Le journal de papageno - Mot-clé - ténorLe Journal de Papageno est un blog francophone consacré à la musique classique et contemporaine.2023-08-18T08:55:10+02:00Patrick Loiseleururn:md5:e3d6f6e2ebef7c45d0c5e125b87d9f0aDotclearAntigone et les grenouillesurn:md5:966d68c16ef54043e713505bfe394cf52016-12-21T21:45:00+01:002016-12-28T22:45:10+01:00Patrick LoiseleurConcertsAndré Blochbarytonchant lyriqueL Oiseleur des Longchampsmusique françaisemélodie françaisepianosopranoténor<p>Pour terminer l’année en beauté, la compagnie de L’Oiseleur nous proposait deux œuvres lyriques d’André Bloch : la cantate <em>Antigone</em> et le conte lyrique <em>Brocéliande</em>.</p>
<figure style="margin: 0 auto; display: table;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/broceliande_2.jpg"><img alt="broceliande_2.jpg" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.broceliande_2_m.jpg" /></a>
<figcaption>La compagnie de L'Oiseleur toute en beautés ce soir-là</figcaption>
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<p> </p> <p>André Bloch est musicien français qui obtint le <a href="http://www.musimem.com/prix-rome-1890-1899.htm" hreflang="fr" title="Prix de Rome">Prix de Rome en 1893</a>, fut l’élève de Massenet et plus tard le professeur de Jehan Alain. La cantate <em>Antigone</em> est celle du prix de Rome précisément. Œuvre d’un jeune homme de 20 ans, elle est fort influencée par Verdi et Wagner : un ténor et un baryton héroïques, à grands renforts de fortissimos dramatiques et d’aigus fracassants, se disputent le sort de la belle Antigone (chantée avec beaucoup de grâce par la soprano Marion Gomar), coupable d’avoir apporté une sépulture décente à son frère en bravant l’interdiction du roi. L’un veut la condamner, l’autre veut la sauver, ou bien à défaut d’y parvenir, mourir avec elle. Ces élans emphatiques et furieusement post-romantiques me touchent assez peu, et je leur préfère de loin les passages plus calmes où les harmonies sont magnifiques, des couleurs franckistes qui annoncent Fauré et Ravel. A défaut d’être particulièrement original, cette cantate est de bonne facture, respectueuse des voix bien qu’elle exige beaucoup d’aigus et de puissance. Et comme Mary Olivon fait des miracles en matière de timbres et de couleurs avec seulement dix doigts et un piano, je me surprends à imaginer un orchestre, des violons, des cors, des harpes et des percussions.Après cette mise en bouche, nous écoutons un conte musical écrit par un certain Ferdinand Gregh, contemporain d’André Bloch (1873-1961) et membre de l’Académie française, s’il vous plaît. L’action se situe dans une forêt mythique qui est laissée à l’imagination du spectateur, comme l’indique la récitante:</p>
<p style="margin-left:35.25pt;"><em>La scène est dans Brocéliande, immense empire<br />
Où non loin de Perrault on voit errer Shakespeare</em></p>
<p>Nous assistons au dialogue charmant de 4 grenouilles (Caroline Montier, Véronique Housseau, Mariamielle Lagamat, Mathilde Rossignol) et d’un crapaud au cœur tendre (le ténor Georges Wanis) qui rêve au grand amour malgré son physique disgracieux. Et puis ce sont des fées (les mêmes plus Erminie Blondel) qui caquètent en quintette avant de se cacher. Arrive un ambassadeur (le baryton L’Oiseleur des Longchamps) qui est spécialement mandaté par <em>« le roi Charles-Jean-Paul XXII, Prince du Vague-Empire, duc des Pays-Bleus, Marquis de ça-et-là, comte d’Ailleurs »</em>. Suit un dialogue charmant avec les fées qui se montrent bien peu farouches et acceptent de bon cœur de marrainer la fille du Roi. <em>« Quel bonheur pour mon maître, et quel succès pour moi ! »</em> se réjouit L’Oiseleur en ambassade.</p>
