mardi 9 juin 2020

L'album Aporie disponible en streaming

Chères lectrices, l'album de mélodies "APORIE" paru l'an dernier est maintenant disponible sur les plate-formes de streaming comme Youtube Music, iTunes, Qobuz, Amazon Music. Vous n'avez donc vraiment plus aucune excuse pour ne pas l'inclure dans vos playlist et le partager avec toutes vos amies.

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vendredi 25 août 2017

Adagio pour orchestre symphonique (ré)édité

La ré-édition de mes partitions plus ou moins anciennes sur Tamino Productions se poursuit à un bon rythme, c'est à dire plutôt lentement à mon goût !

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dimanche 6 mars 2016

La biennale du Quatuor à Cordes en replay sur le site de la Philharmonie de Paris

C'est passionnant, c'est gratuit et c'est ici.

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mardi 24 septembre 2013

MusOpen: de la musique open source ?

Le micro-mécénat permet de résoudre l'équation en apparence insoluble de la gratuité conjuguée à la rémunération équitable des artistes.

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dimanche 9 décembre 2012

Où l'on reparle du pupitre électronique

Il y a quatre ans déjà, nous évoquions dans ce journal quelques prototypes de pupitres électroniques. Après le quatuor Tana, c'est maintenant le philharmonique de Bruxelles qui s'y met, non avec des appareils spécialement développés pour servir de pupitres électroniques mais avec des tablettes de marque coréenne. Le stylet associé permettra même de noter des coups d'archet ou autres indications. Nos amis belges semblent décidément à la pointe de la technologie...

Pour un orchestre pro qui donne une centaine de concerts par an, l'enjeu est tout simplement de faire des économies sur les milliers de pages par musicien et par an avec les coûts associés (stockage, impression, copies ou location). Il y a bien souvent un poste de bibliothécaire à plein temps dans les orchestres symphoniques.

Comparée au support papier, si la tablette n'a pas que des avantages (la taille et surtout la résolution de l'écran, la possibilité d'une panne de batterie ou d'un bug), elle n'a pas que des défauts non plus. Ainsi le rétro-éclairage s'il est paramétré correctement peut rendre la lecture plus facile. Les "tournes" de page peuvent être également plus faciles où même gérées par une pédale ce qui permet à l'instrumentiste de garder les doigts sur l'instrument. Bref, il faut voir ce que ça donne à l'usage, mais je gage qu'après un temps d'adaptation, les musiciens bruxellois seront aussi à l'aise avec leurs tablettes qu'avec de bonnes vieiles partitions papier, lesquelles ne disparaîtront pas en un jour de toute façon.

Maintenant, il ne reste plus qu'à moderniser tant soit peu le répertoire...

vendredi 26 octobre 2012

Le son antique

En 1878, année de naissance de Joseph Staline, Bismarck utilisait un attentat contre l'empereur pour faire interdire le parti socialiste, fermer les journaux et emprisonner les opposants politiques. La France de Jules Ferry disposait déjà de canons de près de 12 kilomètres de portée, mais pas encore de baladeurs MP3. C'est de cette année 1878 que date le premier enregistrement audio qui soit encore exploitable de nos jours. Comme le révèle Big Browser, il a fallu scanner une fine et fragile feuille d'étain pour reconstituer les 78 secondes de son qui y étaient gravés par Thomas Edison sur un des premiers prototypes de phonograme.

