Le journal de papageno - Mot-clé - Georg Friedrich HaasLe Journal de Papageno est un blog francophone consacré à la musique classique et contemporaine.2023-08-18T08:55:10+02:00Patrick Loiseleururn:md5:e3d6f6e2ebef7c45d0c5e125b87d9f0aDotclearMelancholia (Haas) à l'Opéra de Paris: mes impressionsurn:md5:358ddbb7b1cef542e26c1e9846b283fe2008-06-17T20:11:00+00:002017-05-13T16:45:19+00:00Patrick LoiseleurOpéraGeorg Friedrich Haasopéra<p>Dimanche, j'ai pu retrouver avec plaisir le palais Garnier, son plafond peint par Chagall, son public guère moins vieux et tousseur qu'au théâtre des Champs-Elysés, même pour la musique contemporaine.</p> <p>Commençons par la drame. Lars, peintre norvégien un peu benêt voire simplet, tout de blanc vêtu, regarde une grande toile blanche. <q>Je sais peindre et les autres ne savent pas</q>, chante-t-il en allemand, une bonne dizaine de fois. Il est amoureux de la fille de sa logeuse, qu'il a surpris déroulant ses beaux cheveux blonds. La demoiselle ayant 16 ans et les peintres fauchés n'étant pas le meilleur parti possible, il se fait mettre dehors par l'oncle. Il arrive à la taverne où d'autres peintres norvégiens et une serveuse à forte poitrine se moquent de lui. Vous allez rire, mais on est déjà à la fin du deuxième acte. Lars revient chez la logeuse, et se fait re-mettre à la porte, escorté par deux policiers (acte 3). Rideau.</p>
<p>Avec un matériau qui remplirait à peine trois scènes, Haas nous propose trois actes pour une durée totale d'une heure et demie. C'est un choix qui peut se défendre: l'action de <em>La Walkyrie</em> ne progresse-t-elle pas avec une insupportable lenteur ? Tant que la musique est belle, la relative lenteur de l'action n'est pas nécessairement un problème à l'opéra. Le temps de l'opéra est celui de l'expression des sentiments par la musique, et non celui du regard comme au cinéma, ou de l'expression des sentiments par les mots comme au théâtre.</p>
<p>La musique justement: on commence par un si bémol de contrebasses, dont tous les harmoniques naturels sont progressivement déployés (en utilisant des quarts et des sixièmes de tons pour les harmoniques supérieurs). Je ne sais si la comparaison a du sens mais l'ouverture m'a fait penser à celle de <em>l'Or du Rhin</em>, l'accord parfait majeur étant remplacé par la série des harmoniques naturels. L'orchestre est constitué de solistes uniquement: pas de masses de cordes, mais une grande variété d'instruments (dont le contrebasson, le cor anglais, le piano, une belle collection de gongs). Deux choses s'imposent à l'oreille: Haas possède un sens très fin du timbre et maîtrise parfaitement l'écriture orchestrale. Par ailleurs, les musiciens du <a href="http://www.klangforum.at" hreflang="fr">Klangforum Wien</a> (dirigé par Emilio Pomarico, de façon très claire) semblent aussi à l'aise avec les quarts de tons, le <em>flatterzunge</em> et les balayages d'harmoniques que des petits poissons dans l'eau.</p>
<p>L'ennui, dont les critiques parisiens ont fait leurs choux gras pour <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2008/06/13/233-melancholia-de-haas-a-l-opera-de-paris-reactions-mitigees" hreflang="fr">tirer à boulets rouge sur le compositeur</a>: commençons d'abord par dire que les critiques sont des ânes capables de braire mais non de créer. Que l'un d'entre eux me montre 3 minutes de musique bien écrite (dans n'importe quel style) et je lirai ses papiers sans rire. La musique de Georg Friedrich Haas est passionnante, et c'est une grande chance de pouvoir l'entendre dans toute sa splendeur, servie par d'excellents interprètes. L'instrumentation si fouillée serait probablement un peu écrasée sur un disque (sauf peut-être un SACD sur 5 pistes, avec un très bon ampli...). Cependant, Haas s'attache durant 90 minutes à peindre, avec un luxe de détails, une seule gamme de couleurs qui va du bleu nuit au gris très foncé. Où sont le rouge pétant, le vert émeraude, le