<figure style="margin: 0 auto; display: table;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/broceliande_loiseleur_des_longchamps.jpg"><img alt="broceliande_loiseleur_des_longchamps.jpg" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.broceliande_loiseleur_des_longchamps_m.jpg" /></a>
<figcaption>L'Oiseleur des Longchamps, ambassadeur</figcaption>
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<p>Hélas, la fée Carabosse (retour de l'excellente Marion Gomar) qui cachait son vilain nez et son mauvais caractère, apparaît. Elle joue à nous faire peur, aidée par la musique qui se fait plus dissonante et sauvage. Carabosse promet de venger l’outrage sans pareil qui lui est fait ; cependant, si elle veut punir le Roi qui ne l’a pas conviée au baptême, elle n’a pas assez de méchanté pour s'en prendre sérieusement à l’enfant ; ainsi la belle princesse, parée de toutes les vertus par les fées, ne mourra pas : elle dormira seulement pour cent ans. Marion Gomar donne beaucoup de présence à ce personnage qui s’amuse à nous faire peur, mais pas trop. La tessiture n’est pas facile, car il faut de la puissance dans les graves tout en montant assez haut dans l’aigu.</p>
<p>Pour la dernière scène, retour des grenouilles et du crapaud (lequel a été injustement oublié par l’auteur et ne s’est pas transformé en Prince), qui chantent le lever du Soleil qui vient réveiller la forêt comme le Prince charmant réveille la Belle endormie.<br />
</p>
<figure style="margin: 0 auto; display: table;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/broceliande_3_marion_gomar.jpg"><img alt="broceliande_3_marion_gomar.jpg" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.broceliande_3_marion_gomar_m.jpg" /></a>
<figcaption>Marion Gomar, en fée Carabosse</figcaption>
</figure>
<p>Écrite en 1925, cette aimable fable chantée joue sur les clichés tant dramatiques que musicaux ; elle a un petit air de déjà-entendu qui la rend facile d’accès et agréable. On sent aussi qu’on a affaire à un musicien qui a du métier et connaît les voix autant que les instruments. Bien sûr, lorsqu’on pense qu’à la même période Schoenberg, Hindemith, Strawinski et Bartok étaient en train de faire péter la baraque et d’inventer le XXè siècle musical en dynamitant la tonalité et la mélodie, on comprend qu’André Bloch n’ait pas trouvé une grande place dans les histoires de la musique. Cela étant posé, ce conte musical charmant et bien troussé trouverait facilement sa place dans le répertoire pas si étendu du théâtre musical à destination du jeune public, et on le reverrait bien volontiers avec la même troupe, un brin de mise en scène, décors et costumes. Pour terminer, il faut saluer avant tout l’énergie et l’enthousiasme de L’Oiseleur des Longchamps et de sa compagnie pour dénicher des œuvres rares et méconnues, réunir une troupe pour les monter en version de concert, et puis faire circuler le spectacle ainsi ressuscité ici et là. Les projets nouveaux foisonnent : le « songe d’une nuit d’été » d’Ambroise Thomas, le « Stabat Mater » de Clémence de Grandval, un concert « Saint Valentin » pour le 14 février… que de belles découvertes en perspective !</p>Oiseaux en chantant, le 15 avril par la compagnie de L'Oiseleururn:md5:42a18b1deed7d5426cea0fb5286567482016-04-06T12:15:00+02:002016-04-06T11:16:04+02:00Patrick LoiseleurConcertsbarytonchant lyriqueL Oiseleur des Longchampsmusique françaisemélodieoiseaupianorécitalsopranoténor<p>La Compagnie de L'Oiseleur vous convie à un nouveau récital <em>Oiseaux en Chantants</em>, avec<strong> Alexander Swan</strong>, ténor, <strong>Mathilde Rossignol,</strong> soprano, <strong>L'Oiseleur des Longchamps</strong>, baryton (qu'on ne présente plus à nos lectrices) et <strong>Laurianne Corneille</strong> au piano. Les noms de famille des interprètes semblaient les prédestiner à proposer ce concert entièrement consacré aux oiseaux mis en musique : colibri, pie, canard, coq, poule, aigle, albatros, alouette, colombe, coucou, ramier, cygne, corbeau, hirondelle, héron, rossignol, faucon etc ... un récital enchanteur à ne pas manquer ! C'est le vendredi 15 avril prochain à Paris, au Temple du Luxembourg.</p>
