Le journal de papageno - Mot-clé - compositionLe Journal de Papageno est un blog francophone consacré à la musique classique et contemporaine.2023-08-18T08:55:10+02:00Patrick Loiseleururn:md5:e3d6f6e2ebef7c45d0c5e125b87d9f0aDotclearBeethovenia, 21 variations pour piano seulurn:md5:c48c050ba10ddd717307d8cd8bffae822019-08-13T19:37:00+02:002019-08-13T18:41:51+02:00Patrick LoiseleurCompositionscompositionLudwig van BeethovenPatrick LoiseleurpianoTamino Productions<p>Aujourd'hui j'ai mis en ligne <a href="https://tamino-productions.com/11-scores/loiseleur/127-beethovenia-for-piano-solo-loiseleur">une de mes partitions les plus anciennes</a> (qui porte la référence L3 dans mon <a href="https://loiseleur.com/patrick/catalogue.html" hreflang="fr" title="Catalogue Patrick Loiseleur">Catalogue</a>). Une série de 21 variations pour piano seul, en ut mineur, intitulée <em>Beeethovenia</em>.</p> <p>Pourquoi ce titre ? Il m'est arrivé comme à tout le monde, et peut-être plus qu'à d'autres, en raison de ma passion pour la musique, de subir l'influence d'un compositeur jusqu'à l'obsession. Jusqu'à la rage, jusqu'à la passion, jusqu'à l'écoeurement parfois. Ainsi de Chostakovitch, Bruckner, Schubert et de quelques autres. Comment se débarrasser de ces influences envahissantes ? La meilleure technique que j'ai trouvé consiste à écrire de la musique pastichant le style du compositeur qui me hante. Une façon d'assumer, mais aussi de digérer, de disséquer ce qui me fascine et finalement de m'en délivrer.</p>
<p>Ainsi ces 21 variations sont en Ut mineur, tonalité beethovénienne par excellence. Le thème principal est un proche cousin de celui du Finale de la tempête. On y trouve quelques allusions et citations directes (5e symphonie, Variations Diabelli) mais c'est surtout le style que j'ai cherché à imiter, plutôt que recopier servilement les notes elles-même. Ainsi de la grande énergie rythmique, de l'oscillation harmonique 5/1 et de l'usage assez intensif des septièmes diminuées. Une des choses dont je suis assez fier est d'avoir réussi à conserver la même pulsation à 3/4 pour toute les variations, des plus calmes aux plus agitées, des plus intimes à celles qui ont une ampleur quasi symphonique. Cette unité rythmique permet de créer une sorte de grand arc dramatique qui conduit du début à la fin d'un seul souffle.</p>
<p>Ecrites en 2005, ces variations portaient trop la marque de mon inexpérience en matière d'harmonie, de contrepoint, etc pour que je me dispense de les réviser. Je n'ai commencé à étudier sérieusement la composition musical que 2 ans plus tard. C'est donc une version révisée, qui corrige les fautes d'écritures les plus choquantes tout en préservant l'élan et l'enthousiasme de la jeunesse que je publie aujourd'hui.</p>
<p>Est-ce que ces Variations seront jouées en public ? Oui, prochainement, je l'espère. Restez connectées, chères lectrices. En attendant la partition est <a href="https://tamino-productions.com/11-scores/loiseleur/127-beethovenia-for-piano-solo-loiseleur" hreflang="en">d'ores et déjà disponible sur le site Tamino Procuctions</a>.</p>
<p><a href="https://tamino-productions.com/11-scores/loiseleur/127-beethovenia-for-piano-solo-loiseleur" hreflang="en" title="Beethovenia for Piano solo (Loiseleur)"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/piano/.Loiseleur_Beethovenia_Preview_m.png" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>Trois études pour piano: partition disponibleurn:md5:a724acc1bcc3a5916fa6ed6936cd722e2017-02-06T21:30:00+01:002017-06-12T10:33:33+02:00Patrick LoiseleurCompositionscompositioncréationmusique contemporainepartitionPatrick LoiseleurpianoTamino Productionsétudes<p>La partition de mes trois premières <strong>Études pour piano seul</strong> est enfin disponible en ligne, <a href="https://tamino-productions.com/">sur le site Tamino Productions</a>, <a href="https://tamino-productions.com/11-scores/loiseleur/55-three-etudes-for-solo-piano-loiseleur" hreflang="en">au format PDF</a> et <a href="http://www.lulu.com/shop/patrick-loiseleur/three-etudes-for-solo-piano-trois-%C3%A9tudes-pour-piano-seul/paperback/product-23057540.html">au format papier</a>.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/Loiseleur_Etudes_Cover.png" title="Loiseleur_Etudes_Cover.png"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/.Loiseleur_Etudes_Cover_m.png" alt="Loiseleur_Etudes_Cover.png" title="Loiseleur_Etudes_Cover.png, fév. 2017" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p> <ul><li>La première s'intitule <em><strong>L'Araignée</strong></em>, elle est dédiée à Michel Merlet qui fut mon professeur de composition et d'orchestration. Elle s'appelle ainsi en raison de la superposition des deux mains, l'une sur les touches blanches et l'autre sur les touches noires. Les deux mains du pianiste constituent dont une étrange araignée à dix doigts qui court en tous sens sur le clavier avant de s'immobiser, menaçante et comique en même temps.</li>
</ul>
<div><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/Loiseleur_Etudes_Preview.png"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/.Loiseleur_Etudes_Preview_m.png" alt="" style=" display: block;" /></a></div><ul>
<li>La deuxième a pour titre <em><strong>Le charme discret des quintes parallèles.</strong> </em>Elle est dédiée un peu ironiquement à Théodore Dubois, qui fut professeur d'harmonie puis directeur du Conservatoire de Paris, et qui n'aimait sans doute pas du tout les quintes parallèles. Cette Étude prend la forme d'un thème et variations. Un premier thème assez doux se transforme progressivement en des motifs plus énergiques et rythmiques, jusqu'à parvenir à un climax où l'interprète ensevelit littéralement le clavier sous un trémolo de clusters furieux, avant de revenir au thème initial (qui sonne un peu bizarrement après tant de sauvagerie). Grâce à mon ami Philippe Hattat, je dispose d'<a href="https://youtu.be/oW2WsH3i50M?list=PLCXGRhQ0omCc4ZkX3aXYqrUCYhaGZ00Vh">un bel enregistrement de cette deuxième Étude qu'on peut écouter et voir en ligne</a>.</li>
<li>La troisième Étude est inédite et sera créée cette année sans doute. Elle s'intitule <em><strong>Les sources intérieures</strong>. </em>Certain(e)s de mes ami(e)s à qui j'ai montré mes brouillons m'ont parlé d'une musique Debussyste ou Lisztienne. Il y a cependant une couleur hyper-tonale qu'on ne trouve ni chez Debussy ni chez Liszt, qui vient d'un travail harmonique où la consonance est poussée jusqu'à la saturation (et donc jusqu'à l'absorption de la dissonance). Ce n'est pas très clair quand on l'explique avec des mots, c'est plus clair avec la musique. Restez en ligne, chères lectrices, pour découvrir peut-être un enregistrement de cette pièce dans les mois qui viennent.</li>
</ul>
Comme vous le savez, le piano est <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2008/09/28/Je-hais-le-piano">un instrument qui me fascine, m'amuse et m'effraie tout à la fois</a>. Contrairement à tant d'autres, je ne suis pas un pianiste-compositeur, ce qui est un handicap, mais aussi, et comme tous les handicaps, une richesse. En effet je n'entends pas le monde à travers une grille formatée de demi-tons tempérés, ce qui constitue une énorme ouverture. Quand aux pièces modernes pour piano que j'aime et qui ont pu m'influencer, il y a les <em>Vingts regards</em> ou le <em>Catalogue d'Oiseaux</em> d'<strong>Olivier Messiaen</strong> mais aussi la <em>Serynade</em> d'<strong>Helmutt Lachenmann</strong>, les six <em>Sonates</em> de <strong>Galina Ustvolskaya</strong>, celles d'<strong>Olivier Greif</strong> ou les pièces post-impressionnistes de <strong>Tristan Murail</strong>. Et j'en oublie certainement !
