Le journal de papageno - Mot-clé - beautéLe Journal de Papageno est un blog francophone consacré à la musique classique et contemporaine.2023-08-18T08:55:10+02:00Patrick Loiseleururn:md5:e3d6f6e2ebef7c45d0c5e125b87d9f0aDotclearRose Fleur d'Oranger, pour sept violoncellesurn:md5:2aafeab86ba370ada722a7ce76c4ab9f2015-03-25T15:03:00+01:002015-03-25T15:15:05+01:00Patrick LoiseleurCompositionsbeautécompositioncréationLiègemusique contemporainemusique de chambrevioloncelle<p>En 2013, à la demande d'Yseult Kervyn et de la classe de Jean-Pol Zanutel du Conservatoire Royal de Liège, j'ai commencé un cycle pour violoncelle et électronique intitulé <em>La Couleur Me Possède</em> . Ce titre fut inspiré par une phrase du journal du peintre Paul Klee qui était un grand coloriste. Chaque pièce associe une couleur et un sentiment, et pour l'instant trois pièces sont terminées:</p>
<ul><li>Blanc Deuil</li>
<li>Noir Colère</li>
<li>Rose Fleur d'Oranger</li>
</ul> <p>Nos lectrices attentives ne manqueront pas de remarquer que "Fleur d'Oranger" n'est pas un sentiment ! Pas tout à fait, mais presque. Si vous avez la chance de vous promener dans un jardin ou un champ comportant des orangers, je vous invite à regarder de près les fleurs de ces arbres: en apparence blanches, elle sont à l'intérieur de la corolle d'un rose infiniment délicat et subtil dont la contemplation ne peut que vous plonger dans une douce rêverie méditative.</p>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/compo/rose_fleur_oranger.jpg" alt="rose_fleur_oranger.jpg" title="rose_fleur_oranger.jpg, mar. 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p>L'ensemble du cycle ustilise des micro-intervalles: tiers de ton, et par combinaison avec les demi-tons, sixièmes de ton. Les micro-intervalles sont utilisés de façons mélodique (le motif principal en tiers de ton est assez caractéristique et reconnaissable à l'oreille), mais égelement de façon harmonique. Par exemple dans un accord de septième, si on abaisse la septième d'un sixième de ton (le fa dans un accord sol-si-ré-fa par exemple), on se rapproche de la septième harmonique naturelle, et l'on obtient un accord non tempéré mais consonnant.</p>
<p>Laissons là ces considérations un peu techniques: on peut écouter et regarder <a href="https://youtu.be/3Fktt2jK2nM?t=9m36s">une performance live de cette pièce par Yseult Kervyn à Liège en novembre 2013</a> . La partition est disponible chez Tamino Productions <a href="https://www.scoreexchange.com/scores/167533.html">au format PDF</a> et <a href="http://www.lulu.com/shop/patrick-loiseleur/rose-fleur-doranger/paperback/product-22099865.html">au format papier</a>.</p>
<p>Il me reste à remercier chaleureusement la belle et talentueuse <strong>Yseult Kervyn</strong>, bien sûr; ainsi que ses professeurs,<strong> Jean-Pol Zanutel</strong> (professeur au conservatoire de Liège) et <strong>Jeanne Maisonhaute </strong>(violoncelliste du quatuor Tana). Et à espérer que le cycle continue à se développer dans les années à venir jusqu'à développer tout un arc-en-ciel de couleurs sonores.</p>Méditation sur la beauté (François Cheng)urn:md5:0f2b26a88a9ec59fbc57e56783bb3a3c2014-08-22T23:17:00+02:002014-08-22T22:22:42+02:00Patrick LoiseleurPoésieartbeautéLouvreméditationreligion<p>(...) Sur un autre registre, nous pensons aussi à tous ceux qui, innocents, subissent de terribles épreuves, morales ou physiques. Pour peu qu'à travers douleurs et souffrances ils gardent cette part de lumière qui sourde de l'âme humaine, et nous voilà saisis par cette lueur de beauté qui transparaît dans un visage émacié, délaissé. Oui, la beauté ne saurait jamais nous faire oublier notre condition tragique. Il y a une beauté proprement humaine, ce feu de l'esprit qui brûle, s'il brûle, au-delà du tragique.