<p> </p> <p>Côté compositeurs, on recense Beydts, Bizet, Brahms, Britten, Canteloube, Chabrier, Chausson, Daquin, Durey, De Falla, Gounod, Greif, Grieg, Hahn, Holmes, Massenet, Mendelssohn, de Polignac, Rameau, Ravel, Rosenthal, Rubinstein, Satie, Schubert, Schumann et Yradier. Fidèle à ses habitudes, la compagnie de L'Oiseleur marie les classiques avec des raretés et des oeuvres contemporaines. De quoi enchanter toutes les oreilles, celles des néophytes comme celles des mélomanes confirmés et curieux.</p>
<figure style="margin: 0 auto; display: table;"><a class="media-link" href="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/Oiseaux_en_chantant_Daniel_Maclise-1806-1870.jpg"><img alt="Oiseaux_en_chantant_Daniel_Maclise-1806-1870.jpg" class="media" src="https://www.journaldepapageno.fr/public/concerts/.Oiseaux_en_chantant_Daniel_Maclise-1806-1870_m.jpg" /></a>
<figcaption>illustration: Daniel Maclise (1806-1870)</figcaption>
</figure>Le Roi Arthus au Paradis ?urn:md5:217c4a235cfe67a428dae7ead5fc2c032015-06-15T23:15:00+02:002015-07-25T22:14:28+02:00Patrick LoiseleurOpérabarytonmusique françaisemusique lyriqueopérasopranoténor<blockquote>
<p>Je cherche non seulement à rendre mes personnages plus vivants, à les faire mieux parler et plus clairement, tout en les maintenant dans cette vérité spéciale de la vérité artistique, qui n'a aucun rapport avec la vérité naturaliste<em> (Ernest Chausson, lettre à Paul Poujaud, juin 1889)</em></p>
</blockquote>
<p><span style="line-height: 20.8000011444092px;">L'histoire du <em>Roi Arthus </em>d'Ernest Chausson est emblématique des difficultés que peut rencontrer un compositeur, si doué et travailleur soit-il, pour trouver la reconnaissance qu'il mérite. Après avoir </span><span style="line-height: 20.8000011444092px;">consacré dix ans de sa vie à écrire son unique opéra, et puis quatre ans à essayer de le fourguer sans succès à tous les chefs d'orchestre et tous les directeurs d'opéra d'Europe, Chausson est mort en 1899 sans avoir pu assister à la création du Roi Arthus. </span><span style="line-height: 20.8000011444092px;">Notons au passage que son éditeur, Choudens, loin de l'aider, lui a mis des bâtons dans les roues en s'opposant à la création à Madrid ou à Prague sans réussir pour autant à obtenir une création parisienne. </span><span style="line-height: 20.8000011444092px;">Après le décès de Chausson c'est Vincent d'Indy qui réussit à persuader les nouveaux directeurs de la monnaie de Bruxelles de créer <em>Le Roi Arthus</em>, en 1903. Et ce n'est que cent vingt ans après sa complétion qu'il entre enfin au répertoire de l'Opéra de Paris ! </span></p> <p><span style="line-height: 20.8000011444092px;">Lorsqu'on sait qu'il s'agit d'un opéra majeur de cette époque, qu'on ne peut comparer qu'à </span><em style="line-height: 20.8000011444092px;">Pelléas et Mélisande</em><span style="line-height: 20.8000011444092px;">, c'est incompréhensible et même scandaleux. Au passage notons tout ce que cela implique pour ceux et celles qui croieraient naïvement que le jugement de la postérité est toujours équitable, et que la critique comme les organisateurs de concerts savent repérer les chefs-d'oeuvre de façon infaillible et optimale. C'est faux, bien sûr ! Les musiciens, et plus encore les responsables d'institutions culturelles, sont victimes d'esprit grégaire, de manque d'audace et de curiosité. Ainsi beaucoup d'oeuvres mineures de Beethoven sont jouées plus souvent que des oeuvres majeures de ses contemporains, simplement parceque la marque "Beethoven" y est associée. Autre exemple fameux, la 37e symphonie de Mozart qui est beaucoup moins jouée depuis qu'on sait qu'elle fut en réalité écrite par Michel Haydn. Mozart ayant recopié la symphonie et ajouté quelques mesure d'introduction lente, la supercherie n'a été découverte qu'en 1907. Bien entendu les musicologues qui vantaient le charme mozartien de cette symphonie se sont alors mis à la trouver faible et sans grand intérêt. Fermons la parenthèse.</span></p>
