Le journal de papageno - Mot-clé - Pascal DusapinLe Journal de Papageno est un blog francophone consacré à la musique classique et contemporaine.2023-08-18T08:55:10+02:00Patrick Loiseleururn:md5:e3d6f6e2ebef7c45d0c5e125b87d9f0aDotclearDusapin, Rihm, Chauris à la Maison de la Radiourn:md5:b7f4a63b77af13fa2b7f622ac90dd6512019-02-15T00:33:00+01:002019-02-15T00:51:46+01:00Patrick LoiseleurConcertscréationMaison de la radiomusique contemporaineorchestrePascal DusapinWolfgang RihmXXIe siècleYves Chauris<p>Dans le cadre du festival Présences 2019, nous avons pu assister à un somptueux concert d'orchestre à l'Auditorium de la Maison de la Radio ce 14 février 2019, avec des oeuvre de <strong>Wolfgang Rihm</strong>, <strong>Pascal Dusapin </strong>et <strong>Yves Chauris</strong>.</p> <p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.maison_de_la_radio_2019_02_14_m.jpg" alt="" style=" display: block;" /></p>
<p>Dans ce temple du son où chaque détail est pensé pour servir la musique, o<span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">n commence par le </span><em style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Solo n°7 </em><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">de </span><strong style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif;">Pascal Dusapin</strong><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">, sous-titré </span><em style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Uncut</em><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">, pour grand orchestre (les bois par 4, et des cuivres somptueux avec 6 cors, 4 trompettes et 4 trombones, un tuba). Nos lectrices se souviennent certainement que nous avons </span><a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2009/03/26/Dusapin%3A-solos-pour-orchestre-a-la-Cite-de-la-Musique" style="background- Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">assisté à la création de cette pièce par le Philharmonique de Liège il y a quelques années</a><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">. </span></p>
<p>Cette pièce commence par une belle fanfare de 6 cors, et se termine sur un tutti fracassant. Avec des percussions métalliques (cloches tubulaires, cymbales antiques, vibraphone) et d'importantes parties de cuivres, c'est le caractère joyeux et triomphant de cette pièce qui me frappe le plus, peut-être aussi parce que les musiciens du Philar' de Radio France sont toujours aussi enthousiastes (je ne peux pas savoir ce qu'ils ressentent individuellement, mais collectivement il se dégage de cet ensemble une belle énergie). C'est aussi une musique d'une grande complexité, qui superpose par moments tellement de plans sonores qu'il vaut mieux l'écouter en concert que sur une chaîne stéréo. Comme toutes le répertoire pour grand orchestre symphonique depuis Malher, me direz-vous, chère lectrice... un point pour vous !</p>
<p>C'est un effectif plus modeste, avec les bois par 2, une seule trompette et un trombone, une harpe, qui accompagne le pianiste <strong>Tzimon Barto</strong> (<a href="https://www.resmusica.com/2011/03/30/tzimon-barto/" hreflang="fr" title="Tzimon Barto Res Musica">lire son interview pour Res Musica</a>) dans le <em>2e concerto pour piano et orchestre</em> de <strong>Wolfgang Rihm</strong>. Ce pianiste américain est taillé comme un Hercule de foire (le chef <strong>Nicholas Collon</strong> a l'air d'un vrai gringalet à ses côtés), mais c'est avec une grande délicatesse qu'il aborde ce concerto qui commence doucement, gentiment, comme une sorte d'improvisation où la clarinette et les cordes répondent aux fragments d'idée proposés par le pianiste, qui les développera plus tard. Une sorte de structure en arche d'un seul tenant car après une section centrale assez animée, la fin revient vers des choses plus douces pour terminer dans un magnifique pianissimo des cordes débouchant sur une note seule du piano, planant dans le vide comme une question... dans cette oeuvre récente (2014) Rihm développe un lyrisme post-sériel qui ne refuse pas la consonance ni la mélodie sans pour autant s'encombrer de références à la tonalité proprement dite. Il le revendique d'ailleurs: <span style="background- Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; text-align: justify;"> </span><span style="background- Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; text-align: justify;"><em>« La tonalité n'est rien qu'un cas particulier de l'harmonie ; je veux dire que dans la série des harmoniques naturels, il y a tous les types d'intervalles, y compris les valeurs intermédiaires, microtonales. Je n’ai jamais vraiment composé de la musique tonale, mais je n'ai pas exclu les premiers rapports d'intervalles fournis par les harmoniques, je ne les ai pas éliminés, j’ai accepté comme matériau de la pensée musicale l’ensemble des proportions » </em><a href="http://brahms.ircam.fr/wolfgang-rihm#parcours">(source: IRCAM)</a>. </span><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Le caractère chambriste des échanges entre les nombreux solistes de l'orchestre et le pianiste me plaît beaucoup.</span></p>