<p>Un premier cahier de <a href="https://tamino-productions.com/11-scores/loiseleur/55-three-etudes-for-solo-piano-loiseleur">trois Études</a> étant maintenant prêt, il reste à le faire jouer ici et là, en Europe et ailleurs. Et à chercher non des idées pour de nouvelles pièces (car j'en ai déjà trop) mais du temps pour les mettre en forme, pour aller au bout de chacune. Je suis et je reste un Étudiant...</p>Ce qu'on gagne en perdanturn:md5:5474c60eb13100a97064b2ce17b51a272016-04-07T12:35:00+02:002016-04-07T11:43:18+02:00Patrick LoiseleurCompositionscompositionconcourshyper-tonalquatuorQuatuor Tana<p>Il y a quelques semaines, j'avais soumis une pièce pour quatuor à cordes à un concours de composition organisé par la <a href="http://sorodha.be/FR/contest.php" hreflang="fr" title="Société Royale d'Harmonie d'Anvers">Société Royale d'Harmonie d'Anvers</a>. Comme toujours ce fut le <em>rush</em> pour arriver à terminer la pièce dans les temps, sans compter qu'avec les enfants et mon bolout d'ingénieur à mi-temps, je n'ai pas autant de temps pour travailler que je le souhaiterais. Le jury a reçu pas moins de 95 oeuvres et devait en sélectionner 5 qui seront jouées par le <a href="http://www.quatuortana.net/" hreflang="fr" title="Quatuor Tana">Quatuor Tana</a> lors du prochain Festival d'Aix-en-Provence. Ma pièce n'a pas été sélectionnée mais apparemment ça ne s'est pas joué à grand-chose à en croire cette mention du jury:</p>
<p> </p>
<blockquote>
<p>Le jury tient à exprimer son admiration par rapport à la grand qualité des œuvres soumises, et souhaite faire mention expresse des œuvres <strong><em>Aux frontières du silence</em></strong> de <strong>Patrick Loiseleur</strong> (France) et <strong><em>Jardins suspendus</em></strong> de <strong>Adrian Mocanu</strong> (Ukraine), qui sont restées en lice jusqu'à la fin.</p>
</blockquote> <p>Le lendemain, j'ai reçu un autre message d'un des membres du jury: </p>
<blockquote>
<p>Cher Patrick. Je viens de connaître les noms des caches derrière les partitions du concours sorodha. Et je vois ton nom derrière la pièce que j'avais donnée gagnante ...je la trouve idéale en ce sens qu'elle montre un équilibre entre une recherche de timbre et un discours évident du matériau musical. Et une forme solide. Bravo et désolé que l'on vote n'ai pas suffit...Amitiés.</p>
</blockquote>
<p>Alors, déçu ? Oui, un peu, naturellement, car c'était une belle occasion de travailler avec les musiciens du Quatuor Tana que j'aime beaucoup. Mais pas tant que ça, en vérité, car je ne suis qu'à moitié satisfait de la pièce que j'ai produite. Elle contient quelques idées intéressantes, qui ne sont pas exploitées complètement à fond. À la réflexion, il n'y a aucune pièce dont je puisse me déclarer pleinement satisfait jusqu'à présent !! Peut-être est-ce la raison pour laquelle je repousse régulièrement ce projet de disque monographique qui serait pourtant utile à n'en pas douter. Cet été, après avoir terminé deux autres projets (une nouvelle pièce du cycle <em>La Couleur Me Possède</em> pour violoncelle et électronique, et la fin de mes <em>Béatitudes</em> pour violon et piano), je reprendrai sans doute ce premier jet, et j'en ferai un véritable <em>Deuxième Quatuor</em>, peut-être en trois mouvements au lieu d'un. Mon premier quatuor restant la <a class="ref-post" href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2012/08/20/Fugue-sur-le-nom-de-Chostakovitch">Fugue sur le nom de Chostakovitch</a>.</p>
<p> </p>
<figure style="margin: 0 auto; display: table;"><img alt="quatuor_tana_baudoin_de_jaer.jpg" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/musiciens/.quatuor_tana_baudoin_de_jaer_m.jpg" />
<figcaption>Quatuor Tana (crédit photo: <a href="http://www.quatuortana.net/#!Pris-sur-le-vif-avec-Baudoin-/wfrv6/570533e70cf27bf9349d4008">Jarek Frankowski</a>)</figcaption>
</figure>
<p> </p>
<p>La leçon que je retire de tout cela ? Il faut donner du temps au temps. Même si c'est difficile pour un tempérament impatient et bouilonnant comme le mien de l'admettre, je n'ai pas encore le niveau. À quarante ans passés, malgré les diplômes obtenus à l'ENM de Paris et au Conservatoiere de Liège, je reste un jeune compositeur, un débutant. Cela ne fait pas encore 10 ans que je me consacre à l'écriture et à la composition musicale, et je commence tout juste à entrevoir les possibilités de la musique hyper-tonale qui sont déjà en germe dans mon <em>Trio avec Piano </em>par exemple. Il me faudra bien encore 10 ans de plus acquérir un style propre, et pour faire une véritable théorie de ce qui n'est pour l'instant qu'un ensemble d'intuitions vagues. Qu''est-ce que la musique hyper-tonale ? C'est une vision qui permet d'intégrer l'héritage tonal et les avant-gardes musicales du XXe siècle, et de dépasser la dialectique tonal/atonal notamment grâce à l'apport de la musique spectrale et de progrès scientifiques en acoustique et en neurologie de l'audition. Hyper-simple en somme...</p>La dernière colère de Pierre Boulezurn:md5:c645539d0bc1645c2ce71060547119a62016-01-17T23:13:00+01:002016-01-17T23:23:01+01:00Patrick LoiseleurGénéralchef d orchestrecompositioncréationmusique contemporainemusique françaisemusique sériellePierre Boulezpolitique<p>Monsieur Pierre Boulez nous a quitté le 6 janvier dernier. Hommages et témoignages n’ont cessé d’affluer, dans la presse écrite (avec une série d’articles de Renaut Machart dans le Monde, la une de Libé) mais aussi sur ma radio préférée, France Musique, où des musiciens comme Pierre-Laurent Aimard ou Pascal Dusapin ont trouvé des mots justes et d’une émouvante simplicité pour évoquer sa mémoire. (à réécouter dans le <a href="http://www.francemusique.fr/emission/classic-club">« Classic Club » de Lionel Esparza</a> du 7 janvier). Il n’y a guère que le Gorafi qui n’a pas encore rendu hommage à sa façon au musicien français le plus célèbre dans le monde après David Guetta.</p><p>C’est en 1945 qu’Olivier Messiaen accueille dans sa classe d’Analyse au Conservatoire un jeune homme de vingt ans particulièrement brillant, dont il ne tarde pas à remarquer le tempérament bouillant et irascible. C’est une colère terrible qui anime Pierre Boulez, colère qu’on peut déjà sentir dans sa <em>Première Sonate</em> pour piano, et qui ne s’est jamais calmée depuis. On sent encore très nettement une forme de rage froide dans la pièce <em>Sur Incises</em> de 1998. Avec quelques autres (Cage, Stockhausen, Ligeti, Berio, Xenakis) ils vont péter la baraque. Du haut de leur vingt ans, ils vont ringardiser ceux qu’on considérait comme avant-gardistes dans les années 1930 : Messiaen, Hindemith, Bartók, Stravinsky, Janacek, Chostakovitch, et même Schönberg.</p> <p>En colère, d’accord, mais contre quoi, contre qui ? Contre la vulgarité et la bêtise, contre la facilité et le conformisme, contre le sentimentalisme bon marché. Les violentes saillies de Boulez en interview sont légendaires, même ses amis et ardents défenseurs peuvent en citer quelques-unes, l’INA en a même conservé en vidéo.</p><p>Mais vous savez quoi ? Pierre Boulez avait raison. Sur toute la ligne. Et depuis le début. Raison de se moquer de cette manie bizarre pour la musique ancienne (« il faudrait aussi porter perruque et s’éclairer à la bougie »). Raison de protester sans cesse contre le conservatisme étouffant qui tue la musique occidentale. Raison de pester contre ces interprètes qui choisissent leur répertoire pour mettre en valeur leur ego au lieu de servir la musique. Raison de dire que les maisons d’opéra sont devenues des musées poussiéreux et qu’il vaudrait les mieux les « brûler ». Raison de se battre pour que la musique d’aujourd’hui soit soutenue par les pouvoirs publics, pour que les musiciens soient respectés, qu’ils disposent de lieux de concerts décents comme la Cité de la Musique puis la Philharmonie.</p><p>Oui, l’intraitable monsieur Boulez a dit des horreurs sur le jazz, sur Schubert, sur Messiaen et Jolivet, et sur bien d’autres choses, mais c’était aussi et avant tout un bâtisseur qui a créé l’IRCAM, et l’Ensemble Inter-contemporain, excusez du peu ! Et quel autre compositeur a consacré autant de temps et d’énergie, en tant que chef d’orchestre, à défendre la musique des autres, à la produire en concert, et avec quel talent, quelle exigence, quelle précision, quelle humilité ! De Wagner à Berio, en passant par Debussy, Bartók et Messiaen, nombreux ceux qui lui doivent des interprétations d’anthologie qui font figure de référence. Cet infatigable travailleur a très activement contribué aux préjugés sur la musique « élitiste » et au clivage violent entre musique néo-tonale et musique atonale ; mais il a aussi et avant tout servi la musique toute sa vie, avec un talent, une sensibilité, une intelligence et une lucidité que personne ne lui contestera.</p><p>Quant à la musique de Boulez, n’en déplaise à ses détracteurs, cela fait déjà quelque temps qu’elle s’est installée dans le paysage, et elle est là pour durer. Malgré la grande virtuosité qui les caractérise et peut limiter leur diffusion (les pianistes capables d’affronter la <em>Deuxième Sonate</em> ne sont pas légion), ses œuvres ont déjà conquis leur public. Le <em>Marteau sans maître</em>, <em>Messagesquisse</em>, <em>Dérives, Notations</em> et <em>Répons</em> sont d’ores et déjà des classiques. Leur étonnant mélange de raffinement et de brutalité sera peut-être vu dans quelques années comme caractéristique du XXe siècle (ne trouve-t-on pas Olivier Greif, pourtant classé parmi les « néo-tonals », le même alliage ?). Cela étant dit, il est fort possible et tout à fait souhaitable que les compositeurs empruntent d’autres chemins au XXIè siècle. Certains musiciens comme Arvo Pärt et Penderecki l’ont déjà montré en tournant le dos à la musique sérielle les années 1970. L’intelligence est toujours plaisante à entendre, chez Bach comme chez Boulez, mais l’oreille même impose des limites à l’intellectualisation de l’écriture. Et la voie de virtuosité instrumentale extrême, illustrée jusque dans ses excès par Brice Pauset ou Brian Ferneyhough, me semble bel et bien épuisée. Quant au débat sur la dissonance ou la tonalité, il appartient au siècle passé, voilà bien longtemps qu’il ne tourmente plus personne. En ce sens la disparition de Pierre Boulez marque bien la fin d’une époque.</p><p>On le savait malade depuis quelques années (alors que <a class="ref-post" href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2010/06/10/Papy-fait-de-la-resistance">pour ses 85 ans il avait encore drôlement la pêche</a>), et l’exposition qui lui fut consacrée en janvier 2015 par la Philharmonie de Paris avait déjà un petit air d’hommage posthume, comme il n’a pu faire le déplacement pour l’inaugurer. Son dernier livre <em>« les Neurones enchantés »</em> avec Jean-Pierre Changeux et Philippe Manoury (on peut en consulter une extrait sur <a href="http://www.lepoint.fr/culture/changeux-dans-la-tete-de-boulez-03-10-2014-1869066_3.php">le site du Point</a>) montrait cependant qu’il n’avait rien perdu de sa faconde ni de sa curiosité.</p><p>Je ne peux m’empêcher de quel sujet a déclenché l’ire du compositeur français pour la dernière fois. A-t-il eu un coup de sang lorsque son aide-soignante lui déclara après avoir écouté son disque qu’elle préférait Miley Cirus ? S’est-il étouffé de rage en regardant <a class="ref-post" href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2013/08/07/La-musique-n%C3%A9otonale%2C-et-apr%C3%A8s">tel conférencier</a> aux goûts plutôts conservateurs invité par son successeur au collège de France ? Une infirmière bien intentionnée mais maladroite lui aurait-elle passé une playlist avec l’intégrale de Ludovico Einaudi pour l’endormir ? A-t-il regardé le programme de l’opéra de Paris qui cette année encore propose zéro création et peu de mises en scène qui ne soient pas des reprises ? Ou encore fait une crise d’apoplexie devant la demi-finale de <em>The Voice</em> ? Nous ne le saurons pas. La vulgarité et la facilité sont tellement envahissantes aujourd’hui, y compris dans les lieux et media dédiés à la Culture avec un grand Cul, que les raisons de s’indigner sont innombrables, surtout lorsqu’on a consacré sa vie à la grande musique avec humilité autant qu’avec exigence.