<p><span style="line-height: 1.6em;">La question que tout le monde se posait en 1903, à en croire les compte-rendu de Fauré ou Dukas: est-ce que c'est une pâle copie de <em>Trisan et Isolde</em>, ou pas ? Cette question a également beaucoup hanté Ernest Chausson, comme on peut le voir dans sa correspondance:</span></p>
<blockquote>
<p>Il y a surtout cet affreux Wagner qui me bouche toutes les voies. Je me fais l’effet d’une fourmi qui rencontre une grosse pierre glissante sur son chemin. Il faut faire mille détours avant de trouver un passage. J’en suis là. Je cherche. J’ai même de la patience et quelque peu d’espérance.</p>
</blockquote>
<p><span style="line-height: 1.6em;">En 2015, voici mon sentiment sur la question: premièrement le Roi Arthus n'est pas tellement wagnérien, et deuxièmement, s'en fiche un peu, non ? Je comprends parfaitement que la question passionnait les compositeurs français de cette époque (et c'est Debussy qui a su leur montrer une voie radicalement nouvelle qui s'est montrée très féconde), mais aujourd'hui elle n'a pas la même importance, elle est devenue sans enjeu. Pour revenir sur le premier point, une des caractéristiques de Wagner est la répétition, l'insistance sur les mêmes motifs, avec parfois une lourdeur toute germanique. Point de redites chez Chausson, et malgré la richesse du contrepoint, beaucoup d'effets de transparence qui s'approchent de l'impressionisme davantage que du wagnérisme.</span></p>
<p>L'orchestre tient une place très important dans le roi Arthus: préludes, interlude et postludes viennent poser le décor, peindre les sentiments des personnages et la progression de l'action. Je remarque des solos inhabituels aux instruments graves: tuba, clarinette contrebasse, mais également de très beaux solos d'altos interprétés par Laurent Verney j'ai l'impression. Emporté avec énergie par Philippe Jordan, l'orchestre de l'opéra donne le meilleur de lui-même c'est un régal à entendre de bout en bout.</p>
<p>On ne peut pas en dire autant de la mise en scène: les moyens considérables de l'opéra de Paris sont ici mis au service d'une vision singulièrement étriquée et sans envergure de l'opéra. Où est la Bretagne qui fait rêver avec ses forêts enchantées, ses tempêtes, ses rochers de granit, son océan ? Elle est tout entière réfugiée dans la fosse d'orchestre, ce qui se passe sur le plateau étant d'une prévisible banalité. On comprend que le metteur en scène ait voulu éviter le côté kitsch des cottes de mailles, pont-levis et robes de princesses moyenâgeuses, mais ce qu'il propose en échange ne fait pas beaucoup rêver et semblerait plus adapté à une comédie musicale sur <em>La petite maison dans la prairie</em> qu'à l'opéra de Chausson.</p>
<p><span style="line-height: 1.6em;">Du point de vue du livret, la différence majeure avec </span><em style="line-height: 1.6em;">Tristan et Isolde</em><span style="line-height: 1.6em;"> est la focalisation sur le roi Arthus: les amours adultérines de Lancelot et Genièvre tiennent une place importante mais pas centrale dans l'oeuvre. Les personnages de Lancelot et Genièvre (magnifique Sophie Koch) sont ambigus, prisonniers de violentes passions contradictoires donc le choc les écrasera. Mais le plus grand drame est au fond celui d'Arthus qui se voit confronté non seulement à la vieillesse et à la mort mais aussi à la trahison de ses proches et à la destruction de tout ce qu'il a voulu construire avec les chevaliers de la Table Ronde, par le déchaînement des passions et des luttes fratricides entre Mordred et Lancelot. Le fond du désespoir semble atteint au troisième acte lorsque le roi ne peut que s'écrier:</span></p>