<p>En bis, un nocturne de Chopin (le fameux n°20 en ut dièse mineur), exécuté avec une infinie délicatesse par Tzimon Barto.</p>
<p>L'entracte sert à installer une percussion surabondante qui servira dans la pièce d'Yves Chauris. Timbales, grosses caisses et caisses claires; mais aussi piano, célesta, bongos, cloches à vache, marimba, gongs, crécelles, crotales, cymbales suspendues, woodblocks, crécelles, machines à écrire, vibraphone, <em>lion roar </em>(ce petit tambour dont on fait rugir la peau percée au centre en tirant sur une ficelle), cloches tubulaires, et j'en oublie. Ah si, il y a de jolis cailloux blancs frappés l'un contre l'autre. Quant à l'orchestre, l'effectif est pléthorique avec des instruments amusants comme la clarinette contrebasse, le trombone contrebasse (j'adore !), flûte basse, piccolo, cor anglais, etc.</p>
<p>Bien bien bien me direz-vous mais que fait donc <strong>Yves Chauris</strong> dans sa nouvelle pièce <em>why so quiet</em> avec cet orchestre si imposant ? Eh bien, on y entend plus des sons que des lignes mélodique ou des progressions harmoniques. Toutes sortes de glissandos, de sons inharmoniques ou percussifs (produits par tous les instruments, et pas uniquement par les 6 percussionnistes et leur impressionnant attirail). La maîtrise de l'instrumentation, du geste musical dans tous ses détails pour tous les instruments est impressionnante. J'y ai repéré aussi une technique d'écriture assez prisée par Bruno Mantovani: pour animer un accord de 6 sons mettons, donner à chaque instrument des valeurs courtes avec des périodicités différentes (1 sur 4, 1 sur 5, 1 sur 6, etc) ce qui produit des décalages, des rencontres, une manière intéressante d'animer la texture. Même si le tout s'écoute avec plaisir, j'ai eu un peu de mal à en saisir le fil, à me laisser embarquer dans une narration, une histoire avec un début, un milieu et une fin (de ce point de vue le contraste avec le concerto de Rihm qui est une belle réussite est assez flagrant). Je suis donc un peu resté sur ma fin devant cette grande ouverture qui ne débouche sur rien On ne dépasse pas dans cette pièce la démonstration technique impressionnante mais un peu vaine.</p>
<p>On retrouve ensuite un orchestre un peu moins énorme (avec les bois par 3) pour la dernière pièce, <em><a href="https://www.universaledition.com/wolfgang-rihm-599/works/transitus-14432">Transitus</a> </em>de <strong>Wolfgan Rihm</strong> à nouveau (J'ai oublié de le rappeler mais comme vous le savez, chères lectrices, ce festival 2019 est dédié à la musique de Rihm qui malheureusement n'a pas pu faire le déplacement pour y assister en personne, à cause de problèmes de santé si j'ai bien compris). À nouveau je suis frappé par le lyrisme, le naturel, la maîtrise qui se dégage de cette belle pièce pour orchestre, l'équilibre entre le travail sur les masses sonores et les lignes mélodiques des nombreux solos pour tous les instruments. Comment le dire autrement, c'est de la musique magnifique qu'on déguste de bout en bout. Tout ne m'a pas autant séduit dans ce que j'ai entendu de la musique de Rihm, mais ces deux pièces récentes pour orchestre valent vraiment le coup d'oreille.</p>Concert Bacri à la maison de la radio le 27 avrilurn:md5:0b582850fb8a1e31f48c0c84edaf703b2017-03-10T09:17:00+01:002017-03-10T15:22:54+01:00Patrick LoiseleurConcertsMaison de la radiomusique contemporainemusique françaiseNicolas BacriPascal Dusapinsymphonie<p>La maison de la radio propose un concert symphonique en forme de portrait de <strong>Nicolas Bacri </strong>le 27 avril prochain, avec l'orchestre philharmonique de Radio France dirigé par Elena Schwartz, et les pianistes Eliane Reyes et Jean-Claude Van den Eyden.</p> <p>Voici comment le compositeur français présente lui-même ce programme:</p>
<blockquote><p><em>Ce concert vous donnera l'occasion d'entendre quatre oeuvres écrites entre 1984 et 2015 c'est à dire sur trente années de travail. C'est dire qu'il y aura une oeuvre qui ressort de la modernité orthodoxe avec ma première symphonie dédiée à Elliott Carter jusqu'au romantisme intemporel de ma Cantate No. 7 en passant par une Symphonie concertante pour deux pianos et cordes qui frôle l'esthétique postmoderne et ma Symphonie No. 5, oeuvre la plus typique de son auteur dans ce concert.