</p><p>À l’instar de Schönberg, Boulez restera sans doute l’un des musiciens les plus mal compris et aimés de ce siècle. Sa verve de polémiste aura peut-être desservi sa musique, en attirant l'attention sur les mots plutôt que sur les sons. En réduisant sa musique à une technique d'écriture (sérielle en l'occurence) au lieu de l'apprécier pour elle-même. En réalité, la musique de Boulez n’est pas plus difficile d’accès ni plus dissonante que celle du très discret Dutilleux. Il m’est arrivé plusieurs fois de la faire écouter à des amis sans leur donner le nom du compositeur, et d'obtenir des réactions variées comme <em>« c'est beau »</em> <em>« c'est du moderne écoutable » « c'est très sensuel, presque Debussyste ».</em> Maintenant que l'encombrant personnage médiatique célèbre pour ses coups de gueule a quitté la scène, nous allons peut-être redécouvrir et apprécier sa musique pour elle-même ? Les polémiques s'éteignent avec le temps, la musique demeure. La bonne musique, surtout. Qui s'émeut aujourd'hui de la querelle entre les Lisztiens et Wagnériens et les Brahmsiens ? Il est possible que dans quelques années on regarde en souriant le combat féroce des sériels contre les néo-tonals. Qu'on programme les uns et les autres dans les mêmes concerts. D'ailleurs, n'avons-nous pas déjà commencé à le faire ? Une page se tourne, un siècle se termine, Monsieur Boulez a désormais rejoint Berlioz, Chausson, Debussy, Messiaen et quelques-autres là-haut pour la photo de famille, mais il nous a laissé le meilleur: sa musique. On ne saurait trop l'en remercier.</p>Joyeux Noël avec les Essenti'Ellesurn:md5:878f8e22f000d918e59f48edaa34af2b2015-12-27T22:39:00+01:002016-02-07T14:43:34+01:00Patrick LoiseleurCompositionschant lyriquechoeurcompositionmusique religieuseNoëlPatrick Loiseleurreligionsopranovidéo<p>L'ensemble vocal féminin Les Essenti'Elles vous souhaite un joyeux Noël avec ce chant de Noël écrit spécialement pour l'occasion par l'auteur de ce journal:</p><p><iframe width="560" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/WR9DPYdq0Wc?rel=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe></p> <p>La fête de Noël n'a pas toujours été cette orgie de consommation qu'elle est devenue dans les pays riches, avec Saint Nicolas recyclé en Père Noël et réduit à la fonction de distribuer des cadeaux fabriqués en série (et en Chine le plus souvent). Avec également cette folie de la (mal)bouffe qui crée davantage de souffrance chez les animaux et de maux de ventre chez ceux qui les consomment que de joie véritable. Je ne vous apprendrai rien, chère lectrices, si je vous dis que cette fête païenne et consumériste n'a rien en commun avec la célébration de la Nativité.</p><p>Qu'est-ce donc que la fête de Noël ? Que signifie-t-elle surtout pour ceux et celles qui comme moi ne croient pas en la Résurrection ? C'est d'abord une invitation à s'émouvoir et à s'émerveiller de la naissance d'un enfant. C'est reconnaître la beauté et la puissance de la vie et de l'amour dans ce geste simple et fondamental: enfanter, donner la vie. C'est voir la grandeur de celui qui s'est fait petit parmi les petits, humble parmi les humbles. Né sur la paille d'une étable, salué par des bergers avant de l'être par des princes, ce Dieu fait homme nous a appris à prier debout comme des hommes libres, les mains tournés vers le Ciel, à appeler Dieu Notre Père, à regarder tous nos semblables humains comme des frères. "Aimez-vous les uns les autres", voilà un message simple dont on ne saurait minimiser l'importance. Et dont l'actualité ne fait que nous rappeler l'urgence, jour après jour. Oublions les guirlandes, la crèche, les cadeaux dans du papier doré, le sapin, le Père Noël, la bûche glacée et tous les autres accessoires: l'esprit de Noël est celui de la simplicité, du dépouillement, et du partage.</p><p>C'est pourquoi j'ai le bonheur de souhaiter du fond du coeur à chaque personne qui lira ce billet un joyeux Noël. Je vous souhaite de trouver au fond de votre coeur cette joie émerveillée, cette gratitude, cet amour enfantin et profond. Et de la partager sans compter avec tous vos proches.</p><p>Quant à la conclusion de ce billet spécial Noël, elle tient en deux mots: merci et bravo à Sabine Revault d'Allones et aux Essenti'Elles.</p>Création partielle du Quintette pour flûte, harpe et trio à cordes à Cologneurn:md5:ec5aa605fe9e8e93e3b587f5bf893e4c2015-09-22T11:04:00+02:002015-09-22T10:15:24+02:00Patrick LoiseleurCompositionsaltoColognecompositioncréationflûteharpemusique contemporainemusique françaisepapillonsVincent Royerviolonvioloncelle<p>Tellement occupé par ailleurs, j’ai omis d’annoncer la création le 12 septembre 2015 de mon <strong>Quintette pour flûte, harpe, violon, alto et violoncelle</strong>. Une pièce qui m’a été commandée suite au succès d’<a class="ref-post" href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2014/11/13/Treize-altos-sinon-rien">une autre pièce pour 13 altos</a> qui fut créée à la Philharmonie de Cologne dans le cadre de sa saison de musique de chambre. J’ai choisi pour titre <em>« Leben und Lieben eines Schmetterlings »</em> et nos chères lectrices qui parlent parfaitement l’allemand n’ont pas besoin de dictionnaire pour savoir que cela se traduit par <em>« Vies et Amours d’un Papillon »</em>. Seuls deux mouvements étaient terminés pour ce concert, alors que je voulais en écrire cinq (mais je le ferai certainement) :</p>
<ul>
<li><span style="line-height: 1.6em;">« <em>Nachtstück</em> » (Noctune)</span></li>
<li><span style="line-height: 1.6em;">« <em>Erstflug</em> » (Envol).</span></li>
</ul> <p>Il faut rendre hommage à ces musiciens qui ont proposé un très beau programme de musique de chambre française avec harpe (Camille Saint-Saëns, Vincent d’Indy, Jean Cras, et votre serviteur). Ayant eu fort peu de temps pour travailler la pièce, <strong>Alja Velkavehr</strong> (flûte), <strong>Saskia Kwast</strong> (harpe), <strong>Ursula Maria Berg</strong> (violon), <strong>Vincent Royer</strong> (alto) et <strong>Johannes Nauber</strong> (violoncelle) ont fait un travail magnifique. Je leur demandais beaucoup : dans le <em>Nachtstück</em> ils emploient des sons percussifs ou inharmoniques, et la pièce comporte également des passages semi-improvisés. Voilà qui va plutôt réjouir et stimuler les stars de la musique contemporaine comme Vincent Royer, et emmener les musiciens plus classiques et peut-être le public au-delà de leur zone de confort. Quels qu’aient été les défis pour les interprètes, le résultat s’avère à la hauteur : bien que n’étant pas très satisfait de ma pièce et animé d’un furieux désir de la réviser sérieusement, je peux attester que le résultat dépassait de loin mes espérances, et que ces musiciens ont créé un moment de pure beauté, de poésie, qui mérite toute ma gratitude autant que les félicitations du public. Le deuxième mouvement, <em>Erstflug</em>, de facture plus classique pour faire contraste avec le premier, fut lui aussi joué avec autant de talent que de sensibilité, et avec toute la légèreté requise pour que notre petit Papillon puisse s’envoler.</p>
<p><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/Creation_Schmetterling_12Sep2015.jpg"><img alt="Creation_Schmetterling_12Sep2015.jpg" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.Creation_Schmetterling_12Sep2015_m.jpg" style="margin: 0 auto; display: block;" title="Creation_Schmetterling_12Sep2015.jpg, sept. 2015" /></a></p>
<p><span style="line-height: 1.6em;">Ainsi donc, après avoir eu grand plaisir à écrire pour cette formation très riche qu’est le quintette avec harpe et flûte, j’ai connu la joie de voir cette musique prendre vie sous les doigts d’excellent musiciens dignes de tous les éloges. Et de nouvelles idées, de nouveaux projets plein la tête.</span></p>
<p><span style="line-height: 1.6em;">Et la suite, me direz-vous ? Je n’ai pas pour habitude de vendre la peau de l’ours ni de faire du </span><em style="line-height: 1.6em;">teasing</em><span style="line-height: 1.6em;"> mais j’ai dans mes cartons des esquisses pour trois mouvements supplémentaires, dédiés à la même formation pour flûte, harpe, violon, alto, et violoncelle:</span></p>
<ul>
<li><span style="line-height: 1.6em;">« <em>Nach dem Rein</em> » (Après la pluie)</span></li>
<li>« <em>Liebesspiele</em> » (Jeux amoureux)</li>
<li>« <em>Tod eines Schmetterlinges</em> » (mort d’un papillon)</li>
</ul>Comment écrire une symphonie avec trois notes (remarques sur la Cinquième de Vaughan Williams)urn:md5:0a47f785ab145d15baf3dca233d9bd372015-07-05T17:07:00+02:002015-07-10T17:47:46+02:00Patrick LoiseleurThéorie musicaleanalysecompositionforme sonatemusicologiemusique anglaisemélodiesymphoniethéorie<p>La scène se passe à Londres en novembre 1937. Tandis qu'un brouillard épais et glacé recouvre la ville, dans l'ambiane feutrée et capitonnée du <em>St Regent Composer's Club</em>, le digne Sir Vaughan-Williams finissait un excellent whisky écossais en compagnie de son vieil ami David S, musicologue. Partie des sujets d'actualité, la conversation arriva sur la musique dodécaphonique:</p> <blockquote>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- Mais si, je vous assure ! Ce musicien allemand qui a fui les nazis comme tant d'autres, et s'appelle Arnold Schoenberg, prétend qu'une série de 12 notes suffit à engendrer toute la musique. Et que le nouveau procédé de composition qu'il a inventé va régner sans partage pour les cent ans à venir. 12 notes, seulement, c'est incroyable.</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- <em>Rubbish ! </em>12 notes, c'est beaucoup trop, on n'a pas besoin d'un matériau de départ aussi fourni...</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- Mon ami, auriez-vous perdu la tête ? Vous prétendez qu'on peut faire moins encore ?</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- À dire vrai, cher David, même 6 notes c'est encore beaucoup trop, dit Ralph Vaughan-Williams avec le fin sourire de celui qui a compris une bonne blague mais se gardera bien de vous l'expliquer.</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- Je ne vous suis pas, et pourtant je connais vos compositions mieux que quiconque ! Que faut-il donc pour écrire un quatuor, ou disons plutôt, une symphonie ?</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- Eh bien... le regard de Vaughan-Williams se fit soudain rêveur, comme si l'inspiration commençait à le visiter... je vous parie qu'avec 3 notes seulement, je puis écrire une symphonie entière</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- <em>Three notes ? Thanks Goodness ! This is madness !</em></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><em>- </em>Et pour corser le pari, je vais choisir ces notes ici même, devant vous.</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Hélant le maître d'hôtel, le compositeur britannique lui demanda:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- Georges, mon ami, je crois bien savoir que vous avez trois neveux ?</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- Oui, monsieur</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- Pourrais-je pousser l'impolitesse jusqu'à vous demander leurs prénoms ? N'y voyez rien de personnel, il s'agit d'un simple pari.</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- Charles, Dwight, et Fanny, monsieur</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">- Merci infiniment, Georges. Vous ne pouvez pas savoir à quel point vous venez de me rendre service.</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Grifonnant une portée de 5 lignes sur une serviette en papier, Ralph Vaughan-Williams nota les trois notes Do, Ré, Fa (C, D, F) et tendit la serviette à son ami perplexe.</p>