<blockquote>
<p>Genièvre ! Lancelot ! Et morts tous les deux !<br />
Ceux que j'aimais le plus au monde<br />
Impitoyablement ont déchiré mon coeur.<br />
Mais la blessure est trop profonde;<br />
Je n'ai plus rien d'humain que ma douleur.<br />
Tout, tout s'écroule à la fois, tout s'effondre<br />
L'oeuvre de ma vie est brisée.<br />
Au cri de mon coeur blessé<br />
Nul coeur ne peut plus répondre.</p>
</blockquote>
<p>Lancelot n'est pas encore mort pourtant, il reprend conscience et propose à Arthus de le tuer pour venger son honneur. Celui-ci répond, désabusé:</p>
<blockquote>
<p>Mon honneur ! Crois-tu donc qu'il dépende<br />
D'un autre que moi-même ?<br />
Sans doute l'heure est venue<br />
Où je vais quitter ce monde<br />
Hélas sans regrets</p>
</blockquote>
<p>avant de se tourner vers Dieu:</p>
<blockquote>
<p>Seigneur, Seigneur, je suis sans forces entre vos mains<br />
Mon courage est vaincu je n'ai plus d'espérance<br />
Dans un sommeil sans lendemain<br />
Endormez, s'il le peut, endormez ma souffrance</p>
</blockquote>
<p>Dans le moment le plus beau de l'opéra selon moi, un choeur venu du ciel vient consoler Arthus, la musique s'éclaircit tout en gardant quelque chose de sombre: </p>
<blockquote>
<p>Arthus, ô noble victime<br />
Jouet d'un rêve éternel<br />
Viens. Le monde fut cruel<br />
Pour ton âme trop sublime</p>
<p>Le sort trompa les desseins<br />
Ton oeuvre chancelle et croule<br />
Dans l'inévitable houle<br />
Qui roule tous les humains</p>
<p>Ton oeuvre écroulée est belle.<br />
Ceux-là seuls sont de héros<br />
Qui luttèrent sans repos<br />
Pour la Justice éternelle.</p>
<p>Mais quand viendra le réveil<br />
Tu déchireras les voiles<br />
Et le front mitré d'étoiles<br />
Tu descendras du soleil.</p>
<p>Comme un sublime manoeuvre,<br />
Sur terre tu reviendras<br />
Pour reprendre ta grande oeuvre<br />
Et livrer de fiers combats</p>
<p>Arthus ! Sur ton front royal<br />
Qu'a dédaigné la victoire<br />
Plane la suprême gloire<br />
D'avoir cru dans l'idéal.</p>
</blockquote>
<p>Comment ne pas voir dans ce roi Arthus un autoportrait d'Ernest Chausson, de ses souffrances, de son travail acharné et quasiment sans espoir, et de la reconnaissance qu'il trouve au-delà de la mort ? Ce troisième acte m'a ému aux larmes et sa conclusion orchestrale, pianissimo, est un des plus beaux moments de musique que j'ai entendu dans ma vie. Après un long purgatoire, la musique de Chausson a-t-elle atteint le paradis ?</p>Un Faust diablement bourgeoisurn:md5:53ec26693592753f68f01e10cdded1c22015-03-18T16:03:00+01:002015-03-18T16:25:00+01:00Patrick LoiseleurOpérachant lyriquemusique françaiseopéraorchestresopranothéâtreténor<p>Avec un peu de retard, je publie un compte-rendu de la première de <strong>Faust </strong>à l'opéra Bastille le 2 mars dernier. Ayant eu le plaisir de participer à une production de cet opéra en 2002 (dans la fosse d'orchestre, à l'alto) c'est une partition que je connais assez bien et que je retrouvais avec grand plaisir (et avec l'ami Nicolas qui a l'époque tenait la position de violon solo à l'orchestre <a href="http://www.ut5.fr" hreflang="fr" title="Orchestre Ut Cinquième">Ut Cinquième</a>).</p> <p>L'ouverture me frappe par la mollesse des attaques et le manque de contrastes dynamiques. Est-ce les musiciens
de l'opéra qui n'ont pas envie de faire du zèle ce soir-là, ou Michel Plasson qui n'a pas envie de les stimuler ?
