrection dans le Royaume où la musique n’est plus nouvelle ni ancienne, mais éternelle.</p>Création de la Chaconne de Bach pour trio à cordes (ANNULÉ)urn:md5:2d02310fcbe2a32b6f1ae25ff6d506582020-02-28T17:02:00+01:002020-03-14T12:21:31+01:00Patrick LoiseleurConcertsBetsy JolaschaconnecréationJean-Sébastien Bachtrio à cordesWolfgang Amadeus Mozart<h2>Mise à Jour: <strong>ce concert est REPORTÉ À UNE DATE ULTÉRIEURE en raison de l'épidémie de coronavirus.</strong> </h2>
<p>Je vous avais parlé brièvement de cette partition: une r<a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2017/12/13/Bach%3A-Chaconne-en-R%C3%A9-mineur-BWV-1004-pour-Trio-a-Cordes">éécriture pour trio à cordes de la Partita n°2 pour violon seul en ré mineur de Jean-Sébastien Bach, qui inclut la célèbre Chaconne.</a></p> <p>Cette belle partition (selon moi) sera créée par un trio de choc constitué de:</p>
<ul><li>Saskia Lethiec, violon</li>
<li>Laurent Camatte, alto</li>
<li>Christophe Beau, violoncelle</li>
</ul>
<p>Ça se passe le <strong>14 mars 2020 à 16h30 au temple protestant de la Rencontre, 17 rue des Petits-Hôtels, 75010 Paris</strong>. L'entrée est libre. Le programme comporte un autre arrangement de Jean-Sébastien Bach, celui-là signé par Wolfgang-Amadeus <strong>Mozart</strong>: le Prélude et Fugue pour trio à cordes, K.404, ainsi que le Trio à Cordes "Les Heures" de la compositrice <strong>Betsy Jolas</strong>, qui sera présente.</p>
<p>Un très joli programme servi par des interprètes au top, j'espère vous y voir nombreuses, chère lectrices, prêtes à braver l'épidémie de coronavirus comme vous avez bravé les difficultés de transport en décembre dernier. À très bientôt donc !</p>
<h2>Mise à Jour: <strong>ce concert est REPORTÉ À UNE DATE ULTÉRIEURE en raison de l'épidémie de coronavirus.</strong> </h2>Création du Triptyque pour 2 pianos le 21 décembre à Parisurn:md5:d3eefb0f3aef81957b390e4f0d2e2b2b2019-12-19T18:56:00+01:002019-12-23T01:03:18+01:00Patrick LoiseleurConcertsCantus FormuscréationOrlando BassPatrick LoiseleurPhilippe Hattatpiano<p>Chères lectrices, vous avez déjà entendu parler dans ce journal de mon <a href="https://tamino-productions.com/11-scores/loiseleur/49-triptyque-for-two-pianos-loiseleur" hreflang="fr" title="Triptyque for Two Pianos (Loiseleur)">Triptyque pour 2 pianos</a> que j'ai commencé en 2009 et achevé en 2012. Il a été partiellement joué <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2013/01/26/Khronos-pour-deux-pianos-au-6e-week-end-du-Clavier-Contemporain">en Belgique</a> et <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2010/08/06/Le-miel-inalterable-pour-deux-pianos-par-Pascal-Devoyon-et-Rikako-Murata">en France</a>, mais samedi prochain vous pourrez entendre pour la première fois l'intégralité de ce Triptyque par les virtuoses <strong>Philippe Hattat</strong> et <strong>Orlando Bass</strong>. Ce sera dans le cadre des concerts CANTUS FORMUS organisés par <strong>Nicolas Bacri</strong>, que je remercie pour son amitié et sa confiance. Cela se passe <strong>au CRR de Paris, 14 rue de Madrid, samedi 21 décembre à 16h.</strong></p> <p>Ce concert vous permettra d'entendre de très belles choses, des classiques du XXe siècle aux oeuvres plus rares :</p>
<ul><li>
<strong>Olivier
GREIF (19-50-2000) </strong><em><strong>Petite
Cantate de chambre </strong></em>(1976)
</li>
<li>
<strong>Daiki NISHI (1983)<em> En rêve</em>, pour
piano (2019)
</strong></li>
<strong>
<li>
<strong>Nicolas
MIASKOVSKY (1881-1950) <em>Sonate
pour piano No. 2 en fa dièse mineur op. 13</em> </strong>(1912)
</li>
<li>
<strong>Yves
CORNIERE (1934-2011) <em>Trio pour violon, violoncelle et piano op.
9</em> </strong>(1961-62)
</li>
<li>
<strong>Nicolas
BACRI (1961)</strong>: ><em>Of
Time and Love (Cantate No. 8 op. 145) pour mezzo-soprano et piano
</em>(2017-18)
</li>
<li>
<strong>Olivier
GREIF (1950-2000) </strong><em><strong>Chants
de l’âme (Trois extraits) </strong></em>(1979/94-95)
</li>
</strong></ul>
<div>Le tout interprété par des artistes que j'aime beaucoup: <strong>Orlando BASS, Marie-Laure GARNIER, Philippe HATTAT, François HENRY, Mary OLIVON, Mayuko ISHIBASHI-HENRY - Marc-Antoine NOVEL, Marie-Claudine PAPADOPOULOS, Sabine WEYER.</strong></div><div><span>Que dire de plus, sinon que j'espère votre présence en dépit des difficultés de transport persistantes ! Merci pour votre fidélité.</span></div><div><span><br /></span></div><div><span><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/CANTUS_FORMUS_Affiche_21_decembre_2019-1.png"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/.CANTUS_FORMUS_Affiche_21_decembre_2019-1_m.png" alt="" style=" display: block;" /></a><br /></span></div><div><span><br /></span></div><div><span><br /></span></div><div><span><br /></span></div><div><span><br /></span></div>La mer, la mer, la mer....urn:md5:b1405d6b5ea6eb94a1531b5dfbfd99032019-07-19T11:32:00+02:002019-12-11T12:40:06+01:00Patrick LoiseleurConcerts<p>Chères lectrices, il s’est passé tant de belles choses depuis mon dernier billet que je ne sais par où commencer. La mer sera peut-être le fil conducteur reliant tous ces événements entre eux. Jugez-en plutôt:</p> <p>D’abord il y eut ce beau programme de mélodies, poèmes et musique instrumentale composé autour de <em>La Mer</em> par le baryton <strong>L’Oiseleur des Longchamps</strong> avec la complicité d’Olivier Dauriat et de son épouse Anne Rancurel.</p>
<p>Ensuite, l’oratorio Lab.Oratorium de <strong>Philippe Manoury</strong> à la Philharmonie de Paris, inspiré par une tragédie contemporaine : ces milliers de migrants qui traversent la méditerranée au péril de leur vie. Une œuvre puissante et engagée, aux accents épiques, une sombre et féroce traversée de cette Mare Nostrum, notre bien commun, sur laquelle naviguent des paquebots pour touristes fortunés qui mangent du homard à la tonkinoise pour tromper leur ennui tandis que d’autres meurent de faim, de soif ou de noyade sur des rafiots surchargés. Cet oratorio se termine cependant sur des paroles consolatrices : <em>« Heureux ceux qui n’ont jamais connu leur patrie. Car ils peuvent la voir en rêve »</em>.</p>
<p>Il y eut aussi <a href="https://fr.ulule.com/aporie-patrick-loiseleur/"> la souscription de mon futur album « Aporie »</a>sous le label Triton qui fut un réel succès permettant d’augurer beaucoup de belles choses pour la sortie en septembre prochain.</p>
<p>Et puis nous voilà en Bretagne, à Belle-Île-en-Mer, pour une académie de musique « Plage musicale à Bangor ». Il existe beaucoup de stages, académies, festivals : celle-ci a la particularité de faire bon accueil à la musique vivante : cette année elle met à l’honneur le compositeur franco-tchèque <strong>Krystof Maratka</strong>. </p>
<p>Comment pourrais-je vous raconter ? D’abord il y a le long trajet pour traverser la Bretagne, aller au bout de la presqu’île de Quiberon, où l’on sent déjà que la mer dispute chaque bout de terrain à la terre. Puis il faut prendre un bateau pour arriver au port du Palais, que surplombent d’imposantes fortifications conçues par Vauban. L’île est un vaste plateau de cinq kilomètres sur douze, coupé de vallées étroites et encaissées qui ont servi à construire des ports. Les oiseaux marins et terrestres y cohabitent en harmonie, tout comme la nature sauvage avec les champs et les rares maisons (cinq mille habitants en hiver, le double en été). A rebours des clichés habituels sur l’été breton (qui ressembleraient à l’hiver avec autant de pluie et 4 degrés de plus), nous avons vu Belle Île sous un soleil resplendissant, avec des vents modérés. Les jardins éclatent de toutes les floraisons simultanées (j’ai l’impression que certaines fleurs éclosent ici plus tardivement que sur le continent), avec les hortensias et les roses trémières appuyés aux murets de granit. Il vaut voir le port de Sauzon, à l’ouest de l’Île, avec ses maisons aux couleurs vives qui évoquent la Toscane ou les bords du Lac Majeur.</p>
<div><p>Tous les jours des concerts sont programmés : dans le concert d’ouverture, ce qui m’a plu surtout c’étaient deux pièces de Maratka. D’abord les <em>Csardas</em> (arrangements d’airs populaires) pour et puis <em>Bachorky</em>, une pièce utilisant des instruments traditionnels tchèques. Parmi ceux-ci, une sorte de flûte longue comme un doigt, mais aussi une flûte nasale (où l’on contrôle la hauteur de son uniquement avec la cavité buccale). Ainsi qu’une trompe de 2 mètres de long sonnant un peu comme un cor des alpes à la justesse très approximative. Ou encore des flûtes aux son très doux taillés dans un tibia ou une corne de vache. Ainsi qu’une sorte de duduk (ancêtre primitif du hautbois) miniature aux sonorités fortement nasales. Et ma préférée, une flûte à bec sans aucun trou, qui ne produit donc que des harmoniques naturels, que l’on contrôle avec le souffle ainsi qu’en bouchant plus ou moins le pavillon. Le compositeur qui joue successivement tous ces instruments ainsi qu’un peu de piano, est accompagné par un alto et une clarinette, et j’admire la façon dont il utilise les couleurs harmoniques atonales et les modes de jeux « exotiques » (qui ne sont pas si exotiques que ça car on les utilise depuis plus de 100 ans dans la musique dite « contemporaine ») comme le sul ponticello ou les multiphoniques pour accompagner ces instruments rustiques qui sonneraient beaucoup moins bien avec une harmonisation strictement tonale. Ces « fables pastorales » ont été sélectionnées pour un prix lycéen des compositeurs en 2018.