Cent tente-cinq ans plus ans plus tard, n'importe quel adolescent trimballe dans sa poche un engin capable d'enregistrer des heures de musique ou de conversation avec une qualité supérieure à celle des appareils professionnels des années 1930. De quoi faire sourire et peut-être donner une peu le vertige. On peut toujours s'amuser à relire les 10 usages du phonographe imaginés par Edison dans sa demande de brevet, qui incluent déjà la poupée qui parle et le livre-cassette pour apprendre le chinois en 20 leçons. Sans compter l'enregistrement des conversations téléphoniques, qui ferait bientôt le régal des barbouzes du monde entier. Et bien sûr ans la musique...  

mardi 25 septembre 2012

Pourquoi ils ne participeront pas à la mission Lescure

À lire sur le site de Libé, cette tribune: Pourquoi nous ne participerons pas à la mission Lescure signée par les représentants d'une association de consommateurs (UFC-Que Choisir), d'une autre qui représente les Internautes (la Quadrature du Net) et se rapproche le plus d'un parti pirate à la française, et d'un syndicat des artistes, musiciens, chanteurs, danseurs et enseignants (le Samup).

Les auteurs dénoncent la troisième mission en cinq ans confiée à une personne fortement impliquée dans les intérêts privés de la production, distribution et promotion des médias. Ce qu'ils ne sont pas les seuls à avoir vu, il me semble bien me souvenir d'avoir parlé de confier les clés du poulailler à un renard à propos de la mission Olivennes.

Cela étant posé, l'alternative qu'ils tentent de proposer à travers un projet Public - Création - Internet, une fois dépouillé de son bel habillage verbal, se résume ainsi: piquer 3 ou 5 euros par mois à tous les abonnés de l'Internet haut débit et les répartir au doigt mouillé entre les créateurs de contenus artistiques.

L'un des problèmes de ce système de licence globale est qu'il n'a rien de global justement s'il reste franco-français. Est-ce que les producteurs de séries télé américaines ou de films de cinéma indien accepteront d'être rémunérés de cette façon ? Faut-il payer les artistes français en fonction du nombre de Canadiens ou de Japonais qui vont écouter leur musique, sans payer, eux, les 3 euros par mois ? Ma belle-mère qui doit écouter moins de 30 minutes de musique par an sera-t-elle ravie de payer 36 euros d'impôts par an, en sus de la TVA, redevance télé, etc ? Et si après un an d'existence la Hadopi n'a envoyé qu'un petit million d'emails d'avertissement, comment peut-on espérer que l'Etat qui ne sait pas stopper le partage de fichiers saurait efficacement mesurer les même flux de partage pour calculer la rémunération des producteurs de contenus ?

Et encore on n'est pas au bout, car le partage de fichiers ne se limite pas à la musique ou aux contenus artistiques, tant s'en faut. Avec le milliard d'euros que pourrait rapporter une telle taxe, doit-on également rémunérer Microsoft et Oracle pour les copies déplombées de logiciels qui circulent ? Mais aussi Marc Dorcel et consort pour les vidéos cochon qui sont elles aussi massivement piratées ? Sans parler des livres éléctroniques, bandes dessinées, séries télé, films de cinéma... Ça en fait du monde pour se partager la gamelle !

Le point le plus positif ou le plus réaliste que je vois dans ce projet est la reconnaissance d'un statut pour les contenus que leurs créateurs mettent gratuitement à disposition des internautes, à travers des licences du type Creative Commons. Même la SACEM a commencé à s'y mettre d'ailleurs. Il y a beaucoup d'artistes pour qui ça a tout à fait du sens du point de vue économique de poster des vidéos gratuitement. Ceux qui font du spectacle vivant peuvent y trouver un moyen particulièrement efficace et pas cher de promouvoir leur travail, de recruter et de fidéliser un public. Est-ce que leur gagne-pain est menacé par l'existence d'Internet ? Au contraire. Bien entendu, ils ne gagneront jamais autant que des stars de la télé ou de l'industrie du disque, qui sont, elles, réellement menacées par la révolution technologique en cours.

Je l'ai déjà écrit dans ce journal: l'industrie du disque agonise, elle va mourir, rien ne pourra la sauver. Mais la musique vit, elle n'a jamais été aussi vivante, aussi riche, aussi diverse. Et les artistes n'ont jamais eu autant d'opportunités pour échanger, découvrir et faire découvrir leur musique. À eux d'inventer de nouveaux modes de rémunération compatibles avec le numérique. Le devoir de l'État n'est pas d'utiliser l'argent des contribuables pour protéger artificiellement le business model d'une industrie qui n'existait pas il y a 100 ans et qui disparaîtra comme les locomotives à vapeur ou le Ronéotype.