Toujours est-il que le résultat manque singulièrement de force dramatique.
</p>
<p>Du décor grandiose représentant la bibliothèque du docteur Faust (et qui sera recyclé avec plus ou moins de
succès dans tous les actes), j'apprendrai plus tard qu'il a été fabriqué pour une précédente production en
2011, dont cette nouvelle mise en scène est en quelque sorte la version 2.0, réalisé par l'assitant de
la première production. Il y a de belles choses dans cette mise en scène de Jean-Romain Vesperini, et rien qui se trouve en porte-à-faux
avec l'argument. A en croise les costumes, l'histoire a été transposée dans les années 1920 ou 1930, sans que j'arrive à comprendre
ce que ça apporte de plus.</p>
<div>En redécouvrant le livret de ce <em><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Faust_(Gounod)">Faust </a></em>créé en 1859, je suis frappé au contraire par la façon dont il véhicule
les valeurs de la bourgeoisie du Second Empire, si bien décrites (et décriées) par Zola dans les <em>Rougon-Macquart</em>.
Méphisto propose au Dr Faust tout ce qu'on peut obtenir en ce bas monde: richesse, pouvoir, etc. Mais loin de vouloir
conquérir la Mandchourie ou devenir plus riche de Rotschild, que désire Faust ? Simplement une amourette avec la
chaste et sage Marguerite, qu'il dévergonde, et puis engrosse, et puis abandonne.
C'est d'ailleurs le seul crime qu'il commet.
<p>Bien évidemment, à l'aune des moeurs contemporaines qui s'apparentent davantage aux <em><a href="http://www.charlesfourier.fr/spip.php?article240">Harmonies polygames</a></em> rêvées par
Charles Fourier (le Fourier des phalanstères, pas celui de la transformée de Fourier) qu'à celle de l'Angleterre
Victorienne, on a bien du mal à s'en émouvoir. Ou même à comprendre les raisons qui poussent Marguerite desespérée à
tuer son enfant. De nos jours, personne n'aurait l'idée de regarder Marguerite de travers ni de l'affubler de vilains noms comme "fille-mère". Elle irait voir un JAF pour coller une pension alimentaire
et un droit de visite un-week-end-sur-deux à Faust, et elle formerait une famille recomposée avec Siebel.
Lequel aurait subi quelques opérations chirurgicales afin d'affirmer sans complexe sa féminité et
se battrait avec le soutien d'une association LGBT afin de pouvoir adopter l'enfant de Marguerite. Quand à Méphisto, passé de l'artisannat
à l'industrie, il aurait investi l'or des bijoux dans le capital d'un site de rencontres extra-conjugales...