</p>
<p>Hier soir c’étaient <em>Les 4 saisons </em>de Vivaldi, mises en regard avec celles d’Astor Piazzola. En réécoutant les célèbres concertos du « prêtre roux », je me suis demandé s’il y avait un compositeur vivant (ou une compositrice) capable d’écrire une musique ayant pareille fraîcheur, pareil enthousiasme, exprimant les mêmes joies simples même dans la virtuosité. Beaucoup de musiciens forts talentueux écrivent de nos jours des œuvres sophistiquées, raffinées, personnelles et expressives. Mais aussi bien chez les avant-gardistes que chez les conservateurs (et sans vouloir rentrer une fois de plus dans ce type de débat), ils sont nombreux à travailler les couleurs sombres de l’âme, à exprimer la nostalgie, l’angoisse ou l’horreur. Est-ce notre musique qui vieillit avec notre civilisation ? Sans en être pleinement conscients, tous ces artistes véhiculent-ils la dépression tardive d’une civilisation européenne à bout de souffle ? Ou plus simplement la fatigue d’une musique savante trop savante et coupée de l’inspiration populaire dont elle a toujours su se nourrir de Josquin des Prés à Bartók ? Ces questions vous passionnent certainement autant que moi, chères lectrices, et vous comprendrez que je me garde d’y apporter de réponses trop hâtives ou définitives dans ce billet. Je laisse simplement la question posée pour nos méditations futures : peut-on, doit-on, sait-on exprimer la joie dans la musique contemporaine ? </p>
</div><div><p>Je note aussi que Vivaldi ne saurait se réduire à cette gaité primesautière. Le mystérieux et audacieux mouvement lent du concerto L’Automne, avec ses enchaînement de septièmes et autres dissonances soigneusement préparées et résolues montre une maîtrise de l’harmonie bien plus complète que ce qu’une écoute superficielle de l’Allegro initial pourrait laisser croire. Et l’on pourrait fort bien oublier le côté « descriptif » un peu superficiel de ces 4 concertos (chants d’oiseaux, orages, aboiements des chiens, cors de chasse, etc) pour goûter une écriture inventive et virtuose où geste instrumental et geste musical se correspondent parfaitement.</p>
<p>
La mise en regard des 4 saisons de Vivaldi avec celles de Piazzola est une riche idée : si l’esthétique et le langage harmonique de Piazzola sont plus proches de nous, on y retrouve l’énergie rythmique, la virtuosité, et le bonheur simple de jouer du violon, « jouer » dans le sens ludique aussi. </p>
</div><p>Dans le cadre enchanteur du fort de Bugull, impressionnant bloc de granit à peine percé de quelques fenêtres, à l’ombre de grands pins maritimes, avec un fond sonore composé de vent dans les branches, de roucoulements de pigeons auxquelles répondaient parfois des mouettes plus rauques, c’était une soirée tout à fait réjouissante et revigorante.
Je n’aurai sans doute pas le temps de relater tous les concerts, étant moi-même pris dans un tourbillon de répétitions en vue de préparer plusieurs concerts qui arrivent très vite ; mais je sais que vous ne m’en tiendrez pas rigueur, chères lectrices. Se plonger dans la musique du matin au soir, n’est-ce pas la définition même du bonheur ?
</p>Stranger, par Garth Knox et Antoine Tamestiturn:md5:12e75bc66efd0bbdaf14a53cdd5e45f72019-07-13T12:12:00+02:002019-07-13T11:27:51+02:00Patrick LoiseleurConcertsaltoAntoine TamestitcréationGarth Knoxviole d amour<p>Une belle pièce aux accents celtiques de <strong>Garth Knox</strong>, interprétée par l'excellent <strong>Antoine Tamestit</strong> à l'alto et Garth Knox à la viole d'amour, créée dans le cadre du Festival Viola Space 2019 au Japon.</p> <p>Ce duo est la rencontre de la tradition et de la création, de la musique savante et populaire, du raffinement et de la simplicité. <a href="https://tvuch.com/social/394/">C'est disponible ici en vidéo,</a> et ça se passe largement de commentaires, car le jeu des interprètes est aussi limpide que l'écriture instrumentale. </p>
<p><a href="https://tvuch.com/social/394/"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/musiciens/Garth_Knox_Antoine_Tamestit.png" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>Escaich, Bacri, Dvorak, Beethoven par le Quatuor Voceurn:md5:ce737de0743a61df07b111d23dcff5ee2019-06-24T12:39:00+02:002019-06-24T16:49:48+02:00Patrick LoiseleurConcertsAntonín DvořákcréationFestival des forêtsNicolas BacripianoQuatuor Vocequatuor à cordesThierry Escaich<p>C'est un fort beau programme que le Festival des Forêts nous proposait dimanche à Pierrefonds, avec la création du 10e quatuor à cordes de Nicolas Bacri, le quintette avec piano de Thierry Escaich, et deux pièces de Dvorak et Beethoven, le tout par le quatuor Voce.</p> <p style="text-align: justify;">En prélude à ce concert, nous avons pu participer à une causerie avec les deux compositeurs qui se connaissent de longue date. </p>
<p style="text-align: justify;"><a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/tag/Thierry%20Escaich">Thierry Escaich</a> nous parle de sa <strong>Ronde</strong> pour piano et quatuor à cordes, écrite en 2000, inspirée par la pièce éponyme d'Arthur Schnitzler (et plus encore, par l'adaptation au cinéma de cette pièce par Max Ophuls). La forme musicale reprend la forme théâtrale de cette pièce: 2 personnes dialoguent, une troisième entre, la première s'en va, et ainsi de suite jusqu'au retour du premier personnage. Cet espèce de Carrousel musical pourrait être vu comme un Rondo, à cela près que les transitions entre les différents épisodes contrastés sont traitées à la manière d'un fondu enchaîné: un nouvel élément musical fait son apparition, superposé à d'autres, puis il devient prédominant. Thierry Escaich, qui a fait beaucoup de ciné-concerts en tant qu'improvisateur, parle de son goût pour le cinéma, et du caractère cinématographique de sa musique. Il ajoute cependant qu'elle ne pourrait sans doute pas être utilisée en tant que musique pour l'image, en raison de la densité des évènements musicaux qui réclament toute l'attention de l'auditeur.</p>
<p style="text-align: justify;"><a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/tag/Nicolas%20Bacri">Nicolas Bacri</a><strong> </strong>nous raconte la genèse de son <strong>10e quatuor à cordes</strong>. Il a repris certains matériaux d'une pièce pour 4 clarinettes. Puis la mort de <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/tag/Pierre%20Boulez">Pierre Boulez</a>, compositeur qu'il a adoré détester, qu'il admire tout en ne partageant pas ses choix esthétiques, a imposé un deuxième thème de facture sérielle. Par contraste le 2e mouvement est assez romantique, un peu dans la lignée de Gerald Finzi. Le troisième mouvement tente l'impossible tâche de composer "ces deux extrêmes de mon langage", par le biais du contrepoint et le recours à la rigueur d'une forme sonate. Bacri nous explique que la forme est très importante pour lui, en prenant une comparaison avec les cathédrales. Si vous entrez dans une cathédrale, vous ressentirez une certaine émotion, même sans rien connaître à l'architecture, par la contemplation de la symétrie, de l'harmonie de l'édifice. Et si vous étudiez les secrets des maîtres bâtisseurs, l'émotion ne disparaît pas mais s'approfondit et s'élargit. Ces réflexions me font penser <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2009/05/16/L-introduction-a-Jean-Sebastien-Bach-enfin-reeditee">à la notion de "connaissance érotique" de l'oeuvre de Boris de Schloezer</a> (mais ça c'est moi qui l'ajoute). Il dit aussi qu'être compositeur est très difficile aujourd'hui, qu'il faut se tenir "sur le fil" entre l'innovation (qui peut mener à l'absurde, à l'abîme du "contemporain" pur et dur), et la tradition (qui peut facilement nous cantonner au pastiche). Mais aussi qu'il y a beaucoup de compositeurs en activité aujourd'hui, et que paradoxalement leur musique est peu jouée en raison du conservatisme des musiciens et programmateurs de concerts. Il se définit comme un "optimiste tragique" qui a placé cette citation de Dimitri Chostakovitch en exergue de <a href="http://www.nicolasbacri.net/" hreflang="fr">son site internet</a>: <em>"Je souhaite que mon art puisse vous aider à vivre plus facilement, à travailler plus joyeusement, à aimer plus profondément".</em></p>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/architecture/PIerrefonds_Chateau_20190623.jpg" alt="PIerrefonds_Chateau_20190623.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p><em>(Admirez au passage, le château de Pierrefonds, faux moyenâgeux et vrai romantique construit par Violet le Duc)<br /></em></p>
<p style="text-align: justify;">Une fois installés dans l'église de Pierrefonds, nous écoutons pour commencer une pièce des <em>Cyprès</em> d'<a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/tag/Anton%C3%ADn%20Dvo%C5%99%C3%A1k">Antonín Dvořák</a>. Ce sont en fait des mélodies de jeunesse, écrite à 24 ans par un jeune altiste amoureux (oui, Dvorak lui aussi jouait de l'alto ! C'est le point commun entre <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2019/05/03/L-alto-de-l-empereur">l'empereur du japon</a>, lui et moi). Son amour n'ayant pas été payé de retour, il enterra ses textes pendant 20 ans avant de les sortir du tiroir, notamment pour <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cypresses_quartet_(Dvo%C5%99%C3%A1k)">les adapter au quatuor à cordes</a>. Nous écoutons la première pièce, très douce, en ré bémol majeur, avec la mélodie confiée à l'alto. Le quatuor Voce nous régale d'un son très pur dans cette douce bluette mélancolique.</p>