Pour en revenir à la mission Lescure, j'ai déjà prédit qu'elle accoucherait d'une souris... rendez-vous dans six mois.

mercredi 29 août 2012

Hadopi sauce hollandaise

Quelques mois après les élections, que peut-on dire de la politique du nouveau gourvernement au sujet de la musique en ligne et du piratage ? Le programme électoral, ambitieux et volontariste comme il se doit, nous promettait rien moins que « l'acte II de l'exception culturelle française», comprendre entre les lignes: grâce à Mitterrand et Jack Lang, on était déjà les meilleurs en matière de soutien à la culture, et on va devenir encore mieux. Il s'agissait en toute modestie de « créer un écosystème qui permette le financement de la création à l'ère du numérique »

Bien entendu, des paroles aux actes, il y a aussi loin que de la hutte du père Noël au petit soulier d'un enfant du Nord-Soudan, aussi convient-il d'examiner sans fard ce qui changera vraiment, et ce qui restera simple gesticulation politique destinée à alimenter les conversations de bistrot.

Et le journal de Papageno est en mesure de vous livrer un scoop: après le blocage des loyers qui n'en est pas vraiment un et la baisse des prix de l'essence qui n'en est pas vraiment une, nous aurons droit à une réforme du droit d'auteur et de sa mise en pratique sur internet qui n'en sera pas vraiment une. Le tout enveloppé dans un discours lénifiant, chargé de bonnes intentions, un peu semblable à cette sauce au beurre légèrement écoeurante qu'on ajoute au poisson blanc sans vraiment pouvoir en relever le goût.

Aurélie Filipetti n'avais pas fait mystère de son hostilité à l'Hadopi alors qu'elle était encore conseillère du candidat Hollande. Celui-ci publiait en mars une tribune dans Le Monde où l'on reconnaît déjà le chaud débat entre la future ministre de la Culture, qui voulait dézinguer la Hadopi et le futur ministre de l'économie, plus sensible aux arguments des entreprises culturelles. Le candidat Hollande se gardait de trancher et renvoyait à un débat: "Il faut mettre tous les acteurs autour d'une table – ce que le gouvernement sortant n'a jamais fait", comme si la mission Olivennes n'avais jamais eu lieu.

Cependant, à peine installée rue de Varenne, certains commentateurs remarquaient que la nouvelle ministre n'avais pas embauché le plus farouchement anti-hadopi de ses collaborateurs dans le cabinet ministériel. Le 15 juillet Libé se demande si elle a peur d'Internet. Certes le 1er aout elle a annoncé au Nouvel Obs sa volonté de réduire les crédits de la Hadopi, et de créer une mission Pierre Lescure qui sera sans doute une mission Olivennes bis. Et que sortira-t-il de cette mission ? Je peux déjà l'affirmer: rien de tangible.

machinhadopi.jpg

Qu'est-ce qui me donne cette certitude ? Simplement les faits, analysés froidement.

Chacun sait que le droit d'auteur est né après l'imprimerie. A la possibilité technique de reproduire les livres rapidement et à moindre coût a succédé l'impossibilité légale de le faire sans accord de l'auteur, et surtout de l'éditeur. A la naissance de la photographie ont succédé le droit à l'image pour la personne photographiée, et les droits du photographe. Avec la musique enregistrée sont venus des droits pour les interprètes et compositeurs. Dans tous les cas, le principe est le même: le monopole accordé par le pouvoir permet de maintenir une rareté artificielle et des prix suffisamment hauts.

