Le journal de papageno - Mot-clé - Pierre BartholoméeLe Journal de Papageno est un blog francophone consacré à la musique classique et contemporaine.2023-08-18T08:55:10+02:00Patrick Loiseleururn:md5:e3d6f6e2ebef7c45d0c5e125b87d9f0aDotclearBartholomée, Seba, Lachenmann et Pagliei par le Quatuor Danel à Liègeurn:md5:2e26702ccf0059b877450d895bd7f92a2011-03-06T22:21:00+01:002017-06-10T14:07:17+02:00Patrick LoiseleurConcertsCatherine SebaHelmutt LachenmannLiègePierre Bartholoméequatuor<p>Ouï à la <a href="http://www.opl.be/">philharmonie de Liège</a> le 3 mars dernier, un concert de l'excellent <strong>Quatuor Danel</strong> donné dans le cadre du festival <a href="http://www.arsmusica.be/">Ars Musica</a>, avec la participation du <a href="http://www.crfmw.be/">centre Henri Pousseur</a> (ex-CRFMW) pour l'électronique.</p> <p style="margin-bottom: 0cm">Tout d'abord nous entendons, de <strong>Pierre
Bartholomée</strong>, <em>Envol et mort d'un papillon. </em>Comme
son nom l'indique, ce quatuor de facture plutôt classique regarde du
côté des (post-)impressionnistes (Debussy, Dutilleux). Je suis
vraiment séduit par la beauté des lignes mélodiques, la polyphonie
en apparence très libre – c'est à dire en réalité très bien
contrôlée – et l'usage très subtil des timbres. On distingue
assez bien les motifs que les musiciens reprennent et développent;
l'harmonie ne s'interdit pas les accords consonants, mais échappe
toujours aux formules cadentielles toutes faites. Les musiciens du
quatuor Danel jouent chaque note comme si leur vie et celle de leurs
camarades en dépendait: cette intensité de l'engagement produit un
effet quasi hypnotique sur le public qui écoute avec autant de
concentration que de plaisir. Ce quatuor qui se termine comme une
question en suspens, pianissimo, par une double anacrouse non
résolue, paraît trop court, comme d'autres <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2010/12/06/Concert-Bartholom%C3%A9e-%C3%A0-la-philharmonie-de-Li%C3%A8ge">oeuvres récentes de Bartholomée</a>. On aimerait bien le ré-entendre en entier.</p>
<p style="margin-bottom: 0cm; "><span style="font-style: normal; ">L'oeuvre
qui suit paraît au contraire un peu longuette. En trois mouvements
(quatuor seul / mixte / électronique seule) </span><em style="font-style: normal; ">Quivering</em><span style="font-style: normal; ">
de <strong>Catherine Seba</strong> s'inspire autant de la musique du moyen-âge que du
</span><em style="font-style: normal; ">heavy trash gothic metal</em><span style="font-style: normal; ">
(enfin, ce genre de chose, je ne suis pas spécialiste). La
compositrice paraît avoir oublié qu'entre le moyen-âge et la
techno, dans la musique occidentale, durant une courte période de
500 ans, il s'est passé quelque chose de tout à fait spécial:
l'invention de la </span><em>polyphonie</em><span style="font-style: normal; ">, qui permet à plusieurs lignes
musicales de dialoguer au lieu de simplement se superposer ou se succéder. Et aussi
celle de la </span><em>modulation</em><span style="font-style: normal; ">, qui permet de changer de couleur harmonique
et de la </span><em>variation</em><span style="font-style: normal; ">, qui permet d'éviter l'ennui en conservant un
sentiment d'unité. Vous l'aurez compris, l'écoulement assez
linéaire et mono-dimensionnel de cette pièce m'a déçu et j'ai
trouvé le temps long, spécialement dans la dernière partie où les
quartettistes s'ennuient poliment pendant qu'on passe une bande
composée de plusieurs « boucles » qui tournent en rond
autour de 3 ou 4 notes.</span></p>
<p style="margin-bottom: 0cm; font-style: normal"><span style="font-style: normal">Ce qui
suit est plus excitant. </span><em>Le identità fluide </em><span style="font-style: normal"><span style="text-decoration: none">pour
quatuor à cordes et électronique temps réel est de <strong>Lorenzo
Pagliei</strong>, un élève de Lachenmann, et j'ai d'abord cru que c'était
de Lachenmann à cause d'un inversion de l'ordre annoncé sur les
programmes. C'est de la musique « bruitiste » ou le
travail sur le son (et sur tous les modes exotiques de production du
son: col legno, sul pont, verso pont, etc) est primordial. Il y a
beaucoup d'idées, d'échanges entre les instruments, de contrastes.