<p style="text-align: justify;">Puis Thierry Escaich s'installe au piano pour son quintette <em>La Ronde</em>, en un seul mouvement, dont nous venons de parler. Contrairement à beaucoup d'autres (Schumann, Franck, Fauré, Brahms), ce quintette n'est pas un mini-concerto pour piano avec accompagnement de quatuor à cordes. Le piano est traité comme un 5e instrument qui vient apporter de nouvelles couleurs à la texture (notamment dans l'extrême aigu ou le grave). Conséquence de cette écriture aussi bien que du délicat jeu de chambriste de Thierry Escaich, l'équilibre entre les quintettistes est parfait. C'est une belle pièce, magnifiquement harmonisée et orchestrée, avec des couleurs assez sombres et parfois un peu fantomatiques aux cordes (sourdine, harmonique, tenues longues), qui contrastent avec des passages rythmiques très énergiques. La boucle est bouclée lorsque les éléments thématiques entendus au début refont leur apparition.</p>
<p style="text-align: justify;">Ensuite viennent les 3 mouvements du 10e Quatuor à cordes de Bacri, dont c'était la toute première audition publique. Des couleurs assez sombres, nous l'avons dit, mais quelle maîtrise dans le contrepoint, la conduite des lignes et la création de couleurs harmoniques à la fois familières et étranges ! Et cet hommage paradoxal à Pierre Boulez qui sonne bien en lui-même mais est surtout remarquable par son insertion en tant qu'élément contrastant dans la forme d'ensemble qui lui donne toute sa signification. Bien que ce quatuor ne soit pas particulièrement facile à jouer (on mesure bien la tension des Voce qui l'interprètent pour la première fois), il ne contient rien d'extravagant sur le plan instrumental, et ne fait appel qu'aux ressources les plus nobles des instruments à cordes. Ce dixième quatuor une belle réussite, une oeuvre de la pleine maturité qui ne cède en rien à la facilité (y compris à la facilité d'écriture que représente paradoxalement le recours à une virtuosité instrumentale excessive et sans nécessité). On attend avec impatience le onzième, qui est d'ores et déjà programmé en 2020, toujours avec l'excellent <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/tag/Quatuor%20Voce">Quatuor Voce</a>.</p>
<p style="text-align: justify;">Après un entracte, c'est le 10e Quatuor de Beethoven (parfois surnommé "Les Harpes" en raison de l'abondant recours au pizzicati dans le 1er mouvement). Là encore, une oeuvre de la pleine maturité, où la maîtrise de Beethoven est éclatante, et presque écrasante. C'est un de mes favoris (en fait non, je les aime tous), car il déborde d'énergie et de vitalité. La musique de Beethoven est assurée, conquérante, autoritaire même, même dans le très délicat Adagio en la bémol (sous-dominante de la tonalité principale, cela a son importance dans la forme d'ensemble, en marquant une sorte de détente, de relâchement). Dans cette oeuvre comme dans les autres, les Voce font un travail admirable de précision, et c'est un véritable bonheur de les voir respirer ensemble ou échanger des coups d'oeil complices même au milieu des passages les plus virtuoses comme le trio du Scherzo, dont les cascades de triolets à toute blinde (et souvent doublés à l'octave par un 2e instrument) sont assez redoutables.</p>
<p style="text-align: justify;">Après ces grands moments, c'est la traditionnelle photo de famille (Bacri à gauche, Escaich au centre) sous une pluie d'applaudissements plus que mérités:</p>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/Festival_des_Forets_20190623.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>Michel Merlet fête ses quatre fois vingt ansurn:md5:5beadef1592499c9fa405bf3e33444642019-05-27T22:04:00+02:002019-05-27T21:21:33+02:00Patrick LoiseleurConcertscréationflûteMichel Merletmusique françaisepianoviolonvioloncelle<p>Pour célébrer dignement l'anniversaire du compositeur <strong>Michel Merlet</strong> (sans doute le professeur qui m'aura appris le plus de choses en composition, contrepoint, harmonie, analyse et orchestration), le Conservatoire du XVIIe arrondissement proposait un beau concert-hommage ce jeudi 23 mai dernier au Conservatoire du XVIIe arrondissement de Paris.</p> <p>Le programme, très délicatement choisi, alterne 4 pièces de Michel Merlet avec des morceaux de Maurice Ravel, Florent Schmitt, Olivier Messiaen et Claude Debussy. Une manière très efficace de souligner l'originalité de son oeuvre autant que sa continuité avec la grande tradition française.</p>
<p>Venu pour l'occasion, devant un auditorium plein à craquer, l'adjoint à la culture de la mairie du XVIIe arrondissement rappelle la belle carrière de celui qui fut l'un des derniers, en 1966, à décrocher le concours du Grand Prix de Rome (lequel a été remplacé depuis 1968 par une sélection sur dossiers des candidats à la Villa Médicis). Un des grands pédagogues du Conservatoire de Paris et de l'Ecole Normale de Musique, entre autres, chevaliers des Arts et des Lettres, titulaire de la Légion d'honneur.</p>
<p>Comment caractériser le style musical de Michel Merlet ? Vaste question, je me contenterai de quelques observations toutes subjectives. Pour moi, c'est un compositeur de son temps, synthétique ou syncrétique, qui prend en compte les apports de la musique sérielle ou des modes de Messiaen, et rend hommage aux grands maîtres de la tradition (Mozart, Bach, Chopin) sans pour autant les pasticher. D'une écriture savante et même virtuose, sa musique est assez redoutable pour les interprètes. Elle est exigeante pour l'auditeur également, qui doit rester attentif pour en profiter pleinement. Mais l'amateur est pleinement récompensé par la richesse et même la profusion de l'invention mélodique, la rigueur de la construction, la beauté des couleurs instrumentales et harmoniques, le foisonnement du contrepoint.</p>
<p>Le programme commence par la Sonate pour piano et violon opus 6, mise en miroir avec un mouvement de la Sonate de Ravel pour la même formation. Cette Sonate de facture classique comporte 4 mouvements: un allegro initial de forme sonate, une fugue où les pizzicatos du violon de <strong>Luc Héry</strong> répondent au toucher léger de la pianiste <strong>Marie-Josèphe Truys</strong>, un très beau mouvement lent suivi d'un éblouissant finale. Cette sonate n'utilise quasiment pas la musique tonale, sans que cela choque les oreilles contemporaines: les couleurs harmoniques me font penser à la musique d'Alban Berg par moments.</p>
<p>En deuxième partie, c'est <em>Une Soirée à Nohant</em> op. 30 pour Violoncelle et piano, interprété par <strong>Pierre Strauch</strong>, toujours avec Marie-Josèphe Truys au piano. La pièce commence avec un mi mineur plutôt romantique et rêveur, avant d'enchaîner sur des figures beaucoup plus virtuoses au violoncelle comme au piano (il existe une version pour violoncelle et orchestre de cette Soirée à Nohant que je recommande chaudement à nos lectrices).</p>
<p>Cette pièce est mise en miroir avec le <em>Chant élégiaque </em>en la mineur de Florent Schmitt, une pièce magnifique que j'entends pour la première fois : pourquoi les violoncellistes la jouent-ils aussi rarement, alors qu'ils ressassent sans fin <em>l'Élégie</em> de Fauré ? Mystère.</p>
<p>Ensuite, Patricia Nagle à la flute interprète la Chaconne op. 16. Dans cette pièce, je suis frappé par l'équilibre entre le sérieux de l'écriture qui respecte le cadre strict de la forme Chaconne et la liberté de l'invention mélodique, la sensualité de l'écriture pour flûte très bien mise en valeur. <strong>Patricia Nagle</strong> et Marie-Josèphe Truys nous offrent ensuite le Merle Noir d'Olivier Messiaen dans une très belle interprétation aussi virtuose que sensible.</p>
<p>Enfin, c'est le <em>Trio op. 24</em> de Michel Merlet que nous entendons. Ce trio pour violon, violoncelle et piano est prévu pour que la flûte puisse remplacer le violon, et le clavecin le piano. Nous entendons le 3e mouvement avec violon et le 4e mouvement avec flûte (à moins que ça soit l'inverse si ma mémoire me joue des tours). La Passacaille reprend le motif de la Passacaille et Fugue pour orgue en ut mineur BWV 582 de Jean-Sébastien Bach. Michel Merlet pense qu'on peut harmoniser un motif mélodique dans n'importe quelle tonalité, et que plus on s'éloigne de la tonalité "naturelle" de ce motif, plus cela sonne moderne ou contemporain, dans le sens où les harmonies sont plus complexes et plus tendues. Il en donne l'illustration éclatante dans cette Passacaille dont le motif principal, toujours clairement audible dans ces différentes métamorphoses, est intégré à une texture polyphonique d'une grand virtuosité et d'une vraie richesse harmonique. </p>
<p>L'oeuvre de Michel Merlet est suivi par deux mouvements du Trio de Claude Debussy. Il s'agit là d'une oeuvre de jeunesse, de bonne facture mais d'un style pas très personnel, bien moins avancé que le génial Trio de Ravel pour la même formation (piano, violon et violoncelle).</p>
<p>Sur la traditionnelle photo de famille qui clôt le concert (avec de gauche à droite: Luc Héry au violon, Marie-Jopsèphe Truys au piano, Pierre Strauch et Pauline Bartissol au violoncelle, Patricia Nagle à la flûte, et Michel Merlet),</p>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.Concert_Michel_Merlet_25_mai_2019_m.png" alt="" style=" display: block;" /></p>
