Le journal de papageno - Mot-clé - Michaël LevinasLe Journal de Papageno est un blog francophone consacré à la musique classique et contemporaine.2023-08-18T08:55:10+02:00Patrick Loiseleururn:md5:e3d6f6e2ebef7c45d0c5e125b87d9f0aDotclearFestival Présences le 6 mars 2009 à la Maison de la Radiourn:md5:b00b7b849f66b08231d1bab81d28e8302009-03-07T15:53:00+01:002017-05-19T17:34:00+02:00Patrick LoiseleurConcertsfestivalGiorgy LigetiMichaël LevinasPascal DusapinSerge Nigg<p>La salle Olivier Messiaen de la Maison de la Radio est quasiment pleine pour ce concert du Festival <em>Présences</em>. Grâce à la générosité des contribuables français, non seulement c'est gratuit, mais il y a un vestiaire, des programmes pour tout le monde, une organisation impeccable. Amis qui payez la redevance, merci !</p> <p>C'est <strong>Michaël Levinas</strong> qui ouvre les festivités avec deux études de <strong>Ligeti</strong> pour piano: <q>Désordres</q> et <q>Cordes à vide</q>. La première est une toccata d'une virtuosité diabolique. C'est un flux continu de notes qui sont regroupées de manière irrégulière (par exemple 4, 5, 7, 3, 6, etc). Je vous renvoie à la thèse de Karol Beffa (disponible dans les bonnes bibliothèques universitaires) pour une analyse plus détaillée. Lévinas évite de trop marquer les accents, ce qui nous permet d'entendre un vrai fouillis de notes, exactement l'effet voulu par le compositeur. Par comparaison, la version d'Andaloro qu'on peut écouter sur YouTube est plus accentuée, plus dure à l'oreille:</p>
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<p>La deuxième étude, avec des quintes qui évoquent un violon qui s'accorde, est également jouée avec beaucoup de sensibilité et d'intelligence.</p>
<p>C'est encore <strong>Levinas</strong>, mais le compositeur, qu'on entend ensuite, dans <em>Evanoui</em> pour orchestre. La disposition est un peu particulière: à gauche, un groupe constitué d'un pianoforte, deux guitares, deux harpes, un synthétiseur, un piano moderne. Au centre violoncelles et contrebasses. A droite les violons (et les altos derrière eux). Derrière les vents et percussions. Et des hauts-parleurs qui diffusent une bande pré-enregistrée. Lévinas utilise les instruments par groupes. Ainsi l'entrée des cordes se fait dans une véritable forêt de pizzicatos, qui n'est pas sans évoquer l'étude de Ligeti entendue juste avant. On ne distingue pas chaque instrument, mais un ensemble un peu comparable au bruit de la pluie sur une vitre, ou du vent dans les branches d'un sapin, ou du ressac dans une grotte marine. Dans la notice le compositeur explique: <q>la polyphonie-timbre est obtenue par des superpositions de tempi faisant évoluer des processus harmoniques et des agrégats complexes</q> Vous n'y comprenez rien ? Moi non plus mais c'est sans importance. Il suffit de se laisser bercer par cet orchestre semblable à un océan de sons dont on ne perçoit que les grandes vagues.</p>
<p>Après un entracte, l'orchestre philharmonique de Radio-France ayant retrouvé sa disposition habituelle nous donne <em>Fulgur</em> de <strong>Serge Nigg</strong>, un compositeur disparu l'an dernier. La notice nous raconte qu'après avoir essayé le sérialisme pur et dur dans les années 1950, il est revenu à des choses plus néo-classiques ou néo-romantiques. Cette partition de 1969 déborde d'une énergie joyeuse et féroce à la fois. Elle me fait penser à certains poèmes symphoniques de Liszt comme <em>Les Préludes</em>, ou à certaines musiques de film, avec un langage harmonique plus moderne cependant, plus complexe et plus dissonant. Plusieurs motifs mélodiques qu'on reconnaît aisément à l'oreille structurent la partition, et permettent également de mettre en valeur des instruments solistes, flûtes, hautbois, cordes. Certains effets comme la trompette qui joue dans le pavillon du tuba sont assez farce. <strong>Pascal Rophé</strong> qui dirige sans baguette prend véritablement cette partition à bras-le corps, suivi avec enthousiasme par les musiciens de l'orchestre. Au fond le plus surprenant est que le public reste tranquillement assis à écouter au lieu de se lancer dans une danse tribale frénétique ou une orgie sexuelle en poussant des cris de bêtes. Mais nous sommes en 2009, et plus en 1969.</p>
