Le journal de papageno - Mot-clé - opéra
Le Journal de Papageno est un blog francophone consacré à la musique classique et contemporaine.
2023-08-18T08:55:10+02:00
Patrick Loiseleur
urn:md5:e3d6f6e2ebef7c45d0c5e125b87d9f0a
Dotclear
Papageno et Tindarella: histoire d'un opéra
urn:md5:c32b22929fb80c12894f068ee50bd44d
2023-08-18T09:59:00+02:00
2023-08-18T09:55:10+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
Alejandro Gabor
alto
Aurélie Ligerot
chant lyrique
clarinette
création
L Oiseleur des Longchamps
Mathilde Rossignol
opéra
Orlando Bass
Papageno et Tindarella
piano
smartphone
vidéo
violon
<p>Certains ont écrit un livre pendant la pandémie de Covid-19: j'ai écrit mon premier opéra, <strong>Papageno et Tindarella</strong>. (Pour l'anecdote, j'ai aussi écrit <a href="https://www.editions-hatier.fr/livre/les-violences-sexuelles-prevenir-detecter-accompagner-9782401087217" hreflang="fr" title="Les violences sexuelles : Prévenir. Détecter. Accompagner">un livre sur la prévention des violences sexuelles</a> publié par Hatier, mais c'est une autre histoire !)</p>
<p>Avec mon complice de toujours, le baryton L'Oiseleur des Longchamps, avec le soutien de l'association ArtemOise, <a href="https://fr.ulule.com/papageno-et-tindarella/" hreflang="fr">le soutien de nos généreuses donatrices</a>, et avec une douzaine d'artistes qui sont aussi mes amis, nous avons récemment tourné en vidéo de larges extraits de cet opéra (6 des 20 numéros). Les vidéos sont en cours de montage, mais vous pouvez d'ores et déjà, chères lectrices, regarder les premières images dans cette bande-annonce:</p>
<p> </p>
<p><iframe allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/EciyyUKZvEY?si=cQ0XxicO6GwepaNW" title="YouTube video player" width="560"></iframe></p>
<p>Nous espérons pouvoir porter ce spectacle sur scène dès l'été 2024, des discussions sont en cours avec plusieurs festivals. </p>
<p>En complément je vous propose le texte que j'ai rédigé pour le programme:</p> <h2 style="text-indent:0cm; text-align:justify; margin-top:3px"><img alt="" class="media media-center" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/theatre/Papageno_et_Tindarella_20.jpg" /></h2>
<h2 style="text-indent:0cm; text-align:justify; margin-top:3px">Histoire d’un opéra</h2>
<p>Vous venez d’entendre l’histoire de Papageno et Tindarella, laissez-moi vous en conter une autre : celle de la fabrication de cet opéra de chambre. Le <em>« making of »</em> si vous préférez.</p>
<p>La toute première chanson de cet opéra fut écrite à l’intention de la femme qui a inspiré le personnage de Tindarella (laquelle emprunte bien évidemment des traits de caractère à plusieurs personnes réelles ou fictive, si bien qu’il serait parfaitement futile de chercher une quelconque fidélité ou un message caché). Cette chanson c’est : <em>« Elle ne veut pas de moi »</em>.</p>
<p>Un peu plus tard, envisageant sérieusement de m’engager avec cette personne, j’ai eu l’idée d’une petite cantate à deux voix (baryton et soprano) et trois instruments (alto, clarinette, piano, une combinaison très riche que j’affectionne particulièrement). Cette cantate de chambre devait résumer avec légèreté et entrain les péripéties d’une rencontre amoureuse semblable à toutes les autres, c’est à dire banale autant que sublime, ridicule autant que touchante, grandiose autant que mesquine, comique autant que dramatique.</p>
<p>Mon projet était de faire jouer cette cantate le jour d’un hypothétique mariage, ce qui aurait eu, avouez-le, un peu plus de cachet que les traditionnels diaporamas avec photos des mariés en train de mettre les doigts dans leur nez, ou bien de tomber du toboggan à 4 ans.</p>
<p>Hélas ! Le mariage n’eut point lieu. Ce projet de cantate inachevée passa quelque temps dans le tiroir, mais il n’était pas enterré pour autant. Durant l’été suivant, j’eus l’idée de l’enrichir avec des scènes de ménage bien sûr, précédant la rupture, mais aussi avec des anecdotes glanées ici et là, vécues ou entendues, ayant en commun le thème de la rencontre amoureuse, et la façon dont la technologie modifie nos comportements et nos attentes. </p>
<p>Au fur et à mesure que l’œuvre prenait forme, les éléments autobiographiques se sont estompés au profit de la cohérence globale de la fiction et des exigences du théâtre musical. <strong>Papageno et Tindarella</strong> étaient nés, et ils commençaient déjà une existence autonome, détachée de celle de leur créateur. C’est devenu encore plus vrai lorsque mes amis chanteurs, instrumentistes, metteuse en scène ont apporté leur propre contribution créative, et leur enthousiasme m’a fait comprendre que j’avais visé juste et que Papageno et Tindarella racontent u<em>ne histoire qui nous concerne toutes et tous.</em><br />
</p>
<p><img alt="" class="media media-center" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/theatre/Papageno_et_Tindarella_21.jpg" /></p>
<p>Les sociologues, philosophes et anthropologues ont écrit des choses fort savantes sur la <em>« dérégulation du marché matrimonial »</em> et ses conséquences (citons Eva Illouz : <em>« Pourquoi l’amour fait mal »</em> par exemple). Sans être aussi structuré intellectuellement, et sans défendre aucune thèse en particulier, cet opéra aborde des questions très actuelles comme la douloureuse contradiction entre les stéréotypes romantiques qui nous font encore rêver sur l’Amour avec un grand A, et nos comportements de consommateurs compulsifs, pusillanimes, impatients et exigeants.</p>
<p>L’un des acteurs principaux de ce drame contemporain est le smartphone, objet fascinant, concentré de prouesses technologiques, qui nous rend autant de services qu’il nous inflige de sévices. J’ai inséré des <em>« sonneries »</em> de téléphones qui viennent sans cesse interrompre ou perturber les chansons, comme un rappel de la présence de ces petites machines qui sont programmées pour nous déranger sans cesse. Je suis allé jusqu’à demander à un chanteur de personnifier un smartphone (poétiquement baptisé « Galaxo SXRB8+ ») dans deux numéros. La présence du smartphone Galaxo sur scène rend visible l’importance démesurée que ces petites machines ont pris dans notre vie intime et quotidienne.</p>
<p><br />
<img alt="" class="media media-center" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/theatre/Papageno_et_Tindarella_24.jpg" /></p>
<p>Ainsi le sous-titre de cet opéra pourrait être <em>« L’amour au pays des smartphones »</em> voire <em>« L’amour des smartphones »</em>. Si nous passions autant de temps à faire des câlins et dire de douces paroles aux personnes que l’on aime qu’à tripoter ces petites machines hautement addictives et à perdre du temps sur les <em>« réseaux asociaux »</em>, le monde irait bien mieux.</p>
<p>D’autres sujets actuels comme la cause animale ou les violences dites <em>« éducatives ordinaires »</em> sont abordées, en essayant d’éviter tout biais moralisateur. Ainsi on peut se moquer des positions animalistes de Papageno autant qu’on peut les approuver. Et même lorsqu’on les approuve, l’autodérision ne saurait faire du mal. Mes ami(e)s abolitionnistes pourront sourire je l’espère en écoutant la chanson <em>« Corrida basta ! »</em> dont le caractère martial est volontairement exagéré et caricatural, dans les paroles comme dans la musique. Cet opéra aborde des sujets dramatiques et actuels, en gardant toujours une certaine légèreté de ton.</p>
<p>La musique de cet opéra reflète les contradictions de ses personnages : elle est tiraillée sans cesse entre tradition et modernité. Entre douceur et violence. Entre romantisme et machinisme. Entre flirt et brutalité. On y trouve des pastiches et quelques citations, et bien sûr de nombreuses sonneries de téléphone portables passées à la moulinette. On y trouve aussi je l’espère quelques moments de grâce qui auront l’heur de séduire et d’émouvoir les musiciens comme le public.<br />
</p>
<p><img alt="" class="media media-center" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/theatre/Papageno_et_Tindarella_23.jpg" /></p>
<p>Je remercie de tout cœur les personnes qui m’ont inspiré dans la rédaction de cette histoire, à commencer par ma fille aînée qui m’a proposé le mot-valise <em>« Tindarella »</em> (jeux de mots entre « Tinder » et « Cindarella » c’est à dire Cendrillon). Je remercie en particulier toutes les personnes que j’ai pu fréquenter tant soit peu via les sites de rencontres, et qui m’ont toutes apporté quelque chose, d’une façon ou d’une autre. N’étant pas resté en contact avec certaines de ces personnes, je ne pourrai jamais leur témoigner ma gratitude directement. C’est le cas de l’autrice du merveilleux texto : <em>« Tu ne vas pas faire chier s’il y a des lardons sur la pizza »</em> à qui j’envoie toutes mes amitiés de loin !<br />
<br />
Cependant, je n’ai pas cherché à dresser le portrait de personnes réelles. Les personnages de fiction que j’ai élaborés selon ma propre fantaisie avec des éléments autobiographiques et des éléments purement inventés n’ont pas d’autre but que divertir le public sans causer de tort à qui que ce soit. Il n’y a aucun règlement de comptes dans cette œuvre, si ce n’est avec moi-même à travers ce personnage de Papageno qui peut susciter la moquerie autant que la sympathie. Du reste, nul besoin pour l’auditrice de savoir démêler la part de vécu, la part d’exagération et la part d’imagination pure dans cette histoire : si elle la trouve amusante, inspirante ou émouvante, cela suffit.</p>
<p>Je remercie chaleureusement toutes les personnes qui m’ont encouragé et soutenu durant ce travail de longue haleine. L’écriture seule m’a demandé six mois de travail à plein temps. Quant à la production de l’opéra (choisir des musiciens et chanteurs, un metteur en scène, trouver des financements, des lieux de concerts, organiser les répétitions, faire venir le public) c’est encore une autre aventure, la plus belle de toutes : celle de la musique vivante, et je tiens à exprimer ma gratitude à mes camarades musiciens qui se lancent dans l’aventure de la musique vivante, et contribuent à la création au moins autant que l’auteur, ainsi qu’à toutes les personnes qui ne sont pas sur scène mais fournissent un travail essentiel.</p>
<p>Merci à toutes et à tous pour votre soutien à la création musicale et théâtrale, et à bientôt pour de nouvelles aventures !<br />
</p>
<p><img alt="" class="media media-center" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/theatre/Papageno_et_Tindarella_01.jpg" /></p>
Le Soulier de Satin (Dalbavie d'après Claudel)
urn:md5:f8ccd9d102d15b4f774ae9ca5a3f3e89
2021-06-07T22:35:00+02:00
2021-06-08T22:00:56+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
création
Marc-André Dalbavie
musique française
opéra
Paul Claudel
<p style="text-align: justify;">Quel bonheur de quitter la survie pour revenir à la vie en ce printemps où l'épidémie semble prête à reculer pour de bon, grâce aux vaccins notamment ! Il fallait reprendre le quatuor et l'orchestre pour réaliser combien ces activités m'ont manqué. Et il fallait que l'opéra de Paris rouvre ses portes, ce samedi 5 juin, pour comprendre à quel point le concert vivant nous avait manqué, profondément. Et quoi de mieux qu'une création (<em>Le Soulier de Satin</em>, musique de Marc-André Dalbavie d'après un livret de Paul Claudel) pour réveiller cette maison pluri-centenaire dont le seul péché est son culte parfois excessif de la tradition ?</p>