<p>observez comme le compositeur se tient modestement sur le côté, tourné vers les interprètes qu'il congratule davantage que vers le public qui l'applaudit chaleureusement. Car ce grand musicien ajoute une modestie presque excessive à toutes ses autres qualités. Souhaitons-lui tous les succès qu'il mérite pour les vingt prochaines années ! Car ce que montre ce concert-hommage c'est surtout l'éternelle jeunesse de la musique française, qui ne cesse de se réinventer de se renouveler.</p>Hahn, Dessy, Debussy par le Quatuor Tanaurn:md5:444f135958ca9ea9b87803fdf86d81902019-05-06T19:12:00+02:002019-05-06T19:20:46+02:00Patrick LoiseleurConcertsClaude DebussyJean-Paul DessyProQuartetquatuorQuatuor TanaReynaldo Hahn<p>Ouï samedi dernier à Bourron-Marlotte dans le cadre des <a href="https://www.proquartet.fr/fr/concerts/seine-et-marne-1" hreflang="fr">Rencontres musicales de Seine et Marne</a> organisées par <a href="https://www.proquartet.fr/">ProQuartet</a>, un concert du Quatuor Tana avec trois oeuvres de Reynaldo Hahn, Jean-Paul Dessy et Claude Debussy au programme.</p> <p>On commence par le 1er quatuor à cordes de <strong>Reynaldo Hahn</strong>, que je ne connaissais pas et qui est magnifique. Le début évoque un peu Ravel, mais le classicisme épuré de cette oeuvre de 1939 la rapproche davantage de l'unique quatuor de Gabriel Fauré. Sans emphase, l'écriture fait appel aux plus nobles ressources mélodiques et polyphoniques du quatuor. Il existe peu d'enregistrements de cette belle oeuvre méconnue, mais nous pouvons recommander à nos lectrices </span><a href="https://www.youtube.com/watch?v=63Y_C3GrV1c">celui du Quatuor Parisii pour Naïve</a>.</p>
<p>Vient ensuite une oeuvre du compositeur et violoncelliste belge <strong>Jean-Paul Dessy, </strong>commandée par ProQuartett et créée par le Quatuor Tana en 2009. Le violoncelle tient une place prépondérante dans ces sept miniatures pour quatuor intitulées <em>Tuor, Qua Tuor, </em>ce qui signifie en latin "le regard par où j'observe". Le compositeur précise:</p>
<blockquote><p><em> "Je compose en observant le silence, en contemplant l'espace intérieur. Regarder notre regard, écouter notre écoute ne sont pas de vaines redondances. C'est dans cette vigiliance des sens, dans l'attention portée vers l'Être que la musique me sollicite"</em></p>
</blockquote>
<p style="">Vous l'aurez compris, ce musicien est porté vers la méditation, proche de la nature, et cela s'entend dans sa musique, qui pourrait évoquer le râga indien. Non pas dans les sonorités ni dans les instruments ou les modes harmoniques, mais plutôt par une écriture qui évoque l'improvisation: partant d'un motif initial au violoncelle qui est répété, varié, développé et porté à incandescence par les 4 instruments avant de redescendre par paliers. Jean-Paul Dessy maîtrise très bien l'écriture pour instruments à cordes: les harmoniques, glissandos, sul ponticello et autres modes de jeu n'ont aucun secret pour lui. L'oeuvre se prête pourtant à une écoute tonale (ou du moins modale, avec un centre tonal bien identifié). Le tout donne une oeuvre très accessible et très actuelle en même temps, et surtout quand elle est jouée avec l'énergie, l'enthousiasme et l'engagement qui sont la marque de fabrique du Quatuor Tana depuis le tout début.</p>
<p style="">Je m'attriste du départ de l'altiste Maxime Désert. Sa remplaçante temporaire, Élodie Gaudet, est de toute évidence une excellente chambriste, qui s'intègre très bien dans le groupe. Mais elle ne possède pas un caractère aussi extraverti ni une énergie aussi explosive. Le quatuor à cordes est une alchimie à quatre, un très délicat et subtil mariage des sensibilités: espérons que les Tana sauront trouver un nouvel élan et un nouveau souffle avec le ou la nouvelle altiste qu'ils recruteront.</p>
<p style="">Il n'y a qu'un "bu" entre Dessy et <strong>Debussy</strong>, comme le fait remarquer Antoine Maisonhaute, premier violon du quatuor Tana. Il nous apprend que <strong>Claude Debussy</strong>, lors des répétitions avec le quatuor Ysaye, avait annoté et corrigé la partition de son Quatuor, mais que l'éditeur a eu la flemme d'intégrer ces corrections. Même si à l'époque les techniques de typographie musicale rendait ce travail plus fastidieux, ce n'est tout de même pas à son honneur. Comme beaucoup de textes musicaux, celui-ci fut édité dans une version obsolète et non corrigée pendant des décennies...</p>
<p style="">Laissons là ces anecdotes et plongeons-nous tout entiers dans cet unique Quatuor de Debussy, un vrai miracle, inspiré de bout en bout, qui transcende le jeu des quatre archettistes et nous emmène au Paradis des impressionnistes, si riche en images contrastées qui nous font emportent et nous font rêver... Que dire après un tel moment de bonheur partagé, sinon bravo et merci !</p>
<p style=""><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/musiciens/.quatuor_tana_2019_05_04_m.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>Le bel itinéraire : trois générations de compositeursurn:md5:3446a50845b450cf2228559dc10ca7152019-04-09T15:20:00+02:002019-04-14T19:32:52+02:00Patrick LoiseleurConcertsconcertCRR de PariscréationitinéraireRoger Tessier<p>Lundi soir au CRR de Paris nous avons pu entendre pas moins de cinq créations d’Iwamoto, Choi, Jamar, Tessier et Bordalejo, interprétées par l’itinéraire et le chœur d’enfants de la Maîtrise du CRR, sous la direction d'Alain Louvier et Brigitte Coppola.</p> <p>Les trois premières pièces ont été écrites par deux élèves de la classe de composition de Suzanne Giraud et par un élève de José Manuel Lopez Lopez.</p>
<p>On commence par une pièce pour hautbois et vibraphone de <strong>Takuro Iwamoto </strong>intitulée<em> « Just B Natural »</em> c’est-à-dire <em>« Soyez Naturel »</em> ou encore <em>« Juste Si bémol »</em>. D’après les notes de programme il s’agit de donner à cette pièce <em> « un semblant de sérieux tout en lui apportant une touche de légèreté »</em>. Je n’ai pas été particulièrement impressionné ni par l’un ni par l’autre, j’y ai plutôt vu des jeux d’écriture amusants sur le papier mais pas passionnants à entendre.</p>
<p>Ensuite vient<em> « Le cauchemar infini »</em> par <strong>Haeun Choi</strong> pour hautbois, alto et contrebasse. La compositrice explique que ce cauchemar a des origines autobiographiques, sans donner plus de détails. On ne sait donc pas ce que sa belle-mère lui a fait subir, mais il y a effectivement quelque chose de grinçant et de grimaçant dans ces miniatures séparées par de courts silences. Le tout bien écrit, bien instrumenté, et plutôt convaincant. On retrouve les modes de jeux exotiques du hautbois (souffle dans l’instrument sans anche, bruits de clés, multiphoniques) des cordes (col legno, harmoniques, glissandos, etc) qui sont habilement utilisés pour créer une ambiance.</p>
<p>Puis nous entendons un quintette d’<strong>Alexandre Jamar</strong> pour hautbois, alto, contrebasse, harpe et percussion, intitulé <em>« Schalmei »</em> (nom allemand de l’ancêtre du hautbois, également appelé chalumeau ou chalemine en Français ancien). Une belle pièce, vraiment, dont le style assez boulézien (on pense à Dérive 1 et 2 surtout), avec des trilles et des figures rapides en alternance avec des longues tenues. Tout est très maîtrisé, et la richesse polyphonique donne une sensation presque orchestrale par moment. C’est aussi une pièce qui m’a parue plus inventive et plus travaillée que les deux autres sur le plan du rythme.</p>
<p>Nouveau changement de plateau pour une quatrième création, celle de<em> « Comme un écho de mémoire enfouie »</em> de <strong>Roger Tessier</strong>, pour violon, alto, violoncelle, flûte cor et harpe. Ce jeune homme de quatre fois vingt ans qui n’a plus rien à prouver se livre au pur plaisir hédoniste d’une musique légère et sans aucune nostalgie, contrairement à ce que le titre pourrait laisser croire. Je crois y distinguer des réminiscences de la Sonate pour flûte, alto et harpe de Debussy ; sans doute y-a-t-il d’autres citations et clins d’œil. Roger Tessier est un des fondateurs de l’itinéraire il y a 40 ans (avec Tristan Murail et Michaël Levinas), et ce sextuor est une bien belle manière de célébrer cette longue aventure.</p>
<p>Ce qui m’a paru sympathique également, c’est de faire monter sur scène des étudiants du Conservatoire aux côtés des membres de l’itinéraire. C’est une chose qui se fait beaucoup en Belgique (faire participer les étudiants à des concerts à côté des pros), beaucoup moins en France où une sorte de « plafond de verre » sépare encore trop souvent les professeurs de leurs élèves.</p>
<p>Pour terminer, nous écoutons cinq chansons de <strong>Tomas Bordalejo</strong> pour chœur d’enfants et cinq instruments (hautbois, alto, contrebasse, harpe, percussion). Je suis impressionné par le sérieux et la discipline de ces enfants de 8 à 12 ans (à vue de nez) qui arrivent sur scène en noir et blanc, dans un mouvement impeccable et une concentration totale. J’ai rarement vu autant d’implication dans un chœur d’adultes ! Et puis ce ne sont pas seulement les mouvements de scène qu’ils ont travaillé avec la cheffe de chœur Brigitte Coppola, mais la musique : ils chantent juste, en place, en articulant si bien chaque syllabe qu’on pourrait suivre tout le texte sans avoir à lire le programme. Sur des poèmes de Baudelaire, Apollinaire, Almafuerte et Carriego (ces deux derniers chantés en espagnol), le compositeur a écrit une musique parfaitement adaptée au chœur d’enfants. Mélodie et harmonies sont assez simples pour qu’on les suive à l’oreille sans grande difficulté (et par conséquent, pour que les pitchounes arrivent à les chanter !), sans qu’on tombe dans la facilité ou la banalité du néo-tonal pour autant. Il en résulte une couleur modale assez prononcée mais qui n’est pas sans charme. Et l’accompagnement musical ultra-léger avec cinq instruments seulement apporte un soutien harmonique et rythmique ainsi que des contre-chants qui viennent enrichir la texture globale. Le parfait compromis entre accessibilité et inventivité.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/2019-04-08_20.59.13.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.2019-04-08_20.59.13_m.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Ces pièces pour chœur d’enfants étant opportunément placées en fin de programme, tous les parents venus admirer et soutenir leur chantante progéniture ont écouté et applaudi les quatre premières pièces, et fait un triomphe à l’ensemble des artistes revenus sur scène pour le salut final, dans une ambiance festive et, j’ose l’écrire, bon enfant.</p>