</blockquote>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Cette histoire parfaitement authentique, qui m'a été rapporté par l'ex-petite amie de l'arrière-petit-fils du maître d'hôtel en question, est d'une importance musicologique capitale car elle éclaire la construction de cette symphonie d'un jour nouveau. Elle nous permet également de montrer le travail du compositeur dont la réalité quotidienne est bien loin de correspondre aux poncifs romantiques sur l'inspiration et le génie.</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><span style="line-height: 20.8000011444092px;">Ce fameux motif, tel que Vaughan-Wliiams l'utilise dans la Cinquième Symphonie, se compose de deux intervalles plutôt que de trois notes: la quarte et la seconde majeure.</span></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><img alt="1.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.1_s.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="1.png, juil. 2015" /></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">La tierce mineure n'apparaît en quelque sorte que par accident, ou plutôt comme combinaison des deux premiers. Ce que nous allons voir surtout c'est l'incroyable diversité des couleurs, des lignés mélodiques et des textures que Ralph Vaughan-Wliiams construit avec cette cellule de base.</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><span style="line-height: 20.8000011444092px;">Les minutages des exemples que nous fournissons sont relatifs à <a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE">cette vidéo réalisé lors du festival BBC Proms </a>où la symphonie ne commence qu'à <a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE?t=1m43s">1:43</a>. Au tout début de la symphonie, on entend l'appel de deux cors au-dessus d'une pédale de do:</span></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><span style="line-height: 20.8000011444092px;"> <a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/2.png"><img alt="2.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.2_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="2.png, juil. 2015" /></a></span></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><span style="line-height: 20.8000011444092px;">Les commentaires ont bien sûr souligné l'ambiguïté tonale (est-on en do ? en ré ? en sol ? en la mineur ? dans un mode mixolydien ?) mais ce n'est pas le plus important. En fait, comme Bartok ou Strawinsky, Vaughan Williams utilise dans cette symphonie des couleurs harmoniques qui sont <em>engendrées</em> par le travail sur les motifs, et non par un schéma de progression tonale comme c'est le cas dans la musique classique et romantique. Donc on s'en fiche un peu de savoir si on est en do ou en ré, en mineur ou en majeur, ou dans un autre mode. Ce qui compte en revanche est la quarte augmentée ou triton (do-fa#) qui sonne comme une question.</span></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><span style="line-height: 20.8000011444092px;">Cette question, ce sont les violons qui y répondent à <a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE?t=1m53s">1:53</a> avec un motif mélodique composé de ... ? Je vous le donne en mille ! des quartes et des secondes majeures:</span></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><span style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/3.png"><img alt="3.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.3_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="3.png, juil. 2015" /></a></span></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><span style="line-height: 20.8000011444092px;">La parenté avec le motif générateur do-ré-fa est évidente, mais il faut noter également la grande liberté du compositeur qui décompose et recompose ce motif, semble jouer avec (et avec les oreilles de l'auditeur: la quarte est un intervalle très caractéristique que même les jeunes enfants ou les animaux peuvent reconnaître, ainsi que des expériences l'ont montré: je prétends donc que même un auditeur qui n'a pas la moindre notion de solfège pourra identifier ce travail sur les motifs).</span></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Ces premières mesures baignent dans une atmosphère méditative savamment créée par plusieurs élements: une longue note-pédale aux basses, des motifs très simples et une orchestration très dépouillée, des harmonies "vides" (le "mi" qui formerait une tierce avec la note de basse est soigneusement évité). Un certain parallèle avec le début de la première de Malher est possible</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Après cette petite mise en bouche, nous entendons notre fameux motif C-D-F (à <a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE?t=2m22s">2:22</a>) dynamisé par un rythme pointé, prolongé par un ligne mélodique descendante à base de quartes et secondes majeures, présenté en canon:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/4.png"><img alt="4.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.4_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="4.png, juil. 2015" /></a></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Après un long début en ré mineur (sans contradiction avec le fa# entendu initialement au cor), lorsqu'on module brusquement en fa mineur à <a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE?t=3m51s">3:51</a>, on retrouve sous forme de secondaire au cor et basson:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/8.png"><img alt="8.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.8_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="8.png, juil. 2015" /></a>Un motif proche de celui des violons au tout début, à base de quarte et de seconde majeure, bien entendu.</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><span style="line-height: 20.8000011444092px;">Le plan général de ce premier mouvement est une forme sonate bi-thématique, et nos lectrices sont bien trop avancées en analyse pour qu'il soit nécessaire de détailler son plan. Nous remarquerons simplement que le deuxième thème (</span><a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE?t=4m54s" style="line-height: 20.8000011444092px;">4:54</a><span style="line-height: 20.8000011444092px;">) est bien sûr une autre variation, en mi majeur, sur le même motif fondamental:</span></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/5.png"><img alt="5.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.5_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="5.png, juil. 2015" /></a></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Plus loin lors d'un passage plus énigmatique en do mineur naturel (c'est à dire avec un septième degré abaissé, vous suivez toujours dans le fond ?), on retrouve bien sur notre motif favori, utilisé non plus pour construire des mélodies mais pour fabriquer une texture polyphonique aux cordes. Une sorte d'équivalent musical des <a href="http://xavier.hubaut.info/coursmath/doc/pavages.htm">pavages de M.C. Escher</a> si vous voulez, dont voici un fragment:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/6.png"><img alt="6.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.6_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="6.png, juil. 2015" /></a></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Un peu plus loin, dans un passage en fa# mineur à <a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE?t=7m43s">7:43</a>, le même motif apparaît à la fois dans la ligne mélodique confiée aux bois et dans la texture des cordes:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/7.png"><img alt="7.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.7_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="7.png, juil. 2015" /></a></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Mais vous commencez à le reconnaître du premier copu d'oeil ou d'oreille, il est donc inutile que je donne une liste de toutes ces métamorphoses.</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Fort bien, me direz-vous, mais ça n'est que le premier mouvement ! Engendrer les thèmes principaux et secondaire d'un allegro de forme sonate à partir du même motif de base, c'est ce que fait Beethoven dans sa Cinquième avec le célèbre pom-pom-pom-pom, non ? Bien sûr vous avez raison, quelle comparaison judiciseuse. Mais jetons un coup d'oeil au scherzo qui commence en <a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE?t=13m30s">13:30</a>:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/9.png"><img alt="9.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.9_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="9.png, juil. 2015" /></a>Des quartes, et puis notre motif do-ré-fa (transposé d'un ton: ré-mi-sol). Bingo ! Mais ce n'est pas tout. Alors que l'unisson des cordes s'est progressivement transformé en une riche texture polyphonique, toujours pianissimo et en sourdine, une ligne mélodique apparaît aux bois (<a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE?t=13m50s">13:50</a>), se détachant très nettement de la masse fluide des cordes:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/10.png"><img alt="10.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.10_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="10.png, juil. 2015" /></a>Ce sont non pas une mais deux occurences de notre motif fétiche qu'on reconnaît: mi-sol-la (on ignore le fa qui n'est là que pour du remplissage mélodique) et la-do-ré (avec une inversion de la tierce en sixte pour tromper l'ennemi). Re-bingo !</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Comme de juste, notre ami Ralph a également utlisé ce motif pour des fusées descendantes rapides:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/11.png"><img alt="11.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.11_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="11.png, juil. 2015" /></a></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">L'ensemble a une couleur pentatonique (basée sur la gamme la-do-ré-mi-sol) mais à mon humble avis cela ne provient pas d'une volonté de donner une couleur orientale ou exotique mais plutôt du travail motivique et contrapunctique qui engendre naturellement ces harmonies. Elles sont fortement consonnantes mais pas vraiment tonales: on trouve d'ailleurs dans cette symphonie fort peu de formules toutes faites comme des cadences parfaites, quartes et sixtes, préparation ou résolution de septièmes et neuvièmes. Mais là je sens que l'attention de certains d'entre vous se relâche avec ces considérations techniques. Rien de tel que l'intervention inopportune et quelque peu nasillarde du hautbois et du cor anglais à <a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE?t=14m25s">14:25</a> pour nous réveiller:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/12.png"><img alt="12.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.12_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="12.png, juil. 2015" /></a></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Intéressant ! Voilà enfin un motif qui semble échapper à ... en fait il n'y échappe pas vraiment, c'est une diminution de notre motif sous la forme fa bémol - mi bémol - do. La <em>quarte diminuée</em>, voilà un intervalle qu'on pourrait croire réservé au manuels de solfège pour un usage purement académique mais il semble bien dans le cas présent le motif principal reste assez clairement discernable à l'oreille après cette altération. C'est particulièrement clair à un endroit comme <a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE?t=16m44s">16:44</a> où le motif avec quarte diminuée est suivi du motif avec quarte juste. On peut analyser ce massage comme une harmonie de do mineur et majeur mélangés, mais selon moi ce serait passer à côté de l'essentiel. Encore un point gagnant pour Vaughan Williams ! <span style="line-height: 20.8000011444092px;">La démonstration est magistrale et brillante, c'est un vrai feu d'artifice qu'il fait jaillir de ces trois notes. </span>Exercice laissé au lecteur: recenser t<span style="line-height: 20.8000011444092px;">ous les thèmes secondaires du scherzo et montrer comment ils sont apparentés au motif principal. </span></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Nous voici parvenu au début du mouvement lent. Les cordes divisées en pas moins de 16 parties énoncent le début d'un choral pianissimo:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/13.png"><img alt="13.