Le paradoxe des industries culturelles comme le livre, le disque ou le cinéma est le suivant: produire des contenus de qualité demande du temps et coûte cher; les reproduire est instantané et ne coûte quasiment rien. Le monopole garanti par l'état permet de trouver un moyen terme entre le consommateur, qui veut bien sûr des contenus de qualité le moins cher possible, et le producteur qui veut gagner de l'argent ou au moins rentrer dans ses frais. Cela ne fonctionne que lorsque la puissance publique a les moyens techniques de garantir le monopole, c'est à dire quand le moyen le plus simple et le moins cher pour les consommateurs est encore d'acheter le produit au prix éditeur. C'est une économie de la rareté, où le consommateur choisit soigneusement ce qu'il achète car son budget est limité.

Cela fonctionne assez bien avec le livre papier. Si j'ai acheté la Recherche du Temps Perdu, je peux bien sûr la recopier à la main, ou la photocopier, mais il reste plus simple et moins cher d'acheter l'édition poche pour en avoir un autre exemplaire. Cela fonctionne également avec le 33 tours, car la machine pour graver des 33 tours pèse 5 tonnes et ne se trouve pas chez Darty. Cela fonctionne déjà beaucoup moins bien avec les cassettes audio, ou les disques laser qu'on peut copier si facilement. Et cela ne fonctionne plus du tout avec le numérique, qui permet de copier des milliers de romans ou d'heures de musique avec un simple clic.

espion.jpegPour garantir le monopole de façon sérieuse à l'ère du numérique, il faudrait que l'Etat espionne non seulement toutes les connections Internet mais aussi tous les fichiers de tous les disques durs (car le disque dur emprunté à son beau-frère est un moyen beaucoup plus simple et sûr que le téléchargement sur internet pour récupérer des tonnes de MP3). C'est techniquement irréaliste et contraire aussi à la constitution, car l'énorme violation de la vie privée engendrée par une telle surveillance serait complètement disproportionnée par rapport au but poursuivi (garantir le business model d'un secteur de l'économie). Ce que je viens d"écrire est vrai de façon permanenente et insensible aux évolutions technologiques (peer to peer, direct download, streaming, etc). La lutte contre le 'piratage' de MP3 ne peut être que totalement inefficace ou totalement totalitaire. Je préfère qu'elle soit inefficace.

L'ère du numérique est celle de l'abondance. Il y a sur ioutioube plus d'heures de musique que je ne pourrai en écouter dans toute ma vie, et la plus grande partie de ces vidéos sont légales même avec les règles héritées de l'ancien système (par exemple de la musique classique libre de droits postée par les musiciens eux-mêmes). Les schémas économiques et légaux basés sur le monopole et la rareté sont aussi adaptés à l'ère du numérique que les Tricératops à la danse en tutu.

Notre vieux droit d'auteur fait la gueule. Il n'est pas si vieux que cela d'ailleurs, une centaine d'années, à peu près comme le gramophone ou le cinéma, mais il ressemble à un Picasso revu par Francis Bacon et colorisé par Egon Schiele. Il ne ressemble plus à rien. La conscience de sa propre inutilité lui fait faire une grimace hideuse. A l'heure où les artistes ont massivement investi l'Internet comme moyen de partager des émotions, d'échanger généreusement avec leurs public et leurs pairs, sa mine sévère, son air de fonctionnaire de la répression des fraudes et sa casquette de comptable besogneux fait oublier le rôle protecteur qu'on lui attribuait autrefois.

Faisons un peu de politique-fiction. Supposons que notre ministre de la Culture, en plus d'être couillue (et je crois bien qu'elle l'est), soit également libre de ses mouvements, que les lobbies, les parlementaires, les eurocrates et les multinationales cessassent de faire obstacle au "changement c'est maintenant". Supposons qu'elle abolisse le droit d'auteur sur la musique enregistrée. Comme ça. Pan dans les dents. Que se passerait-il ?