<p><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/opera/opera_de_paris_2021_06_05.png" style="margin: 0 auto; display: table;" /></p> <p style="text-align: justify;">Si vous avez déjà assisté à une pièce de Paul Claudel, mes chères lectrices, vous saurez que la concision et la légèreté ne sont pas ses qualités premières. Laissant le registre du comique à d'autres, Claudel occupe le terrain du drame métaphysique, de l'angoisse qui saisit l'âme chrétienne traversée par des espérances plus grandes et des joies plus hautes que celles que peuvent porter un coeur humain.</p>
<p style="text-align: justify;">Ce qui fait la grande qualité des pièces de Claudel est aussi une grande source de tourment pour les acteurs et metteurs en scène. Car le texte de Claudel, toujours magnifique, souvent un peu long, peut porter les acteurs, les transcender même, tout autant qu'il peut les écraser. Sa grandeur est celle d'une imposante cathédrale qui vise l'éternité et se soucie bien peu des passions et des faiblesses humaines. À l'heure où l'addiction aux réseaux sociaux réduit le temps de concentration d'une personne à moins d'une minute, oser se plonger dans ces textes exigeants autant que sublimes est un acte de résistance, presque une provocation. Cela demande d'adopter subitement un autre rapport au temps.</p>
<p style="text-align: justify;">Pour son troisième opéra, M. Dalbavie a choisi <em>Le Soulier de Satin, </em>la plus longue des pièces de Claudel, en fait une tétralogie en quatre soirées qui couvre près de 12 heures, et un nombre considérable de kilomètres car l'action se situe aux quatre coins du globe, dans le sièlce qui a vu naître la mondialisation (le XVIe). La librettiste Raphaèle Fleury a sorti les ciseaux pour réduire ce monstre scénique à un opéra qui dure près de 5 heures sans les pauses, ce qui n'est pas si terrible quand on y pense (le Crépuscule des Dieux de Wagner dépasse allègrement les 4 heures de musique, et ce n'est que la dernière soirée de la monumentale Tétralogie). Pour ne pas trop fatiguer les musiciens, l'opéra de Paris a décidé d'utiliser ses deux orchestres successivement. Par ailleurs le chant alterne avec la parole, et parfois s'y superpose.</p>
<p style="text-align: justify;">Et la musique, me direz-vous ? Pas facile de résumer une oeuvre aussi ambitieuse en quelques mots. Marc-André Dalbavie me simplifie pourtant un peu la tâche car il a manifestement utilisé les mêmes techniques d'écriture d'un bout à l'autre, ou peu s'en faut. La plupart des scènes se résument à de longs récitatifs orchestrés, où les seules lignes mélodiques sont celles des chanteurs. Ce choix présente au moins l'avantage de respecter et de porter le texte de Claudel. Mais l'orchestre reste comme figé dans d'interminables notes filées (aux cordes surtout), que viennent interrompre de brusques accès de colère des cuivres et des percussions. Les couleurs sont belles, l'orchestration est très fine et se souvient de Ravel autant que de la musique spectrale, mais le tout est diablement statique et d'une immobilité assumée (que Dieu me tripote, aurait dit le regretté Pierre Desproges, voilà que mon inconscient farceur m'a sussuré l'adjectif "diablement". Un exorcisme s'impose !). Les harmonies sont post-modernes, on sent que l'atonal pur et dur, farci de dissonnances aigües, est passé de mode depuis longtemps. Je l'ai déjà dit, le travail est soigné, et les couleurs sont belles, tout en restant excessivement froides, surtout pour un mois de juin. Ainsi la prière de Doña Musique, qui se réjouit d'apporter un enfant au monde malgré la violence et la souffrance qui y règnent, m'a paru plus sombre que joyeuse. Mais ma voisine m'a dit qu'elle était sensible à cette prière, car on peut demander de la joie à Dieu lorsqu'on n'en ressent aucune.</p>
<p><img alt="" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/opera/opera_de_paris_2021_06_05_foyer.png" style="margin: 0 auto; display: table;" /> </p>
<p style="text-align: justify;">Même dans le grand duo du 3e acte, qui réunit enfin les tourteraux dans une numéro brillant (et difficile à comprendre si on a l'âme moins tourmentée que Paul Claudel) de <em>je t'aime, moi non plus, </em>avant de les séparer de la plus définitive des façons, même ce grand duo a quelque chose d'écrasant et qui m'a paru manquer singulièrement de tendresse. Si c'est cela, l'Amour avec un grand A, si c'est une vie de séparation et de souffrance, et puis quelques déclarations grandiloquentes sur le thème du sacrifice, avant de mourir, alors il vaut mieux coire en Dieu, en effet. Il vaut mieux espérer se retrouver peut-être dans un autre monde plus juste et plus doux car celui-ci est franchement sinistre :</p>
<blockquote>
<p><br />
<strong>Doña Prouhèze</strong></p>
<p>Prends, Rogrigue, mon coeur, mon amour, prends ce Dieu qui me remplit !<br />
La force par laquelle je t'aime n'est pas différence de celle par laquelle tu existes.<br />
Je suis unie à cette chose qui te donne la vie éternelle.</p>
<p><strong>Don Rodrigue</strong></p>
<p>Paroles au-delà de la Mort et que je comprends à peine ! Je te regarde et cela me suffit !<br />
Ô Prouhèze, ne t'en va pas de moi, reste vivante !</p>
<p><strong>Doña Prouhèze</strong></p>
<p>Il me faut partir</p>
<p><strong>Don Rodrigue</strong></p>
<p>Je suis le maître encore ! Si je veux, je peux t'empêcher de partir.</p>
<p><strong>Doña Prouhèze</strong></p>
<p>Crois-tu vraiment que tu peux m'empêcher de partir ?</p>
<p><strong>Don Rodrigue</strong></p>
<p>Oui, je peux t'empêcher de partir.</p>
<p><strong>Doña Prouhèze</strong></p>
<p>Tu le crois ? dis seulement un mot et je reste. Je te le jure, dis seulement un mot et je reste. Un mot, et je reste avec toi. Un seul mot, est-il si difficile à dire ? Un seul mot et je reste avec toi.</p>
<p>(Silence. Rodrigue baisse la tête et pleure, Doña Prouhèze s'est voilée de la tête aux pieds)</p>
<p><strong>L'enfant</strong> (avec un cri perçant) </p>
<p>Mère, ne m'abandonne pas ! </p>
</blockquote>
<p> </p>
<p style="text-align: justify;">Il y a de très beaux moments dans cet opéra, comme la prière de Saint Jacques, chantée par l'excellent Max-Emannuel Cenčić, soutenu par une pure splendeur orchestrale. Mais la plupart des scènes créent une atmosphère figée et glaçante comme la scène de la Lune (les cordes se relaient pour une tenue interminable sur la note de mi tandis qu'une lune gigantesque apparaît sur toute la scène. Seule la voix enregistrée de Fanny Ardant apporte quelque chaleur à ce monoloque de l'astre céleste qui observe tendrement les amoureux séparés par un océan et pourtant incompréhensiblement liés l'un à l'autre dans leur chair.</p>
<p style="text-align: justify;">Mais ce qui m'a manqué sans doute, c'est le contraste, le renouvellement, qui permettent de structurer le récit en changeant de couleur émotionnelle. Dans un opéra digne de ce nom, il peut y avoir des moments pour rire et d'autres pour pleurer, des moments de foi et des moments de doute ou d'horreur, des moments de grande tendresse et des scènes de violence. Songez à la diversité des émotions qu'on traverse dans le seul premier acte de <em>Don Giovanni</em> ou de <em>Carmen</em>.<em> </em>Dans cet opéra, Dalbavie semble vouloir accentuer jusqu'à la caricature la monotonie et les longueurs du texte de Claudel. Son travail sur les résonances et les effets accoustiques (masques, échos, fusion et séparation des fréquences) est toujours d'une grande finesse, mais il reste trop figé dans ses propres maniérismes pour permettre des changements d'atmosphère radicaux. Il utilise toujours l'orchestre pour des effets de masse, travaillant presque comme un ingénieux ingénieur du son plutôt que comme un compositeur classique. Du coup il n'y a pas un seul instrumentiste qui peut se dire "j'ai un chouette solo à la scène 2 de l'acte 3", chaque instrument étant utilisé comme un tuyau d'orgue ou un résonateur acoustique davantage que comme un personnage mélodique. Se plonger dans cette musique lente et hypnotique pendant une après-midi entière, c'est un peu comme traverser la Sibérie à pied : c'est très beau mais plutôt froid et un peu long, surtout les 5000 derniers kilomètres.</p>
<p style="text-align: justify;">Un mot sur la mise en scène de Stanislas Nordey : elle utilise ingénieusement de grands tableaux (pastiches de tableaux célèbres qui évoquent la Renaissance et l'Espagne au temps des <em>Conquistadores</em>), qui peuvent également figurer des bateaux, des balcons, des forteresses. Elle évite de trop en faire, ce qui est bienvenu face au texte chargé de Claudel et à l'orchestre pléthorique avec les bois par trois et une abondante percussion. Les didascalies sont lues à voix haute par deux Monsieur Loyal en redingote, ce qui évite au moins de trop se perdre dans les multiples changements de lieu. D'aucuns les ont trouvés agaçants, ce qui n'est pas mon cas. Leur humour paraît pourtant un peu en décalage avec tout le reste de la pièce qui est excessivement sérieux dans le texte comme dans la musique d'un bout à l'autre.</p>
<p style="text-align: justify;">Malgré ses proportions imposantes, cet opéra se termine abruptement, presque en queue de poisson, lorsqu'au terme de nombreuses péripéties, Doña des Sept Épées (fille de Doña Prouhèze), s'écrie au loin :</p>
<p><em>Délivrance aux âmes captives !</em></p>
<p>SIlence. Rideau.</p>
Fosse: un opéra dans un parking (et réciproquement)
urn:md5:c5a6aea7260515cbc26102eb1459486b
2020-01-12T13:08:00+01:00
2020-01-12T13:16:07+01:00
Patrick Loiseleur
Opéra
Centre Pompidou
Christian Boltanski
création
Franck Krawczyk
Jean Kalman
opéra
Ouï au Centre Pompidou hier soir, <em>Fosse</em>, un opéra conçu par Christian Boltanski, Jean Kalman et Franck Krawczyk (commande de l'opéra comique). <p>Le parking où ce spectacle est donné constitue "la base du livret", autrement dit cet opéra a été conçu spécifiquement pour s'inscrire dans cet espace. Les spectateurs peuvent déambuler librement sur cette scène singulière où les instrumentistes et les chanteurs sont disséminés au quatre coins: pianistes, violoncellistes, guitares électriques et percussions.</p>
<p>Comment vous résumer mes impressions ? Tout d'abord nous avons les chuchotements et bruits de pas du public, cette circulation permanente qui forme la toile de fond de n'importe quelle visite au musée. L'ensemble est plongé dans une semi-pénombre. Plusieurs voitures sont disposées, emballées dans des housses, à l'arrêt, phares allumées. A l'intérieur des véhicules, des figurants dont le visage est masqué par un tissu qui leur donne l'air fantomatique et inquiétant. Des tentures blanches et des projecteurs aux deux extrémités complètent le décor. Le parking lui-même est utilisé par les percussionnistes notamment qui vont frapper des barrières de métal, les murs de béton ou encore les gaines d'aération.</p>