<p>Enfin c'est un <em>Concerto pour deux altos</em> de <strong>Bruno Mantovani</strong>, avec <strong>Tabea Zimmerman</strong> et son meilleur élève, <strong>Antoine Tamestit</strong>, en solistes. Dès les premières notes leur complicité fait vraiment plaisir à voir et à entendre. Comme tous les bons altistes aujourd'hui, ils sont familiers des langages contemporains, et jouent les <em>col legno</em>, <em>sul ponticello</em> et autres <em>pizz. Bartok</em> avec autant de naturel que Rolando Villazon produit un contre-ut. <q>La notion de conflit est au centre de mes préoccupations</q>, écrit le compositeur dans la notice. C'est un peu surprenant, la récurrence des formulations négatives lorsqu'il parle de sa musique. Autre exemple: <q>je n'ai pas écrit <em>Little Italy</em> pour l'alto, mais contre lui !</q> à propos d'une pièce pour alto seul dont nous reparlerons peut-être dans ce journal. L'alto étant l'instrument de l'orchestre qu'en génral on n'entend pas, écrire (et jouer) un concerto pour alto demande une attention particulière afin que le soliste ne soit pas <q>couvert</q> par l'orchestre. Dans ce concerto les deux solistes sont toujours parfaitement audibles, autant par la qualité de l'orchestration que par celle de l'interprétation (les musiciens du philarmonique sont capables de <em>pianissimos</em> vraiment extrêmes). Il y a une certaine violence, et même parfois une certaine brutalité, dans cette partition, mais c'est à mettre au crédit des musiciens de ne pas avoir cherché à la gommer par une interprétation trop lisse ou trop sage, mais de la livrer telle quelle au public, où chacun peut ensuite réagir selon sa sensibilité. Dans son enthousiasme, Tamestit a même cassé une corde, et il a dû échanger son instrument avec l'alto solo de l'orchestre (rien à voir cependant avec les mésaventures de <a hreflang="fr" href="http://djac.baweur.over-blog.com/article-28694160.html">Yuri Bashmet</a>, dont le cordier tout entier avait sauté en concert). Ce double concerto sera repris<a hreflang="fr" href="http://www.quefaire.be/Ars-Musica-Li%C3%A8ge-Le-Dessous-de-Quartes-Cr%C3%A9ations-137071.shtml"> le 20 mars en Belgique</a> avec le philarmonique de Liège.</p>
<p>Avec deux créations et une oeuvre rare au programme, une virtuosité et un engagement des interprètes sans équivalent dans les orchestres français, ce festival se montre à la hauteur de sa réputation. Il se poursuivra aujourd'hui et demain avec des oeuvres de Tessier, Lingberg, lutoslawski, Charvet, Reich, Dazzi, Lemaître, Kishino, Stravinsky.</p>Disques: Les lettres enlacéesurn:md5:8d927a5ace8c8d9a8056f19f31d82fdf2007-09-08T22:53:00+00:002017-05-04T13:26:29+00:00Patrick LoiseleurDisquesaltodisqueGérard CausséMichaël Levinas<p><em>Les lettres enlacées</em> c'est un disque chez <a href="http://www.aeon.fr/" hreflang="fr">aeon</a> avec un programme Levinas et Hindemith par Gérard Caussé et le Quatuor Ludwig. J'ai acheté ce disque car j'aime beaucoup le jeu de Gérard Caussé, que j'ai entendu plusieurs fois en concert: il fait passer tellement d'émotion dans chaque note ! C'est un soliste renommé, et aussi un chambriste très recherché. Parmi les oeuvres qui lui ont été dédiées, notons le Prologue des Espaces Accoustiques de Gérard Grisey, une pièce absolument ébouriffante dont je reparlerai dans ce journal.</p> <p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/images/les lettres enlacees.jpg" alt="Les lettres enlacées" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<ul>