</p> <p>Tous les humains ne sont pas amenés à traverser les épreuves dont je viens de parler. Mais tous peuvent prendre part à cette grandeur née de la dignité intérieure de l'être qui fait face au terrible, au nom de la vie. C'est probablement pourquoi, dans l'art occidental, les tableaux représentant la Pietà comptent parmi ses plus grands chefs-d'oeuvre. Prenons la <a href="http://www.panoramadelart.com/la-pieta-de-villeneuve-les-avignon" hreflang="fr">Pietà d'Avignon</a> du Louvre, l'une des plus impressionantes.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/Enguerrand_Quarton__La_Pieta_de_Villeneuve-les-Avignon__c._1455_.jpg" title="Enguerrand_Quarton__La_Pieta_de_Villeneuve-les-Avignon__c._1455_.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/.Enguerrand_Quarton__La_Pieta_de_Villeneuve-les-Avignon__c._1455__m.jpg" alt="Enguerrand_Quarton__La_Pieta_de_Villeneuve-les-Avignon__c._1455_.jpg" title="Enguerrand_Quarton__La_Pieta_de_Villeneuve-les-Avignon__c._1455_.jpg, août 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Ce tableau, peint par Enguerrand Quarton en 1455, est la première grande manifestation en France de la peinture de chevalet. L'artiste, ne s'embarassant ni de tradition d'école ni de préciosité technique, y a mis toute la force de son âme. Le tableau, tout en largeur, a les dimensions d'un tryptique mais il est d'une pièce. Le cadavre du Crucifié s'étale à l'horizontale le long du tableau, un corps raidi et cassé, les jambes affaissées, le bras droit à l'abandon, avec, au bout, une main aux doigts rétractés. Autour du cadavre sont disposés trois personnages. Du côté gauche, Jean se penche en avant vers la tête du Christ, tandis que ses deux mains, d'un geste de dévotion qui reflète un amour filial sans bornes, cherchent à arracher les épines enfoncées dans le crâne du supplicié. Du côté des pieds du Christ, à droite donc, voilà Marie Madeleine. Elle aussi s'incline en avant, sa main gauche tenant un flacon de parfum. Sa robe rouge sans couvre le cadavre jusqu'à mi-corps (comme du sang qui reflue). Le pan de la doublure retournée avec lequel elle essuie ses larmes est de couleur jaune ; il fait écho aux rayons jaune or qui émanent de la tête du Christ. Du visage pâle de la femme, on voit la joue encore enfiévrée de passion et les lèvres entr'ouvertes comme si elle continuait à appeler l'homme, à lui souffler les mots d'amours jamais prononcés, jamais interrompus. Au milieu du tableau se tient la Vierge. C'est sur ses genoux qu'est posé le corps de son fils. Elle est vêtue d'une robe couleur de la nuit obscure, qui souligne plus violemment le teint livide de sa face aux yeux clos, à la bouche fermée. On croit entendre son cri muet de chagrin mêlé de stupéfaction. Buste dressé, elle est la seule figure verticale du tableau, tandis que les deux autres sont en position horizontale ou oblique. Ainsi dressée, elle semble attendre, au coeur même de sa douleur, une réponse venue d'en haut.</p>
<p> Notre regard revient et se fixe à nouveau sur le corps décharné du Christ qui structure tout le tableau, qui en forme pour ainsi dire l'ossature, et presque paradoxalement, la ligne de force. Nous voyons que c'est lui qui réunit et unit les vivants, les entraînant dans mouvement de convergence et de partage. C'est lui qui, ayant provoqué les larmes de désespoir de tous, semble seul capable maintenant de sécher ces larmes. Ce corps terriblement raidi et arc-bouté devient tout d'un coup l'expression d'une noble intransigeance, car il rappelle la terrible résolution que le maître de ce corps a prise avant de mourir: celle de prouver que l'amour absolu peut exister et qu'aucune mal ne peut l'altérer ni le souiller.</p>
