Le journal de papageno - Mot-clé - Herbert von KarajanLe Journal de Papageno est un blog francophone consacré à la musique classique et contemporaine.2023-08-18T08:55:10+02:00Patrick Loiseleururn:md5:e3d6f6e2ebef7c45d0c5e125b87d9f0aDotclearLes pires enregistrements de Karajanurn:md5:d47a52e196c3d69fd4bc39ef4b35727f2008-04-07T22:24:00+00:002017-05-05T14:12:23+00:00Patrick LoiseleurDisquesdisqueHerbert von Karajanorchestre<p>Le <a href="http://www.lemondedelamusique.fr/" hreflang="fr">Monde de la Musique</a> lui consacre sa couverture, et <a href="http://www.radioclassique.fr/" hreflang="fr">Radio Classique</a> quasiment toute sa programmation du mois d'avril: 100 ans après sa naissance, Herbert von Karajan continue à fasciner le microcosme musical. Et son nom à faire vendre des disques !</p> <p>Contrairement à Furtwängler ou Bernstein, ce n'était pas un compositeur, et son héritage réside essentiellement dans une discographie abondante et bien sûr dans l'enseignement qu'il à transmis à ses élèves. S'il n'a pas inventé le mythe romantique du chef d'orchestre (qui date du XIXè siècle), il l'a popularisé en utilisant les supports modernes (télévision, radio, CD audio, vidéo) dont il maîtrisait très bien les technologies, passant parfois autant de temps derrière la console de mixage qu'à la baguette. A sa disposition, il avait les meilleurs orchestres du Monde (philharmonique de Berlin, philharmonique de Vienne, opéra de la Scala, festival de Salzburg). De l'après-guerre aux années 1980, Karajan est partout. Lorsque Kubrick utilise la musique de Richard Strauss pour 2001 Odyssée de l'Espace c'est bien sûr Karajan qui dirige. Lorsque le Conseil Européen choisit le finale de la 9è symphonie de Beethoven comme Hymne de l'Union Européenne en 1972, c'est encore lui qui arrange et enregistre la version officielle.</p>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/images/buckner karajan.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" />
Pour autant, ses enregistrement seraient-ils tous des références insurpassables ? Dans ma discothèque il y a deux disques de Karajan qui m'ont franchement déçu. Dans le répertoire qu'il était censé maîtriser le mieux: le romantisme autrichien et allemand. Commençons par la quatrième symphonie de Bruckner (chez Deutsche Gramophon avec le philharmonique de Berlin): c'est clinquant, c'est tape-à-l'oeil, c'est bling-bling, les crescendos sembles gonflés au potentiomètre, les cuivres éclatent comme une fanfare des plus vulgaires (une fanfare qui jouerait juste et en mesure, cependant). Le mouvement lent est expédié sans chaleur et sans émotion. Bref c'est complètement à côté de la plaque. Karajan n'est pas le seul a avoir donné des interprétations maladroites Bruckner, faute de comprendre et d'analyser sa musique. Les chorals de cuivres, les crescendos interminables, les longs passages <em>fortissimo</em> doivent être joués sans dureté aucune, sans effet facile et sans rien de matérialiste, car ils expriment le triomphe intérieure d'une âme qui surmonte ses doutes et ses angoisses par la foi. Il n'est pas nécessaire d'épouser la religion catholique pour bien jouer Bruckner, mais il faut une certaine abnégation. C'est vrai pour les interprètes (et j'en sais quelque chose !) et c'est vrai pour le chef. Pas de chance, l'abnégation c'est bien la seule chose qu'on ne pouvait pas demander à Karajan. Heureusement Dieu qui a créé Karajan dans son immense bonté a également créé Eugen Jochum et Sergiù Celibidache, et bien d'autres grâce à qui la musique de Bruckner est aujourd'hui mieux comprise et mieux jouée.</p>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/images/schumann karajan.jpg" alt="" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" /> Autre disque, autre déception: l'intégrale des symphonies de Schumann (toujours chez Deutsche Gramophon avec le philharmonique de Berlin). Détail tout à fait significatif, c'est une photo de Karajan et non une photo de Schumann qui figure sur l'emballage. Que disais-je tout à l'heure au sujet de l'abnégation ? Là encore, malgré l'orchestration parfois massive (et souvent critiquée), ce sont des sentiments tout à fait intimes que Schumann cherche à communiquer. Que dire de la version Karajan, sinon qu'elle pèse cent tonnes, et qu'elle ne parvient jamais à décoller ? La pâte épaisse des cordes, la brutalité des cuivres, la lourdeur de l'ensemble évoque davantage la marche d'un Panzer T55 que les passions volatiles (et obsessionnelles, s'agissant de Schumann) d'une âme tourmentée. Furtwängler, Sawallisch, à notre secours !</p>
<p>Surtout qu'on ne croie pas que je critique Karajan par plaisir ou par snobisme. Son talent et son travail ont été salués par de très nombreux artistes, et même par ses pires détracteurs. Son intégrale Beethoven est tellement impressionnante qu'elle a décourage presque toute une génération de jeunes chefs d'entreprendre la leur. J'ai aussi un DVD avec <em>La Mer</em> de Debussy où Karajan et les Berlin Philarmoniker donnent une leçon de couleurs dont tous les orchestres et tous les chefs pourraient s'inspirer. Et de nombreux enregistrement d'opéra tout à fait mythiques, notamment ceux réalisés au festival de Salzbourg ou encore à la Scala dans les années 1950 et 1960. N'en doutons pas, Karajan était un très grand chef d'orchestre. Cependant, il peut arriver un point ou la personnalité même d'un musicien est un obstacle qui l'empêchera d'exceller dans certaines oeuvres, faute peut-être de les aimer ou des les comprendre suffisamment.</p>
<p>Et vous, cher lecteurs de ce blog, avez-vous déjà été déçus par Karajan ? Que mettriez-vous dans la <em>short-list</em> de ses enregistrement les plus mauvais ?</p>