Hersant: Musiques à un, deux ou trois

J'avais parlé de ce disque consacré à la musique de chambre de Philippe Hersant lors de sa sortie en novembre dernier.

Philippe Hersant

Ayant enfin trouvé un moment pour l'écouter au calme, voici mes impressions.

  • Trio pour piano, violon, violoncelle Ce trio est une série de variations sur la célèbre thème de la Sonnerie de Sainte-Geneviève-du-Mont de Marin Marais (qu'on peut écouter par exemple sur ce disque chez Harmonia Mundi):

Cette pièce est une sorte de plaisanterie musicale restée célèbre: la basse répète obstinément trois notes (fa mi ré / fa mi ré / fa mi ré), pendant que la viole de gambe et le violon déploient des variations de plus en plus folles. Cette technique bien connue (appelée souvent passacaille ou la chaconne), utilisée par de nombreux musiciens, de Jean-Sébastien Bach à Philip Glass, prend dans la Sonnerie de Sainte-Geneviève-du-Mont un tour comique et original car la base harmonique, habituellement sur 4 ou 8 mesures, est réduite à 3 notes, ce qui crée l'agacement, l'amusement ou l'euphorie de l'auditeur. Philippe Hersant a donc utilisé ce tube de la musique baroque comme point de départ pour son trio avec piano, en un seul grand mouvement de 20 minutes. Voici un extrait où le thème original est particulièrement reconnaissable (il est beaucoup plus caché à d'autres moments):

  • Huit duos pour alto et basson: des mariages de timbres subtils, une poésie assez dépouillée dans ces pièces courtes qui sont une des bonnes surprises de ce disque.
  • In the dark (pour clarinette seule): une élégie pour le clarinettiste Bernard Yannotta, faisant appel à plusieurs citations bien connues des clarinettistes (comme le solo de Rhapsodie in Blue de Gerschwinn).
  • Six bagatelles pour clarinette, alto, et piano à nouveau des pièces courtes (la plus longue fait 2 minutes). Si je ne placerai pas ces trios au même niveau que les chefs-d'oeuvre de Schumann ou Mozart pour la même formation, j'ai aimé la façon dont Philippe Hersant (et ses interprètes !) crée une atmosphère propre à chaque pièce.
  • Pavane pour alto seul: à nouveau Hersant pratique la citation dans cette pièce, série de variations sur le thème d'une pavane de Tobias Hume. Philippe Hersant y montre une connaissance approfondie de l'instrument, de ses possibilités techniques et expressives. Dédiée à Gérard Caussé qui l'a créée, cette pièce est magnifiquement servie par Arnaud Thorette.
  • Apparitions pour violon, violoncelle, accordéon: l'accordéon, assez peu utilisé dans la musique sérieuse, exprime dans ces pièces le mystère, la transcendance.

De manière générale, Philippe Hersant ne vit pas le rapport avec la musique du passé sur le mode du rejet ou du conflit (ce qui caractérise la génération de musiciens qui le précèdent, comme Stockhausen ou Boulez). On peut aimer ou pas sa musique, mais au moins elle laisse de la place aux interprètes pour s'exprimer, et elle ne déroute pas les auditeurs par l'absence totale d'éléments identifiables à l'oreille (rythme, harmonie, mélodie, timbre). Est-ce seulement un compositeur moderne qui aurait mis un peu d'eau dans son vin, ou le leader d'une nouvelle génération qui ne veut pas se laisser dicter par ses aînés ce qu'elle doit faire et ne pas faire ? Je vous laisser écouter et vous faire une opinion par vous-mêmes.

Parmi les interprètes, tous très bons, on retrouve le duo Thorette-Farjot donc j'ai déjà parlé à propos d'un autre disque et qui préparent m'a-t-on dit, un disque Brahms...

Commentaires

1. Le jeudi 14 février 2008, 11:24 par [ Ben ]

J'avais choisi pour mon DEM l'année dernière la pièce pour clarinette seule de Philippe Hersant.
J'avais vraiment aimé cette pièce, que j'ai découverte lors d'une rencontre avec le compositeur, où mon prof avait justement joué ça.

Et j'ai bien bien accroché. Je note les références du disque, merci !

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