<p>Des violoncellistes disposés au quatre coins de l'espace font entendre leurs voix ténues et fragiles. Au centre on distingue Sonia Wieder-Atherton qui tient plus ou moins le rôle de soliste. La belle musique de <span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Franck Krawczyk</span><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; "> sait très bien exploiter la spatialisation et créer une atmosphère angoissante et oppressante avec une remarquable économie de moyens. Tout à coup un coup de cloches tubulaires envoie un signal, et les choristes du choeur Accentus, disséminés, dissimulés parmi les spectateurs se mettent à chanter. Un moment saisissant où les émotions comprimées se libèrent d'un coup.</span></p>
<p><span style="Segoe UI", Roboto, Oxygen-Sans, Ubuntu, Cantarell, "Helvetica Neue", sans-serif; ">Le programme ne dit rien sur les textes utilisées. Des sources bien informées nous ont fait savoir que le choeur et la soprano solo chantaient en plusieurs langues, et que les femmes égrenaient des noms d'heroïnes d'opéra: Euridyce, Traviata, ...</span></p>
<p>Nonobstant le caractère parfaitement sinistre de l'ensemble de la production (assumé par les artistes, et en accord avec le lieu choisi), c'était une belle soirée, une production qui m'a touché et poussé à m'interroger. Que reste-t-il, en 2020, de notre civilisation ? Qu'avons-nous fait de notre humanité, qu'en reste-t-il en cette époque du triomphe des machines ? Cette "Fosse" qui nous fait frissonner comme une évocation de l'Hadès, n'est-ce pas nous qui l'avons creusée, collectivement ?</p>
<p>Ce spectacle sera redonné ce 12 janvier au soir: si vous avez du temps libre, chères lectrices, courez-y ! Et couvrez-y également car la température de de parking en ce début janvier est aussi glaciale que l'atmosphère musicale.</p>
Lady MacBeth de Mzensk à l'Opéra de Paris
urn:md5:c41c29ab989a208e0412013626841fbb
2019-04-14T21:25:00+02:00
2019-04-14T20:41:29+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
Dmitri Chostakovitch
opéra
<p>Tout sonne juste dans cette production de <a href="https://www.operadeparis.fr/saison-18-19/opera/lady-macbeth-de-mzensk" hreflang="fr">Lady MacBeth de Mzensk à l'Opéra de Paris</a>: l'adéquation complète entre la musique, le chant, la mise en scène rend vraiment justice à ce noir chef-d'oeuvre qui faillit emmener le jeune et brillant Dmitri Chostakovitch au goulag.</p>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/opera/.Lady_MacBeth_De_Mzensk_2019_m.png" alt="Lady_MacBeth_De_Mzensk_2019.png" title="Lady_MacBeth_De_Mzensk_2019.png, avr. 2019" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p> <p>Tous les personnages de cet opéra (tiré d'un roman naturaliste de 1865 publié par Nikolaï Leskov, une sorte de Zola russe) sont égaux dans la bassesse morale. Sauf peut-être Katerina, que Chostakovitch et son librettiste ont traité avec une sorte de tendresse, comme une héroïne féministe avant l'heure qui se bat contre un système qui l'enferme et la réduit à la triste alternative entre mourir d'ennui dans un mariage sans joie, ou bien prendre les risques les plus insensés pour un Don Juan de Prisunic (le beau Sergueï) qui n'en vaut clairement pas la peine. Le tout dans un décor d'abattoir industriel parfaitement sordide.</p>
<p>Pour vivre sa passion avec le viril et brutal Sergueï, la bourgeoise Katerina va tout sacrifier. Après avoir assassiné son beau-père d'une manière fort peu élégante (avec une bonne dose de mort-au-rats dans un plat de champignons), elle assassine également son mari, qu'elle étrangle avec un ceinture, et avec l'aide de son amant. Sa tentative d'échapper à ses crimes et de se marier avec Sergeï à l'acte 3 tourne court: quand le corps du mari est découvert, elle avoue tout avant même qu'on l'accuse. </p>
<p>Le quatrième acte, sombre, désespéré, évoque déjà la tristesse infinie des derniers quatuors et symphonies de Chostakovitch. Dans ce convoi de prisonniers en route pour la Sibérie, la bassesse humaine et la corruption règnent tout autant que dans la bourgeoisie. Sergueï manipule Katerina pour lui extorquer une paire de bas de laine. Il les utilise pour acheter les faveurs d'une autre prisonnière. Katerina attrape sa rivale à bras-le-corps et termine avec elle dans l'eau noire et glacée d'un lac. Rideau.</p>
<p>L'excellent prestation des musiciens de l'orchestre de l'opéra nous permet de goûter la subtilité de tous ces solos qui viennent en contrepoint du chant, du violon à la <span>clarinette</span><span> basse. Chostakovitch avait déjà totalement trouvé son style avec cet opéra, très souvent ironique et toujours douloureux, dans un univers où toute tentative d'être heureux se transforme en une farce cruelle. La puissance impressionnante de certains <em>tutti</em> se déchaîne dans des scènes clé comme le moment où Sergueï prend Katerina pour la première fois, avec plus de violence que de tendresse. </span></p>
<p><span>En prélude du 4e acte, le premier mouvement du 8e quatuor de Chostakovitch (dans sa transcription par Rudolf Barchaï) a été ajouté. Bien que largement postérieure à l'opéra (écrite en 1960) cette pièce s'y insère très naturellement et donne encore plus d'ampleur dramatique à ce dernier <em>aria</em> ou Katerina chante l'absurdité douloureuse non seulement de la mort, mais de sa vie toute entière.</span></p>
<p>Saluons le beau travail de toute l'équipe emmenée par le chef d'orchestre Ingo Metzmacher et le metteur en scène Krzysztof Warlikowski. Avec l'incroyable présence d'Ausrinè Stunditè en Katerina dans un rôle très physique (presque aussi exigeant que la Lulu d'Alban Berg), le ténor Pavel Cernoch en Sergueï et la basse Dimitri Ulyanov en Boris, beau-père délicieusement odieux.</p>
<p>Cet opéra doit encore être joué pour plusieurs dates jusqu'au 25 avril, et rediffusé dans certains cinémas en direct. Courez-y, chères lectrices ! C'est noir comme l'eau d'un lac sans fond, et c'est magnifique.</p>
Marlène Schiappa nommée directrice de l’opéra de Paris
urn:md5:58e276202b25d78c3a2507ab4beb06fc
2019-04-01T08:14:00+02:00
2019-04-02T13:13:29+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
opéra
poisson
politique
<p>Alors que certaines voix s’élevaient pour dénoncer une <em>short-list</em> exclusivement masculine pour remplacer Stéphane Lissner à la tête de l’opéra national de Paris, le Ministère de la Culture a surpris tout le monde en annonçant la nomination de <strong>Marlène Schiappa</strong> à la tête de cette prestigieuse maison. Elle deviendra ainsi la toute première directrice depuis 1669. </p>
<p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/architecture/.opera_de_paris_m.jpg" alt="" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p> <p>Marlène Schiappa cumulera cette responsabilité avec ses autres fonctions officielles (secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes et de lutte contre les discriminations, cireuse de chaussures de la Première Dame, squatteuse de plateaux télé, pourfendeuse de fake news, écrivaine). Elle a déclaré qu’elle adore l’opéra et le ballet depuis qu’elle avait vu <em>le Lac des Cygnes</em> au Palais des Congrès avec sa maman quand elle avait 14 ans. Elle n’y est pas retournée depuis, diront certaines mauvaises langues probablement mal informées.</p>
<h3>« troller la culture bourgeoise et patriarcale »</h3>
<p>Avec le langage direct qui la caractérise (on n’oserait dire « franc parler » dans le cas d’une femme politique), l’ex blogueuse de Maman travaille déclaré vouloir<em> « troller la culture bourgeoise et patriarcale pour mieux lutter contre l'homophobie et les stéréotypes de genre »</em>. En dépit des apparences cela n’est pas pour déplaire aux catégories socio-professionnelles favorisées qui fréquentent l’opéra et n’aiment rien tant que venir voir des mises en scène vulgaires et incompréhensibles, pour mieux les critiquer à l’entracte en sirotant une coupe de champagne à 12€ . On annonce d’ailleurs que les donateurs de La République En Marche et les personnes possédant plus de 50.000€ en actions du CAC 40 auront des tarifs préférentiels sur les abonnements, afin de <em>« soutenir les premiers de cordées qui créent de la croissance et l’emploi »</em>.</p>
<p>Le pauvre Stéphane Lissner s’était fait piéger en 2014 par un journaliste demandant de reconnaître cinq extraits musicaux d’opéras célèbres. Il a obtenu le peu glorieux score de 1 sur 5. Les journalistes n’ont pas été aussi exigeants avec Marlène Schiappa, mais l’un d’entre eux lui a tout de même montré la photo d’un basson en lui demandant : <em>« Vous savez ce que c’est ? » « - Mais pour qui me prenez vous ? Je ne suis pas une dinde, je sais reconnaître une clarinette tout de même »</em> a sèchement répliqué la Secrétaire d’Etat. Le syndicat des Bassonistes en Colère n’a pas encore réagi à cette information, cependant que les soutiens de Marlène s’activent sur Twitter pour dénoncer les <em>« Fake News »</em> en affirmant qu’il s’agissait bien d’une photo de clarinette (de clarinette basse en l’occurrence : l'affaire est grave). Aux dernières nouvelles, le journaliste auteur de cette provocation aurait démissionné pour <em>« raisons de santé »</em>, ses raisons de santé étant officiellement sans aucun rapport avec la visite des employés de « Benalla, Barboze & associés » à son domicile le soir de l’interview.</p>
<h3>« L’opéra ce n’est pas que les classiques comme la Reine des Neiges »</h3>
<p>Côté programmation, alors que les choix de Stéphane Lissner étaient d’un conservatisme désolant et d’une frilosité polaire, ceux de la future directrice Marlène Schiappa s’annoncent plus audacieux. <em> « L’opéra ce n’est pas que les classiques comme la Reine des Neiges, la Traviata, ou Pocahontas. C’est aussi la création »</em>a-t-elle déclaré sur France Inter.</p>
<p>Concrètement, il est question d’un opéra autobiographique <strong><em>La Prétentieuse</em></strong> avec une musique de David Guetta, mise en scène par Cyril Hanouna. Ce qui n’a pas manqué d’émouvoir des députés Insoumis qui dénoncent l’utilisation de l’argent public à des fin d’autopromotion.</p>
<p>On parle aussi d’un opéra<strong><em> La Pute Enchantée</em></strong> qui racontera les aventures d’une transsexuelle de 13 ans qui choisit de devenir<em> « travailleuse du sexe »</em> et se retrouve <em>« confrontée à la violence des stéréotypes de genre et à la transphobie de la morale néo-puritaine »</em>. Livret de Gabriel Matzneff (auteur de la tristement célèbre pétition <em>« les enfants aussi ont droit au plaisir »</em> en 1977). Mise en scène de Roman Polanski, musiques de Claude François et Woody Allen. Les personnes mises en cause pour atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans auront droit à une entrée à demi-tarif.</p>
<p>Pas question que la tradition, si présente dans le monde de l’opéra, fasse obstacle au vent de modernitude réformiste qui caractérise ce gouvernement. Soucieuse <em>« d’introduire la performance dans la culture managériale de l'opéra »</em> et d’en faire <em> « un laboratoire de la transformation digitale »</em>, la secrétaire d’Etat a également annoncé le remplacement des altistes de l’orchestre (pauvre Pierre Lénert !) par des synthétiseurs, ainsi que l’introduction de robots sponsorisés par Amazon et Uber dans les corps de ballet.</p>
<h3>« brûler les maisons d’opéra »</h3>
<p>Interrogé depuis sa retraite d’outre-tombe par l’intermédiaire d’une voyante, le compositeur Pierre Boulez aurait déclaré :<em> « J’avais dit dans les années 1970 qu’il fallait brûler les maisons d’opéra. Je me réjouis qu’il y ait enfin une vraie volonté politique en ce sens ».</em></p>
Le Roi Arthus au Paradis ?