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.13_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="13.png, juil. 2015" /></a>Nous voici dans un autre monde, me direz-vous, bien loin de ce jeu motivique avec trois notes ! Oui, mais regardez la ligne des contrebasses: do-la-sol. Et l'harmonie s'explique comme trois accords parfaits sous forme fondamentale: do (majeur), la (majeur), sol (mineur). Un hasard ? Franchement, le hasard, vous y croyez encore, après tout ce que je vous ai montré ? Et vous croyez aussi au père Noël ? Et au fonctionnement démocratique de la Commission Européenne ?</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Cela étant dit, le mouvement lent comporte en fait le seul thème saillant qui ne soit pas relié au motif principal. Il s'agit en fait d'un emprunt à l'opéra <em>Pilgrim's Progress </em>(<a href="https://youtu.be/q9YoEETzYsE?t=19m15s">19:15</a> au cor anglais) qui se trouve en quelque sorte invité dans la Romance. La majeure partie de celle-ci n'en est pas moins constitué d'un magnifique travail polyphonique avec les cordes, dont tous les motifs sont construits avec des quartes et des secondes majeures. De la belle ouvrage, vraiment, et là encore on voudrait citer chaque mesure ou presque.</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Et lorsque les violoncelles démarrent la<em> Passacaille</em> qui constituent le mouvement final, le thème de celle-ci a comme un air familier à nos oreilles, bien que nous le découvrions. C'est un peu comme faire connaissance de la soeur d'une personne que nous connaissons bien, son visage nous rappelle immédiatement quelque chose:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/14.png"><img alt="14.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.14_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="14.png, juil. 2015" /></a>ainsi que le thème des violons:</p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/15.png"><img alt="15.png" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/vaughan_williams/.15_m.png" style="margin: 0 auto; display: block;" title="15.png, juil. 2015" /></a></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Lors de la création de cette belle symphonie, dédiée "sans permission" à Jean Sibelius, Ralph Vaughan Williams connut un franc succès (qui ne s'est pas démenti depuis) et il fut gratifié d'une chaleureuse poignée de main de son ami musicologue qui reconnut humblement: v<em>ous aviez raison, cher ami ! Je n'ai jamais eu autant de joie à perdre un pari.</em></p>
<p style="line-height: 20.8000011444092px;">Ce qu'il me paraît important de souligner avant de conclure est que la génération de ces motifs n'obéit pas à quelque règle fixée à l'avance et appliquée de façon mécanique (ainsi qu'on pourrait le faire avec un programme informatique). Au contraire, Vaughan Williams utilise ce motif de base avec la plus grande liberté: à l'endroit, à l'envers, mélangé, comme une harmonie, comme une mélodie ou comme élement de construction d'une texture. Il ajoute des notes, renverse ou altère les intervalles, selon ce que son instinct lui dicte. Il en résulte une famille de thèmes qui sonnent de façon naturelle et élégante tout en gardant un air de famille très prononcé. L'impression d'unité qui saisit l'auditeur d'un bout à l'autre de ces 40 minutes de voyage musicale ne doit rien au hasard, et tout au travail méthodique mais inventif d'un artiste. Le plus bel hommage qu'on puisse lui rendre est peut-être d'arrêter là notre bavardage, et de faire silence pour l'écouter vraiment.</p>Autour du piano, Concert-hommage à Olivier Greifurn:md5:00a219ca052994ba9fbc5e5440e7c06f2015-05-25T14:31:00+02:002015-05-25T13:37:16+02:00Patrick LoiseleurConcertscompositionmusique contemporainemusique françaiseOlivier Greifpianorépertoiretrioviolonvioloncelle<p>Le 21 mai 2015 à Paris, le Conservatoire de la rue de Madrid où il a été étudiant (devenu entretemps CRR de Paris) accueillait un très beau concert-hommage à Olivier Greif, intitulé <em>Autour du piano</em>. Ce compositeur disparu en 2000 était également un excellent pianiste, et bien que terriblement exigeante, son écriture pour piano dénote une connaissance intime de l'instrument. Je crois me souvenir d'une interview où il déclarait avec humour que le pianiste en lui devait maudire le compositeur qui lui donnait tant de fil à retordre !</p> <p>Tout d'abord nous entendons<strong> Aline Piboule </strong>dans la <em>Sonate de Guerre pour piano</em> (1975), oeuvre d'un jeune homme de 25 ans qui a déjà complètement trouvé son style. Tout comme la sonate <em>Hammerklavier</em> de Beethoven ou la<em> Sonate en Si </em>de Liszt, elle exige un engagement total de l'interprète qui est mis à rude épreuve, tandis que les oreilles du public ne sont pas davantage épargnées que les marteaux du Bösendorfer. Mais c'est peut-être le mouvement lent, avec son infinie tristesse, qui m'a le plus touché. Il y a des éléments de musique tonale chez Greif, et bon nombre de citations, mais ils sont impitoyablement passés à la moulinette, écrasés par une sorte de nécessité impérieuse et irrésistible qui nous emporte vers l'abîme. Dans le programme Aline Piboule explique avoir été fascinée par <a href="https://youtu.be/QOJ_Hz00FLA" title="Olivier GREIF - Sonate de Guerre (1er mouvement) - Pascal AMOYEL">l'interprétation de cette sonate</a> par<strong> Pascal Amoyel </strong>(qui fut un ami du compositeur et défend beaucoup sa musique) et l'avoir par la suite ajouté à son répertoire, ce qui lui valut un <q>prix Olivier des Greif</q> on ne peut plus mérité. Elle écrit dans les notes de programme:</p>
<blockquote><p><q>C'est une épreuve, mais l'œuvre est d'une telle intensité qu'elle vaut toutes les remises en question. Alors oui, je suis submergée par l'évidence de cette musique, forte de ce qu'elle m'apporte et heureuse des liens humains qu'elle a le pouvoir de créer.</q></p>
</blockquote>
<p>Ensuite <strong>Géraldine Dutroncy</strong> interprète <em>Les Plaisis de Chérence</em>, écrits 20 ans plus tard (1997), et hantés par l'idée de la mort. Ainsi le projet initial du compositeur d'écrire un <q>aimable divertissement à la française</q> n'a pas résisté longtemps. La répétition obsessionnelle et angoissante de motifs apparemment inoffensifs, et l'empilement successif des strates du contrepoint, et des dissonances nées de ces superpositions, nous conduit là encore au bord de la folie et du désespoir (j'invite nos lecteurs à écouter cette version du <a href="https://youtu.be/wCmFfjobcCE">Carillon de Chérence</a> à titre d'exemple). On y retrouve également des éléments idiomatique de l'écriture de Greif comme les sons de cloches. Pleine d'énergie sauvage autant que de sensibilité, la version de Géraldine Dutroncy fait honneur à ce cycle et ne laisse personne indifférent.</p>
<p>Après une pause bien nécessaire pour se remettre de ces émotions, c'est l'<strong>ensemble Olivier Greif de Groningen</strong> qui nous propose le Trio pour piano, violon et violoncelle. Bien que connaissant cette pièce, je ne peux m'empêcher de sursauter lorsque la pianiste <strong>Victoria Dmitrieva</strong> attaque une série de vigoureux cluster des avant-bras qui finiront d'aplatir complètement les feutres dex marteaux (la plupart des pianistes ont tendance à édulcorer un peu ces clusters comme dans <a href="https://youtu.be/RZgpSnrUUaU">cette version</a>). Ces jeuenes interprètes jouent vraiment chaque note comme si leur vie en dépendait, et le résultat sonore et émotionnel est à la hauteur de cet engagement. Mise à part le début de la <em>Java</em>, peut-être, qui apporte un bref répit, la couleur sombre de ce De Profundis instrumental ne se dément pas d'un bout à l'autre. La quasi totalité des matériaux mélodiques sont basés sur un motif de quatre notes qui est celui des initiales de Dmitri Schostakovitch (Ré - Mi bémol - Do - Si) ce qui n'est pas sans m'amuser car je me souviens d'avoir moi-même commis un <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2007/09/08/79-trio-avec-piano-les-partitions-sont-disponibles">Trio avec piano</a> il y a quelques années dont les quatre mouvements étaient précisément basés sur ce même motif.</p>
<p>Le concert se termine avec le <em>Tombeau de Ravel</em> à quatre mains, par Géraldine Dutroncy et <strong>Fuminori Tanada</strong> (pianiste entre autres à l'ensemble itinéraire). D'une certaine douceur élégiaque au début, cette pièce évolue vers un contrepoint démentiel et virtuose, comme une machine à 20 doigts destinée à anéantir le peu de joie ou d'espoir qui pourrait nous rester encore au fond de l'âme à la fin d'un tel concert. Malgré ce bombardement émotionnel, ou peut-être à cause de lui, c e sont des aplaudissements nourris et sincères qui viennent saluer la belle performance des six artistes qui ont tout donné ce soir-là. </p>
<p>Il me faut conclure ce billet en saluant le travail formidable de l'association Olivier Greif et de Patricia Aubertin qui nous donnent l'occasion de vivre de vrais instants privilégiés. L'œuvre d'Olivier Greif possède une grande force et des qualités évidentes: restée confidentielle de son vivant, elle commence à séduire des artistes de ma génération, qui n'ont pas connu le compositeur mais sont manifestement prêts à lui donner la place qui lui revient. Tremblez, mélomanes, pauvre mortels ! La musique de Greif viendra bientôt vous secouer jusqu'au tréfonds de l'âme.</p>Le Roi Arthus de Chausson bientôt à l'Opéra de Parisurn:md5:e1d1fe7f14d364ca7a7e4732005892922015-05-22T10:06:00+02:002015-05-22T09:17:28+02:00Patrick LoiseleurOpérachant lyriquecompositionErnest Chaussonmusique françaiseopéraorchestreParisRichard Wagner<p>Plus de cent ans après sa création à Bruxelles, l'unique opéra d'Ernest Chausson fait enfin son entrée à l'opéra de Paris. Il était temps ! Les Parisiens pourront enfin découvrir ce <em>Tristan</em> à la française, qui narre les amours contrariées (et adultérines) de Lancelot et Guenièvre. Je vous en dirai plus dans un prochain billet, car j'aurais le plaisir d'assister à cet évènement. En attendant je vous invite à écouter cette i<a href="http://www.operadeparis.fr/saison-2014-2015/opera/le-roi-arthus-chausson" hreflang="fr">nterview de Roberto Alagna</a> sur le site de l'Opéra de Paris qui nous dit que l'orchestre est un personnage à part entière, et que la voix n'est qu'une des composantes d'une riche texture.</p>
<p>Bien qu'il s'en défende, l'écriture de Chausson reste assez proche de Wagner, au moins sur le plan technique. La polyphonie (chaque voix se veut une ligne mélodique), le chromatisme avec des modulations incroyables et des changements de couleur magnifiques, le romantisme exacerbé, le développement d'un petit nombre de motifs simples, tout cela est assez wagnérien. Mais la musique de Chausson possède aussi par instants une grâce, une élégance, une légèreté fort peu germaniques, et elle semble annoncer l'impressionnisme.</p> <p>Relire la biographie d'Ernest Chausson pourra consoler plus d'un compositeur vivant: en effet il se plaignait déjà dans les années quatre-vingt (1880, s'entend) du conservatisme du public et des musiciens, et de l'extrême difficulté qu'il y avait à faire jouer sa musique lorsqu'on possède l'inconvénient majeur de ne pas être mort il y a 50 ans ou plus. Ça ne s'est pas amélioré depuis, c'est le moins qu'on puisse dire ! <em>Le Roi Arthus</em> est la parfaite illustration de ces difficultés, car Chausson qui a passé sept années à travaillé sur cet opéra est mort avant de l'avoir entendu.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/Dante_Gabriel_Rossetti_Arthur_s_Tomb_1855.jpg" title="Dante_Gabriel_Rossetti_Arthur_s_Tomb_1855.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/.Dante_Gabriel_Rossetti_Arthur_s_Tomb_1855_m.jpg" alt="Dante_Gabriel_Rossetti_Arthur_s_Tomb_1855.jpg" title="Dante_Gabriel_Rossetti_Arthur_s_Tomb_1855.jpg, mai 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>À quoi sert-il de passer l'essentiel et le meilleur de son temps à écrire un opéra qu'on n'entendra même pas ? La réponse se trouve dans une lettre de Chausson que j'ai piquée dans l'excellente <a href="http://www.lalibrairie.com/tous-les-livres/ernest-chausson-gallois-j-9782213031996.html" hreflang="fr">biographie de Jean Gallois chez Fayard</a>:</p>