L'intégration de l'électronique et des instruments me paraît plus
réussie que dans la pièce précédente. L'amplification permet à
des effets qui d'ordinaire sont limités par leur très faible volume sonore </span></span><span style="font-style: normal"><span style="text-decoration: none">(comme par exemple l'archet frotté </span></span><em><span style="text-decoration: none">verticalement</span></em><span style="font-style: normal"><span style="text-decoration: none">
le long d'une corde) d'interagir avec d'autres sons. Si j'ai pu être
agacé par certains sons électroniques (dont une « sonnerie de
téléphone » qui revient beaucoup), l'ensemble valait le coup
d'oreille.</span></span></p>
<p style="margin-bottom: 0cm; text-decoration: none; "><span style="font-style: normal; "><span style="text-decoration: none">La
pièce qui termine le concert est </span></span><em style="font-style: normal; "><span style="text-decoration: none">Gran
Torso</span></em><span style="text-decoration: none; ">
d'<strong style="font-style: normal; ">Helmutt Lachenmann</strong>. Elle date de 1972 et c'est de loin la plus
ancienne de celles qu'on aura entendu ce soir-là. Le programme
explique que ce <em>« pionnier de la synthèse du post sérialisme
et de la musique expérimentale »</em> a inventé rien moins que la
<em>« musique concrète instrumentale »</em>. En clair, cela consiste à utiliser toutes les manières possibles de produire des
sons avec un violon et un archet, sauf bien sûr celle qu'on utilise
habituellement. Archet frotté contre le bois de la caisse ou bien
contre le cordier, pizzicatos violents et étouffés (de manière à
ce qu'on n'entende que l'impact et pas la hauteur du son), archet
écrasé (le son produit peut évoquer un cordage qui grince sur un
bateau), jeu derrière le chevalet, percussion du bout métallique de l'archet contre la mentonnière... il faudrait une notice
détaillée avec des schémas ou une vidéo pour expliquer tout cela.
Beaucoup de sons sont très faibles, aux limites de l'inaudible. Des
silences assez longs qui créent l'attente, la frustration ou
l'exaspération, selon les auditeurs, et confèrent une étrangeté
plus grande encore aux sons qui surgissent ensuite. Et le plus
étonnant ? Ça sonne plutôt bien. C'est l'usage à contre-emploi
des instruments élevé au rang d'art. Une sorte de caricature
savamment travaillée de tout ce que les gens détestent en général
dans la musique contemporaine. Je ne dirais pas que la musique de
Lachenmann est vraiment plaisante à écouter, mais elle accroche
l'oreille, et il faut bien reconnaître que beaucoup de compositeurs
« bruitistes » font figures de gentils amateurs à côté
de lui. Ça n'a pas tellement de sens de refaire du Lachenmann
aujourd'hui (en moins bien), mais il faut bien reconnaître que les
sons étranges qu'il utilise ont trouvé leur place dans la boîte à
outils des compositeurs de ce début de XXIe siècle, à côté
d'autres outils comme la musique sérielle, spectrale, ou électro-acoustique.</span></p>
<p style="margin-bottom: 0cm">Ne
terminons pas ce billet sans redire l'admiration que me cause
l'interprétation du <strong>quatuor Danel</strong> dans tout ce programme, vraiment
digne de tous les éloges pour la qualité et l'intensité de leur
« jouer ensemble » au service de la musique. Bravo,
messieurs, j'ai hâte de vous écouter à nouveau.</p>