urn:md5:217c4a235cfe67a428dae7ead5fc2c03
2015-06-15T23:15:00+02:00
2015-07-25T22:14:28+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
baryton
musique française
musique lyrique
opéra
soprano
ténor
<blockquote>
<p>Je cherche non seulement à rendre mes personnages plus vivants, à les faire mieux parler et plus clairement, tout en les maintenant dans cette vérité spéciale de la vérité artistique, qui n'a aucun rapport avec la vérité naturaliste<em> (Ernest Chausson, lettre à Paul Poujaud, juin 1889)</em></p>
</blockquote>
<p><span style="line-height: 20.8000011444092px;">L'histoire du <em>Roi Arthus </em>d'Ernest Chausson est emblématique des difficultés que peut rencontrer un compositeur, si doué et travailleur soit-il, pour trouver la reconnaissance qu'il mérite. Après avoir </span><span style="line-height: 20.8000011444092px;">consacré dix ans de sa vie à écrire son unique opéra, et puis quatre ans à essayer de le fourguer sans succès à tous les chefs d'orchestre et tous les directeurs d'opéra d'Europe, Chausson est mort en 1899 sans avoir pu assister à la création du Roi Arthus. </span><span style="line-height: 20.8000011444092px;">Notons au passage que son éditeur, Choudens, loin de l'aider, lui a mis des bâtons dans les roues en s'opposant à la création à Madrid ou à Prague sans réussir pour autant à obtenir une création parisienne. </span><span style="line-height: 20.8000011444092px;">Après le décès de Chausson c'est Vincent d'Indy qui réussit à persuader les nouveaux directeurs de la monnaie de Bruxelles de créer <em>Le Roi Arthus</em>, en 1903. Et ce n'est que cent vingt ans après sa complétion qu'il entre enfin au répertoire de l'Opéra de Paris ! </span></p> <p><span style="line-height: 20.8000011444092px;">Lorsqu'on sait qu'il s'agit d'un opéra majeur de cette époque, qu'on ne peut comparer qu'à </span><em style="line-height: 20.8000011444092px;">Pelléas et Mélisande</em><span style="line-height: 20.8000011444092px;">, c'est incompréhensible et même scandaleux. Au passage notons tout ce que cela implique pour ceux et celles qui croieraient naïvement que le jugement de la postérité est toujours équitable, et que la critique comme les organisateurs de concerts savent repérer les chefs-d'oeuvre de façon infaillible et optimale. C'est faux, bien sûr ! Les musiciens, et plus encore les responsables d'institutions culturelles, sont victimes d'esprit grégaire, de manque d'audace et de curiosité. Ainsi beaucoup d'oeuvres mineures de Beethoven sont jouées plus souvent que des oeuvres majeures de ses contemporains, simplement parceque la marque "Beethoven" y est associée. Autre exemple fameux, la 37e symphonie de Mozart qui est beaucoup moins jouée depuis qu'on sait qu'elle fut en réalité écrite par Michel Haydn. Mozart ayant recopié la symphonie et ajouté quelques mesure d'introduction lente, la supercherie n'a été découverte qu'en 1907. Bien entendu les musicologues qui vantaient le charme mozartien de cette symphonie se sont alors mis à la trouver faible et sans grand intérêt. Fermons la parenthèse.</span></p>
<p><span style="line-height: 1.6em;">La question que tout le monde se posait en 1903, à en croire les compte-rendu de Fauré ou Dukas: est-ce que c'est une pâle copie de <em>Trisan et Isolde</em>, ou pas ? Cette question a également beaucoup hanté Ernest Chausson, comme on peut le voir dans sa correspondance:</span></p>
<blockquote>
<p>Il y a surtout cet affreux Wagner qui me bouche toutes les voies. Je me fais l’effet d’une fourmi qui rencontre une grosse pierre glissante sur son chemin. Il faut faire mille détours avant de trouver un passage. J’en suis là. Je cherche. J’ai même de la patience et quelque peu d’espérance.</p>
</blockquote>
<p><span style="line-height: 1.6em;">En 2015, voici mon sentiment sur la question: premièrement le Roi Arthus n'est pas tellement wagnérien, et deuxièmement, s'en fiche un peu, non ? Je comprends parfaitement que la question passionnait les compositeurs français de cette époque (et c'est Debussy qui a su leur montrer une voie radicalement nouvelle qui s'est montrée très féconde), mais aujourd'hui elle n'a pas la même importance, elle est devenue sans enjeu. Pour revenir sur le premier point, une des caractéristiques de Wagner est la répétition, l'insistance sur les mêmes motifs, avec parfois une lourdeur toute germanique. Point de redites chez Chausson, et malgré la richesse du contrepoint, beaucoup d'effets de transparence qui s'approchent de l'impressionisme davantage que du wagnérisme.</span></p>
<p>L'orchestre tient une place très important dans le roi Arthus: préludes, interlude et postludes viennent poser le décor, peindre les sentiments des personnages et la progression de l'action. Je remarque des solos inhabituels aux instruments graves: tuba, clarinette contrebasse, mais également de très beaux solos d'altos interprétés par Laurent Verney j'ai l'impression. Emporté avec énergie par Philippe Jordan, l'orchestre de l'opéra donne le meilleur de lui-même c'est un régal à entendre de bout en bout.</p>
<p>On ne peut pas en dire autant de la mise en scène: les moyens considérables de l'opéra de Paris sont ici mis au service d'une vision singulièrement étriquée et sans envergure de l'opéra. Où est la Bretagne qui fait rêver avec ses forêts enchantées, ses tempêtes, ses rochers de granit, son océan ? Elle est tout entière réfugiée dans la fosse d'orchestre, ce qui se passe sur le plateau étant d'une prévisible banalité. On comprend que le metteur en scène ait voulu éviter le côté kitsch des cottes de mailles, pont-levis et robes de princesses moyenâgeuses, mais ce qu'il propose en échange ne fait pas beaucoup rêver et semblerait plus adapté à une comédie musicale sur <em>La petite maison dans la prairie</em> qu'à l'opéra de Chausson.</p>
<p><span style="line-height: 1.6em;">Du point de vue du livret, la différence majeure avec </span><em style="line-height: 1.6em;">Tristan et Isolde</em><span style="line-height: 1.6em;"> est la focalisation sur le roi Arthus: les amours adultérines de Lancelot et Genièvre tiennent une place importante mais pas centrale dans l'oeuvre. Les personnages de Lancelot et Genièvre (magnifique Sophie Koch) sont ambigus, prisonniers de violentes passions contradictoires donc le choc les écrasera. Mais le plus grand drame est au fond celui d'Arthus qui se voit confronté non seulement à la vieillesse et à la mort mais aussi à la trahison de ses proches et à la destruction de tout ce qu'il a voulu construire avec les chevaliers de la Table Ronde, par le déchaînement des passions et des luttes fratricides entre Mordred et Lancelot. Le fond du désespoir semble atteint au troisième acte lorsque le roi ne peut que s'écrier:</span></p>
<blockquote>
<p>Genièvre ! Lancelot ! Et morts tous les deux !<br />
Ceux que j'aimais le plus au monde<br />
Impitoyablement ont déchiré mon coeur.<br />
Mais la blessure est trop profonde;<br />
Je n'ai plus rien d'humain que ma douleur.<br />
Tout, tout s'écroule à la fois, tout s'effondre<br />
L'oeuvre de ma vie est brisée.<br />
Au cri de mon coeur blessé<br />
Nul coeur ne peut plus répondre.</p>
</blockquote>
<p>Lancelot n'est pas encore mort pourtant, il reprend conscience et propose à Arthus de le tuer pour venger son honneur. Celui-ci répond, désabusé:</p>
<blockquote>
<p>Mon honneur ! Crois-tu donc qu'il dépende<br />
D'un autre que moi-même ?<br />
Sans doute l'heure est venue<br />
Où je vais quitter ce monde<br />
Hélas sans regrets</p>
</blockquote>
<p>avant de se tourner vers Dieu:</p>
<blockquote>
<p>Seigneur, Seigneur, je suis sans forces entre vos mains<br />
Mon courage est vaincu je n'ai plus d'espérance<br />
Dans un sommeil sans lendemain<br />
Endormez, s'il le peut, endormez ma souffrance</p>
</blockquote>
<p>Dans le moment le plus beau de l'opéra selon moi, un choeur venu du ciel vient consoler Arthus, la musique s'éclaircit tout en gardant quelque chose de sombre: </p>
<blockquote>
<p>Arthus, ô noble victime<br />
Jouet d'un rêve éternel<br />
Viens. Le monde fut cruel<br />
Pour ton âme trop sublime</p>
<p>Le sort trompa les desseins<br />
Ton oeuvre chancelle et croule<br />
Dans l'inévitable houle<br />
Qui roule tous les humains</p>
<p>Ton oeuvre écroulée est belle.<br />
Ceux-là seuls sont de héros<br />
Qui luttèrent sans repos<br />
Pour la Justice éternelle.</p>
<p>Mais quand viendra le réveil<br />
Tu déchireras les voiles<br />
Et le front mitré d'étoiles<br />
Tu descendras du soleil.</p>
<p>Comme un sublime manoeuvre,<br />
Sur terre tu reviendras<br />
Pour reprendre ta grande oeuvre<br />
Et livrer de fiers combats</p>
<p>Arthus ! Sur ton front royal<br />
Qu'a dédaigné la victoire<br />
Plane la suprême gloire<br />
D'avoir cru dans l'idéal.</p>
</blockquote>
<p>Comment ne pas voir dans ce roi Arthus un autoportrait d'Ernest Chausson, de ses souffrances, de son travail acharné et quasiment sans espoir, et de la reconnaissance qu'il trouve au-delà de la mort ? Ce troisième acte m'a ému aux larmes et sa conclusion orchestrale, pianissimo, est un des plus beaux moments de musique que j'ai entendu dans ma vie. Après un long purgatoire, la musique de Chausson a-t-elle atteint le paradis ?</p>
Cavalleria Rusticana (version de concert) le 11 et 13 juin à Paris
urn:md5:9b8d0537979ea182312d186fb691c216
2015-06-02T11:00:00+02:00
2015-06-02T11:36:03+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
opéra
<p>Sous la direction de Romain Dumas, l'<a href="http://www.ut5.fr/" hreflang="fr" title="orchestre Ut Cinquième">orchestre Ut Cinquième</a> et le choeur russe de Paris vous invitent à écouter <em>Cavalleria Rusticana </em>de Pietro Mascagni en version de concert les 11 et 13 juin prochains à Paris Avec dans les rôles solistes: Marie Saadi (Santuzza), Daniel Galvez-Vallejo (Turridu), Marc Souchet (Alfio), Marine Chagnon (Lola) et Gabrielle Savelli (Lucia).</p> <p>Cet opéra un acte prend place dans un petit village de Sicile où rien ne se fait sans passion, où l'honneur n'est pas un vain mot les histoires d'amours se terminent en duels au couteau. Ce n'est pas pour rien que cet opéra apparaît dans la troisième volet du <a href="http://www.imdb.com/title/tt0099674/"><em>Parrain</em> de Francis Coppola</a>. On en trouve maintenant des versions intégrales en vidéo, <a href="https://youtu.be/ZJTi-i2miOw">cette jolie production à Zurich en 2012</a> par exemple, ou encore <a href="https://youtu.be/b7hv52vHF1U">cette version tout en noir et blanc à Salzbourg en 2015</a> (avec sous-titres en Allemand pour ceux qui ne parleraient pas le Sicilien), ou <a href="https://youtu.be/tpWixMpv_R8">cette production du Foggia Teatro Giordano</a> (avec sous-titres anglais).</p>
<p>Dans ce concentré d'opéra italien de style vériste (proche de Verdi), on y trouve presque tous les styles de musique et de chant: chants de séduction, romances et duos d'amour, chants religieux, scènes dramatiques ou comiques. L'argument tient en peu de mots: Turridu, marié avec la belle Santuzza, la trompe avec son amour de jeunesse, Lola, mariée pour sa part avec le charretier Alfio. Ayant reçu la preuve de l'adultère, après une ultime tentative pour ramener son mari infidèle, folle de colère et de douleur, Santuzza dit la vérité à Alfio, en sachant que cela déclenchera un fatal duel au couteau entre les deux hommes. L'action prend place dans un village Sicilien le jour de Pâques, d'où les choeurs avec chansons religieuses, chansons à boire et réactions du village au drame intime vécu par les deux couples.</p>
<p>Si l'oreille exercée pourra détecter quelques faiblesses dans une partition écrite à toute vitesse par un jeune compositeur, elles sont largement compensées par l'élan, l'ardeur et la beauté de lignes mélodiques des plus inspirées. L'opéra étant bouclé en un peu plus d'un heure, on ne s'ennuie pas une minute, et son succès ne s'est pas démenti dans le monde entier depuis la création en 1890. Au grand dam de Pietro Mascagni qui regrettait que ses autres opéras, plus ambitieux et aboutis, ne connaissent pas le même succès (Notons au passage qu'à titre personnel je n'ai jamais cru que le jugement de la postérité soit équitable en aucune façon: je pourrais citer facilement une vingtaine de chefs-d'oeuvres absolus victimes d'un mépris non moins absolu, et dénoncer une vingtaine de navets dans le top 100 de radio classique. Fermons la parenthèse).</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/ut5_juin2015.jpg" title="ut5_juin2015.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.ut5_juin2015_m.jpg" alt="ut5_juin2015.jpg" title="ut5_juin2015.jpg, juin 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>En bref, pour écouter cet opéra en version de concert, ça se passe à Paris, le <strong>11 juin à 21h Notre-Dame du Liban</strong> et le <strong>13 juin à 21h Notre-Dame des Blancs-Manteaux</strong>. Comme d'habitude avec l'association Ut Cinquième qui veut rendre la belle musique accessible au plus grand nombre, l'entrée est libre et tous les musiciens sont bénévoles mais le public est invité à <a href="http://www.ut5.fr/?page_id=107">participer aux frais</a>. Venez nombreux !</p>