<p><strong>François Cheng</strong>, extrait de la <em>Troisième</em> des <em>Cinq Méditations sur la beauté</em> (Albin Michel, 2006).</p>A Phillisurn:md5:1db4243c5f602983d59377d2e1df4a7c2014-06-03T10:41:00+02:002014-06-03T09:42:31+02:00Patrick LoiseleurPoésieamourartbeautémerpoésie<p>Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,<br />Et la mer est amère, et l’amour est amer,<br />L’on s'abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,<br />Car la mer et l’amour ne sont point sans orage. </p> <p>Celui qui craint les eaux, qu’il demeure au rivage,<br />Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer,<br />Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,<br />Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage. </p>
<p>La mère de l’amour eut la mer pour berceau,<br />Le feu sort de l’amour, sa mère sort de l’eau,<br />Mais l’eau contre ce feu ne peut fournir des armes. </p>
<p>Si l’eau pouvait éteindre un brasier amoureux,<br />Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,<br />Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.</p>
<p><strong>Pierre de Marbeuf</strong> (1596 - 1645)</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/jean_dubbels_tempete.jpg" title="jean_dubbels_tempete.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/.jean_dubbels_tempete_m.jpg" alt="jean_dubbels_tempete.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="jean_dubbels_tempete.jpg, juin 2014" /></a></p>
<p>Illustration: Jean Dubbels, <em>Tempête</em></p>Où es-tu me vois-tu m'entends-tu...urn:md5:943163064eb06c247ee2b4359bef7c452014-05-07T22:28:00+02:002014-05-07T22:28:00+02:00Patrick LoiseleurPoésieamourartbeautémerpoésie<p>Où es-tu me vois-tu m'entends-tu<br />Me reconnaîtras-tu<br />Moi la plus belle moi la seule<br />Je tiens le flot de la rivière comme un violon<br />Je laisse passer les jours<br />Je laisse passer les bateaux les nuages<br />L'ennui est mort près de moi<br />Je tiens tous les échos d'enfance mes trésors<br />Avec des rires dans mon cou</p>
<p>(Paul Éluard, <em>Médieuses,</em> 1939)</p> <p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/poesie/medieuses-cad78.jpg" alt="medieuses-cad78.jpg" title="medieuses-cad78.jpg, mai 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" /><br _moz_editor_blogus_node="TRUE" _moz_dirty="" /></p>Axia Marinescu joue Schubert, Schumann, Brahmsurn:md5:d37f4ab213e7d674d65c84716abff7962014-03-31T08:21:00+02:002014-04-01T07:45:17+02:00Patrick LoiseleurConcertsbeautéconcertFranz Schubertmusique romantiquepianorécital<p>Entendu le 27 mars dernier à la mairie du 7ième arrondissement Paris, un récital solo de la pianiste Axia Marinescu, entièrement consacré à la musique romantique allemande.</p> <p>Je suis frappé tout d'abord par la petite taille du piano: à peine un mètre cinquante de long, autant dire un "quart de queue", piano dont j'apprendrai plus tard qu'il est de marque chinoise, de qualité médiocre, et que seule l'intervention d'un accordeur deux heures avant le récital a évité le pire, car certaines touches ne se relevaient pas après avoir été enfoncées. Tous les pianistes ne peuvent se permettre de se déplacer avec leur Steinway modèle D comme Zimerman ou Horowitz en son temps...</p>