  • L'agonie rapide de l'industrie du disque se manifesterait sans doute par une surproduction desespérée et sublime, feu d'artifice pour le bonheur des collectionneurs. Ayant la liberté de piocher gratuitement dans le catalogue des autres maisons de disques, les majors sortiraient des méga-coffrets à des prix très doux, sans pouvoir enrayer la chute des prix jusqu'au zéro absolu.
  • Le spectacle vivant sortirait sans doute rajeuni et ragaillardi de ce grand boulversement. La possibilité de poster des vidéos avec tout ou partie du spectacle ne peux qu'inciter un public plus nombreux à y aller "pour de vrai", ce qui est tout de même plus satisfaisant que de regarder un écran
  • Les stars de la pop ou même du classique pourraient s'en sortir assez bien; en s'appuyant sur leur base de fans, ils pourraient toujours vendre des produits dérivés bien marketés, comme des CD audio par exemple
  • Pour l'immense majorité des artistes, le quotidien qui était déjà difficile ne deviendra pas pire. La plus grande partie d'entre eux vivent de l'enseignement ou de petits boulots, et ils n'ont jamais touché le jackpot avec les disques, déjà bien contents quand ils pouvaient en sortir un sans être de leur poche
En somme, ça ne serait peut-être pas la fin du monde pour la musique ni pour les musiciens.
 

Mais pour en revenir à notre gouvernement, il est très improbable pour toutes sortes de raisons qu'ils fasse quoi que ce soit d'aussi radical. Le droit d'auteur restera inchangé (trop compliqué avec les traités européens et internationaux), l'industrie du disque et les éditeurs continueront à agoniser, les internautes à télécharger, les musiciens à galérer. Tout ce qu'on verra c'est peut-être une collection de taxounettes pour remplacer les recettes déclinantes de la taxe copie privée sur les CD vierges et disques durs, et une nouvelle pompe à phynances avec un nom pompeux comme Centre National de la ZiZique pour organiser le soutien du ministère public au spectacle vivant et autres subventions. Je suis prêt à prendre les paris et donne rendez-vous aux benêts qui croiraient encore que le-changement-c'est-maintenant dans 5 ans pour tester la validité de mes prédictions.

mardi 10 juillet 2012

Ô quand je dors (Liszt par L'Oiseleur des Longchamps)

Un petit moment de grâce et de poésie, avec Ô quand je dors, mélodie de Franz Liszt sur un texte de Victor Hugo (lequel Franz Liszt aura décidément essayé tous les genres à part l'opéra). Chanté par L'Oiseleur des Longchamps, accompagné au piano par Juliette Régnault. Le baryton français a eu l'excellente idée d'accompagner l'enregistrement de ses propres photos, pour composer l'une des plus élégantes vidéos consacrées à la mélodie française qu'on puisse trouver sur internet:

vendredi 11 mai 2012

Musicora: concerts en ligne sur medici.tv

Le salon Musicora qui se tient ce week-end à Paris au Palais Brogniart réunit tous les acteurs du microcosme de la musique classique: luthiers, éditeurs, maisons de disques, radios. Il comprend aussi quelques concerts retransmis sur medici.tv, avec quelques programmes assez originaux comme un quintette de percussionnistes lyonnais (samedi 14h) et une séance d'improvisation avec deux stars, le violoniste Didier Lockwood et le pianiste Jean-François Zygel (dimanche 18h). En rediffusion, je vous recommande également la prestation de l'ensemble Calliopée (Fauré-Maratka).

samedi 14 avril 2012

Trois millions

Trois millions de personnes par an. C'est le nombre de spectateurs pour les retransmissions au cinéma des opéras du Met de New York, à en croire cet article dans le Monde. La captation en vidéo (en direct et en haute définition s'il vous plaît) des opéras modifie dans le fond assez peu le travail des chanteurs et metteurs en scène, même si elle introduit un metteur en scène bis en la personne du monteur vidéo qui va choisir où placer les caméras et comment enchaîner les plans. Ces millions de spectateurs à distance apportent également un souffle d'air bienvenu aux finances structurellement déficitaires d'une maison d'opéra.