<blockquote><p><em>En dehors des grands hommes il y a les milliers de petites fourmis qui piochent ingragement et suent consciencieusement; ce qu'elles font n'a pas grande portée; cela ne change rien et pourtant elle ne peuvent faire autre chose. Pourquoi diable suis-je une de ces bêtes-là ? [...] Je vois clairement en m'observant tout ce que je tiens des autres et je conclus qu'il n'y a pas une parcelle, dans tout ce que je puisse faire, qui soit tout à fait à moi, rien qu'à moi. De là à se demander s'il ne vaudrait pas mieux ne rien faire, il n'y a qu'un pas. Mais c'est justement là que mon manque de logique apparaît [...] Je sais très bien que je puis arriver un jour ou l'autre à écrire une oeuvre musicale intéressante pour quelques esprits curieux, mais entre cela et une œuvre d'art véritable il y a un monde. Comment se fait-il donc que je ne puisse m'empêcher d'écrire ? Je l'ai essayé; je ne puis pas, il y a alors en moi comme une fonction organique qui ne s'accomplit pas; je deviens tout à fait insupportable. Ce qu'il y a de plus bizarre c'est que, malgré tout ce que je viens de dire sur la perception de l'œuvre d'art et le découragement où je suis de n'y pouvoir jamais parvenir, je travaille comme si, à ce moment, je pensais tout à fait différemment. Mais une fois l'entrain passé, je rage de voir combien ce que je fais est si loin de ce que je voudrais faire, de ce qu'il me semble que j'entends dans ma tête. Et le lendemain je retravaille tout de même.</em></p>
</blockquote>
<p><small>Illustration: Dante Gabriel Rossetti: Lancelot et Guenièvre sur la tombe du roi Arthur (1855)</small></p>Rose Fleur d'Oranger, pour sept violoncellesurn:md5:2aafeab86ba370ada722a7ce76c4ab9f2015-03-25T15:03:00+01:002015-03-25T15:15:05+01:00Patrick LoiseleurCompositionsbeautécompositioncréationLiègemusique contemporainemusique de chambrevioloncelle<p>En 2013, à la demande d'Yseult Kervyn et de la classe de Jean-Pol Zanutel du Conservatoire Royal de Liège, j'ai commencé un cycle pour violoncelle et électronique intitulé <em>La Couleur Me Possède</em> . Ce titre fut inspiré par une phrase du journal du peintre Paul Klee qui était un grand coloriste. Chaque pièce associe une couleur et un sentiment, et pour l'instant trois pièces sont terminées:</p>
<ul><li>Blanc Deuil</li>
<li>Noir Colère</li>
<li>Rose Fleur d'Oranger</li>
</ul> <p>Nos lectrices attentives ne manqueront pas de remarquer que "Fleur d'Oranger" n'est pas un sentiment ! Pas tout à fait, mais presque. Si vous avez la chance de vous promener dans un jardin ou un champ comportant des orangers, je vous invite à regarder de près les fleurs de ces arbres: en apparence blanches, elle sont à l'intérieur de la corolle d'un rose infiniment délicat et subtil dont la contemplation ne peut que vous plonger dans une douce rêverie méditative.</p>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/compo/rose_fleur_oranger.jpg" alt="rose_fleur_oranger.jpg" title="rose_fleur_oranger.jpg, mar. 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p>L'ensemble du cycle ustilise des micro-intervalles: tiers de ton, et par combinaison avec les demi-tons, sixièmes de ton. Les micro-intervalles sont utilisés de façons mélodique (le motif principal en tiers de ton est assez caractéristique et reconnaissable à l'oreille), mais égelement de façon harmonique. Par exemple dans un accord de septième, si on abaisse la septième d'un sixième de ton (le fa dans un accord sol-si-ré-fa par exemple), on se rapproche de la septième harmonique naturelle, et l'on obtient un accord non tempéré mais consonnant.</p>
<p>Laissons là ces considérations un peu techniques: on peut écouter et regarder <a href="https://youtu.be/3Fktt2jK2nM?t=9m36s">une performance live de cette pièce par Yseult Kervyn à Liège en novembre 2013</a> . La partition est disponible chez Tamino Productions <a href="https://www.scoreexchange.com/scores/167533.html">au format PDF</a> et <a href="http://www.lulu.com/shop/patrick-loiseleur/rose-fleur-doranger/paperback/product-22099865.html">au format papier</a>.</p>
<p>Il me reste à remercier chaleureusement la belle et talentueuse <strong>Yseult Kervyn</strong>, bien sûr; ainsi que ses professeurs,<strong> Jean-Pol Zanutel</strong> (professeur au conservatoire de Liège) et <strong>Jeanne Maisonhaute </strong>(violoncelliste du quatuor Tana). Et à espérer que le cycle continue à se développer dans les années à venir jusqu'à développer tout un arc-en-ciel de couleurs sonores.</p>La mairie de Paris refuse de rendre hommage à Dutilleuxurn:md5:592459d062cbe8ce23267f2abfc5c83f2015-03-19T01:42:00+01:002015-03-27T09:26:37+01:00Patrick LoiseleurHumeurcompositionmusique contemporainemusique françaiseParispolitiquepétition<p>A lire <a href="http://lindependantdu4e.typepad.fr/arrondissement_de_paris/2015/03/refus-dune-plaque-%C3%A0-la-m%C3%A9moire-dhenri-dutilleux-un-petit-cours-dhistoire-pour-les-%C3%A9lus-de-la-majorit.html">ici</a> (sur le blog l'indépendant du 4e), <a href="http://www.diapasonmag.fr/actualites/a-la-une/la-mairie-de-paris-salit-la-memoire-d-henri-dutilleux">ici</a>, et puis encore <a href="http://www.diapasonmag.fr/actualites/a-la-une/affaire-dutilleux-christophe-girard-a-cote-de-la-plaque">ici</a>, sur le site de Diapason magazine (ou encore dans <a href="http://www.lemonde.fr/musiques/article/2015/03/17/henri-dutilleux-plaque-par-la-mairie-de-paris_4595542_1654986.html" hreflang="fr">Le Monde</a>). En résumé, le maire du IVe arrondissement a refusé d'apposer une plaque commémorative sur l'immeuble de l'île Saint Louis qui fut occupé par Henri Dutilleux, au nom d'une sorte de ridicule procès posthume en collaboration. Comparer Dutilleux avec l'écrivain Céline n'est pas judicieux ni justifié par les faits historiques.</p> <p>Ceux qui le souhaitent peuvent signer la <a href="https://www.change.org/p/non-%C3%A0-la-calomnie-sur-le-compositeur-henri-dutilleux-apposition-d-une-plaque-comm%C3%A9morative?just_created=true">pétition</a> qui approche déjà les 5000 signatures à l'heure où j'écris ces lignes. Cela dit, que ce politicien sectaire et mal informé se rassure: Dutilleux n'a guère besoin d'une plaque, et son nom continuera d'être honoré longtemps après que l'actuel maire d'arrondissement aura quitté ses fonctions et que tous ses (mé)faits seront tombés dans l'oubli.</p>
<ul><li>Mise à jour le 27 mars: alors que ce qu'on appelle désormais <q>l'affaire Dutilleux</q> fait plus de bruit, l'Académie des Beaux-arts fait part de sa <q>consternation</q> (à lire dans <a href="http://www.lefigaro.fr/culture/2015/03/19/03004-20150319ARTFIG00374-affaire-dutilleux-l-indignation-de-l-academie-des-beaux-arts.php">le Figaro</a> et <a href="http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-75005/affaire-dutilleux-les-beaux-arts-denoncent-une-decision-injuste-19-03-2015-4618325.php">le Parien)</a>, et Diapason relève<a href="http://www.diapasonmag.fr/actualites/a-la-une/affaire-henri-dutilleux-anne-hidalgo-aux-abonnes-absents"> le silence de la maire de Paris sur le sujet</a>.</li>
</ul>Présences 2015 à la Maison de la Radiourn:md5:c22aa6d952bd9d99972562281e6fe05b2015-02-17T11:55:00+01:002019-02-15T00:55:25+01:00Patrick LoiseleurConcertsAttalicompositionconcertcréationfestivalMaison de la radiomusique contemporaineorchestre<p>Entendu le 6 février dernier, dans le nouvel auditorium de la <a href="http://maisondelaradio.fr/" hreflang="fr" title="Maison de la Radio">Maison de la Radio</a> à Paris, le concert d'ouverture du festival <a href="http://maisondelaradio.fr/evenement/festival-presences/presences-2015-les-deux-ameriques-1" hreflang="fr">Présences 2015 dédié aux deux Amériques</a>. Quelques mots d'abord sur cet Auditorium qui remplace l'ex Studio Olivier Messiaen. Imaginez un grand cylindre dont la base fait une vingtaine de mètres de diamètre. Le premier niveau est consacré au deux tiers pour la vaste scène qui peut accueillir facilement une centaine de musiciens, et pour un tiers aux spectateurs. Ensuite, sur trois niveaux, des spectateurs sur trois grands balcons qui font le tour complet. Le grand avantage de cette architecture est la proximité avec les musiciens ainsi que la possibilité de voir le chef d'orchestre de face, ce que personnellement j'apprécie beaucoup. </p> <p>Par ailleurs l'acoustique me paraît très claire et bien définie, on distingue très bien chaque instrument sans que l'ensemble souffre d'une sécheresse excessive. A cause des multiples réverbérations sans doute, il peut être difficile de localiser la source d'un son, mais ce léger manque de précision spatiale ne serait un problème que pour les oeuvres orchestrales qui utilisent explicitement la spatialisation du son, qui sont fort peu nombreuses même dans la musique contemporaine.</p>
<p>Au menu, nous avions une pièce n°2 pour petit orchestre (1986) de <strong>Colon Nancarrow</strong>, où les musiciens du Philharmonique de Radio France démontrent qu'ils pourraient fort bien faire le même travail que ceux de l'inter-contemporain, avec la même précision et le même enthousiasme. Cette pièce me fait penser à Strawinsky (à Pulcinella par exemple) peut-être par le côté faussement néo-tonal. Comme toutes les pièces de Nancarrow que je connais, elle est d'une très grande densité polyphonique alliée à une certaine vélocité, ce qui réjouit l'oreille tout en la fatiguant quelque peu.</p>
<p>Vient ensuite le <em>Concerto Sacra</em> de <strong>Richard Dubugnon</strong> pour hautbois et orchestre. C'est vraiment la bonne surprise de la soirée. Basée sur des motifs de chant grégorien, ce concerto est intensément lyrique et mélodique sans jamais regarder du côté néo-tonal pour autant. L'orchestration très fine utilise toutes les ressources des instruments (et en particulier du hautbois) en évitant le côté "catalogue d'effets" qu'on trouve parfois chez des musiciens moins inspirés. Un seull exemple: les multiphoniques de hautois solo qui ouvrent le concerto, avec des résonnances de cloches tubulaires: cela sonne, tout simplement. Saluons au passage la belle performance d'Olivier Doise que les difficultés techniques redoutables ne semblent jamais empêcher de chanter librement.</p>
<p>Le concerto suivant, pour violoncelle, par l'argentin <strong>Esteban Benzecry</strong>, me convainc beaucoup moins. Bien que <strong>Gautier Capuçon</strong> l'interprète avec beaucoup de fougue, je m'y ennuie d'un bout à l'autre. Je n'y entends que des formules toutes faites et pas très inspirées, de longs passages doublés à la sixte par exemple dans la partie soliste, des progressions assez prévisibles qui ne créent pas franchement d'émotion. Je n'en dirai pas plus car je préfère parler de ce que j'aime: disons simplement que je n'ai pas trop accroché.</p>
<p>L'Espacio Ritual de <strong>Darwino Aquino</strong> qui suit m'emballe beaucoup plus, on y trouve une énergie sauvage qui n'est pas sans évoquer le Sacre du Printemps.</p>
<p>Pour la dernière pièce d'<strong>Evencio Castellanos</strong> (qui au Vénézuela ce que Jean Sibelius est à la Finlande, l'orgueil de toute une nation), le trompettiste solo a revêtu une couverture colorée de mariachi qui annonce clairement la couleur. Cette joyeuse fanfare plein de vie, d'énergie et de couleurs conclut de joyeuse façon ce beau concert inaugural dirigé par le maestro <strong>Manuel Lopez-Gomez</strong>.</p>