</em></p>
</blockquote>
<p>
Un peu comme Philippe Hersant, qui est de la même génération, Nicolas Bacri a appris le style sériel pur et dur au Conservatoire de Paris dans les années 1980, puis il a été amené à chercher d'autres voies que cette "modernité orthodoxe", qui fut révolutionnaire dans les années 1950 et qui trente ans plus tard était déjà une sorte de nouvel académisme dont il était fort malvenu de s'écarter si l'on voulait gagner des concours et avoir des commandes publiques. Il lui fallut donc un certain courage pour s'écarter d'un style qu'il ne connaissait que trop bien pour l'avoir pratiqué pendant des années, et qui ne correspondait plus à sa sensibilité. Pour autant, Nicolas Bacri n'a pas renié ces oeuvres de jeunesse qui font partie d'un tout. La première symphonie notamment divise l'orchestre en plusieurs groupes pour spatialiser le son: je me demande bien comment la maison de la radio va pouvoir arranger le plateau de son grand Auditorium pour réaliser une telle chose. La plupart des oeuvres spatialisées se sont heurtées à la même difficulté: il n'existe que très peu de salles de concert réellement modulables où l'on pourrait placer les musiciens où l'on veut.</p>
<p>Les vrais musiciens et mélomanes le savent bien, au milieu de l'éternelle guerre des anciens et des modernes, seule la qualité prime en fin de compte. C'est bien pour cela qu'on écoute autant la musique de Liszt l'audacieux que celle de Brahms le conservateur de nos jours. C'est également pourquoi certains compositeurs, et non des moindres, ont été classés dans l'avant-garde avant d'évoluer non vers la tradition, mais vers un autre rapport moins conflictuel à la tradition (Strawinsky, Hindemith, Penderecki par exemple). Et les qualités d'écriture de Nicolas Bacri ne sont plus à démontrer, tant il est reconnu par la critique et le public de nos jours. Nous invitons donc celles de nos lectrices qui se seraient un jour posé la question: "y a-t-il une musique après la musique contemporaine ?" à venir en juger elles-mêmes à la maison de la Radio le 17 avril prochain.</p>Tour à Tour de Philippe Hurel à la maison de la Radiourn:md5:ecf813b83253bef100c2758ec3dc33102015-06-10T19:03:00+02:002019-02-15T00:56:43+01:00Patrick LoiseleurConcertscréationfestivalIRCAMMaison de la radiomusique contemporainemusique françaisemusique sérielleorchestrePascal DusapinPhillippe Hurelthéorie<p>Entendu le 5 juin dernier dans le très bel auditorium de la Maison de la Radio à Paris, <em>Tour à Tour</em> de Philippe Hurel, ambitieuse partition symphonique de 60 minutes présentée dans le cadre du festival Manifeste de l'IRCAM.</p> <p>J'au eu le grand plaisir d'y retrouver, de façon fortuite, Julien Leroy, chef d'orchestre, qui travaille actuellement avec l'ensemble intercontemporain entre autres (nous l'avions entendu aux <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2014/04/09/Te-craindre-en-ton-absence">Bouffes du Nord</a> récemment). Il m'apprend que l'an prochain il dirigera le Philharmonique de Radio France pour le festival Présences, et nous tombons vite d'accord: quel magnifique orchestre, dont les virtuoses se dédient corps et âme à la musique de tous les styles avec un sérieux et une abnégation dignes des meilleurs orchestres allemands.</p>
<p>Quant à la monumentale composition de Philippe Hurel, <em>Tour à Tour</em>, j'en retire des impressions mitigées. Elle me donne la sensation que le style sériel, après le temps des pionniers (Schoenberg, Webern) puis l'âge classique dans les années 1950-1960 (Boulez, Berio, Carter), est entré dans son âge baroque où l'overdose de raffinement annonce sa fin prochaine. On pourrait résumer ainsi ses principales caractéristiques à l'oreille:</p>
<ul><li>rythmiquement, un alternance de mouvements très rapides et de notes tenues très longues</li>
<li>harmoniquement, pas ou peu d'accords où d'arpèges qui évoqueraient la musique tonale</li>
<li>une grande attention portée au timbre et au techniques instrumentales</li>
<li>des contrastes de dynamique abrupts (fortissimo / pianissimo)</li>