<li><strong>Hindemith: Sonate op. 25 n° 1 pour alto seul (1922), <em>Gérard Caussé</em></strong> La sonate d'Hindemith (1922) est beaucoup plus moderne que celle Ligeti qui vient pourtant 70 ans plus tard ! Elle est restée célèbre par son quatrième mouvement indiqué "Rasendes Zeitmass. Wild. Tonschönheit ist Nebensache", autrement dit: "Tempo furieux et sauvage, la beauté du son est accessoire". Cette sonate est composée de 5 mouvements enchaînés (lent - rapide - lent - rapide - lent). J'en ai une autre version au disque, par Kim Kashkashian, qui est très bonne, très virtuose, mais elle ne dégage pas autant d'émotion que celle de Gérard Caussé. Il existe aussi une version d'Hindemith lui-même, enregistrée dans les années 1930 aux Etats-Unis, mais on ne peut pas la comparer aux versions modernes, les techniques de prises de son et de montage ayant tellement changé.</li>
<li><strong>Lévinas: Les lettres enlacées II (2000), <em>Gérard Caussé</em></strong> Michaël Lévinas est davantage connu comme pianiste que comme compositeur. Voici ce qu'il nous dit de cette pièce: <q><em>la composition est basée à la fois sur le chevauchement, la superposition, le croisement et le retour à une à une répartition quasi-parallèle de deux voix mélodiques (...) L'instrumentiste joue une mélodie en canon de micro-intervalles sur deux cordes simultanément. Chaque ligne poursuivant l'autre par une sorte de dédoublement en micro-intervalles. Les figures mélodiques issues de ces modes de jeu peuvent être considérées comme de faux glissandi ou encore comme des effets globaux et paradoxaux obtenus par cette polyphonie en lettres croisées.</em></q> Soit. On comprend bien le concept, mais à l'oreille ça donne quoi ? Après avoir entendu cette pièce en concert, écouté et ré-écouté le disque, j'avoue que je reste assez peu convaincu. C'est une pièce extrêmement difficile mais Gérard Caussé semble y nager comme un petit poisson dans l'eau.</li>
<li><strong>Lévinas: Les lettres enlacées IV (2000), <em>Gérard Caussé et le quatuor Ludwig</em></strong> <q><em>le principe formel de la pièce nait d'une écriture polyphonique en spirale (...) une échelle qui se déroule dans un registre grave va être reproduite une octave au-dessus en subissant une </em>altération<em> similaire à l'effet Doppler</em></q>. Ces belles constructions intellectuelles donnent à l'oreille une impression plutôt mécanique et pour tout dire assez désagréable. J'hésite à écrire ces mots car je n'aime pas dire du mal des autres musiciens, mais en définitive pour la musique quel autre juge que notre oreille et notre goût ?</li>
<li><strong>Hindemith: Sonate op 11 no 4 (1919) pour alto et piano</strong> C'est la première sonate d'Hindemith pour cet instrument. L'alto énonce au début de la <em>Fantasie</em> ce thème doucement balancé:</li>
</ul>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/images/hindemith sonate 11-4.jpg" alt="Hindemith Sonate op 11 no 4" style="display:table; margin:0 auto;" />.</p>
<p>Puis viennent quelques variations, suivies d'un <em>Thema mit Variationen</em> et d'un <em>Finale mit variationen</em>. Au cas où vous n'auriez pas compris, cette sonate n'est qu'une grande série de variations. Douceur sans mièvrerie, énergie sans brutalité, intelligence sans sécheresse, Gérard Caussé et Michaël Lévinas nous livrent une belle interprétation de cette oeuvre tout à fait abordable et pas assez souvent jouée à mon goût.</p>
<p>Pour finir, signalons la jaquette très élégante de ce disque et le livret qui contient un texte de <a href="http://www.pol-editeur.fr/catalogue/ficheauteur.asp?num=140" hreflang="fr">Richard Millet</a>, un écrivain passionné par la musique, qui collabore régulièrement avec le label <a href="http://www.aeon.fr/" hreflang="fr">aeon</a>, et qui a publié notamment <em>La voix d'alto</em>, un roman qui raconte la vie d'un altiste.</p>