<p>Voilà un très bon message pour nous autres compositeurs : si l’on veut attirer du monde à pour écouter nos créations, écrivons davantage de pièces avec chœur ! Et avec cœur, bien entendu.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/2019-04-08_21.00.05.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.2019-04-08_21.00.05_m.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>Dusapin, Rihm, Chauris à la Maison de la Radiourn:md5:b7f4a63b77af13fa2b7f622ac90dd6512019-02-15T00:33:00+01:002019-02-15T00:51:46+01:00Patrick LoiseleurConcertscréationMaison de la radiomusique contemporaineorchestrePascal DusapinWolfgang RihmXXIe siècleYves Chauris<p>Dans le cadre du festival Présences 2019, nous avons pu assister à un somptueux concert d'orchestre à l'Auditorium de la Maison de la Radio ce 14 février 2019, avec des oeuvre de <strong>Wolfgang Rihm</strong>, <strong>Pascal Dusapin </strong>et <strong>Yves Chauris</strong>.</p> <p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.maison_de_la_radio_2019_02_14_m.jpg" alt="" style=" display: block;" /></p>
<p>Dans ce temple du son où chaque détail est pensé pour servir la musique, o<span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">n commence par le </span><em style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Solo n°7 </em><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">de </span><strong style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;">Pascal Dusapin</strong><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">, sous-titré </span><em style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Uncut</em><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">, pour grand orchestre (les bois par 4, et des cuivres somptueux avec 6 cors, 4 trompettes et 4 trombones, un tuba). Nos lectrices se souviennent certainement que nous avons </span><a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2009/03/26/Dusapin%3A-solos-pour-orchestre-a-la-Cite-de-la-Musique" style="background- Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">assisté à la création de cette pièce par le Philharmonique de Liège il y a quelques années</a><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">. </span></p>
<p>Cette pièce commence par une belle fanfare de 6 cors, et se termine sur un tutti fracassant. Avec des percussions métalliques (cloches tubulaires, cymbales antiques, vibraphone) et d'importantes parties de cuivres, c'est le caractère joyeux et triomphant de cette pièce qui me frappe le plus, peut-être aussi parce que les musiciens du Philar' de Radio France sont toujours aussi enthousiastes (je ne peux pas savoir ce qu'ils ressentent individuellement, mais collectivement il se dégage de cet ensemble une belle énergie). C'est aussi une musique d'une grande complexité, qui superpose par moments tellement de plans sonores qu'il vaut mieux l'écouter en concert que sur une chaîne stéréo. Comme toutes le répertoire pour grand orchestre symphonique depuis Malher, me direz-vous, chère lectrice... un point pour vous !</p>
<p>C'est un effectif plus modeste, avec les bois par 2, une seule trompette et un trombone, une harpe, qui accompagne le pianiste <strong>Tzimon Barto</strong> (<a href="https://www.resmusica.com/2011/03/30/tzimon-barto/" hreflang="fr" title="Tzimon Barto Res Musica">lire son interview pour Res Musica</a>) dans le <em>2e concerto pour piano et orchestre</em> de <strong>Wolfgang Rihm</strong>. Ce pianiste américain est taillé comme un Hercule de foire (le chef <strong>Nicholas Collon</strong> a l'air d'un vrai gringalet à ses côtés), mais c'est avec une grande délicatesse qu'il aborde ce concerto qui commence doucement, gentiment, comme une sorte d'improvisation où la clarinette et les cordes répondent aux fragments d'idée proposés par le pianiste, qui les développera plus tard. Une sorte de structure en arche d'un seul tenant car après une section centrale assez animée, la fin revient vers des choses plus douces pour terminer dans un magnifique pianissimo des cordes débouchant sur une note seule du piano, planant dans le vide comme une question... dans cette oeuvre récente (2014) Rihm développe un lyrisme post-sériel qui ne refuse pas la consonance ni la mélodie sans pour autant s'encombrer de références à la tonalité proprement dite. Il le revendique d'ailleurs: <span style="background- Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; text-align: justify;"> </span><span style="background- Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; text-align: justify;"><em>« La tonalité n'est rien qu'un cas particulier de l'harmonie ; je veux dire que dans la série des harmoniques naturels, il y a tous les types d'intervalles, y compris les valeurs intermédiaires, microtonales. Je n’ai jamais vraiment composé de la musique tonale, mais je n'ai pas exclu les premiers rapports d'intervalles fournis par les harmoniques, je ne les ai pas éliminés, j’ai accepté comme matériau de la pensée musicale l’ensemble des proportions » </em><a href="http://brahms.ircam.fr/wolfgang-rihm#parcours">(source: IRCAM)</a>. </span><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Le caractère chambriste des échanges entre les nombreux solistes de l'orchestre et le pianiste me plaît beaucoup.</span></p>
<p>En bis, un nocturne de Chopin (le fameux n°20 en ut dièse mineur), exécuté avec une infinie délicatesse par Tzimon Barto.</p>
<p>L'entracte sert à installer une percussion surabondante qui servira dans la pièce d'Yves Chauris. Timbales, grosses caisses et caisses claires; mais aussi piano, célesta, bongos, cloches à vache, marimba, gongs, crécelles, crotales, cymbales suspendues, woodblocks, crécelles, machines à écrire, vibraphone, <em>lion roar </em>(ce petit tambour dont on fait rugir la peau percée au centre en tirant sur une ficelle), cloches tubulaires, et j'en oublie. Ah si, il y a de jolis cailloux blancs frappés l'un contre l'autre. Quant à l'orchestre, l'effectif est pléthorique avec des instruments amusants comme la clarinette contrebasse, le trombone contrebasse (j'adore !), flûte basse, piccolo, cor anglais, etc.</p>
<p>Bien bien bien me direz-vous mais que fait donc <strong>Yves Chauris</strong> dans sa nouvelle pièce <em>why so quiet</em> avec cet orchestre si imposant ? Eh bien, on y entend plus des sons que des lignes mélodique ou des progressions harmoniques. Toutes sortes de glissandos, de sons inharmoniques ou percussifs (produits par tous les instruments, et pas uniquement par les 6 percussionnistes et leur impressionnant attirail). La maîtrise de l'instrumentation, du geste musical dans tous ses détails pour tous les instruments est impressionnante. J'y ai repéré aussi une technique d'écriture assez prisée par Bruno Mantovani: pour animer un accord de 6 sons mettons, donner à chaque instrument des valeurs courtes avec des périodicités différentes (1 sur 4, 1 sur 5, 1 sur 6, etc) ce qui produit des décalages, des rencontres, une manière intéressante d'animer la texture. Même si le tout s'écoute avec plaisir, j'ai eu un peu de mal à en saisir le fil, à me laisser embarquer dans une narration, une histoire avec un début, un milieu et une fin (de ce point de vue le contraste avec le concerto de Rihm qui est une belle réussite est assez flagrant). Je suis donc un peu resté sur ma fin devant cette grande ouverture qui ne débouche sur rien On ne dépasse pas dans cette pièce la démonstration technique impressionnante mais un peu vaine.</p>
<p>On retrouve ensuite un orchestre un peu moins énorme (avec les bois par 3) pour la dernière pièce, <em><a href="https://www.universaledition.com/wolfgang-rihm-599/works/transitus-14432">Transitus</a> </em>de <strong>Wolfgan Rihm</strong> à nouveau (J'ai oublié de le rappeler mais comme vous le savez, chères lectrices, ce festival 2019 est dédié à la musique de Rihm qui malheureusement n'a pas pu faire le déplacement pour y assister en personne, à cause de problèmes de santé si j'ai bien compris). À nouveau je suis frappé par le lyrisme, le naturel, la maîtrise qui se dégage de cette belle pièce pour orchestre, l'équilibre entre le travail sur les masses sonores et les lignes mélodiques des nombreux solos pour tous les instruments. Comment le dire autrement, c'est de la musique magnifique qu'on déguste de bout en bout. Tout ne m'a pas autant séduit dans ce que j'ai entendu de la musique de Rihm, mais ces deux pièces récentes pour orchestre valent vraiment le coup d'oreille.</p>Cantus Formus: Belaubre, Bacri, Shamo, Bass, Tchesnokovurn:md5:6a4fbc1f3da986c060d2668ecf95c6752019-01-15T22:08:00+01:002019-02-05T12:25:24+01:00Patrick LoiseleurConcertsCantus FormusDimitri TchesnokovNicolas BacriOrlando BassPatricia PetibonPhilippa Neuteboompianotrombone<p>Lundi soir (14 janvier 2019) au CRR de Paris nous avons pu assister au premier concert de la série Cantus Formus (littéralement: <em>les chants d'avant</em>) proposée par Nicolas Bacri.</p> <p>Au menu il y avait:</p>
<p>En guise d'amuse-gueule, 6 pièces extraites de la Poétique du Piano de <strong>Louis-Noël Belaubre: </strong><em>Élegie, Bagatelle, Lydienne, Ariette, Choral profane, Caprice. </em>Une musique douce et délicate, qui s'écoute avec grand plaisir et s'oublie presque aussitôt.</p>