<li>pas ou peu de place pour la voix</li>
<li>pas de lignes mélodiques simples qu'on pourrait mémoriser ou chanter facilement</li>
<li>l'émancipation de la dissonnance, </li>
</ul>
<p>Nos lectrices ont bien noté que je ne mentionne pas la technique dodécaphonique, et c'est à dessein: Schoenberg lui-même ne l'a pas employé dans ses premières oeuvres atonales comme le<em> Pierrot lunaire</em> ou <em>Erwartung</em>, et ses successeurs ont bien vite cherché d'autres techniques d'écriture sérielles, comme les <a href="http://www.philippemanoury.com/?p=5025" hreflang="fr">grammaires musicales génératives</a> de Philippe Manoury. </p>
<p>Il est sans doute injuste de parler en quelques mots d'une partition énorme, qui fourmille de détails et a certainement demandé des mois de travail à son auteur (sans compter la bande-son additionnelle du second mouvement concoctée à l'IRCAM). Philippe Hurel est de toute évidence un musicien qui sait écrire et qui sait orchestrer. Mais je ne pouvais me départir de l'impression que le filon mis au jour par Schoenberg avec sa <em>Symphonie de Chambre</em> il y un siècle (en 1913 pour être précis) est maintenant épuisé: qu'il s'est montré excessivement passionnant et fertile tout au long du XXe siècle mais qu'il appartien désormais aux épigones, et qu'il est maintenant temps de se tourner vers autre chose. La bande magnétique diffusée en même temps que l'orchestre, comme une sorte de soliste robotique dialoguant avec lui, c'était amusant à l'époque des premiers magnétophones, à l'époque où Varèse présentait <em>Déserts</em> au public parisien médusé et furieux, ça sonne un peu daté aujourd'hui. On s'agace même un peu de voir les musiciens immobiles, attendant sagement la fin d'une séquence pré-enregistrée. La musique n'est-elle pas l'art du mouvement, de l'interaction, de la danse ? </p>
<p>Autre chose me direz-vous mais quoi ? L'électronique qui retravaille en temps réel le son me paraît une piste plus prometteuse. C'est d'ailleurs un domaine où la musique populaire a pris une considérable avance sur la musique savante. Même s'ils n'ont jamais pris de leçons de contrepoint ou d'orchestration, les musiciens d'un groupe de hard rock en connaissent au fond bien plus sur l'art de travailler les sons avec les outils électroniques et informatiques que la plupart des compositeurs issus du conservatoire, même ceux qui ont complété leur formation à l'IRCAM. Tout simplement parceque les musiciens rock font ça tous les jours avec leurs petits doigts, leur approche est instrumentale avant d'être intellectuelle. (Il y a des exceptions naturellement: je pense par exemple à la passionnante Partita de Manoury pour alto et électronique qui intègre vraiment bien un outil électronique bien maîtrisé et l'écriture instrumentale).</p>
<p>Quoi d'autre ? Peut-être le retour de la voix au centre de la scène ? L'invention de nouveaux instruments électro-acoustiques ? Le retour à une forme de simplicité et de dépouillement, sans tomber pour autant dans le néo-tonal bête et méchant ? La réunification des rôles entre compositeur et interprète ? De nouvelles formes de création collectives et participatives, mettant à mal le mythe du créateur génial dans sa tour d'ivoire ? Une dose d'improvisation dirigée ? La réutilisation des musiques existantes passées à la moulinette, remixées, filtrées, superposées, détournées, réinterprétées ? La fin de l'orchestre symphonique traditionnel dont Stockhausen trouvait à juste titre que c'est un réservoir de sonorités trop fermé ?</p>