</p>
<p>Revenons à la musique. Au fur et à mesure que la soirée s'écoule, l'orchestre semble retrouver des couleurs,
jusqu'à un très beau finale. Les choeurs, qui jouent un grand rôle dans Faust, sont vraiment très bien. Les
solistes ne déméritent pas, à commencer par le Faust de Piotr Beczala, rôle exigeant s'il en est. Et puis, le plaisir
de cet opéra reste tout de même qu'on enchaîne les airs qui sont devenus des "tubes" du chant lyrique,
à commencer par l'<em>Air des bijoux</em> bien sûr, que tous les lecteurs de Tintin connaissant bien, et que le capitaine Haddock craint plus que tout. Mais aussi <em>Le veau d'or</em>, <em>Salut, demeure chaste et pure</em>,<em> Gloire immortelle de nos aïeux</em>, <em>Faites-lui mes aveux</em>, etc.
Autant de mélodies qui ont marqué leur époque et sont passées dans l'oreille collective.
</p>
</div><div>Le caractère assez wagnérien de cet opéra, composé après <em>Lohengrin </em>mais avant <em>Tristan</em>, m'apparaît
plus clairement aujourd'hui. La séparation entre les numéros, la distinction entre airs et récitatifs s'estompe jusqu'à disparaître. Et certains motifs sont associés à des personnages ou à des idées (Faust,
Marguerite mais aussi l'amour, la mort, la rédemption) et réutilisés tout au long de l'opéra. Cela étant dit,
il faut bien reconnaître que l'orchestre de Gounod n'a pas la richesse et la profondeur de celui de Wagner. Ce
qui n'a nullement empêché ce <em>Faust </em>de rester un classique indétrônable de l'opéra en langue française,
aux côtés d'une poignée d'autres comme la <em>Carmen </em>de Bizet.
<p>En sortant j'ai gardé l'impression d'avoir assisté à un beau spectacle d'opéra, bien écrit, bien chanté, bien joué,
bien mis en scène, sans le petit plus qui fait toute la différence. Sans le frisson qui nous ferait vibrer
avec les jeunes amants, croire à l'enfer et désirer ardemment la rédemption de la pauvre Marguerite.
Ce Faust diablement bourgeois n'empêchera personne de dormir.</p>
<p>A lire également: </p>
<ul><li><a href="http://www.musicologie.org/15/faire_du_neuf_avec_du_vieux_faust_opera_bastille.html">Faire du neuf avec du vieux</a> (musicologie.org)</li>
<li><a href="http://www.forumopera.com/faust-paris-bastille-eau-tiede-ou-grand-guignol">Eau tiède ou grand guignol</a> (forumopéra)</li>
<li><a href="http://www.bertrandferrier.fr/?p=4115">Le recyclage, c'est maintenant !</a> (Bertrand Ferrier)</li>
</ul>
</div>Luciano Pavarotti nous a quittésurn:md5:d7301dfa9ce6a9f10d9aa9cf91acfd092007-09-06T12:55:00+00:002017-05-04T13:36:35+00:00Patrick LoiseleurOpéraLuciano Pavarottiténor<p>Depuis l'annonce ce matin du décès de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Pavarotti" hreflang="fr">Luciano Pavarotti</a>, les hommages se multiplient. Je n'ai pas eu la chance de l'entendre sur scène, mais comme beaucoup le monde j'ai entendu au disque et à la radio cette voix généreuse au timbre inimitable.</p> <p>Il n'a pas hésité à sortir du cercle étroit des scènes d'Opéra pour remplir des stades, enregistrer des <em>singles</em> avec des chanteurs de variété, organiser de grands évènements médiatiques comme les concerts des 3 ténors avec Domingos et Carreras, dont certains ont été vu par des milliards de téléspectateurs (grâce à la coupe du Monde de football...). Par ce biais, il a plus que tout autre interprète contribué à la diffusion de la musique de Puccini ou Rossini auprès du plus grand nombre. En n'hésitant pas à chanter du jazz ou de la variété, il s'inscrit en fait complètement dans la tradition des <em>divos</em> (équivalent masculin d'une <em>diva</em>), ces rois du bel canto aussi à l'aise dans un cabaret que sur une scène d'opéra. N'en déplaise aux grincheux, l'Opéra c'est aussi de la musique populaire, surtout en Italie.</p>
<p>Au revoir, monsieur Pavarotti, et merci.</p>