Ce chiffre de trois millions peut évidemment servir à faire taire définitivement ceux qui prétendent que l'opéra est resté un art élitiste, un marqueur de classe sociale. Au contraire le théâtre, depuis les loges des princes et des ducs jusqu'au "paradis" sans place assise pour le peuple, a toujours été un haut lieu de rencontre sinon de brassage des classes sociales. En ce début de vingt-et-unième siècle, les maisons d'opéra semblent avoir compris que l'intérêt des retransmissions dans les salles de cinéma ou en vidéo à la demande sur internet étaient bien plus qu'un gadget à la mode. Il ne leur reste plus qu'à comprendre que les oreilles modernes ne sont plus celles du XIXe siècle, et que le répertoire mériterait lui aussi de rajeunir un peu.

mardi 20 mars 2012

Le disque classique, seul rescapé du tsunami numérique ?

Le disque de musique classique aurait-il une composition qui l'empêche de se dissoudre dans le èmmepétrois ? C'est la question que se pose Jean-Marc Proust dans Slate. Il y répond surtout par le profil sociologique du collectionneur de disques classiques, c'est à dire un homme de plus de 50 ans qui jouit d'un relatif confort matériel. Ce lieu commun apparemment étayé par des chiffres assez parlants.

Le disque classique est un marché de niche (10% des ventes toute de même) qui semble mieux résister à la crise que le reste. Pour autant, faut-il croire qu'il ne baissera jamais ? Deux éléments invitent au pessimismes. Les magasins "culturels" type Fnac ou Virgin ressemblent de plus en plus à des supermarchés, dont ils reprennent le modèle économique, et de moins en moins à des librairies. Le mélomane exigeant qui cherche un vaste catalogue et des vendeurs tout aussi passionnés que lui a tout intérêt à passer son chemin, et à trouver son bonheur plutôt sur Internet. Et tant qu'à acheter un disque sur Internet, pourquoi pas acheter la version numérique ? (ou télécharger une version pirate). Il faut noter également que la place de la grande musique à la télévision est ridiculement réduite: dès qu'un coup de pub est apporté à un artiste ou un compositeur par une brève apparition sur le petit écran, les ventes s'envolent, par rapport aux chiffres très modestes d'un disque classique moyen.

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Après avoir lu cet article et d'autres, comme celui-ci en anglais sur la diète à suivre pour se guérir du trouble auditif compulsif causé par l'abus de musique digitale, j'en suis venu à me poser une autre question: plutôt que de regretter la dématérialisation de la musique, c'est à dire le remplacement d'un support physique (CD audio) par un autre (mémoire flash ou disque dur), ne devrait-on pas s'étonner de la matérialisation de la musique par tous les moyens techniques disponibles depuis le dépôt de brevet du gramophone par Emile Deustch, il y a un siècle ?

Autrement dit, ce qui est surprenant, n'est-ce pas cette habitude quelque peu fétichiste que nous avons prise de vouloir capter l'art par excellence de l'ici et du maintenant, de capturer ce qui n'est que vibrations dans l'air, et de le mettre en boîte comme des haricots, pour une consommation ultérieure ? 

La musique authentique et originale, celle qui existe depuis l'aube de l'humanité, est celle qu'on partage en groupe; celle qu'on vit en chantant et en dansant en harmonie avec le groupe, celle qui rythme les gestes quotidiens comme les grands moments de la vie. Séparer les hommes en deux catégories, les musiciens et les auditeurs (ces derniers étant priés de faire le moins de bruit possible) est une évolution récente de la musique occidentale (deux ou trois siècles au plus), qui ne concerne qu'une partie de la musique d'ailleurs. Dans les concerts de rock, jeunes et moins jeunes continuent de chanter et danser comme les hommes le font depuis la nuit des temps. Séparer les musiciens en compositeurs et interprètes est encore plus récent et induit des effets pervers évidents. De même, séparer musiciens et public qui ne sont plus connectés que très indirectement, à l'aide de machines sophistiquées, peut remettre en cause la notion même de musique.