Le Roi Arthus de Chausson bientôt à l'Opéra de Paris
urn:md5:e1d1fe7f14d364ca7a7e473200589292
2015-05-22T10:06:00+02:00
2015-05-22T09:17:28+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
chant lyrique
composition
Ernest Chausson
musique française
opéra
orchestre
Paris
Richard Wagner
<p>Plus de cent ans après sa création à Bruxelles, l'unique opéra d'Ernest Chausson fait enfin son entrée à l'opéra de Paris. Il était temps ! Les Parisiens pourront enfin découvrir ce <em>Tristan</em> à la française, qui narre les amours contrariées (et adultérines) de Lancelot et Guenièvre. Je vous en dirai plus dans un prochain billet, car j'aurais le plaisir d'assister à cet évènement. En attendant je vous invite à écouter cette i<a href="http://www.operadeparis.fr/saison-2014-2015/opera/le-roi-arthus-chausson" hreflang="fr">nterview de Roberto Alagna</a> sur le site de l'Opéra de Paris qui nous dit que l'orchestre est un personnage à part entière, et que la voix n'est qu'une des composantes d'une riche texture.</p>
<p>Bien qu'il s'en défende, l'écriture de Chausson reste assez proche de Wagner, au moins sur le plan technique. La polyphonie (chaque voix se veut une ligne mélodique), le chromatisme avec des modulations incroyables et des changements de couleur magnifiques, le romantisme exacerbé, le développement d'un petit nombre de motifs simples, tout cela est assez wagnérien. Mais la musique de Chausson possède aussi par instants une grâce, une élégance, une légèreté fort peu germaniques, et elle semble annoncer l'impressionnisme.</p> <p>Relire la biographie d'Ernest Chausson pourra consoler plus d'un compositeur vivant: en effet il se plaignait déjà dans les années quatre-vingt (1880, s'entend) du conservatisme du public et des musiciens, et de l'extrême difficulté qu'il y avait à faire jouer sa musique lorsqu'on possède l'inconvénient majeur de ne pas être mort il y a 50 ans ou plus. Ça ne s'est pas amélioré depuis, c'est le moins qu'on puisse dire ! <em>Le Roi Arthus</em> est la parfaite illustration de ces difficultés, car Chausson qui a passé sept années à travaillé sur cet opéra est mort avant de l'avoir entendu.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/Dante_Gabriel_Rossetti_Arthur_s_Tomb_1855.jpg" title="Dante_Gabriel_Rossetti_Arthur_s_Tomb_1855.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/art/.Dante_Gabriel_Rossetti_Arthur_s_Tomb_1855_m.jpg" alt="Dante_Gabriel_Rossetti_Arthur_s_Tomb_1855.jpg" title="Dante_Gabriel_Rossetti_Arthur_s_Tomb_1855.jpg, mai 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>À quoi sert-il de passer l'essentiel et le meilleur de son temps à écrire un opéra qu'on n'entendra même pas ? La réponse se trouve dans une lettre de Chausson que j'ai piquée dans l'excellente <a href="http://www.lalibrairie.com/tous-les-livres/ernest-chausson-gallois-j-9782213031996.html" hreflang="fr">biographie de Jean Gallois chez Fayard</a>:</p>
<blockquote><p><em>En dehors des grands hommes il y a les milliers de petites fourmis qui piochent ingragement et suent consciencieusement; ce qu'elles font n'a pas grande portée; cela ne change rien et pourtant elle ne peuvent faire autre chose. Pourquoi diable suis-je une de ces bêtes-là ? [...] Je vois clairement en m'observant tout ce que je tiens des autres et je conclus qu'il n'y a pas une parcelle, dans tout ce que je puisse faire, qui soit tout à fait à moi, rien qu'à moi. De là à se demander s'il ne vaudrait pas mieux ne rien faire, il n'y a qu'un pas. Mais c'est justement là que mon manque de logique apparaît [...] Je sais très bien que je puis arriver un jour ou l'autre à écrire une oeuvre musicale intéressante pour quelques esprits curieux, mais entre cela et une œuvre d'art véritable il y a un monde. Comment se fait-il donc que je ne puisse m'empêcher d'écrire ? Je l'ai essayé; je ne puis pas, il y a alors en moi comme une fonction organique qui ne s'accomplit pas; je deviens tout à fait insupportable. Ce qu'il y a de plus bizarre c'est que, malgré tout ce que je viens de dire sur la perception de l'œuvre d'art et le découragement où je suis de n'y pouvoir jamais parvenir, je travaille comme si, à ce moment, je pensais tout à fait différemment. Mais une fois l'entrain passé, je rage de voir combien ce que je fais est si loin de ce que je voudrais faire, de ce qu'il me semble que j'entends dans ma tête. Et le lendemain je retravaille tout de même.</em></p>
</blockquote>
<p><small>Illustration: Dante Gabriel Rossetti: Lancelot et Guenièvre sur la tombe du roi Arthur (1855)</small></p>
Un Faust diablement bourgeois
urn:md5:53ec26693592753f68f01e10cdded1c2
2015-03-18T16:03:00+01:00
2015-03-18T16:25:00+01:00
Patrick Loiseleur
Opéra
chant lyrique
musique française
opéra
orchestre
soprano
théâtre
ténor
<p>Avec un peu de retard, je publie un compte-rendu de la première de <strong>Faust </strong>à l'opéra Bastille le 2 mars dernier. Ayant eu le plaisir de participer à une production de cet opéra en 2002 (dans la fosse d'orchestre, à l'alto) c'est une partition que je connais assez bien et que je retrouvais avec grand plaisir (et avec l'ami Nicolas qui a l'époque tenait la position de violon solo à l'orchestre <a href="http://www.ut5.fr" hreflang="fr" title="Orchestre Ut Cinquième">Ut Cinquième</a>).</p> <p>L'ouverture me frappe par la mollesse des attaques et le manque de contrastes dynamiques. Est-ce les musiciens
de l'opéra qui n'ont pas envie de faire du zèle ce soir-là, ou Michel Plasson qui n'a pas envie de les stimuler ?
Toujours est-il que le résultat manque singulièrement de force dramatique.
</p>
<p>Du décor grandiose représentant la bibliothèque du docteur Faust (et qui sera recyclé avec plus ou moins de
succès dans tous les actes), j'apprendrai plus tard qu'il a été fabriqué pour une précédente production en
2011, dont cette nouvelle mise en scène est en quelque sorte la version 2.0, réalisé par l'assitant de
la première production. Il y a de belles choses dans cette mise en scène de Jean-Romain Vesperini, et rien qui se trouve en porte-à-faux
avec l'argument. A en croise les costumes, l'histoire a été transposée dans les années 1920 ou 1930, sans que j'arrive à comprendre
ce que ça apporte de plus.</p>
<div>En redécouvrant le livret de ce <em><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Faust_(Gounod)">Faust </a></em>créé en 1859, je suis frappé au contraire par la façon dont il véhicule
les valeurs de la bourgeoisie du Second Empire, si bien décrites (et décriées) par Zola dans les <em>Rougon-Macquart</em>.
Méphisto propose au Dr Faust tout ce qu'on peut obtenir en ce bas monde: richesse, pouvoir, etc. Mais loin de vouloir
conquérir la Mandchourie ou devenir plus riche de Rotschild, que désire Faust ? Simplement une amourette avec la
chaste et sage Marguerite, qu'il dévergonde, et puis engrosse, et puis abandonne.
C'est d'ailleurs le seul crime qu'il commet.
<p>Bien évidemment, à l'aune des moeurs contemporaines qui s'apparentent davantage aux <em><a href="http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article240">Harmonies polygames</a></em> rêvées par
Charles Fourier (le Fourier des phalanstères, pas celui de la transformée de Fourier) qu'à celle de l'Angleterre
Victorienne, on a bien du mal à s'en émouvoir. Ou même à comprendre les raisons qui poussent Marguerite desespérée à
tuer son enfant. De nos jours, personne n'aurait l'idée de regarder Marguerite de travers ni de l'affubler de vilains noms comme "fille-mère". Elle irait voir un JAF pour coller une pension alimentaire
et un droit de visite un-week-end-sur-deux à Faust, et elle formerait une famille recomposée avec Siebel.
Lequel aurait subi quelques opérations chirurgicales afin d'affirmer sans complexe sa féminité et
se battrait avec le soutien d'une association LGBT afin de pouvoir adopter l'enfant de Marguerite. Quand à Méphisto, passé de l'artisannat
à l'industrie, il aurait investi l'or des bijoux dans le capital d'un site de rencontres extra-conjugales...
</p>
<p>Revenons à la musique. Au fur et à mesure que la soirée s'écoule, l'orchestre semble retrouver des couleurs,
jusqu'à un très beau finale. Les choeurs, qui jouent un grand rôle dans Faust, sont vraiment très bien. Les
solistes ne déméritent pas, à commencer par le Faust de Piotr Beczala, rôle exigeant s'il en est. Et puis, le plaisir
de cet opéra reste tout de même qu'on enchaîne les airs qui sont devenus des "tubes" du chant lyrique,
à commencer par l'<em>Air des bijoux</em> bien sûr, que tous les lecteurs de Tintin connaissant bien, et que le capitaine Haddock craint plus que tout. Mais aussi <em>Le veau d'or</em>, <em>Salut, demeure chaste et pure</em>,<em> Gloire immortelle de nos aïeux</em>, <em>Faites-lui mes aveux</em>, etc.
Autant de mélodies qui ont marqué leur époque et sont passées dans l'oreille collective.
</p>
</div><div>Le caractère assez wagnérien de cet opéra, composé après <em>Lohengrin </em>mais avant <em>Tristan</em>, m'apparaît
plus clairement aujourd'hui. La séparation entre les numéros, la distinction entre airs et récitatifs s'estompe jusqu'à disparaître. Et certains motifs sont associés à des personnages ou à des idées (Faust,
Marguerite mais aussi l'amour, la mort, la rédemption) et réutilisés tout au long de l'opéra. Cela étant dit,
il faut bien reconnaître que l'orchestre de Gounod n'a pas la richesse et la profondeur de celui de Wagner. Ce
qui n'a nullement empêché ce <em>Faust </em>de rester un classique indétrônable de l'opéra en langue française,
aux côtés d'une poignée d'autres comme la <em>Carmen </em>de Bizet.
<p>En sortant j'ai gardé l'impression d'avoir assisté à un beau spectacle d'opéra, bien écrit, bien chanté, bien joué,
bien mis en scène, sans le petit plus qui fait toute la différence. Sans le frisson qui nous ferait vibrer
avec les jeunes amants, croire à l'enfer et désirer ardemment la rédemption de la pauvre Marguerite.
Ce Faust diablement bourgeois n'empêchera personne de dormir.</p>
<p>A lire également: </p>
<ul><li><a href="http://www.musicologie.org/15/faire_du_neuf_avec_du_vieux_faust_opera_bastille.html">Faire du neuf avec du vieux</a> (musicologie.org)</li>
<li><a href="http://www.forumopera.com/faust-paris-bastille-eau-tiede-ou-grand-guignol">Eau tiède ou grand guignol</a> (forumopéra)</li>
<li><a href="http://www.bertrandferrier.fr/?p=4115">Le recyclage, c'est maintenant !</a> (Bertrand Ferrier)</li>
</ul>
</div>
Vous avez dit: immobilisme ?
urn:md5:dfc8b1928daa2fafce62b472064820bf
2015-02-05T17:08:00+01:00
2015-02-05T17:29:04+01:00
Patrick Loiseleur
Opéra
création
opéra
politique
<p>L'opéra est un genre musical mort et enterré. On l'a dit et redit dans les colonnes de ce journal. Né au tournant des années 1600 en Italie, ayant atteint la maturité à l'époque de Mozart, une véritable explosion au XIXe siècle où chaque nation voulut des opéras dans sa langue, déjà décadent avec Wagner et Verdi, il agonisa joliment durant le vingtième siècle, produisant ses derniers feux avec Strauss ou Schoenberg. En de début de XXIe siècle, il coule moins de sang vif dans ses veines que dans celles du malheureux Vincent Lambert.</p> <p>Les maisons d'opéras, qui étaient des lieux de création lorsque le Palais Garnier fut érigé, étaient déjà depuis longtemps devenus des musées vivants, de jolis cénotaphes à la mémoire de la musique occidentale
lorsque l'Opéra Bastille sortit de terre. Des lieus de conservation du patrimoine. Sans être une sinécure pour autant, la direction d'un établissement
prestigieux comme l'opéra de Paris n'est pas tellement plus excitante que le Secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants.
Ainsi, lorsque dans <a href="http://www.lemonde.fr/scenes/article/2015/02/04/stephane-lissner-l-opera-doit-combattre-l-immobilisme_4569347_1654999.html" hreflang="fr">une interview au journal Le Monde</a>, Stéphane Lissner déclare:
</p>
<blockquote><p>L’opéra, comme l’art en général, est là pour poser, s’il le peut, les questions qui dérangent, combattre l’immobilisme, le repli sur soi, la peur de l’autre
</p>
</blockquote>
qu'on nous permette de rigoler doucement. Les productions de l'opéra de Paris "dérangent" à peu près autant que
la rénovation de la Galerie des Glaces au château de Versailles. A part quelques snobs qui se sentiront obligés
de siffler le metteur en scène ou le ténor dont ils n'ont pas apprécié les aigus, la programmation 2015-2016 de l'opéra
de Paris n'empêchera pas grand-monde de dormir.