jaune canari et le bleu ciel ? Il y a bien un peu d'humour mais celui-ci est tellement grinçant et tragique qu'il ne parvient pas à alléger l'ambiance. Le spectacle tout entier est comme enfermé dans l'esprit lent et lourd du peintre dont les espoirs naïfs sont aussitôt détrompés par la société. Dès lors, on peut comprendre à défaut d'excuser certaines réactions: si l'on ne goûte pas vraiment les subtilités de la partie musicale, alors on n'a pas grand-chose à faire pour se désennuyer. Notons qu'il n'est pas nécessaire d'être un expert pour goûter la qualité de cette musique, si j'en crois l'opinion de la mélomane qui m'accompagnait et qui n'est pas spécialement aguerrie par rapport à la musique contemporaine.</p>
<p>Comme le reste du public (relativement nombreux d'ailleurs, je craignais une salle à moitié vide), j'ai donc applaudi de bon coeur le compositeur, les chanteurs et les musiciens. Je n'aurai pas non plus crié d'enthousiasme. La musique contemporaine est souvent enfermée dans une alternative binaire entre gros scandale et gros succès: la réception de Haas monter qu'il existe visiblement une troisième voie, et qu'il ne faut pas nécessairement avoir peur de ce qui est nouveau, ni l'aduler sans réserve. Bravo aux artistes, et je m'inscris d'ores et déjà pour la prochaine création à l'Opéra de Paris !</p>Melancholia de Haas à l'Opéra de Paris: réactions mitigéesurn:md5:5830158b5a9e564292e9043418d42e122008-06-13T14:13:00+00:002017-05-13T16:39:18+00:00Patrick LoiseleurOpéracréationGeorg Friedrich Haasopéra <p>Les réactions semblent mitigées après la première de Melancholia à l<a href="http://www.operadeparis.fr/" hreflang="fr">'Opéra de Paris</a>. Michel Parouty dans <a href="http://www.lesechos.fr/info/loisirs/4739454.htm" hreflang="fr">les Échos</a> parle d' <q><em>un ouvrage énigmatique porté par un chanteur hors pair</em></q>. Pierre Gervasoni, dans le Monde, fustige <q><em>le déprimant académisme de Haas</em></q>. Éric Dahan, de <a href="http://www.liberation.fr/culture/331200.FR.php" hreflang="fr">Libération</a>, pour qui la Mélancolie n'est plus ce qu'elle était, décrit l'opéra comme <q><em>aussi inoffensif et anecdotique que les albums des jeunes chanteuses françaises à guitare actuellement en vogue</em></q>. Jacques Doucelin, pour <a href="http://www.concertclassic.com/journal/articles/actualite_20080609_2173.asp" hreflang="fr">ConcertClassic</a>, s'écrie:<q> <em>Quel ennui, mon Dieu !</em></q> et voit dans toute la production <q><em>une machine qui tourne à vide</em></q>.</p>
<p><a href="http://www.operadeparis.fr/Saison-2007-2008/Spectacle.asp?IdS=375" hreflang="fr"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/images/melancholia.jpg" alt="Melancholia" style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>Tous les critiques ont relevé la simplicité extrême de l'intrigue et des décors, mais aussi la grande qualité du plateau vocal et de l'orchestre dirigé par Emilio Pomarico. Quand à l'écriture de Haas, on évoque à son propos la micro-tonalité (quarts de tons), la musique spectrale (à la Gérard Grisey), les rythmes augmentés (à la Messiaen). On parle aussi de <q><em>bruitisme sur fond sériel zébré de quelques accords naturels</em></q>. Si vous ne comprenez rien à ces formules barbares, rassurez-vous: la plupart de ceux qui les emploient non plus !</p>
<p>Enfin, il semble que le public soit moins difficile que les critique car la première a été longuement applaudie. Ceux qui doivent déprimer, par contre, ce sont les guichetiers de l'opéra Bastille: à l'heure où j'écris ce billet, il reste des places pour tous les spectacles et dans toutes les catégories, ce qui est signe d'un taux de remplissage tout à fait médiocre. L'opéra serait-il décidément un genre mort ou mourant ? Et les maisons d'opéra des musées consacrés à la préservation du répertoire plutôt qu'à la création artistique ?</p>
<p>Je reparlerai de cet opéra après l'avoir entendu le 15.</p>