<p>Quelques jours après ce beau programme, je lis <a href="http://cordesetames.com/2015/02/11/la-musique-atonale-est-un-terrorisme-musical-entretien-avec-jacques-attali/">une interview de Jacques Attali sur le site Cordes et Âmes</a> qui qualifie de "terrorisme muscial" la musique atonale. Vraiment ? Le millier de spectateurs qui assistait à ce beau concert de musique principalement atonale n'avait pas l'air terrorisés, même pas un peu effrayés à vrai dire. Ils avaient même l'air tout à fait ravis d'écouter tant de belle musique bien jouée. Il est décevant de trouver des propos aussi réducteurs et négatifs dans la bouche d'un homme par ailleurs si brillant et dont j'avais beaucoup aimé le livre <em>Bruits</em>. De grâce, monsieur Attali, personne ne vous oblige à écouter les styles de musique que vous n'aimez pas; ne vous sentez pas obligé de coller de si vilaines étiquettes sur les artistes ! Qu'y a-t-il de commun vraiment entre un compositeur dont l'activité est de créer de la musique et un fou furieux qui débarque avec un kalachnikov pour faire un carton plein dans une salle de rédaction ?</p>Et un sourireurn:md5:1b20331b0ed859d737f91f81012af3402015-01-22T22:09:00+01:002015-01-27T09:53:06+01:00Patrick LoiseleurHumeurcompositionEluardhiverpianopoésieLa nuit n’est <a href="http://youtu.be/jc7ygcWqhEE">jamais complète</a><br />Il y a toujours, puisque je le dis<br />Puisque je l’affirme<br />Au bout du chagrin une fenêtre ouverte<br />Une fenêtre éclairée<br />Il y a toujours un rêve qui veille,<br />Désir à combler, faim à satisfaire,<br />Un cœur généreux<br />Une main tendue, une main ouverte,<br />Des yeux attentifs<br />Une vie,<br />La vie<br />À se partager.<div>Paul Éluard</div> Les mille et une mises en musique de Théophile Gautierurn:md5:9151f45a6e6398df0febf32913ccb57a2014-12-03T11:57:00+01:002014-12-03T16:06:30+01:00Patrick LoiseleurConcertsbarytonchant lyriquecompositioncompositricesconcertcréationL Oiseleur des Longchampsmusique contemporainemusique françaisemélodie françaisepianopoésierécitalsopranoThéophile Gautier<p>Ouï vendredi dernier dans le théâtre de l'Île Saint Louis à Paris, un programme de mélodie tout à fait original. C'est le pianiste François Henry qui s'est mis en tête de collectionner les mélodies écrites sur des textes de Théophile Gautier. L'auteur des célèbres Nuits d'été de Berlioz (que l'auteur du journal de Papageno <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2011/05/28/Le-Spectre-de-la-Rose-de-Berlioz%3A-la-vid%C3%A9o-est-en-ligne">connaît fort bien</a>, <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2011/01/22/Nuits-d-%C3%A9t%C3%A9-de-Berlioz%3A-la-version-pour-voix-haute%2C-piano%2C-violon%2C-violoncelle-est-en-ligne">et pour cause</a>) a beaucoup inspiré les compositeurs, pas seulement Français d'ailleurs. François Henry a recensé plus de mille mélodies, et ce concert était consacré à une sélection de celles écrites après 1945, avec Alice Fagard (mezzo), Marie Soubestre (soprano), L'Oiseleur des Longchamps (baryton), François Henry (piano) et Clothilde Bernard (guitare).</p> <p>Je dois bien avouer que j'entendais la plupart des compositeurs chantés ce soir-là pour la première fois: Colette Mourey, Rolande Falcinelli, Arminio Enrichi... Un peu étonné d'abord par la dominante stylistique "néo" ou "rétro" si l'on préfère, je me fis par la suite la réflexion que de toute façon les compositeurs de musique tonale, en pourcentage de toute la musique écrite, dominent largement le XXe siècle et le début du XXIe. Et que par ailleurs ceux qui ont une esthétique plutôt passéiste (ce qui est parfaitement leur droit, et je serai le dernier à le leur reprocher) choisiront des textes classiques plutôt que des auteurs contemporains. Après tout, on ne met pas en musique René Char ou Gertrude Stein (pour ne citer que deux des plus célèbres) comme on met en musique Musset ou Victor Hugo.</p>
<p>Et comme toute règle a une exception, la bonne surprise ce soir-là venait d'un jeune compositeur, Xavier Bouchaud. Sa mise en musique âpre, dense, grinçante et angoissante de L'Oiseau captif m'a beaucoup plu. Dans un tout autre registre, j'ai bien aimé aussi Albertus CX de mon ami Stéphane Gassot, pour la légèreté, l'humour un peu ravélien et bien sûr la qualité de l'écriture.</p>
<p>Au final, si certaines mélodies étaient moins convaincantes que d'autres, il y avait beaucoup de belles choses dans ce programme à la fois classique et décalé. A quand le somptueux coffret de disques avec toutes les mises en musique de Théophile Gautier de 1811 à 2014 ? Pour Noël 2015, nous l'espérons. En tout cas, cet ambitieux et sympathique projet viendra à maturité certainement avant que la France honore ses engagements de réduction du déficit public...</p>La porte ouverte: musique et poésie le 20 septembre à l'église des Billettesurn:md5:20d2b66a5c8b3e8e9d8b3cfbe3fe93b42014-09-19T11:35:00+02:002014-09-19T10:48:45+02:00Patrick LoiseleurConcertsartclarinettecompositionconcertcréationimprovisationinstallationlittératuremusique contemporainemusique électroniquepoésievioloncellevoix<p>L'Ensemble Regards et l'association Musique et Poésie vous convient à <strong>La porte ouverte</strong>, le <strong>samedi 20 septembre à 18h30</strong> en l'église des Billettes (24 rue des Archives à Paris). Au programme, quatre créations qui associent un compositeur et un poète, et pour trois d'entre elles instruments acoustiques et musique électronique. Si j'avoue bien volontiers que je ne connais aucun des artistes impliqués dans ce projet, ce sera l'occasion de les découvrir justement.</p> <p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/la_porte_ouverte_20_septembre_2014.jpg" title="la_porte_ouverte_20_septembre_2014.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.la_porte_ouverte_20_septembre_2014_m.jpg" alt="la_porte_ouverte_20_septembre_2014.jpg" title="la_porte_ouverte_20_septembre_2014.jpg, sept. 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Voici le détail du programme:</p>
<ul><li>Vincent Trollet / Gabrielle Althen : <em>Revival</em> (soprano, clarinette et violoncelle)</li>
<li>Carlos de Castellarnau / Etel Adnan : <em>Tamalpais</em> (soprano, clarinette et violoncelle et électronique)</li>
<li>Grégoire Lorieux /Lionel Jung-Allégret : <em>L'autre côté du ciel</em> (quatuor vocal et électronique)</li>
<li>Keita Matsumiya : <em>Les flots s'élèvent</em> (électroacoustique) improvisations avec Irène Lecoq, violon et le poète Zéno Bianu.</li>
</ul>
<p>Avec les instrumentistes et chanteurs de l'Ensemble Regards (direction : Julien Bénéteau). L'entrée est libre, et des installations sonores sont prévues à partir de 11h dans le cloître. Le tout est programmé dans le cadres des journées européennes du patrimoine. Voilà, vous savez tout ! Venez nombreux.</p>Fête de l'alto à Lasalle en Cévennesurn:md5:21240da4f32453d6487869981307b67c2014-08-29T11:50:00+02:002014-08-29T11:50:00+02:00Patrick LoiseleurGénéralaltocompositioncréationfestivalquatuor<p>Jusqu'au 30 août j'ai le plaisir de participer à une fête de l'alto dans la charmante bourgade de <a href="http://www.piemont-cevenol-tourisme.com/territoire/communes-voisines/lasalle">Lasalle en Cévennes</a>. Au programme, des master-classes autour de trois instruments (alto, harpe, accordéon), et bien sûr des concerts tous les jours et dans tous les lieux possibles (temple, ancienne filature de soie, maison de retraite). Outre une création de Marc Marder spécialement écrite pour l'occasion, nous donnerons égalment mon <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2008/06/03/227-un-extrait-du-raga-pour-quatre-altos"><em>Râga</em> pour quatre altos</a>. C'est toujours avec une pointe d'émotion que je me rappelle la gentillesse et l'ouverture d'esprit de Pierre-Henri Xuereb, à qui j'avais présenté la première version de cette pièce en 2008, et qui m'avait tout de suite proposé de la programmer à <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2008/07/11/253-raga-pour-4-altos-le-15-juillet-au-poet-laval">une autre fête de l'alto</a> quelques mois plus tard. Ce n'est pas si courant de recevoir un si bon accueil lorsqu'on est un jeune compositeur inconnu et pour cause. </p> <p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/paysages/86b5117be2.jpg" title="86b5117be2.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/paysages/.86b5117be2_m.jpg" alt="86b5117be2.jpg" title="86b5117be2.jpg, août 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Je retiendrai également de cette fête de l'alto un accueil très chaleureux et de belles rencontres: le harpiste Fabrice Pierre, l'accordéoniste Grégory Daltin (un merveilleux improvisateur), le compositeur et contrebassiste Marc Marder, les altistes Sonia Laziz et Corentin Bordelot. Ainsi que le plaisir bien sûr de retrouver mon ancien professeur d'alto, PIerre-Henri Xuereb, qui m'a tant appris bien au-delà de la technique instrumentale, musicalement et humainement. Ainsi que certains de mes anciens camarades de la classe d'alto de Liège. Même le soleil semble participer à la fête, nous offrant une très belle fin d'été dans ces belles montagnes cévenoles. Bonne fête de l'alto ! </p>Bravos de Cologneurn:md5:ab8432bcec9727b24782f56df768ca352014-05-06T09:13:00+02:002014-05-06T08:22:05+02:00Patrick LoiseleurConcertsaltocompositionconcertcréationfestivalVincent Royer<p>De retour de Cologne avec des étoiles pleins les yeux... je pourrais choisir la version sobre en disant simplement: "la création de ma pièce pour 13 altos par Vincent Royer et ses collègues du Gürzenich Orchester à la philharmonie de Cologne s'est très bien passée". C'est vrai mais il y a un peu plus à dire. Comme dit le psaume "je me souviens et mon cœur déborde", et plutôt que d'accumuler superlatifs et épithètes, il est peut-être plus approprié d'user de ce privilège de l'artiste, celui de dire "je", afin de partager ma joie avec vous.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/cologne/2014-04-26_19.52.15.jpg" title="2014-04-26_19.52.15.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/cologne/.2014-04-26_19.52.15_m.jpg" alt="2014-04-26_19.52.15.jpg" title="2014-04-26_19.52.15.jpg, mai 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p> <p>J'ai beaucoup aimé travailler sur ce projet. Etant
parti d'une pièce pour alto, j'ai imaginé un ensemble d'altos (6 puis 8
puis 12) qui viendraient prolonger les échos d'un soliste, répondre à
ses appels, développer ses idées quasi improvisées.
Après avoir écrit une partie de la pièce, j'ai bravement enregistré les
12 parties d'accompagnement en re-recording à la maison. Avec l'aide du
Centre Pousseur pour diffuser l'enregistrement (et garantir la
synchronie grâce à un classique "lecteur de séquences"
piloté par une pédale midi et un patch Max/MSP), j'ai joué la partie
soliste devant le jury du conservatoire de Liège. C'était en juin 2011.
Vincent Royer, qui enseigne la musique de chambre dans le même
conservatoire, a écouté cette réalisation partielle
et ô combien imparfaite, et m'a encouragé à persévérer malgré les
défauts visibles tant dans l'interprétation que dans l'écriture. Un an
plus tard il me parle d'un projet de concert d'altos à Cologne pour
lequel il pourrait programmer la pièce. Je lui dis
banco à condition de réaliser la version longue, en 3 mouvements, que
j'envisageais dès le départ.</p>
<p>J'ai aimé écrire pour Vincent Royer. J'ai écouté un
certain nombre de fois Vincent en concert, c'est un artiste magnifique
dont le son, l'engagement, la chaleur et même la passion, la générosité
sont une source d'inspiration pour moi.</p>
<p>J'ai aimé travailler sur cette pièce qui s'appelle
"13.2 milliards d'années-lumière" est s'inspire de rien moins que de
l'espace infini qui nous entoure et nous fascine. Un ensemble
d'instruments à cordes sans basse se prête particulièrement
bien à évoquer des sensations de vide, de flottement, de suspension que
je recherchais. Ainsi les accords de six, sept, huit sons avec lesquels
j'ai travaillé ont une "basse virtuelle", note fondamentale qu'on
n'entend pas mais qu'on devine tout de même. Je
pourrais vous parler des heures de spatialisation du son, de
micro-polyphonies, de textures sonores, mais c'est inutile: la musique
doit parler d'elle-même si elle est bien écrite.</p>
<p>J'ai aimé l'accueil simple et amical des altistes
du Gürzenich. J'ai aimé surtout la cohésion de ce groupe, le plaisir
visible qu'ils prenaient à jouer ensemble, l'enthousiasme pour ce projet
qui comportait pas moins de quatre créations.