<p>Axia Marinescu commence par la sonate en la mineur de Schubert, . Il y a dans son jeu une forme de simplicité, quelque chose d'enfantin qui convient particulièrement bien à cette musique, à ses naïvetés charmantes et à ses divines longueurs. Le romantisme de Schubert est définitivement celui de l'adolescent rêveur au coeur tendre, à mille lieues du cynisme d'un Musset ou de la brutalité désabusée d'un Baudelaire. Et on s'y laisse prendre bien volontiers prendre, on s'abandonne, on se laisse bercer et consoler...</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/axia_marinescu_27mars2014.jpg" title="axia_marinescu_27mars2014.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.axia_marinescu_27mars2014_m.jpg" alt="axia_marinescu_27mars2014.jpg" title="axia_marinescu_27mars2014.jpg, avr. 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a>Les intermezzi op 118 de Brahms sont au contraire une oeuvre de maturité qui requièrent une technique aboutie et surtout un sens des lignes mélodiques. Malgré les limites de l'instrument que j'ai mentionné, Axia Marinescu s'en sort très bien et nous livre un beau moment de poésie.</p>
<p>Enfin viennent les scènes d'enfant de Schumann, lesquelles ne sont en rien destinées aux enfants, sauf peut-être aux petits prodiges du piano. On y retrouve les mêmes emportements, les mêmes enthousiames juvéniles que chez Schubert, un peu assombris par les harmonies schumaniennes toujours torturés et douloureuses. Même quand Eusebius chante, Florestan n'est jamais très loin...</p>
<p>En bis, elle nous offre une étude de Debussy, brillantissime. Chaleureuse et engagée comme beaucoup de musiciens roumains, Axia Marinescu est une artiste dont je suivrai désormais le travail avec autant de plaisir que d'intérêt.</p>Stabat Materurn:md5:6be897a3f23d9d5bfc94173d2a6a5f692014-03-15T10:42:00+01:002014-03-15T12:07:44+01:00Patrick LoiseleurConcertsbeautéchant lyriqueconcertmusique anciennereligionsoprano<p>La belle et talentueuse Véronique Housseau chantera le magnifique <em>Stabat Mater</em> de Pergolèse et celui, moins connu, de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dFuEQEs6A24">Vivaldi</a> dimanche 23 mars prochain à 17 heures à l'Eglise réformée d'Auteuil, en duo avec le contre-ténor Rodrigo Ferreira, accompagnée par l'ensemble La Cavatine. Les détails sont sur le site de <a href="http://www.lacavatine.free.fr/wp-content/uploads/Flyer-recto-verso-Stabat-Mater-Auteuil1.pdf" hreflang="fr">La Cavatine</a>.</p> <p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/Flyer_Stabat_Mater_Auteuil-page001.jpg" alt="Flyer_Stabat_Mater_Auteuil-page001.jpg" title="Flyer_Stabat_Mater_Auteuil-page001.jpg, mar. 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" />Comme l'écrit la soprano avec enthousiasme dans le programme:</p>
<blockquote><p><em>Le Stabat Mater de Pergolèse jouit d’une popularité et d’un prestige exceptionnels, largement justifiés par la beauté de l’oeuvre. Ce Stabat Mater est l’oeuvre ultime et la plus célèbre du grand compositeur napolitain. Il fut commandé par la Confraternité des Chevaliers de Saint-Louis du Palais pour être joué à la fête des Sept Douleurs de la bienheureuse Vierge Marie et composé en 1736 au monastère de Pouzzoles, près de Naples, où le jeune musicien passa ses deux derniers mois, avant de succomber prématurément de tuberculose à l’âge de 26 ans. Pergolèse y mit certainement toute son ardeur en plus de sa ferveur religieuse.</em></p>
<p><em>Œuvre du plein baroque, le Stabat Mater est empreint d’un mysticisme torturé, mélangeant l’effusion lyrique de l’opéra et la profondeur spirituelle de l’oratorio. Grave au début, bondissante parfois, exaltée souvent, recueillie tout le temps, cette oeuvre n'est pas un chant du cygne triste mais une musique vivante, vibrante de dévotion, qui atteint une noblesse, une vérité de sentiments, un pouvoir expressif et une émotion rares, alliés à une simplicité de moyens.</em></p>
</blockquote>
et à propos des motets de Vivaldi:
<blockquote><p><em>Ces motets, qui comptent parmi les plus connus, sont également écrits pour un petit effectif de cordes et basse continue, mais pour une seule voix soliste, contralto pour le Stabat Mater et soprano pour l’ In turbato mare irato. Avant Pergolèse, Vivaldi avait donné cette version sublime du Stabat Mater dans un style concertant.</em></p>
<p><em>L’autre motet, quant à lui, est une métaphore du marin qui, par mer agitée, se fie à la belle étoile qui brille dans le ciel – la Vierge Marie – pour ne pas faire naufrage.</em></p>
<p><em>Le contenu poétique des textes fournit à Vivaldi l’occasion de composer une musique très expressive, brillante, voire théâtrale, qui n’est pas incompatible avec une émotion sincère et une spiritualité qui témoigne d’une foi profonde. A la différence de ses contemporains, celui que l’on dénommait le Prêtre roux teinte ses oeuvres sacrées d’une couleur dite « moderne » qui donne pleins pouvoirs à la mélodie soliste. A la voix mêlée aux instruments il confie un chant orné très raffiné, sans virtuosité gratuite. Cordes et voix cheminent à l’unisson ou se répondent constamment. Parfois le violon solo exalte les mélismes jubilatoires de la voix. Toute la force expressive repose sur cet art de la mélodie, mais aussi sur l’art des images musicales et des contrastes, que Vivaldi maîtrise à la perfection par de multiples procédés : alternance des tempos vifs et lents, des tons majeurs et mineurs, changement brusque d’atmosphère, variété d’écriture passant d’un total dépouillement à une virtuosité éblouissante, qui représentent la quintessence du langage musical italien au début du XVIIIe siècle.</em></p>
</blockquote>C'est qu'il nous faut consentirurn:md5:3d426c15460e7060af65c2cb9d89c2632014-03-05T13:50:00+01:002014-03-05T14:12:47+01:00Patrick LoiseleurPoésieamourbeautéorguepoésie<p>C'est qu'il nous faut consentir<br />
à toutes les forces extrêmes ; <br />
l'audace est notre problème <br />
malgré le grand repentir.</p> <p>Et puis, il arrive souvent <br />
que ce qu'on affronte, change :<br />
le calme devient ouragan, <br />
l'abîme le moule d'un ange.<br />
</p>
<p>
Ne craignons pas le détour. <br />
Il faut que les Orgues grondent, <br />
pour que la musique abonde <br />
de toutes les notes de l'amour.</p>
<p>Reiner Maria Rilke, extrait de <em>Vergers </em>(unique receuil de poèmes écrit directement en français par le célèbre auteur des<em> Elégies de Duino</em> et des <em>Lettres à un jeune poète</em>)</p>Hommage à la vieurn:md5:9a0a8b42fecebf528e281a65eaf149132014-01-24T11:04:00+01:002014-01-24T11:06:24+01:00Patrick LoiseleurPoésiebeautépoésie<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/poetes/Jules_Supervielle.jpg" alt="Jules_Supervielle.jpg" title="Jules_Supervielle.jpg, janv. 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" /><br _moz_editor_blogus_node="TRUE" _moz_dirty="" /></p> C'est beau d'avoir élu<br />Domicile vivant<br />Et de loger le temps<br />Dans un coeur continu,<br />Et d'avoir vu ses mains<br />Se poser sur le monde<br />Comme sur une pomme<br />Dans un petit jardin,<br />D'avoir aimé la terre,<div>La lune et le soleil,</div><div>Comme des familiers</div><div>Qui n'ont pas leurs pareils,</div><div>Et d'avoir confié</div><div>Le monde à sa mémoire</div><div>Comme un clair cavalier</div><div>A sa monture noire,</div><div>D'avoir donné visage</div><div>A ces mots : femme, enfants,</div><div>Et servi de rivage</div><div>A d'errants continents,</div><div>Et d'avoir atteint l'âme</div><div>A petit coups de rame</div><div>Pour ne l'effaroucher</div><div>D'une brusque approchée.