<p>Ensuite ce sont les <em>Mélodias de la Melancolia </em>de <span><strong>Nicolas Bacri</strong>. Écrites il y a une dizaines d'années pour la soprano Patricia Petibon qui les a enregistrées avec orchestre, présentées ici dans une réduction pour voix et piano. </span><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Avec ces mélodies de langue espagnole à la tonalité très sombre (un peu dans le genre "dors bien mon joli bébé ton papa est mort à la guerre et je vais mourir de chagrin")</span><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">, </span><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Bacri a composé une musique assez douce, élégiaque, qui a beaucoup de charme. </span><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Si la voix de Kumi Sakamoto ne m'a pas séduit complètement, appliquée mais sans grand éclat, le piano de Philippa Neuteboom (que j'ai entendu avec grand plaisir dans la musique de <strong>Michel Merlet</strong>, mon maître, il y a quelques années).</span></p>
<p>Viennent ensuite 12 Préludes d'<strong>Igor Shamo</strong>, compositeur ukrainien dont j'ignorais tout jusqu'à présent. C'est une révélation ! Musique magnifique, pleine de couleurs et de vie, de force et d'énergie, qui évoque selon les moments le meilleur de Debussy, Bartok, Chostakovitch ou Rachmaninoff. Assurément l'oeuvre d'un grand compositeur ! Dimitri Tchesnokov, qui vient de terminer une intégrale de l'oeuvre pour piano d'Igor Shamo qui lui a demandé des années de travail (ne serait-ce que pour arriver à trouver des partitions non éditées dont même la veuve du compositeur n'avait plus de copie), partage le clavier avec un jeune et brillant pianiste, Orlando Bass.</p>
<p>Si vous ne me croyez pas sur parole lorsque je vous dis, chères lectrices, que la musique d'Igor Shamo est supérieurement écrite, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VBPwIAEDVBQ" hreflang="en" title="Igor Shamo Prelude">écoutez ce prélude</a> ou bien achetez <a href="https://www.youtube.com/watch?v=erxfSOd03_w&index=24&list=OLAK5uy_kYABOWTuXb3ZwXYyveOZW9ysJdk8eXEno">l'album de D. Tchesnokov</a>: vous ne serez pas déçues.</p>
<p>Ensuite c'est <strong>Orlando Bass</strong> qui présente un Prélude et Fugue de sa composition. Ce tout jeune artiste de 24 ans a fait là une de ses premières tentatives, et c'est assez bluffant. Le prélude commence par un thème atonal et dissonant, mais assez doux, qui va se trouver amplifié par plusieurs variations jusqu'à la catastrophe, représentée par une cascade de clusters (un pour chaque main, dans l'extrême grave et l'extrême aigu) qui débouche sur un retour apaisé du thème initial. Ensuite vient une fugue de Bach qui a été passé à la moulinette, ce qui est plutôt réjouissant à entendre, une sorte d'hommage grinçant et décalé.</p>
<p>Orlando Bass a signé chez Indésens un album regroupant des préludes et fugues d'Amy Beach, Igor Shamo, Szymanovski, Alfred Schnittke, Michel Merlet, Serguei Taneyev, Dimitri Mitropoulos et ... Orlando Bass. J'y reviendrai lorsque j'aurai pu l'écouter ! Ce projet me fait penser au bel album A<a href="https://www.amazon.fr/Boyadjieva-Lilia-Around-Fugue/dp/B002WW14S6/">round the Fugue de Lilia Boyadjieva</a>.</p>
<p>En guise de dessert, nous avons droit à cinq <em>Chants du Goulag</em> de <strong>Dimitri Tchesnokov</strong>, pour 3 trombones (2 ténor, un trombone basse) et piano. Vous savez, chères lectrices, combien j'aime le trombone, instrument noble et fier s'il en est, pour lequel j'ai écrit plusieurs pièces comme ce <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2012/05/11/La-libert%C3%A9-ou-la-mort-%21" hreflang="fr" title="La liberté ou la mort !">quatuor de trombones avec électronique</a> jouée à Liège en 2011. Le compositeur fait grand usage des capacités de du trombone dans le fortissimo (objet de nombreuses blagues parmi les musiciens d'orchestre, et parfois cause de surdité précoce), accompagné de tonitruantes percussions du piano.<span style="font-family: -apple-system, BlinkMacSystemFont, "Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; font-size: 1.4rem;"> Je dois avouer que je n'ai pas été complètement séduit, car il ne suffit pas de jouer fort pour exprimer des émotions fortes. C'est un peu plus compliqué que ça ! C</span><span style="font-family: -apple-system, BlinkMacSystemFont, "Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; font-size: 1.4rem;">'est par la cinquième pièce, intitulé </span><em style="font-family: -apple-system, BlinkMacSystemFont, "Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; font-size: 1.4rem;">Silence</em><span style="font-family: -apple-system, BlinkMacSystemFont, "Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; font-size: 1.4rem;">, où les trombones prennent la sourdine et se mettent à trembler de façon incertaine, que j'ai finalement été le plus touché. Saluons la belle performance du trio de trombones Blajevitch (Christophe Gervais, Benoît Coutris, Lucas Perruchon), accompagné au piano par le compositeur. Bravo à tous les quatre !</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; "><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/cantus_formus_20190114.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.cantus_formus_20190114_m.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a><br /><br /><br /></span></p>Le concert dont vous êtes le hérosurn:md5:e2a511a0883f6400d73d95cab5e4bb922018-12-15T10:18:00+01:002019-03-01T21:18:20+01:00Patrick LoiseleurConcertsGeoffrey SeccoJazzmusicothérapieméditationsaxophoneMardi soir nous étions au <strong>FLOW</strong>, une belle péniche-salle de concert, pour un <strong>"Concert sous hypnose"</strong> proposé par le <strong>saxophoniste et compositeur <a href="http://www.geoffreysecco.com/" hreflang="fr" title="Geoffrey Secco saxophone">Geoffrey Secco</a></strong>. En quatuor avec un batteur, un guitare-de-bassiste et un pianiste, ce musicien nous propose rien moins qu'un voyage initiatique à l'intérieur ... de nous-mêmes, dans un monde magique dont nous sommes les héros, et dont la musique à dominante jazz nourrie d'influences multiples, de voyages et de rencontres aux quatre coins du vaste monde (Australie, Pérou, Clichy-sous-bois...). <p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/architecture/peniche_le_flow_2018_12_11.jpg" title="peniche_le_flow_2018_12_11.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/architecture/.peniche_le_flow_2018_12_11_m.jpg" alt="peniche_le_flow_2018_12_11.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Après un premier morceau très enjoué, élaboration autour d'une note répétée et rythmée un peu comme un message en morse, avec des brèves et des longues, Geoffrey Secco nous explique à quelle sauce nous serons mangés. Il s'agit de nous faire entrer dans une sorte de transe chamanique grâce aux techniques de l'hypnose ericksonnienne. Le saxophoniste mélange allègrement les concepts du développement personnel, également appelé <em>coaching</em> en bon franglais (rappelons qu'un <em>coach</em> désigne à l'origine un cocher chargé de fouetter les chevaux ou les mules pour tirer la carriole), et ceux des médecines traditionnelles utilisant diverses forme d'hypnose. Il peut se le permettre bien sûr, car c'est un artiste et les artistes ont tous les droits, et avant tout celui d'oser et d'aller au bout de leurs projets et de leurs rêves.</p>
<p>Bon enfant, je me laisse guider par sa voix qui alterne avec celle de son saxophone ténor, je pose les mains sur les genoux, ferme les yeux et c'est partie pour le voyage intérieur ! Pour nous guider dans ce parcours, outre le morceaux spécialement composés pour chaque étape, Geoffrey Secco nous propose des images pour nous aider à mobiliser nos souvenirs conscients ou non, à nous connecter à des émotions profondes: la forêt, le mur, la caverne, l'animal-totem... oui mais est-ce que ça marche ? La réponse est très personnelle. Vous l'avouerais-je, chères lectrices, j'ai eu un flash, une sorte de vision durant ce concert sous hypnose qui m'a profondément bouleversé et fait pleurer abondamment. Une vision relative à mon enfance et bien trop intime pour que je la raconte dans ce journal, qui m'a secoué et puis fait du bien, en me soulageant. D'un autre côté, ma charmante voisine m'a dit qu'elle avait bien aimé la musique, et qu'elle avait passé un moment agréable, sans plus.</p>
<p>La réaction à ce "concert sous hypnose" est donc très intime et personnelle. N'est-ce pas le cas de n'importe quel concert ? J'ai toujours été frappé par les différences de perception stupéfiantes entre deux spectateur assis côte à côte au même concert. Une personne pourra être ravie (au sens propre) et transportée, quand l'autre va soupirer d'ennui. L'une sera éblouie par l'orchestre, quand l'autre trouvera les aigus du ténor un peu trop "poussés" et le registre médian de la mezzo-soprano un peu faiblard...</p>
<p>La notion même de concert sous hypnose tient du pléonasme. Est-ce que tout concert n'est pas une forme d'hypnose ? Qu'on soit assis ou debout, qu'on écoute du Beethoven ou du Daft Punk, l'exercice est le même. On oublie nos soucis à l'entrée, on fait taire nos préoccupations mondaines (ce qui se traduit de nos jours par l'extinction du smartphone), on se rend pleinement disponible pour la musique qui va inonder notre esprit et nous faire entrer dans un état de transe légère ou intense, selon le talent, la présence des interprètes, selon nos goûts et notre propre disponibilité aussi. Pour citer un exemple parmi mille autres, le chef d'orchestre Sergiu Celibidache était connu pour sa présence hypnotique qui s'imposait aux musiciens de l'orchestre mais aussi à tous les spectateurs, faisant de chaque concert un moment particulier. C'est sans doute pour cette raison qu'il était réfractaire aux enregistrements réalisés en studio et même en <em>live</em>. C'est aussi pour cela qu'il serait vain de polémiquer sur les <em>tempi</em> assez lents qu'il adoptait dans les symphonies de Bruckner, son répertoire de prédilection. Lorsqu'on entre en transe et qu'on se plonge dans la musique comme dans un océan sans limites, la perception du temps change, il ne saurait être question d'ennui, et l'accélération du tempo n'apporterait rien sinon une forme d'agitation parasite.</p>