J'ai aimé la qualité de cet ensemble où personne ne cherchait à se
mettre en avant mais chacun était bien à sa place, au service de la
musique, intensément connecté aux autres musiciens et au public.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/cologne/2014-04-23_20.51.13.jpg" title="2014-04-23_20.51.13.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/cologne/.2014-04-23_20.51.13_m.jpg" alt="2014-04-23_20.51.13.jpg" title="2014-04-23_20.51.13.jpg, mai 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>J'ai aimé l'itinéraire d'improvisation composé par
Vincent Royer, dédié à la mémoire de Kristof Bujanowsky. On y sentait
beaucoup d'émotion, et l'équilibre entre ce qui est arrangé d'avance et
ce qui est laissé aux interprètes m'a donné
des idées. J'ai déjà utilisé des passages semi-improvisés dans ma
Victoire de Guernica, qui ont très bien fonctionné avec les musiciens du
studio de Cergy-Pontoise. Et j'y reviendrai certainement, y compris
dans mes pièces destinées aux amateurs.</p>
<p>J'ai aimé les dix grandes secondes de parfait
silence qui ont suivi la très belle fin pianissimo e morendo de la pièce
lors du concert à la Philharmonie. C'était magique. Cela vaut tout les
applaudissements.</p>
<p>J'ai aimé aussi les bravos, les fleurs, et la
gentille carte signée par les 13 altistes, mais tout cela est plutôt
secondaire en comparaison de ce qu'ils ont donné sur scène et qui
restera cher à mon coeur.</p>
<p>Pour toutes ces raisons, je voudrais dire merci,
exprimer toute ma gratitude à Vincent Royer (alto solo), à Matthias Kaufman (direction) et aux
altistes du Gürzenich Orchester Köln pour ce beau projet artistique,
cette aventure à laquelle je suis heureux et fier
d'avoir contribué.</p>
<p>Est-ce que j'entendrai à nouveau cette pièce ? Cela
n'est pas impossible car il existe de nombreuses fêtes de l'alto, Viola
Days, Violarama, autour du globe (à Séoul, à Tokyo, à Paris, au pays de
Galles) où des pièces pour 6, 8, 12 altos
sont ardemment souhaitées, et bien souvent remplacées par des
arrangements de qualité variable. Cela étant dit <em>13.2 Milliards
d'années-lumière</em> n'est pas une pièce qu'on peut déchiffrer le mardi pour
un concert le mercredi, bien que je ne recherche jamais la
difficulté instrumentale pour elle-même, bien au contraire. Sans compter la partie soliste qui est un petit concerto d'une vingtaine de minutes.</p>
<p>Concernant la partition, je vais expérimenter avec
cette pièce une formule qui me paraît bien adaptée aux besoins d'un
jeune compositeur en ce début de 21e siècle: à savoir le dépôt à la
SACEM couplé avec la distribution gratuite de la
partition en PDF sur Internet. Cela offre un compromis entre la
protection contre d'éventuels abus, une rémunération si l'œuvre est à
nouveau donnée en concert ou radiodiffusée, et la diffusion la plus
large possible de mon travail.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/cologne/2014-04-25_17.47.17.jpg" title="2014-04-25_17.47.17.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/cologne/.2014-04-25_17.47.17_m.jpg" alt="2014-04-25_17.47.17.jpg" title="2014-04-25_17.47.17.jpg, mai 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p class="MsoNormal">Je reviendrai sans doute dans la belle ville de
Cologne pour d'autres projets de musique de chambre, en attendant que le
Gürzenich Orchester me commande une pièce (rêvons un peu). Il se peut
également que cette pièce soit réenregistrée
en studio pour un projet de disque. L'aventure ne fait que commencer...</p>Mélodies inédites d'Armande de Polignacurn:md5:47ada7d2df5dd2f78ede7146e222aadb2013-06-23T16:24:00+02:002013-06-23T15:51:24+02:00Patrick LoiseleurConcertschant lyriquecompositioncompositricescréationL Oiseleur des Longchampsmusique françaisemélodie françaisevoix <p>La fête de la musique était quelque peu en avance ce 18 juin dernier pour la centaine de chanceux qui ont pu assister à ce récital de mélodies rares voire introuvables d'<strong>Armande de Polignac</strong>. Cela se passait au siège de l'association France-Amérique, un lieu somptueux à deux pas des Champs Elysées. La soprano <strong>Sabine Revault d'Allonnes</strong>, le baryton <strong>L'Oiseleur des Longchamps</strong> et le ténor <strong>Sébastien Romignon Ercolini</strong>, accompagnés au piano par <strong>Stéphanie Humeau</strong>, se sont relayés pour nous faire entendre ces mélodies parmi lesquelles on trouve de véritables trésors, de petits bijoux. Tant par le raffinement de l'écriture que par la sensibilité et l'engagement des interprètes, nous avons entendu ce que la mélodie française peut produire de meilleur.</p>
<p>Par la concision (il n'y a pas une note en trop) et le raffinement harmonique, les mélodies d'Armande de Polignac se rapprochent de Ravel. Elles auraient tout à fait leur place au concert parmi celles de Fauré, Duparc, Chausson, Hahn tant les qualités de l'écriture sont évidentes. Pour donner une idée de l'oubli dans lequel elles sont tombés, L'Oiseleur des Longchamps m'a raconté qu'il a du en chercher certaines à la bibliothéque de France car elles ne sont plus éditées depuis longtemps. Mais le parcours du combattant ne s'arrêtait pas là car il y avait des éditeurs qui s'ils ne possédaient même pas une photocopie des partitions originales, en détenaient les droits (sans doute par le jeu des rachats de catalogues entiers lorsqu'uu éditeur met la clé sous la porte). Il fallut donc les retrouver et demander des autorisations... Ce concept d'éditeur qui détient les droits sans faire le travail correspondant (rendre la partition disponible) me laisse un peu rêveur. Ce n'est qu'une illustration caricaturale du fait que donner des des droits monopolistiques garantis par l'état à un éditeur jusqu'à 70 ans après le décès du compositeur est tout sauf compatible avec l'intérêt général, et ne va certainement pas dans le sens de la défense de l'art vivant et de la création.</p>
<p>Fermons cette parenthèse et revenons à la musique: ce programme passionnant et inédit sera bientôt enregistré en disque, disponible d'ici à la fin de l'année. Ce qui permettra de rendre justice à cette compositrice méconnue. A ceux qui se demanderait pourquoi si peu de gens se sont intéressés à cette musique si elle est vraiment excellente, j'ai envie de répondre que les histoires de la musique sont tout sauf équitables, et qu'on entend très régulièrement dans les concerts classiques des navets sans grand intérêt alors que de véritables trésors dorment dans les bibliothèques. Dans ce domaine comme dans d'autres le conformisme fait des ravages, et la curiosité reste le meilleur atout du musicien comme du mélomane.</p>
<p>
<iframe width="480" height="360" src="http://www.youtube.com/embed/PIvQRrhdS0E" frameborder="0" allowfullscreen></iframe>
</p>Petites Fanfares Célestes à la Philharmonie de Liège le 15 mai 2011urn:md5:0bcc91f052fe17bc4d97e770025e2ec22011-05-11T14:48:00+02:002022-08-23T18:36:12+02:00Patrick LoiseleurCompositionscompositioncréationensemble de cuivresLiègePatrick Loiseleur<p>Mes <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2009/09/13/Messiaen-au-paradis-de-la-video-en-ligne">Petites Fanfares Célestes</a> seront données à la philharmonie de Liège (Belgique) dimanche prochain, 15 mai 2011, à 15 heures, dans une <strong>nouvelle orchestration</strong> pour grand ensemble de cuivres et percussions (la version originale étant pour dixtuor de cuivres: 4 trompettes, cor, 4 trombones, tuba).</p> <p>Dans le cadre d'un projet destiné à rapprocher jeunes compositeurs et formations de musiciens amateurs, elles seront jouées par la Fanfare Royale de Malmedy sous la direction de Vincent Dujardin.</p>
<p><img alt="createurs__pour_les_amateurs.JPG" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/createurs__pour_les_amateurs.JPG" style="margin: 0 auto; display: block;" title="createurs__pour_les_amateurs.JPG, mai 2011" /></p>
<p>C'est l'occasion pour moi de remercier chaleureusement et par avance Vincent Dujardin et les musiciens de la Fanfare Royale ainsi que Michel Fourgon, professeur au conservatoire de Liège, pour avoir permis à ce projet de se concrétiser.</p>Neige sur Liège (haïku, pour voix et piano)urn:md5:4254e6d681b0bc4390be078843b5757a2011-02-24T23:00:00+01:002011-02-24T23:02:27+01:00Patrick LoiseleurCompositionsbarytoncompositioncréationLiègemélodie françaisepiano <p>Écrit en décembre dernier, en deux heures, entre deux répétitions d'orchestre à Liège, et en regardant la neige tomber par la fenêtre au-dessus de la Cité Ardente, <a hreflang="fr" href="https://www.journaldepapageno.fr/patrick/Haiku%20%2810%20janvier%202011%29.pdf">voici la partition d'un <em>Haïku</em> pour voix et piano</a>. L'ambitus vocal étant assez réduit (une octave, du <em>mi</em> au <em>mi</em>) c'est chantable par presque toutes les voix ou presque. Un <em>Haïku </em>est nécessairement très court (5 + 7 + 5 syllabes, encore que le comptage des syllabes ne soit pas le même en Japonais et en Français) et doit comporter une référence à la saison. C'est bien le cas ici:</p>
<blockquote><p><em>Neige sur Liège</em></p>
<p><em>L'Ardente endormie</em></p>
<p><em>Rêve à son passé</em></p>
</blockquote><p>Comment rendre musicalement le sentiment de confort feutré et de léger vide qu'on ressent en regardant les flocons tourbillonner derrière une vitre, au-dessus d'une ville immobile et plus grise que jamais ? Je ne saurais l'expliquer, mais alors que je n'avais pas particulièrement prévu de travailler à ce moment-là, une intuition m'a soufflé ce court motif que j'ai jeté sur le papier:</p>
<p><img title="haiku_extrait.PNG, fév. 2011" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="haiku_extrait.PNG" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/exemples/haiku_extrait.PNG" /></p>
<div style="text-align: center;">
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Fichier audio intégré</object>
</div>
<p>Le reste a suivi très naturellement. Dans une pièce aussi courte, on ne doit pas introduire trop d'idées si l'on tient à créer une ambiance cohérente. Il vaut mieux jouer avec les matériaux qu'on entend dans les toutes premières secondes, ce qui laisse tout de même une grande liberté car on est bien loin d'avoir épuisé toutes les possibilités de variation et de développement quand la pièce prend fin. </p>
<p>La tête de ce motif, noyée dans la résonance de la pédale, peut faire penser aux nuages et tourbillons debussystes, Mais ce brouillard est vite dissipé par suite du motif (dissonance de septième majeure, rythme pointé, accent, coupure de la pédale) qui débouche sur une note tenue, autrement dit sur le vide. Il est un peu tard et je ne vais pas vous faire un cours sur la contemplation du vide dans la philosophie taoïste mais vous avez saisi l'idée.</p>
<p>Dès qu'un de mes amis chanteur ou chanteuse aura eu la gentillesse de programmer cette chansonnette en récital, j'aurais peut-être un bout de mp3 à poster dans ce journal.</p>
<br />