<p>Si j'étais occupé à méditer sur ces questions générales, c'est que, vous vous en doutez, la pièce de Philippe Hurel n'a pas su capter toute mon attention de bout en bout, malgré l'excellente opinion que j'ai de lui basée sur d'autres pièces. Le premier mouvement m'a paru de bonne facture mais sans grande originalité. Il alterne les moments assez linéaires (avec un seul instrument ou un accord tenu) et les moments très rapides qui mobilisent tous les pupitres, les cordes divisées, les percussion, toutes les ressources de l'orchestre avec une telle densité d'évènements qu'on ne perçoit que des effets de masse, un peu comme dans les <em>Solos</em> de Dusapin. Dans le deuxième mouvement, l'interaction entre l'orchestre et l'électronique ne m'a pas tellement emballé. Le troisième mouvement est sans doute celui qui m'a le plus séduit, avec des couleurs spectrales qui pouvaient faire penser à Grisey par moments.</p>Festival Présences le 6 mars 2009 à la Maison de la Radiourn:md5:b00b7b849f66b08231d1bab81d28e8302009-03-07T15:53:00+01:002017-05-19T17:34:00+02:00Patrick LoiseleurConcertsfestivalGiorgy LigetiMichaël LevinasPascal DusapinSerge Nigg<p>La salle Olivier Messiaen de la Maison de la Radio est quasiment pleine pour ce concert du Festival <em>Présences</em>. Grâce à la générosité des contribuables français, non seulement c'est gratuit, mais il y a un vestiaire, des programmes pour tout le monde, une organisation impeccable. Amis qui payez la redevance, merci !</p> <p>C'est <strong>Michaël Levinas</strong> qui ouvre les festivités avec deux études de <strong>Ligeti</strong> pour piano: <q>Désordres</q> et <q>Cordes à vide</q>. La première est une toccata d'une virtuosité diabolique. C'est un flux continu de notes qui sont regroupées de manière irrégulière (par exemple 4, 5, 7, 3, 6, etc). Je vous renvoie à la thèse de Karol Beffa (disponible dans les bonnes bibliothèques universitaires) pour une analyse plus détaillée. Lévinas évite de trop marquer les accents, ce qui nous permet d'entendre un vrai fouillis de notes, exactement l'effet voulu par le compositeur. Par comparaison, la version d'Andaloro qu'on peut écouter sur YouTube est plus accentuée, plus dure à l'oreille:</p>
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<p>La deuxième étude, avec des quintes qui évoquent un violon qui s'accorde, est également jouée avec beaucoup de sensibilité et d'intelligence.</p>
<p>C'est encore <strong>Levinas</strong>, mais le compositeur, qu'on entend ensuite, dans <em>Evanoui</em> pour orchestre. La disposition est un peu particulière: à gauche, un groupe constitué d'un pianoforte, deux guitares, deux harpes, un synthétiseur, un piano moderne. Au centre violoncelles et contrebasses. A droite les violons (et les altos derrière eux). Derrière les vents et percussions. Et des hauts-parleurs qui diffusent une bande pré-enregistrée. Lévinas utilise les instruments par groupes. Ainsi l'entrée des cordes se fait dans une véritable forêt de pizzicatos, qui n'est pas sans évoquer l'étude de Ligeti entendue juste avant. On ne distingue pas chaque instrument, mais un ensemble un peu comparable au bruit de la pluie sur une vitre, ou du vent dans les branches d'un sapin, ou du ressac dans une grotte marine. Dans la notice le compositeur explique: <q>la polyphonie-timbre est obtenue par des superpositions de tempi faisant évoluer des processus harmoniques et des agrégats complexes</q> Vous n'y comprenez rien ? Moi non plus mais c'est sans importance. Il suffit de se laisser bercer par cet orchestre semblable à un océan de sons dont on ne perçoit que les grandes vagues.</p>
<p>Après un entracte, l'orchestre philharmonique de Radio-France ayant retrouvé sa disposition habituelle nous donne <em>Fulgur</em> de <strong>Serge Nigg</strong>, un compositeur disparu l'an dernier. La notice nous raconte qu'après avoir essayé le sérialisme pur et dur dans les années 1950, il est revenu à des choses plus néo-classiques ou néo-romantiques. Cette partition de 1969 déborde d'une énergie joyeuse et féroce à la fois. Elle me fait penser à certains poèmes symphoniques de Liszt comme <em>Les Préludes</em>, ou à certaines musiques de film, avec un langage harmonique plus moderne cependant, plus complexe et plus dissonant. Plusieurs motifs mélodiques qu'on reconnaît aisément à l'oreille structurent la partition, et permettent également de mettre en valeur des instruments solistes, flûtes, hautbois, cordes. Certains effets comme la trompette qui joue dans le pavillon du tuba sont assez farce. <strong>Pascal Rophé</strong> qui dirige sans baguette prend véritablement cette partition à bras-le corps, suivi avec enthousiasme par les musiciens de l'orchestre. Au fond le plus surprenant est que le public reste tranquillement assis à écouter au lieu de se lancer dans une danse tribale frénétique ou une orgie sexuelle en poussant des cris de bêtes. Mais nous sommes en 2009, et plus en 1969.</p>