</div><div>C'est beau d'avoir connu</div><div>L'ombre sous le feuillage</div><div>Et d'avoir senti l'âge</div><div>Ramper sur le corps nu,</div><div>Accompagné la peine</div><div>Du sang noir dans nos veines</div><div>Et doré son silence</div><div>De l'étoile Patience,</div><div>Et d'avoir tous ces mots</div><div>Qui bougent dans la tête,</div><div>De choisir les moins beaux</div><div>Pour leur faire un peu fête,</div><div>D'avoir senti la vie</div><div>Hâtive et mal aimée,</div><div>De l'avoir enfermée</div><div>Dans cette poésie.</div><div>Jules Supervielle, <em>1939-1945 </em>(éditions Gallimard)</div>A late quartet (Le quatuor) par Yaron Zilbermanurn:md5:5d957b4e28bc68085a1102370c23ece32013-07-29T11:04:00+02:002013-07-29T10:06:25+02:00Patrick LoiseleurCinémaaltobeautécinémaLudwig van Beethovenmusique romantiquequatuorviolonvioloncelle <p>Sorti l'hiver dernier aux US, cet été en France dans une relative discrétion, <em>A Late Quartet </em>raconte l'histoire d'un quatuor à cordes professionnel côté coulisses. Le violoncelliste (Christopher Walken, magnifique) découvre qu'il est atteint de la maladie de Parkinson, ce qui déclenche une crise majeure au sein du célèbre quatuor <em>La Fugue</em> qui allait entamer sa vingt-sixième saison. Des passions réprimées ou bien enfouies depuis des années font surface et mettent rudement à l'épreuve l'harmonie de ce drôle de mariage à quatre qu'est le quatuor à cordes. Recentré autour de cinq personnages principaux, servi par un jeu d'acteurs qui sonne très juste, le drame se déroule dans un impeccable crescendo émotionel jusqu'au premier concert de la saison, qui cristallise toutes les passions.</p>
<p>Le silence qui précède ce concert, les regards échangés par les quartettistes et ce que leurs visages expriment par leur immobilité même, est un très beau moment de cinéma. Ayant pénétré l'histoire, les motivations, les rêves réalisés ou contrariés de chacun d'eux, la force et la subtilité des liens qu'ils ont tissé en vingt-cinq ans, on comprend un peu mieux pourquoi quatre archets peuvent exprimer autant d'émotions, et nous boulverser au plus profond.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/cinema/a-late-quartet.jpg" title="a-late-quartet.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/cinema/.a-late-quartet_m.jpg" alt="a-late-quartet.jpg" title="a-late-quartet.jpg, juil. 2013" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Le sixième personnage, invisible mais omniprésent, est le quatorzième quatuor en ut dièse mineur du grand Ludwig van. Il forme l'essentiel de la bande son du film. Sa nature fragmentée et imprévisible épouse celle de la narration, qui procède par petites touches. Sa force expressive donne plus de relief à des scènes intimistes et souvent très pudiques (certains critiques ont jugé que c'était un peu surjoué par moments, mais je n'ai pas eu cette impression).</p>
<p>Les musiciens le savent bien: lorsqu'on travaille une pièce sérieusement, on la décortique, on la répète, on finit par en être obsédé, elle nous habite et revient par fragments dans notre oreille intérieure à tout moment de la journée. Ce film est une tentative pour faire entrer le spectateur dans l'univers mental d'un violoniste professionnel, et en tant que tel c'est une réussite. Le soin apporté au détails (il est manifeste que les acteurs ont travaillé plusieurs mois pour ne pas avoir l'air trop ridicules avec un archet dans la main, même les doigtés et coups d'archet des scènes en playback sont corrects) montre que ce film a été réalisé par un amoureux de la musique. Au milieu de la torpeur estivale, ce conte d'hiver new-yorkais est une heureuse surprise qui démontre si besoin est que le cinéma américain ne se limite pas aux blockbusters dont les ficelles scénaristiques sont aussi grosses que le budget. </p>