Nous nous sommes habitués à ces portions individuelles de plaisir musical en boîte, consommables à toute heure et en tout lieu; à tel point que des expressions comme j'écoute de la musique sont devenues en fait synonymes de j'écoute un disque (ou un mp3) . A tel point que les musiciens cherchent avant tout à sortir un disque, et que les concerts sont vus uniquement comme moyen de promotion du disque (avec la crise du disque, bien sûr, ce modèle est remis en question).

Avec la fin du disque, que perdrions-nous ? Un objet parfois agréable à regarder et à consulter, s'il est agrémenté d'une belle iconographie et d'un livret décent (tous les amateurs de 33 tours vous diront que le compact disc est très inférieur à son ancêtre à sillons noirs de ce point de vue). Un objet qu'on peut ranger dans une bibliothèque comme un livre, ou parfois chercher rageusement lorsqu'on l'a égaré, là encore comme un livre. Un objet qu'on peut posséder, c'est à dire aussi collectionner, offrir, convoiter, exhiber fièrement quand il est rare.

Mais la vraie question est que gagnerons-nous ? Une fois débarrassé de l'objet-disque, nous gagnerons justement ce vide. Une fois dépouillée de son support physique, la musique revient à l'essentiel, c'est à dire des vibrations dans l'air. Invisibles, impalpables et pourtant tellement présentes. Et la musique enregistrée revient à ce qu'elle est, c'est à dire un pauvre succédané de musique vivante. Une fois dématérialisée, la musique qui peut-être n'aurait jamais dû être matérialisée de la sorte nous donnera à nouveau l'envie de sortir de chez nous pour aller davantage au concert. La musique c'est comme les haricots: c'est bon en boîte, c'est meilleur frais.

vendredi 10 février 2012

Concertus interruptus

Comment réagir lorsqu'on est musicien et qu'un concert est interrompu par une sonnerie de téléphone portable ? Personnellement je me souviens d'avoir vu Pierre Boulez arrêter un orchestre entier et reprendre au début de la pièce avec l'air furieux. On peut aussi réagir avec un peu plus de légèreté, voire même d'humour, comme cet altiste Lukáš Kmiť qui jouait une suite de Bach (arrangement de la suite pour violoncelle en ut mineur) dans une église en Slovaquie et se lança dans une petite impro sur le fameux thème "Nokia"

Thème dont les lecteurs de ce journal qui sont tellement cultivés savent bien que nous le devons à un guitariste espagnol du nom de Tarrega (la pièce dont il est tiré s'intitule Gran Vals). Ce thème n'est d'ailleurs pas sans point commun avec les suites de Bach pour violoncelle seul car c'est une mélodie auto-harmonisée, c'est à dire qui n'a pas besoin d'accompagnement pour nous faire entendre un enchaînement de septièmes parfaitement bien préparées et résolues.

Grâce au choix d'un fabricant de téléphones suédois, ce petit bout de mélodie espagnole résonne jusque dans les églises de Slovaquie... c'est beau l'Europe.

mardi 31 janvier 2012

Le projet "Under 30" du Kronos Quartet

Chacun sait que l'industrie du disque telle qu'on l'a connue n'est plus qu'un souvenir, et que les musiciens du XXIe siècle doivent regarder dans d'autres directions pour faire connaître leur travail et pourquoi pas arriver à en vivre.

Dans ce contexte, l'initiative du Kronos Quartet autour du projet "Under 30" est à saluer doublement. D'abord un ensemble qui fête ses 30 ans en organisant un appel à projets pour des compositeurs de moins de 30 ans montre bien par là que ses quatre musiciens ont gardé intacte l'envie de jouer, de découvrir et de faire découvrir la musique d'aujourd'hui. Ensuite la formule qu'ils ont choisi pour financer leur projet est vieille comme le monde car il s'agit de la souscription, et moderne comme tout car il suffit de trois clics sur un site internet pour participer. A l'heure où j'écris ce billet, il reste à peine quelques heures pour compléter la souscription, mais le montant souhaité par les artistes (10.000$) semble déjà atteint. Les souscripteurs qui apportent un certain montant se voient remerciés avec des albums MP3 ou même pour les plus généreux une carte postale avec un message personnel.