<p>Enfin c'est un <em>Concerto pour deux altos</em> de <strong>Bruno Mantovani</strong>, avec <strong>Tabea Zimmerman</strong> et son meilleur élève, <strong>Antoine Tamestit</strong>, en solistes. Dès les premières notes leur complicité fait vraiment plaisir à voir et à entendre. Comme tous les bons altistes aujourd'hui, ils sont familiers des langages contemporains, et jouent les <em>col legno</em>, <em>sul ponticello</em> et autres <em>pizz. Bartok</em> avec autant de naturel que Rolando Villazon produit un contre-ut. <q>La notion de conflit est au centre de mes préoccupations</q>, écrit le compositeur dans la notice. C'est un peu surprenant, la récurrence des formulations négatives lorsqu'il parle de sa musique. Autre exemple: <q>je n'ai pas écrit <em>Little Italy</em> pour l'alto, mais contre lui !</q> à propos d'une pièce pour alto seul dont nous reparlerons peut-être dans ce journal. L'alto étant l'instrument de l'orchestre qu'en génral on n'entend pas, écrire (et jouer) un concerto pour alto demande une attention particulière afin que le soliste ne soit pas <q>couvert</q> par l'orchestre. Dans ce concerto les deux solistes sont toujours parfaitement audibles, autant par la qualité de l'orchestration que par celle de l'interprétation (les musiciens du philarmonique sont capables de <em>pianissimos</em> vraiment extrêmes). Il y a une certaine violence, et même parfois une certaine brutalité, dans cette partition, mais c'est à mettre au crédit des musiciens de ne pas avoir cherché à la gommer par une interprétation trop lisse ou trop sage, mais de la livrer telle quelle au public, où chacun peut ensuite réagir selon sa sensibilité. Dans son enthousiasme, Tamestit a même cassé une corde, et il a dû échanger son instrument avec l'alto solo de l'orchestre (rien à voir cependant avec les mésaventures de <a hreflang="fr" href="http://djac.baweur.over-blog.com/article-28694160.html">Yuri Bashmet</a>, dont le cordier tout entier avait sauté en concert). Ce double concerto sera repris<a hreflang="fr" href="http://www.quefaire.be/Ars-Musica-Li%C3%A8ge-Le-Dessous-de-Quartes-Cr%C3%A9ations-137071.shtml"> le 20 mars en Belgique</a> avec le philarmonique de Liège.</p>
<p>Avec deux créations et une oeuvre rare au programme, une virtuosité et un engagement des interprètes sans équivalent dans les orchestres français, ce festival se montre à la hauteur de sa réputation. Il se poursuivra aujourd'hui et demain avec des oeuvres de Tessier, Lingberg, lutoslawski, Charvet, Reich, Dazzi, Lemaître, Kishino, Stravinsky.</p>Festival d'Aix en Provence: 60 ans et pas une rideurn:md5:6ae5e92dde7fd1416f474f6c844a13d22008-06-27T13:35:00+00:002017-05-13T16:55:44+00:00Patrick LoiseleurOpérafestivalPascal Dusapin<p>Le <a href="http://www.festival-aix.com/" hreflang="fr">Festival d'Aix en Provence</a> millésime 2008 commence ce soir. Ceux qui sont coinçés à Paris comme moi pourront se consoler avec les retransmissions à la télé, à la radio et sur internet par France 3, Arte, Radio Classique, et <a href="http://www.medici.tv/" hreflang="fr">Medici</a> entre autres.</p> <p>A lire dans les Echos aujourd'hui: <a href="http://www.lesechos.fr/info/loisirs/4744412.htm" hreflang="fr">Aix, un roman de geste lyrique</a>, qui revient sur l'histoire de ce festival qui a vu notamment la création du <em>Marteau sans Maitre</em> (Boulez) et la première européenne de la <em>Turangalila-symphonie</em> (Messiaen).</p>