<p>Nous avons tous le souvenir de moments où la découverte de telle ou telle musique a été un véritable choc émotionnel et esthétique. La musique possède ce pouvoir étrange et mystérieux de nous connecter à nos émotions au-delà des mots (même lorsque c'est une chanson avec des paroles). Expérience unique, intime, intransmissible, propre à chacun. Est-ce que le concert-coaching de Geoffrey Secco fera cet effet sur vous ? Rien ne le garantit. Vous pourriez simplement écouter un bel album de jazz, aux sonorités exotiques et parfois un peu archaïsantes, ou encore être légèrement agacée par le côte un peu trop appuyé et didactique du parcours proposé. Pour ma part ce fut un moment très intense dont je suis sorti joyeux et soulagé, mais un peu secoué tout de même. Et je suis infiniment reconnaissant à Geoffrey Secco d'avoir ouvert la porte de ce voyage intérieur, et de m'y avoir accompagné avec douceur et bienveillance. Pour celles qui douteraient des vertus thérapeutiques de la musique, en voici une nouvelle preuve.</p>Van Kuijk et fans de Schuberturn:md5:0f63abe6c6b2a40f50ba877cae13cf982018-10-05T09:59:00+02:002019-12-11T12:40:55+01:00Patrick LoiseleurConcertsFranz Schubertquatuor à cordes<p>Magnifique soirée ce lundi 1er octobre, aux bouffes du Nord, avec le quatuor Van Kuijk (prononcer <em>"fan cueille'k"</em>) qui nous a gratifié des 14e et 15e quatuors de Franz Schubert, en célébration de la sortie de leur nouveau disque consacré au génial et précoce compositeur Viennois.</p> <p>On commence par le Quinzième Quatuor de Schubert, sans doute l'un des plus beaux jamais écrits pour cette formation. Écrit en dix jours seulement, on y trouve un véritable sentiment d'urgence, une tension permanente qui nous emmène d'un bout à l'autre de ces 45 minutes sans qu'on ait pu reprendre notre souffle (sauf peut-être le trio du 3e mouvement qui nous emmène danser à Vienne). Comme si Schubert qui n'avait pas encore 30 ans, sentant déjà la mort approcher, se hâtait de nous dire l'essentiel. De confier au quatuor, une formation qui lui était familière et même intime (rappelons qu'il tenait l'alto dans le quatuor familial formé avec son père au violoncelle et ses frères au violons), ses pensées les hautes, sa métaphysique la plus pure. De dire avec ce 15e quatuor tout ce qu'il ne pourrait pas dire dans les suivants, faute de temps. Tout ce qu'on ne pourrait dire avec des mots. Ce quatuor aux dimensions déjà presque symphoniques annonce Wagner et plus encore Bruckner, il n'est égalé dans la production schubertienne que une poigné de chefs-d'oeuvre : le quintette à deux violoncelle, la symphonie inachevée et les dernières sonates pour piano.</p>
<p>Dans cet ultime et sublime quatuor de Schubert, les Van Kuijk sont éblouissants. Techniquement c'est irréprochable et puis il y a toute la fougue, tout l'élan de la jeunesse, toute l'énergie physique et émotionnelle nécessaire pour faire justice à cette oeuvre magnifique mais aussi redoutablement difficile. C'est un bonheur de les voir aussi bien que de les entendre, d'observer par exemple la façon dont le second violon fait circuler l'énergie entre le 1er violon et les cordes graves. Le finale est exécuté à une vitesse diabolique, mais cette virtuosité n'a rien de gratuit: elle exprime la tension, la rage, l'amour de la vie peut-être et le vertige métaphysique qui nous saisit quand nous contemplons sa brièveté. C'est un marathon couru à l'allure d'un sprint, et je ne comprends que trop bien ces deux membres du quatuor qui avouaient à la radio que cette pièce est très exigeante émotionnellement autant qu'instrumentalement.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/Schubert_Quatuor_Van_Kuijk_2018.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/disques/.Schubert_Quatuor_Van_Kuijk_2018_m.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Après une pause, on se replonge dans l'univers schubertien avec le superbe 14e quatuor, connu surtout pour son grand thème et variations sur le lied <em>La Jeune Fille et La Mort</em>. Plus romantique peut-être que le 15e (qui est déjà au-delà du romantisme, intemporel), il est peut-être un peu plus facile d'accès pour les néophytes, et pas moins beau. La même tension lie les 4 mouvements en un seul grand arc. Le finale du 14e est une tarentelle endiablée comme celui du 15e, et la ressemblance ne s'arrête pas là car le thème du finale du 15e est en miroir de celui du 14e. C'est pourquoi il est passionnant d'entendre les deux dans la même soirée. Dans ce quatuor <em>La Jeune Fille et La Mort</em>, les Van Kuijk excellent autant que dans le 15e. Je suis impressionné par la justesse des accords parfaits, des phrases doublées à l'octave, mais aussi par l'ambitus dynamique. Des <em>pianissimi</em> à peine chuchotés aux tonitruants <em style=""><strong>fff</strong> ,</em> tout l'éventail des dynamiques qui jouent un rôle expressif si important chez Schubert sont utilisées.</p>
<p>À noter dans vos carnets, chères lectrices: 1) garder un oeil sur l'agenda des prochains concerts du quatuor Van Kuijk 2) écouter <a href="https://outhere-music.com/fr/artistes/quatuor-van-kuijk" hreflang="fr" title="Alpha Classics Quatuor Van Kuijk">les magnifiques albums qu'ils ont produit chez Alpha</a> (le premier consacré à Debussy, Ravel et Chausson, le second à Mozart, et le plus récent à Schubert).</p>Bach, Greif par Jonathan Bénichouurn:md5:cdcc8758c32e717825638b4c4a57e7712018-05-08T23:45:00+02:002018-05-12T22:48:54+02:00Patrick LoiseleurConcertsJean-Sébastien BachJonathan BénichouOlivier GreifpianorécitalVariations Goldberg<p>Jeudi dernier à la Synagogue de la rue Copernic, magnifique récital de piano de Jonathan Bénichou avec les monumentales Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach suivi de la sonate "Le rêve du monde" d'Olivier Greif.</p> <p>Une fois passé les contrôles de sécurité (bien nécessaires dans une synagogue qui a connu un terrible attentat en 1980 et qui reste menacés par des émules de Mohammed Merah), nous sommes très bien accueillis </p>
<p>Jonhathan Bénichou compare les variations Goldberg à un "Himalaya" du répertoire pianistique, une série de sommets aussi fascinants que redoutables pour l'interprète. Pourtant, ce qui me frappe le plus dans ces 32 variations qui s'étendant sur une heure sans interruption, c'est l'assurance avec laquelle il monte chacun de ces sommets. Il avale sans broncher et à toute vitesse les variations les plus virtuoses, avec des croisements de mains diaboliques conçus à l'origine pour un instrument à deux claviers. Il fait preuve de la plus grand délicatesse dans les variations lentes, et d'une grande clarté dans le contrepoint en général (toute la série des canons à l'unisson, à la seconde, à la tierce, etc). Il prend grand soin à chercher un son, un style d'attaque, une ambiance propre à chaque variation. Et les enchaîne toutes sans faiblir, en gardant la même énergie. Du beau travail, vraiment.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/copernic_jonhatan_benichou.jpg" title="copernic_jonhatan_benichou.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.copernic_jonhatan_benichou_m.jpg" alt="copernic_jonhatan_benichou.jpg" title="copernic_jonhatan_benichou.jpg, mai 2018" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>La deuxième partie est consacrée <a href="https://symetrie.com/fr/titres/le-reve-du-monde" hreflang="fr">à Olivier Greif et à sa sonate <em>Le Rêve du Monde</em></a>. Jean-Jacques Greif, le frère du compositeur parti bien trop tôt en 2000, prend la parole pour nous expliquer les circonstances de se composition. Après des débuts d'enfants prodige comme pianiste et compositeur, Olivier Greif a créé certaines oeuvres remarquées malgré leur décalage avec les modes de l'époque; puis connu presque dix années dans le sillage d'un gourou à New York. Dix années pendant lesquelles il n'a quasiment rien écrit sauf quelques arrangements pour choeur. Cette sonate <em>Le Rêve du Monde</em> marque le début d'une nouvelle période qui suivit cet engouement sectaire, et le retour à la musique "sérieuse". Durant les dix dernières années de sa vie, Olivier Greif a "empilé les chefs-d'oeuvre" selon le mot de Nicolas Bacri, et le <em>Rêve du Monde</em>, daté de 1993 est l'un d'entre eux.</p>
<p>Jean-Jacques Greif nous parle aussi de son père, survivant d'Auschwitz. Lorsqu'il était enfant, pour lui un juif c'était facile à définir: c'est quelqu'un qui avait un code bleu tatoué sur le bras. Il nous dit aussi que contrairement à d'autres survivants, il n'avait pas peur d'en parler. C'est plutôt les gens qui n'étaient pas tous prêts à l'entendre parler. Alors que la science nous apprend aujourd'hui qu'un traumatisme peut être transmis en partie à la génération suivante, on peut aisément concevoir l'impact sur la personnalité et l'oeuvre de Greif d'un tel héritage traumatique.</p>