<p>S'il y avait des spectables réellement nouveaux, sur des sujets actuels comme le conflit en Syrie, la farce
tragi-comique de François H et Valérie T, les attentats commis par Anders Breivik ou encore l'affaire Dutroux,
alors on aurait peut-être des articles dans les journaux, des manifs de cathos intégristes, des fatwas émises
par des mollahs iraniens ou par Nancy Houston, que sais-je ? En bref, il y aurait du fun, de l'émotion, par la représentaiton
artistique d'enjeux politiques ou sociaux qui nous touchent et nous parlent, comme il peut y en avoir
dans d'autres domaines artistiques comme les arts plastiques ou le théâtre (Notons que l'opéra de Michel Fourgon sur la vie de <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2013/02/19/Cr%C3%A9ation-de-Lolo-Ferrari-de-Michel-Fourgon-%C3%A0-l-Op%C3%A9ra-de-Rouen-en-mars-2103">Lolo Ferrari</a> fait plutôt partie des exceptions qui confirment la règle).</p>
<p>Les metteurs en scène ont beau essayer toutes les outrances, comme une <em>Traviata </em>en Drag Queen transsexuelle
ou un <em>Lohengrin </em>en motard néonazi dans une usine post-communiste désaffectée, cela nous fait plutôt sourire
par le ridicule des contresens, plutôt que cela nous émeut par la justesse et l'actualité des interprétations. A force
de vouloir se distinguer des soixante mises en scène déjà réalisées de <em>Don Giovanni</em>, certains finissent par
faire tout et n'importe quoi, sans réveiller le public pour autant.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/opera/siegfried_fafner.jpg" title="siegfried_fafner.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/opera/.siegfried_fafner_m.jpg" alt="siegfried_fafner.jpg" title="siegfried_fafner.jpg, fév. 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>S'il y avait des musiques réellement actuelles, avec des instruments électriques ou mixtes, des voix amplifiées
et donc travaillées différement du chant lyrique, des compositeurs vivants, les spectateurs
feraient peut-être autre chose que sommnoler gentiment. On verrait peut-être des fans de hard-rock ou de jazz
envahir la Bastille pour telle ou telle production intégrant les artistes qu'ils chérissent. Au lieu
de vouloir à toute force et contre toute logique intéresser "les jeunes" au "classique", on pourrait peut-être
faire entrer de la musique vraiment jeune dans les murs de la citadelle, non ?</p>
<p>Oui, je le sais, j'ai bien noté, Stéphane Lissner a prévu une création par an sur les trois ou quatre prochaines
saisons. C'est formidable, on ne peut que l'en féliciter, c'est beaucoup mieux que le très soporifique Nicolas Joël,
et je serai sans doute parmi les premiers à y assister si je le puis.
Mais c'est assez peu rapporté à une vingtaine de productions par saison. Le fait qu'un directeur d'opéra qui
prévoit une création pour vingt spectacles, soit 4 ou 5% de son activité, soit classé parmi les
"audacieux", suffit à exprimer le conservatisme étouffant qui règne dans les maisons d'opéra aujourd'hui.</p>
<p>En 2016 comme en 2015, il n'y a pas grand-chose de nouveau à voir ou à entendre à l'opéra. Affalé sur l'immense trésor de quatre siècles de répertoire, le dragon Fafner n'a pas fini de dormir...</p>
<p><em>(Illustration: Stefan Vinke (Siegfried) et Fafner. © Alan Alabastro photo. Une production du Ring de Wagner à l'opéra de Seattle)</em></p>
Le silence de la mer (Tomasi-Vercors)
urn:md5:2c9217f5a6ffffdfe0ac97df5bf7dc73
2015-01-16T10:46:00+01:00
2015-01-16T10:49:07+01:00
Patrick Loiseleur
Concerts
baryton
chant lyrique
concert
L Oiseleur des Longchamps
mer
musique française
mélodie française
opéra
piano
politique
récital
silence
soprano
<p>Si je n'ai pas réagi dans ce Journal aux attentats du 7 janvier, ce n'est pas par indifférence ou paresse. C'est d'abord pour observer un silence respectueux devant les familles des victimes: le déferlement de paroles dans les media alors que les coprs étaient encore chauds m'a mis fort mal à l'aise et poussé à chercher le recueillement et la solitude plus que la foule et le bruit (bien que j'aie participé à la manif avec mes proches). </p> <p>Je reviendrai certainement sur le sujet car nous sommes tous concernés par ces attaques contre la République. Et je le suis particulièrement en tant que bloggueur, attaché à la liberté d'expression, et en tant que musicien car les islamistes radicaux sont ennemis féroces de la musique ainsi que de la littérature, des arts plastiques et de nombreuses autres formes de culture.</p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/tomasi_le_silence_de_la_mer.jpg" title="tomasi_le_silence_de_la_mer.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.tomasi_le_silence_de_la_mer_m.jpg" alt="tomasi_le_silence_de_la_mer.jpg" title="tomasi_le_silence_de_la_mer.jpg, janv. 2015" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Pour l'instant je voudrais simplement inviter nos lecteurs (du moins les Parisiens parmi eux) à venir écouter <em>Le Silence de la Mer</em>, opéra d'<strong>Henri Tomasi</strong> sur un <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Silence_de_la_mer" hreflang="fr">texte magnifique et célèbre de Vercors</a>. Alors qu'un extrémisme parmi d'autres nous rappelle aujourd'hui que nous ne serons jamais totalement à l'abri, qu'il faut rester prêt à se battre pour les valeurs auxquelles nous sommes attachées: liberté, égalité, fraternité, il est urgent de relire ces quelques pages et d'y retrouver l'inspiration et le courage qui furent ceux des premiers Résistants.</p>
<p>Bien que prévue de longue date, la programmation de cet opéra de chambre à Paris tombe on ne peut mieux et résonne étrangement avec l'actualité. C'est au Temple du Luxembourg, 56 rue Madame, <strong>samedi 17 janvier à 20 heures</strong> avec <strong>L'Oiseleur des Longchamps</strong> (baryton), <strong>Clémentine Decouture</strong> (soprano) et <strong>Olivier Dauriat</strong> (piano). Le programme est complété par une sélection de mélodies sur le thème du "silence mis en musique" (oxymore s'il en est). Au plaisir de vous y retrouver peut-être ?</p>
Lascia ch'io piango arrangé pour alto seul
urn:md5:ba6417b806cfd7b80bf306f4a51ccfb2
2014-11-19T15:51:00+01:00
2014-11-19T15:53:51+01:00
Patrick Loiseleur
Arrangements
alto
chant lyrique
Haendel
musique ancienne
musique baroque
opéra
transcription
<p>Il y a quelques années j'avais tiré de <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2012/11/29/Laisse-moi-pleurer">cette aria magnifique</a> et fort connue de Haendel, utilisé dans cette <a href="http://youtu.be/WuSiuMuBLhM">scène-clé</a> film Farinelli entre autres, un arrangement pour alto seul. Et puis je l'avais oublié dans un coin de disque dur. Je l'ai ressortie de la naphtaline aujourd'hui pour la partager la partition avec le reste du monde sur <a href="http://www.scoreexchange.com/scores/163071.html">ScoreExchange</a>, et gratuitement, s'il vous plaît. <a href="http://www.scoreexchange.com/scores/163071.html">Cliquez ici pour la partition gratuite du jour</a> !</p> <p>Cela sonne étonnamment bien. Sans qu'aucune transposition soit nécessaire, aussi bien la ligne mélodique principale que l'accompagnement sont parfaitement à leur place dans la tessiture de l'alto, dont le caractère mélodique aussi bien que les possibilités d'accords sont ainsi mises à profit. Et il me semble bien, toute déformation professionnelle mise à part, que la même pièce sonnerait moins bien au violon (pas assez de basses) ou au violoncelle (pas assez d'aigus, trop de doubles et triples cordes).</p>
<p>Cette sarabande peut faire penser à certaines pièces de Jean-Sébastien Bach ou Georg Fridriech Telemann pour violon seul. Si j'en ai le courage, et s'il y se trouve suffisamment de gentils lecteurs ou gentilles lectrices pour le réclamer à cors et à cris, je ferai peut-être un enregistrement studio-maison de cette pièce un de ces quatre matins...</p>
L'opéra équestre de L'Oiseleur des Longchamps
urn:md5:c5c38dc55b941add61bf94e52506d530
2014-07-13T18:51:00+02:00
2014-09-01T20:53:50+02:00
Patrick Loiseleur
Concerts
chant lyrique
cheval
concert
création
musique française
opéra
<div>Vu le 22 juin dernier au Haras de Bory dans les Yvelines, l'avant-première du nouveau spectacle de L'Oiseleur des Longchamps. On connaît les talents nombreux de L'Oiseleur des Longchamps: baryton, photographe, metteur en scène, mais ce sont également ses talents d'organisateur qu'il a mis en jeu pour ce pari artistique ambitieux.</div><div>Au départ de cette entreprise, le projet un peu fou de rapprocher son amour du cheval et celui du chant lyrique: cela a donné <a href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2012/01/01/Les-Chevauch%C3%A9es-Lyriques-de-L-Oiseleur-des-Longchamps">un disque</a> (auquel j'ai eu le bonheur de participer modestement), et maintenant un spectacle étonnant, une sorte d'opéra équestre tout à fait unique en son genre, et qui pourra ravir autant les mélomanes que les amoureux du cheval.</div> <p>L'Oiseleur des Longchamps a commencé par d'énormes recherches de répertoire qui l'ont conduit à dénicher, à côté de certains classiques incontournables, des raretés, des petits bijoux méconnus de la mélodie française. Certains de ces textes ne sont pas édités, ce qui signifie qu'on ne les trouve que dans les bibliothèques. Même lorsqu'ils ne sont pas édités, il ne sont pas pour autant libres de droits, ce qui représente un défi supplémentaire.</p>
<p>Il a fallu ensuite parcourir la France pour trouver des chanteurs et chanteuses qui soient également cavaliers ou cavalières, mettre à contribution toutes les bonnes volontés pour trouver un lieu, une date, réunir toute une équipe d'artistes et de techniciens, sans même parler des chevaux.</p>
<p>Mais le résultat est vraiment à la hauteur de ces efforts. Il existe en effet de nombreux spectacles équestres, mais ceux-ci sont souvent accompagnés d'une bande-son rudimentaires faite le plus souvent de musiques de films ou chansons diffusées à fond les gamelles par une sono aussi puissante que médiocre. En faisant le pari de la musique <em>live</em>, chantée avec pas ou peu de sonorisation, on ne choisit pas la voie de la facilité pour les artistes, mais surtout on invite le public à une écoute active et attentive, et cela change tout. Le moment du récital devient vraiment unique, étonnant, et laisse aux spectateurs l'impression d'avoir vécu des instants magiques, privilégiés.</p>
<p>Il faut rendre grâces à L'Oiseleur pour avoir réuni une équipe exceptionnelle, où le talent le disputait au charme côté féminin et à l'élégance virile côté masculin. Il faudrait citer tous les noms, et j'ai peur d'en oublier: Marie Leconnec, Clémence Leconnec, Simonne L'Hermitte, Marion Duterte, Christina de Kragh, Dania El Zein, Catherine Dune, Anaïs Volandn, Romain Bertucca, Jean Navarro, Stéphanie Humeau, L'Oiseleur des Longchamps. </p>
<p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/chevauchees_lyriques_22juin2014jpg.jpg" title="chevauchees_lyriques_22juin2014jpg.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.chevauchees_lyriques_22juin2014jpg_m.jpg" alt="chevauchees_lyriques_22juin2014jpg.jpg" title="chevauchees_lyriques_22juin2014jpg.jpg, juil. 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" /></a></p>
<p>Dans la voiture qui nous ramenait vers la capitale, mes co-voitureurs et moi nous sommes amusés à collectionner les adjectifs en -ique qui pourraient qualifier ce spectacle:</p>
<ul><li>épique</li>
<li>lyrique</li>
<li>érotique</li>
<li>héroïque</li>
<li>acrobatique</li>
<li>artistique</li>
<li>onirique</li>
<li>fantastique</li>
<li>unique</li>
<li>métaphysique</li>
<li>pianistique</li>
<li>opératique</li>
<li>hippique</li>
</ul>
<p>Et ensuite tous ceux qui ne s'y appliquerait pas du tout:</p>