<p>Au programme cette année: Messiaen (reprise de la <em>Turangalila</em> et récital d'orgue d'Olivier Latry), une création de Pascal Dusapin (<em>Passion</em>), mais aussi Wagner, Mozart, Haydn. Côté symphonique, on pourra entendre notamment le Philharmonique de Berlin sous la direction de Simon Rattle, excusez du peu. De la musique de chambre également: le quatuor Diotima donnera les quatuors 1, 3, 4 et 5 de P. Dusapin (j'ignorais qu'il avait tant écrit pour cette formation), et le quintette à vents du Philharmonique de Berlin donnera un récital (que de la musique française d'ailleurs: Taffanel, Milhaud, Ibert, Francaix).</p>Dusapin pour les nulsurn:md5:ee6c007a68f2d7c890a9badb43aa9c582008-05-05T20:55:00+00:002017-05-13T15:36:46+00:00Patrick LoiseleurRépertoireCollège de FrancecompositeurPascal Dusapin<p>Le collège de France a mis en ligne les vidéos d'une série de conférences prononcées lors de l'année 2006-2007 par Pascal Dusapin. J'ai testé pour vous le cours sur "Décomposer / recomposer".</p> <ul>
<li><a href="http://www.college-de-france.fr/default/EN/all/pas_dus/p1207833886739.htm" hreflang="fr">première heure</a></li>
<li><a href="http://www.college-de-france.fr/default/EN/all/pas_dus/p1207835089066.htm" hreflang="fr">deuxième heure</a></li>
</ul>
<p><q><em>Je ne ferai pas de théorie</em></q> prévient-il dès le début mais il parle tout de même 90 minutes. Il raconte des choses sur l'oubli notamment (comment faire oublier à l'auditeur ce qu'il a entendu 3 secondes auparavant) et sur le développement musical (au sens beethovénien) qui serait à l'opposé de sa propre manière de travailler. Mais Pascal Dusapin dit un peu tout et son contraire dans cette conférence, et il revendique même le droit à se contredire: <q><em>je ne tenterai jamais de tenir un discours cohérent mais au contraire un discours au plus proche des systèmes dérivant ma musique</em></q>.</p>
<p>Ce qui m'a surpris c'est qu'il ne parle pas du tout du rapport de la musique au texte alors que c'est fondamental: même avec mon expérience très limitée, moi qui n'ai écrit que quelques mélodies, j'ai pu expérimenter à quel point le texte est à la fois une source d'inspiration et une lourde contrainte pour le compositeur. J'aurais attendu plus de détails sur ce point (mais peut-être en parle-t-il dans une autre conférence).</p>
<p>Ce qui est intéressant c'est la présence durant la deuxième heure de musiciens (et de la belle soprano Françoise Kubler) sur scène qui interprètent <em>Comoedia</em> (trois chansons sur des textes tirés du paradis de Dante), présentée par le compositeur. Re-transcription à peine simplifiée:</p>
<p>- Dusapin: au début, le hautbois joue un do dièse<br />
- <em>(le hautbois joue un do dièse)</em><br />
- Dusapin: le violon joue un pizz. puis un trille<br />
- <em>(la violoniste joue un pizzicato puis un trille)</em><br />
- Dusapin: la trompette joue avec sourdine, c'est joli la trompette avec sourdine<br />
- <em>(la trompette joue avec sourdine)</em><br />
- Dusapin: et maintenant on les écoute ensemble<br />
- <em>(ils jouent ensemble)</em><br /></p>
<p>Si la théorie vous rebute, vous pouvez sauter directement à la 40è minute de la 2è heure, qui donne à entendre <em>Comoedia</em> (environ 15 minutes). Je ne sais pas pourquoi, mais cette musique me laisse de marbre. Il doit me manquer les neurones nécessaires pour l'apprécier. Mais c'est comme les épinards: ça n'est pas parce qu'on aime pas qu'il faut chercher à en dégoûter les autres !</p>Le trio élégiaque à la FNAC Saint Lazare le 14 mars 2008urn:md5:ff3ab4748fd315d3878ae659eb5a2c252008-03-09T22:16:00+00:002017-05-05T13:48:32+00:00Patrick LoiseleurDisquesclarinetteOlivier MessiaenPascal Dusapinpianoviolonvioloncelle<p>Le trio élégiaque fera un <q>showcase</q> à la FNAC Saint Lazare le vendredi 14 mars 2008 à 18 heures. Concrètement cela veut dire un petit bout de concert suivi d'une séance de dédicace de leurs disques. Le disque en question est paru chez Triton et comporte l'enregistrement du trio pour piano, violon et violoncelle de Pascal Dusapin ainsi que le <em>Quatuor pour la fin du temps</em> d'Olivier Messiaen.</p> <p><a href="http://www.disques-triton.com/commun/main_desc.asp?c=13&n=8307" hreflang="fr"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/images/dusapin messiaen.jpg" alt="Dusapin Messiaen" style="display:table; margin:0 auto;" /></a></p>