<p>Alors que le premier mouvement a un caractère un peu 'planant', méditatif, malgré quelques dissonances, le deuxième mouvement de cette sonate, intitulé très explicitement <em>"Wagon plombé pour Auswchwitz"</em>, possède une énergie féroce et une violence désespérée qui sont typiques de Greif. Le pianiste est mis à rude épreuve par cette sonate, et le public n'est pas vraiment épargné. Le troisième mouvement <em>"</em><span style="background-color: rgb(255, 255, 255);"><span style="white-space: pre-wrap;"><em>Thrène des désincarnés"</em> est une lente et sombre élégie qui peine à s'élever au-dessus du registre le plus grave de l'instrument. </span></span>Le dernier mouvement <em>"Un éblouissement de Sri Ramakrishna"</em>, n'apporte pas du tout la sérénité ou la consolation qu'on pourrait attendre d'après son titre. C'est tout le contraire ! Des motifs d'apparence tonale (reprise en mode majeur de l'ostinato du 2e mouvement) tournent sinistrement en boucle, comme une mécanique infernale qui ne va pas tarder à se détraquer et à nous précipiter dans l'abîme, la mort et la désolation. Une oeuvre écrite par un écorché vif, qui imprime sur vous comme une sorte de griffe indélébile, une marque noire qui ne s'efface pas. Cette sonate est disponible dans un disque INA - Mémoire Vive dans une belle version live enregistrée par le compositeur, difficile à trouver de nos jours car épuisé. </p>
<p>Jonathan Bénichou connaît bien la musique d'Olivier Greif puisqu'il a enregistré le Trio avec Piano pour <a href="https://disques-triton.fr/index.php/fr/catalogue/195-o-greif-d-chostakovitch-trios" hreflang="fr">un disque chez Triton en 2003</a>. Il incarne ce Rêve du Monde avec la juste balance entre un investissement émotionnel intense et la nécessité de garder la tête froide pour venir à bout de cette énorme sonate (très difficile sur le plan technique, est-il besoin de le préciser, ne serait-ce que par l'accumulation polyphonique et symphonique qui nous ferait douter qu'on peut jouer ça avec 10 doigts seulement, alors même qu'on en a la preuve vivante sous les yeux).</p>
<p>Très chaleureusement applaudi, le pianiste nous gratifie encore de deux études-tableaux de Rachmaninoff en bis. Quelle belle soirée !</p>Mozart, Brahms, Debussy par Axia Marinescuurn:md5:4d006a290f0a843c9a847901acc5b8fd2017-11-29T10:20:00+01:002017-11-29T10:23:45+01:00Patrick LoiseleurConcertsAxia MarinescuClaude DebussyJohannes BrahmspianoRobert SchumannrécitalWolfgang Amadeus Mozart<p> Nos lectrices qui ont une si grande culture et une si bonne mémoire se souviennent certainement de la pianiste <strong>Axia Marinescu</strong> dont nous avons parlé <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2014/03/31/Axia-Marinescu-joue-Schubert%2C-Schumann%2C-Brahms">ici</a> et <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2016/09/04/Piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano%2C-piano-%21">là</a>, et qui a assuré la première audition de ma pièce <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2014/03/15/L-Oiseleur%2C-Loilier%2C-Marinescu-chantent-Anna-de-Noailles-le-dimanche-16-mars-%C3%A0-Paris">J'ai tant rêvé par vous</a> avec L'Oiseleur des Longchamps et Aurélie Sabine Revault d'Allonnes. C'est toujours avec plaisir que nous retournons l'écouter, dans un programme plutôt classique mais choisi avec soin et exécuté avec une exquise sensibilité.</p> <p>Ça se passait à Sainte-Croix des Arméniens (au coeur de Paris) le 24 novembre dernier.</p>
<p>On commence par Mozart et la Sonate en la majeur K 331, celle qui se termine par la <span style="color: rgb(34, 34, 34); background-">célébrissime</span> Marche Turque que le gosse de votre voisin du dessus a certainement massacré pendant 6 mois, à votre grande exaspération. Replacée dans le contexte d'une sonate entière, avec ses mouvements lents et rapides, cette merveilleuse inventivité mozartienne qui nous surprend en permanence et nous émeut sans nous brusquer, il devient fort délectable, ce Rondo Alla'Turca.</p>
<p>Viennent ensuite les <em>Intermezzi op. 118</em> de Brahms. Musique de la maturité, d'un raffinement extrême tout en cherchant un certain dépouillement. Musique apaisée et méditative, sans aucune nostalgie pourtant, exécutée avec toute la délicatesse souhaitée par Axia Marinescu.</p>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/people/axia_marinescu_20171124.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p>Et puis viennent les merveilleuses <em>Images</em> de Debussy (premier livre), une musique qui m'emballe beaucoup plus que celle de Brahms, allez savoir pourquoi. Le piano se fait orchestre, il nous emporte bien loin, comme un trois-mâts sur l'Atlantique.... </p>
<p>Et en dessert, une petite douceur avec les <em>Scènes d'Enfants </em>de Schumann.</p>
<p>Axia Maxinescu n'a pas seulement un sourire à faire pâlir d'envie Miss Roumanie, elle a aussi et surtout une grande sensibilité de musicienne, un jeu chaleureux et passionné qu'on apprécie encore plus si l'on ferme les yeux et qui font de chaque nouveau récital un moment charmant.</p>Debussy, Chausson, Ravel par la Cie de L'Oiseleururn:md5:327ac73549f40fba14178a6794be8e622017-10-14T14:03:00+02:002017-10-14T13:11:45+02:00Patrick LoiseleurConcertsbarytonL Oiseleur des Longchampsmezzomusique françaisemélodiepiano<p>La Cie de l'Oiseleur présente :</p>
<p><ul><li>Marion Gomar, mezzo</li>
<li>Emmanuelle Cala, flûtiste</li>
<li>Benjamin Laurent, pianiste</li>
<li>Grigori Abramian, pianiste</li>
<li>L'Oiseleur des Longchamps, baryton</li>
</ul></p>
<p>dans </p>
<p><ul><li>DEBUSSY : Syrinx, L'après-midi d'un faune, Chansons de Bilitis</li>
<li>RAVEL : Shéhérazade</li>
<li>CHAUSSON : poème de l'amour et de la mer</li>
</ul></p>
<p>le<strong> mercredi 25 octobre à 20h</strong> au Temple du Luxembourg 58 rue Madame 75006 Paris. </p>
<p>Entrée : libre participation</p> <p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/Chausson_Ravel_Debussy_25_10_2017.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/.Chausson_Ravel_Debussy_25_10_2017_m.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Venez nombreuses, chères lectrices, pour déguster ces classiques de l'impressionnisme musical français, préparés avec amour.</p>Programme du concert du 23 septembreurn:md5:1bf3b73d9fbee7d5d6433a1c922282ad2017-09-05T10:21:00+02:002017-09-19T07:35:01+02:00Patrick LoiseleurConcertsAnthony GirardcréationFlorent NagelJean-Paul HolsteinLa vie des sonsMichaël SebaounMichel Merletmusique contemporainemusique françaisePhilippe MalhairequatuorsopranoStéphane Delplace<span style="font-size: 14px; letter-spacing: -0.12px;">J'avais annoncé ce concert organisé par l'association <a href="http://laviedessons.blogspot.fr/">La vie des sons</a> dans <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2017/07/02/Cr%C3%A9ation%28s%29-le-23-septembre-prochain-%C3%A0-Paris">un précédent billet</a>: 8 compositeurs vivants et 3 pièces en création, dont une de votre serviteur, la <em>Prière de la Rose au Soleil </em>pour soprano et quatuor à cordes, et une de Michel Merlet, qui fut mon professeur de composition. Voici le programme complet:</span> <h3 style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;">Samedi 23 septembre à 20H</span></h3>
<p style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;">Temple du Luxembourg. 58 rue Madame 75006 Paris.</span></p>
<ul><li><strong style="letter-spacing: -0.12px;">Michaël Sebaoun:</strong><span style="letter-spacing: -0.12px;"> Variations sur un thème de Paganini, pour piano à 4 mains </span></li>
</ul>
<p style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;">Elodie Meuret et Antoine Mourlas (Duo Eclypse), piano</span></p>
<ul><li><strong>Florent Nagel:</strong> Livre pour piano, N°17 et 18</li>
</ul>
<p style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;">Florent Nagel, piano</span></p>
<ul><li><strong style="letter-spacing: -0.12px;">Patrick Loiseleur:</strong><span style="letter-spacing: -0.12px;"> Prière de la Rose au soleil, pour soprano et quatuor à cordes. Création</span></li>
</ul>
<p style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;">Dorinel Bastide, soprano. Didier Ortega, Bettina Frederking, violon. Patrick Loiseleur, alto. Sophie Pélissié du Rausas, violoncelle</span></p>
<ul><li><strong style="letter-spacing: -0.12px;">Michel Merlet:</strong><span style="letter-spacing: -0.12px;"> Sonate pour violon et piano, Op.6</span></li>
</ul>
<p style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;">Pierre François Truys, violon. Kanae Endo, piano</span></p>
<p style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;">*********</span></p>
<ul><li><strong style="letter-spacing: -0.12px;">Jean-Paul Holstein</strong><span style="letter-spacing: -0.12px;">: Rêves d'étoiles</span></li>
</ul>
<p style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;">Rebecca Normand- Condat, violon. Loann Fourmental, piano</span></p>
<ul><li><strong>Anthony Girard</strong>: Eloge des ombres et de l'oubli. Création</li>
</ul>
<p style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;">Jean-Marc Fessard, clarinette basse. Geneviève Girard, piano</span></p>
<ul><li><strong style="letter-spacing: -0.12px;">Stéphane Delplace</strong><span style="letter-spacing: -0.12px;">: Suite pour violon seul</span></li>
</ul>
<p style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;">Christophe Boulier, violon</span></p>
<ul><li><strong style="letter-spacing: -0.12px;">Philippe Malhaire:</strong><span style="letter-spacing: -0.12px;"> Trois chorals "Eli, Eli, lama Sabachthani. Création</span></li>
</ul>
<p style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;">L'ensemble Des Concertants. Claire Couic, Christophe Ribière, violon. Flore Lacreuse, Carole Foucher-Bézie, alto. Olivier Perrin, Jean-Michel Groud, violoncelle</span></p>
<p style=" background-"><span style=" letter-spacing: -0.12px;"><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/Concert_23sept2017.png" title="Concert_23sept2017.png"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/.Concert_23sept2017_m.png" alt="Concert_23sept2017.png" title="Concert_23sept2017.png, sept. 2017" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a><br /></span></p>