<ul><li>propédeutique</li>
<li>diurétique</li>
<li>soporifique</li>
<li>anecdotique</li>
<li>hystérique</li>
</ul>
<p>Fort heureusement pour ceux de nos lecteurs qui n'ont pas pu assister à ce beau spectacle, il existe une captation vidéo en guise de carte postale, qu'on peut consulter sur ioutioube en suivant <a href="http://youtu.be/0Aryr-lm8jw" title="Chevauchées lyriques">ce lien</a> (Bucéphale par l'étonnante et virtuose Sabrina Sow), <a href="http://youtu.be/FJ7uuMdW8kY" title="Chevauchées lyriques">ce lien</a> (lecture de la Princesse de Clèves, musique et peinture) ou encore <a href="http://youtu.be/lNZDCXsQZ9M" title="Chevauchées lyriques">celui-ci</a>.</p>
Une Flûte de poche au Théâtre des Variétés
urn:md5:4fad25596fdd38b7dd176bb9365fa847
2014-06-21T11:43:00+02:00
2014-09-01T20:55:57+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
amour
flûte enchantée
opéra
poésie
théâtre
Wolfgang Amadeus Mozart
<p>A l'affiche au théâtre des Variétés jusqu'au 12 juillet prochain, une version de poche fort sympathique et enjouée de <a href="http://www.theatre-des-varietes.fr/spectacles/la-flute-enchantee.html" hreflang="fr">la Flûte enchantée</a>. L'orchestre est réduit à quatre musiciens (violon, alto, hautbois, basson) qui jouent sur scène, de mémoire, et dont les mouvments sont intégrés à la mise en scène. Il s'agit donc de théâtre musical (comme l'histoire du soldat de Stravinsky) plutôt que d'opéra. Les coupures sont nombreuses, les dialogues parlés ont été réécrits en français plus que traduits, mais l'essentiel du chef-d'oeuvre de Mozart est préservé. </p> <p><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/opera/FluteWeb_jpeg_rvb_0.jpg" alt="FluteWeb_jpeg_rvb_0.jpg" title="FluteWeb_jpeg_rvb_0.jpg, juin 2014" style="float: right; margin: 0 0 1em 1em;" />Les lecteurs de ce journal savent que ce n'est pas trop mon habitude de distributer les bons et les mauvais points aux chanteurs, et je le ferai d'autant moins que cette production repose sur deux équipes tournantes et que vous pourrez donc entendre une autre Pamina que moi. Je me contenterai de dire que toute cette production respire la fraîcheur, la jeunesse, l'enthousiasme et qu'on ne s'ennuie pas une seconde en l'écoutant.</p>
<p>Certaines trouvailles de mise en scène sont ingénieuses: ainsi point de flûte sur scène, mais les mélodies pour flûte dont la fameuse flûte enchantée de Tamino <a href="http://youtu.be/RGua-G4H8og">qui fait danser les bêtes sauvages</a> sont diffusées à partir de sons enregistrés. Ainsi nous voyons Tamino souffer dans une flûte invisible dont les sons semblent sortir de l'air comme par magie. De même pour le carillon de Papageno. </p>
<p>Je ne peux m'empêcher de voir dans la scène de Tamino charmant les bêtes sauvages une métaphore de Mozart lui-même, doté de son seul art pour faire face à la férocité du monde, du pouvoir, de l'argent. Que peut une simple flûte contre la force brute ? Rien, et tout à la fois. Elle peut nous émouvoir, et n'est-ce pas là le plus grand de tous les pouvoirs ?</p>
<p>Il me faudrait citer chaque aria, comme celui de <a href="http://youtu.be/dZKsxIl6uKs">Pamina</a> devant Tamino immobile et silencieux, qui m'arrache des larmes à chaque fois, ou la célébrissime colère de la reine de la Nuit, sans parler de Papageno bien entendu... et tout cela nous emmènerait fort loin. Je le réserve à une série de billets futurs.</p>
<p>Le pari d'adapter le plus bel opéra de Mozart au théâtre et de séduire un public qui n'est pas forcément composé d'amateurs d'opéra est tenu. Cette mini-production avec des moyens qui n'ont rien en commun avec une production d'opéra ne manque ni de charme ni d'entrain. Elle décevra peut-être les puristes qui préfèrent un grand orchestre et les <em>arias</em> avec tous les couplets; mais elle enchantera tous les autres.</p>
La Colombe de Boudha
urn:md5:05ba548b96f398a283d5c02d2afb28d4
2013-12-15T13:56:00+01:00
2013-12-15T13:58:06+01:00
L'Oiseleur des Longchamps
Concerts
chant lyrique
concert
mélodie française
opéra
opérette
piano
voix
<p>La Cie de l'oiseleur, les Fêtes Lyriques et l'association Reynaldo Hahn sont heureux de vous convier au concert exceptionnel "la colombe de Bouddha" conte lyrique japonais en un acte de Hahn, repris 90 ans après sa création, grâce à une magnifique équipe d'artistes talentueux, curieux et généreux (concert "au chapeau") qui vous feront découvrir un vrai petit bijou ! Venez nombreux, dans un mois exactement.</p> <p><a href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/Reynaldo_Hahn_La_Colombe.jpg" title="Reynaldo_Hahn_La_Colombe.jpg"><img src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.Reynaldo_Hahn_La_Colombe_m.jpg" alt="Reynaldo_Hahn_La_Colombe.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" title="Reynaldo_Hahn_La_Colombe.jpg, déc. 2013" /></a></p>
Petits meurtres en famille (Elektra à l'Opéra de Paris)
urn:md5:37229a0ca46f34f83b98a86a28be2b05
2013-11-28T17:47:00+01:00
2013-11-28T18:27:45+01:00
Patrick Loiseleur
Opéra
chant lyrique
mise en scène
opéra
orchestre
Paris
Strauss
voix
<p>Ouï dimanche dernier à l'Opéra de Paris, une fort belle production d'Elektra de Richard Strauss. Créé en 1909, cet opéra pousse le chromatisme (post-)wagnérien dans ces derniers retranchements. Un certain Arnold Schönberg ne manqua pas d'en tirer des leçons lorsque; quelques années plus tard, avec Erwartung puis le Pierrot Lunaire, il enterrera la tonalité que Strauss avait poignardé aussi énergiquement qu'Oreste s'occupe de son beau-papa. On ne peut pas aller plus loin qu'Elektra; Strauss lui-même l'a compris, car il s'est tourné vers un tout autre style pour ses opéras suivants, comme le Chevalier à la Rose ou encore Cappricio.</p>
<p>Elektra est l'histoire d'une vengeance, et ça n'est même que ça. Obsédée par le meutre de son père Agamemnon, qui a été assasiné par son épouse Clytemnestre et par l'amant de celle-ci Egisthe, Elektra ne rêve que de laver l'affront dans le sang de sa propre mère. Elle reste sourde aux appels de Chrisotemis, sa soeur, qui aimerait bien "tourner la page" et "refaire sa vie" comme on dit de nos jours. Elle attend le retour de son frère Oreste pour l'aider à exécuter son plan. Plan aussi simple que subtil et dans lequel une rencontre entre certaine hache et la tête de Maman tient une place centrale.</p> <p>Le livret d'Hugo von Hofmannstahl (sa première collaboration avec Strauss) est une grande réussite, un parfait compromis entre la simplicité nécessaire pour le chant et la noblesse du langage et des sentiments. Trahison, mensonges, sexe, sang, pouvoir, et un soupçon de poésie: tous les ingrédients d'un bon livret d'opéra s'y trouvent.</p>
<p>La musique nous saisit dès le début et ne nous lâche pas. Trois notes et le chant commence: pas de temps à perdre avec l'ouverture, nous voici plongés au coeur du drame dès les premières secondes. La tension ne se relâchera pas jusqu'à la conclusion qui n'apporte d'ailleurs aucune forme d'apaisement. Orchestre surdimensionné, harmonies tendues (comme la superposition de deux accords parfaits majeurs à intervalle de triton), fusées virtuoses en guises de lignes mélodiques, chromatisme exacerbé, densité contrapuntique: cette partition ne laisse aucun répit à nos oreilles, et ne parlons même pas des musiciens. Mon ancienne prof d'alto m'avait dit que les parties d'orchestre étaient comme deux heures d'un concerto à 150 à la noire, et je n'ai aucun mal à la croire.</p>
<p>La mise en scène de Robert Carsen sonne très juste et en phase avec le sujet. Plutôt minimaliste et très concentrée, elle comporte nombre d'idées visuelles frappantes. Donons un seul exemple: un trou rectangulaire de deux mètre sur un au milieu d'une scène nue et recouverte de terre brune suffit à figurer la tombe d'Agamemnon. Mais soudain Elektra en sort le cadavre nu et blafard de son père pour le serrer dans ses bras comme une <em>mater dolorosa</em>. L'effet est saisissant et parfaitment en phase avec le texte. Très peu d'éléments de décor, mais Elektra est entouré d'une douzaine de jeunes femmes habillés de la même robe noire qu'elle, des rôles muets, qui vont figurer tantôt des servantes, tantôt des chiens, des élémente de mobilier ou des projections de l'inconscient d'Elektra. Ainsi lorsqu'elle accueille beau-papa d'une voix mielleuse et l'invite gentiment à entrer dans le palais (dans lequel Oreste l'attend pour le zigouiller après s'être occupé de Maman comme il faut), les ombres qui entourent Elektra portent chacune une ache dissimulée dans le dos. Quand à Egisthe, il apparaît en robe de chambre, torse nu. Ce 'est bien sûr pas dans cette tenue qu'un roi même illégitime paraît en public mais c'est comme ça qu'Elektre le voit: un être vil et répugnant, l'amant illégitime de la reine, plus ridicule encore que haïssable. Une internaute écrivit sur <a href="http://classik.forumactif.com/t7018p50-strauss-elektra-bastille-octobre-novembre-2013" hreflang="fr">forumactif</a> <q><em>j'avais l'impression d'être transportée dans un film de zombies !!</em></q> ce qui est assez juste au fond: Carsen souligne le côté mortifère et auto-destructeur du personnage central qui ne survit que dans l'idée d'assouvir une vengeance avant de mourir à son tour.</p>
<p>Je n'aime pas tellement jouer aux critiques musicaux et distributer les bons les mauvais points aux chanteurs: aussi je me contenterai de dire que j'ai entendu une très belle équipe soudée et motivée, prête à affronter sans faiblir les difficultés redoutables de cette partition, à commencer par le rôle héroïque d'Elektra, tenu ce dimanche par Caroline Whisnant. Certains spectateur ont trouvé son timbre aigre ou tendu mais je ne partage pas leurs réserves. Elektra n'a pas à être aimable ni douce, au contraire. L'écriture vocale très tendue dans l'aigu et riche en intervalles disjoints, sans même parler de la puissance de l'orchestre ni du texte, tout concourt pour pousser cette voix dans ces derniers retranchements. Je dirais même qu'une voix d'Elektra sera belle et expressive dans la mesure où elle est cuivrée, tendue, agressive, hystérique. Ce n'est pas la Cenerentola, qu'on se le dise !</p>
<p>L'orchestre semble particulièrement inspiré par la direction de Philippe Jordan, et nous offre un réjouissant mélange de raffinement et de brutalité qui sied particulièrement bien au sujet et à l'écriture tendue et ultra-chromatique de Strauss. Malgré les éclats puissants des cuivres et percussions, l'équilibre avec les voix est toujours relativement bon (aussi bon que la partition peut raisonnablement le permettre), et les traits de virtuosité dont cette partition est truffée passent comme une lettre à la poste. Même l'accord final a une sorte de férocité, une couleur sombre et sauvage. </p>
<p>Rien à regretter dans cette belle production, même si j'ai promis à la charmante et douce personne qui m'accompagnait de préférer une histoire d'amour chantée en italien pour notre prochaine sortie. Un peu de légèreté et de douceur ne sauraient nous faire du mal après les accents morbides de cette tragédie dont la violence est somme toute celle d'une famille ordinaire comme la mienne ou la vôtre, et c'est bien là le plus effrayant.</p>
<p>A lire aussi: <a href="http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/10/28/beaux-effets-visuels-pour-l-elektra-de-robert-carsen-mais-pas-de-mise-en-danger_3503868_3246.html" hreflang="fr">Le Monde</a>, <a href="http://wanderer.blog.lemonde.fr/2013/11/25/opera-national-de-paris-2013-2014-elektra-de-richard-strauss-le-24-novembre-2013-dir-mus-philippe-jordan-ms-en-scene-robert-carsen/" hreflang="fr">le blog du Wanderer</a>, <a href="http://www.diapasonmag.fr/actualites/critiques/une-trop-sage-elektra-de-strauss-a-l-opera-de-paris" hreflang="fr">Diapason</a></p>