<p>Je n'avais pas encore parlé de ce disque dans ce Journal car j'aime assez modérément ce trio de Dusapin, même s'il faut reconnaître qu'il est servi par des interprètes magnifiques (J'achète et j'écoute pas mal de disques, mais lorsque je n'aime pas trop quelque chose, plutôt que de rédiger une critique négative, ce qui est une perte de temps assez stupide, j'essaye de parler des disques que j'aime). Quant au <em>Quatuor pour la fin du temps</em>, avec Jean-Philippe Vivier à la clarinette, c'est assurément une très belle version de ce qui est devenu un classique du répertoire qu'on trouve sur ce disque: beauté du timbre, richesse des couleurs, puissance de l'expression, rien ne manque à cette interprétation.</p>Boulez et Dusapin sur YouTubeurn:md5:e85097e8965d700e826793b5f7e4f0dc2007-10-18T15:24:00+00:002017-05-04T13:49:47+00:00Patrick LoiseleurRépertoiremusique contemporainePascal DusapinpianoPierre Boulez<p>Trouvé aujourd'hui deux vidéos sur YouTube:</p> <ol>
<li>Pierre Boulez dirige l'ensemble inter-contemporain jouant <a href="https://youtu.be/K2HyS1V4zIU"><strong>Sur Incises</strong> pour pianos, harpes et percussions</a></li>
<li>Pascal Dusapin tourne les pages de Ian Pace jouant son <a href="https://youtu.be/oidqWzN5FWI"><strong>étude numéro 4</strong>, une Toccata tachycardiaque pour piano</a> </li>
</ol>
<br />
Il y a plusieurs points communs entre Boulez et Dusapin:
<ul>
<li> ce sont des compositeurs officiels, connus et reconnus, accumulant les titres et les fonctions prestigieuses.
</li>
<li> leur musique passe parfois sur France Musiques, très rarement sur Radio Classique et jamais sur les autres radios
</li>
<li> ils écrivent de la musique savante (très savante)
</li>
<li> ce sont des gens sérieux (très sérieux): regardez le visage froid et crispé qu'ils affichent l'un comme l'autre sur les vidéos
</li>
</ul>
Est-ce de la musique tellement savante et complexe qu'elle finit à ne plus ressembler à rien, c'est à dire que l'oreille n'arrive pas vraiment à capter un fil directeur ? Pour s'en assurer, je vous propose un test indépendant de toute référence musicologique, le test du copier-coller. Ce test consiste à supprimer ou à déplacer une section de 30 secondes prise au hasard dans le morceau. Une telle opération est très facile à réaliser avec un logiciel comme <a href="http://audacity.sourceforge.net/" hreflang="fr">Audacity</a>. Si l'opération ne produit pas de différence notable à l'oreille, cela signifie:
<ul>
<li>soit qu'il n'y a aucun fil conducteur</li>
<li>soit que ce fil conducteur n'est pas aisément identifiable à l'oreille, ce qui revient au même. Si la musique n'est pas faite pour l'oreille, pour quoi est-elle faite ?</li>
</ul>
Faites le test avec un pièce de Dusapin puis avec un mouvement de n'importe quelle sonate de Beethoven, et vous comprendrez ce que je veux dire. Notez que je n'ai fourni aucun jugement positif ou négatif sur la musique de Boulez et Dusapin: je vous laisse, chers lecteurs de ce journal, vous faire une opinion par vous-même, et jouer avec le test du copier-coller qui donne parfois des choses très amusantes.<div>
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<strong>Mise à jour février 2011:</strong> je ne sais plus trop si c'était le cas il y a 4 ans, mais j'apprécie aujourd'hui beaucoup ces deux pièces font sans nul doute partie de ce qu'il y a de meilleur de la littérature récente pour piano. Il n'en reste pas moins que la question de la forme (et de la manière dont cette forme se présente à l'auditeur, non au compositeur qui sait toujours ce qu'il fait) reste posée. Celle de la <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2008/03/11/180-musique-contemporaine-et-complexite-de-kolmogorov">complexité</a> aussi. Avec des formes plus libres et plus ouvertes que la forme Sonate par exemple, avec une musique souvent trop complexe pour qu'on puisse appréhender et mémoriser les détails en direct, est-il toujours possible de créer un sentiment de nécessité qui fait que chaque passage est bien à sa place et ne pourrait être déplacé sans qu'on s'en rende compte ?</div>