Claude, opéra de Thierry Escaich sur un livret de Robert Badinter en direct sur Arte Live Web
urn:md5:9092aa9bd32dc5ea5e3239b75fbdc040
2013-04-11T10:47:00+02:00
2013-04-11T10:47:00+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
création
musique contemporaine
opéra
streaming
Thierry Escaich
<p>Ce soir à vingt heures aura lieu la <a href="http://liveweb.arte.tv/fr/video/Claude_Robert_Badinter_Thierry_Escaich_Victor_Hugo_Festival_Justice-Injustice_Opera_Lyon/" hreflang="fr">rediffusion sur Arte Live Web de l'opéra de Thierry Escaich, Claude, sur un livret de Robert Badinter</a> d'après un roman de Victor Hugo (<em>Claude Gueux</em>). Les créations d'opéra sont devenues suffisamment rares pour qu'on salue celle-ci et qu'on lui réserve le meilleur accueil. Thierry Escaich est un magnifique musicien à découvrir absolument si vous ne le connaissez déjà. Certains jugeront sa musique trop moderne et d'autres pas assez, pour ma part je retiens surtout que tout ce que j'ai pu entendre de Thierry Escaich était fort bien écrit, bien construit et sonnait très bien. Quand la musique est de bonne qualité elle s'impose par elle-même, indépendamment des choix esthétiques de son créateur.</p>
<p>Par ailleurs Badinter n'est pas n'importe qui, c'est tout de même l'homme qui a fait voter l'abolition de la peine de mort en France en 1981, à rebours d'une opinion publique qui y était encore majoritairement hostile. Je recommande en particulier aux plus jeunes lecteurs de ce Journal de lire <em>L'Abolition</em> du même Badinter, un livre de deux cent pages tout à fait essentiel pour comprendre les enjeux de l'abolition et le chemin qu'elle a suivi avant de s'imposer en France comme dans tous les pays européens. Un livre à mettre entre toutes les mains dès quatorze ans.</p>
Joël au balcon, Pâques au tisons (Opéra de Paris, programme 2011-2012)
urn:md5:0180ebc4b878c65cd31c725379820f21
2011-03-21T09:33:00+01:00
2017-06-10T14:08:42+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
opéra
<p>A lire sur <a hreflang="fr" href="http://resmusica.com/article_9155_edito_edito_faire_du_vieux_avec_du_vieux.html">ResMusica</a>, un article de <a hreflang="fr" href="http://www.resmusica.com/contrib.php3?id=41&art=9155">Maxime Kaprielian</a>: <em>Faire du vieux avec du vieux</em>, qui brosse un tableau assez sombre mais fort juste hélas de la programmation 2011-2012 de l'Opéra de Paris. A part une création de Philippe Fénelon, on n'entendra que des compositeurs morts, cela va de soi (et la plupart morts depuis 100 ans au moins); mais on aura également droit aux metteurs en scène morts. La prochaine étape de cette fossilisation déjà bien avancée de l'opéra, c'est bien sûr les chanteurs morts. Ne suggérons surtout pas à Nicolas Joël de mettre sur scène un androïde doté de la voix enregistrée de la Callas, il serait capable de prendre cela au sérieux.</p>
<p>On en viendrais presque à regretter <a hreflang="fr" href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2009/01/10/La-faute-au-public-suite-de-la-suite">Gérard Mortier</a> qui multipliait les provocations pour ensuite paraître s'étonner que parfois, le public réagisse aux dites provocations. Au moins il a programmé des compositeurs vivants comme Boesmans, Mantovani, ou Saariaho<em>.</em></p>
<p>Il fut un temps où l'Opéra était un genre vivant, où chaque saison amenait des dizaines de nouvelles productions présentées par une demi-douzaines de scènes, parmi lesquelles le public parisien choisissait le ou les succès de l'année. Même si la plupart des opéras et ballets écrit par Adam, Meyerbeer, Cherubini, Auber, Massenet et les autres n'ont pas survécu. Ce temps semble bien révolu désormais, et la créativité qui s'exprimait à travers l'opéra a choisi d'autres vecteurs d'expression: cinéma, jeux vidéo, concerts rock, comédie musicale...</p>
<p>Mais la bonne nouvelle tout de même pour les Parisiens du début du XXIe siècle ce sont tous les trains à grande vitesse et les avions <em>low cost </em>qui sillonnent l'Europe et rendent tellement facile un petit saut à Bruxelles, Londres, Amsterdam ou Zurich pour aller voir un spectacle ou une exposition... au lieu d'un abonnement à l'Opéra, offrez-vous une carte grand voyageur !</p>
<br />
HOME, ô Sapiens !
urn:md5:789cc85dbf84f831383e474d395440f4
2009-06-19T23:56:00+02:00
2017-06-29T17:50:49+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
cinéma
opéra
écologie
<p>Vu par petit bouts et presque en entier, le film de Yann Arthus-Bertrand dont tout le monde parle, <em>HOME</em> (MAISON). Les images sont belles, spectaculaires même. Si on veut les voir sur grand écran, il faudra tout de même se cogner une heure et demi de YAB nous faisant la morale en voix <em>off</em>, mais tout se mérite.</p>
<p><a hreflang="fr" href="https://www.youtube.com/watch?v=DSPfASwk1ww"><img title="yab.jpg, juin 2009" style="margin: 0 auto; display: block;" alt="" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/images/yab.jpg" /></a></p>
<p>Sur le plan du mérite, on saluera celui du milliardaire François Pinault (au centre de la photo) qui a signé un gros chèque afin d'offrir aux internautes la possibilité de voir ce film gratuitement en <em>streaming </em>sur internet, et pour pas très cher dans les salles obscures. Voilà au moins qui contribuera à rentre Yann Arthus-Bertrand populaire chez les jeunes internautes, dont certains défendent le téléchargement gratuit de musique ou de film comme un droit constitutionnel ou presque (voir les commentaires de <a hreflang="fr" href="http://www.maitre-eolas.fr/2009/06/18/1452-hadopi-2-le-gouvernement-envisage-le-recours-a-l-ordonnance-penale">Maître Eolas sur Hadopi 2</a> en préparation). On ne fera pas de commentaires sur le fait que le DVD n'est distribué que par la FNAC (propriété du même François Pinault) ce serait tout à fait déplacé. On ne spéculera pas davantage sur la quantité de de kérosène consommée pour faire le tour du monde et en ramener ces splendides images tournées, paraît-il, avec une caméra spéciale muni d'un stabilisateur gyroscopique au départ développé pour des usages miliataires (pauvre monde), et qui permet des plans aussi lisses qu'un travelling sur un rail bien qu'ils aient été shootés depuis un hélicoptère. Du grand art.</p>
<p>J'ai mis ce billet dans la catégorie <q>Opéra</q> car c'est une forme d'art total qui est recherché. Plus précisément, on est à mi-chemin entre le film purement esthétique comme <em>Microcosmos </em>ou <em>Le peuple migrateur</em> et le documentaire engagé à la Cousteau.</p>
<p>La musique d'Armand Amar, dont la publicité nous vante qu'elle est un personnage du drame à part entière, joue dans les faits davantage le rôle de fond sonore pour la voix du réalisateur. Dans un esprit syncrétique bien en phase avec le projet cinématographique, on y trouve des éléments de musique traditionnelle de tous les continents. Bien réalisée mais destinée à plaire au plus grand nombre et à ne jamais heurter l'oreille, je ne lui ai trouvé aucun charme particulier. Certains maniérismes comme la voix excessivement réverbérée (avec de la bonne grosse reverb ajoutée en studio), aux inflexions vaguement orientalisantes sont même plus agaçants qu'envoûtants. Mais comme le rappelle le compositeur, dans la musique de film on est <q>soumis à beaucoup d'impératifs</q>, dont en premier lieu celui de faire plaisir au réalisateur.</p>
<p>Sur le message enfin, celui d'Arthus-Bertrand n'est pas des plus clairs. Soucieux de prendre de la hauteur et de rester très consensuel, il évite les sujets qui fâchent (comme le nucléaire dont il ne dit mot) et reste dans le domaine des engagements non chiffrés et des généralités bienséantes qui ne sont d'ailleurs pas toutes compatibles entre elles. Faut-il par exemple augmenter l'aide au développement si c'est le développement qui cause le dérèglement climatique, l'épuisement des ressources naturelles et l'extinction de milliers d'espèces d'êtres vivants ? On peut craindre hélas que des choix difficiles et douloureux seront devant nous dans les décennies à venir et que la <q>décroissance</q>, si elle a lieu comme certains le prédisent, n'aura rien de très <q>conviviale</q>. Puissé-je me tromper et les optimistes comme l'auteur de HOME avoir raison quand à l'émergence d'une conscience mondiale des défis environnementaux !</p>
<p>A lire aussi: <a hreflang="fr" href="http://www.liberation.fr/tribune/0101571237-home-ou-l-opportunisme-vu-du-ciel">l'opportunisme vu du ciel</a> par Iegor Gran, une petite note dissonante qui ne fait pas de mal dans le concert de louanges qui a salué la sortie du film. Ou encore <a hreflang="fr" href="http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/06/20/conshome-petit-home-par-herve-kempf_1209304_3232.html">ConsHome, petit Home</a> d'Hervé Kempf (rien à voir avec Wilhelm, je préviens avant que David et Jean-Brieux se déchaînent) qui commente la phrase suivante de Pinault: <em>"On ne peut pas consommer moins, il faut consommer différemment."</em></p>
<p><strong>Mise à jour: </strong> <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DSPfASwk1ww">on peut maintenant voir le fime HOME sur ioutioube.</a></p>
L'Opéra de Rennes projette son Don Giovanni au cinéma
urn:md5:be7c18fcc4fe522492477d24b87c4a17
2009-06-02T18:44:00+02:00
2009-06-02T17:49:25+02:00
Patrick Loiseleur
Opéra
cinéma
opéra
<p><img title="don_gionvanni.png, juin 2009" style="margin: 0 0 1em 1em; float: right;" alt="" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/affiches/don_gionvanni.png" />L'<a hreflang="fr" href="http://www.opera-rennes.fr/">Opéra de Rennes</a> va re-diffuser en direct sa production de <em>Don Giovanni</em> ce soir sur un écran géant à proximité du théâtre, mais également à Best et Paris dans des cinémas. Le <a hreflang="fr" href="http://www.opera-rennes.fr/images/Dpresse_Don_Giovanni.pdf">dossier de presse</a> vante une première technologique, mais les lecteurs de ce journal savent bien que <a hreflang="fr" href="https://www.journaldepapageno.fr/index.php/post/2007/11/09/104-l-opera-en-direct-au-cinema">la Scala de Milan</a> et le Met de New York ont déjà tenté l'expérience.</p>
<p>L'intérêt de l'opération est évident pour une maison d'Opéra. Il s'agit de toucher un public plus large, de faire baisser le prix moyen des places, ou si l'on veut de permettre à un plus grand nombre de contribuables de profiter du mécénat artistique que l'État pratique en leur nom. Mais l'intérêt pour les spectateurs est grand: on n'est pas toujours assez riche ou motivé ou disponible pour prendre le TGV et aller à Lyon, Rennes ou Bruxelles écouter un spectacle d'opéra. Par ailleurs les salles de cinéma, avec un grand écran et un son plus que correct, si les ingénieurs du son font bien leur travail, offrent une expérience infiniment supérieure à celle d'une vidéo diffusée sur internet avec une image grossièrement pixellisée et un son horriblement compressé. En l'occurrence, les spectateurs auront droit à une image en 3D et un son spatialisé High Order Ambisonics (sic). Et même ceux qui habitent au fin fond de la creuse, pour peu qu'ils soient équipés d'une parabole, pourront suivre le spectacle sur la chaîne <a hreflang="fr" href="http://www.mezzo.tv/">Mezzo</a>. On ne saurait trop s'étonner que ce type d'initiative ambitieuse et audacieuse ne soit pas le fait de l'Opéra de Paris: déjà en 1902 Debussy fustigeait le conservatisme affligeant de cette prestigieuse institution...</p>
<p>Il ne reste plus qu'à céder à cette voix séductrice qui nous glisse dans le creux de l'oreille: <em>la ci darem la mano... </em>puis à attendre le deuxième acte pour crier <em>Viva la liberta !</em> en choeur comme le faisaient les spectateurs lors de la première à Prague.</p>