Alors que les subsides publics ou para-publics (fondations, bourses, prix, mécénat) ont tendance à rétrécir encore plus vite que le PIB de la Grèce ces temps-ci, la souscription, aidée par le "buzz" internet, pourrait faire son retour. C'est après tout un moyen pour les artistes de s'adresser directement à leur public en court-circuitant les intermédiaires traditionnels (agents, maisons de disque, organisateurs de concerts). Mais cela ne peut bien fonctionner que pour des musiciens ayant déjà une certaine notoriété, laquelle s'acquiert grâce au talent et au travail, bien sûr, mais aussi grâce auxdits intermédiaires. Pour les artistes peu connus, les barrières d'entrée subsistent.

Ce modèle économique pourrait-il remplacer celui du disque ? Est-ce que le groupe de rock ou l'ensemble de musique contemporaine de demain auront un site internet où tous les projets passés seront disponibles en MP3 gratuitement, avec la possibilité pour les mélomanes de mettre de l'argent dans les projets futurs ? Cela risque fort de ne pas être suffisant pour garantir aux musiciens un revenu décent, mais cela pourrait fonctionner assez bien en complément des concerts, qui pour moi sont et doivent rester au centre de la vie du musicien. Et ça me paraît plus crédible que les deux alternatives qu'on nous propose souvent et qu'on oppose, à savoir:

  1. La criminalisation des utilisateurs, et l'espionnage généralisé du trafic Internet et des disques durs. "Monsieur, vous avez la facture pour ce MP3 sur votre smartphone ?"
  2. La "licence globale" dont le processus de répartition ne pourrait être qu'aussi opaque et complexe qu'un circuit de blanchiment d'argent, et parfaitement inéquitable à l'arrivée, tout comme la taxe dite "copie privée" sur les CD vierges (j'y reviendrai).
Quoi qu'il en soit, les membres du Kronos Quaret méritent un bon coup de chapeau et tous nos encouragements (y compris financiers) pour la poursuite de leur projet.

mardi 24 janvier 2012

Fermeture de Megaupload: et la musique dans tout ça ?

On l'a appris il y a quelques jours, le site Megaupload a été fermé par les autorités américaines. Pour mémoire ce site encourageait assez activement les infractions au droit d'auteur car les utilisateurs qui apportaient les fichiers les plus "populaires" étaient rémunérés

Chez lez internautes habitués au téléchargement de films et albums gratuits (je place gratuits entre guillemets car les beaucoup payaient un abonnement à Megaupload pour plus de bande passante), les réactions ont été avant tout la recherche de solutions alternatives (qui ne manquent pas et ne manqueront jamais).

Chez les amoureux de la démocratie, qui sont nettement moins nombreux, c'est une inquiétude réelle et très fondée qui se fait jour. En effet c'est jeter le bébé de la liberté d'expression avec l'eau du bain, sous prétexte que l'eau du bain a été salie par les infractions au droit d'auteur. Rappelons que le droit d'auteur ne va pas de soi, qu'il a été introduit progressivement et avec certaines limites dans l'appareil législatif; et que les protections qu'il offre aux artistes (et surtout aux éditeurs et producteurs) n'ont de sens que dans la mesure où elles restent compatibles avec l'intérêt général. La commissaire européenne à la Justice l'a très bien formulé en rappelant queLa protection des créateurs ne doit jamais être utilisée comme un prétexte face à la liberté de l'internet. . Je vous renvoie à l'excellent billet de Maître Eolas sur les aspects juridiques de l'affaire.

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Et pour les musiciens, qu'est-ce que ça change ? Comme ironisait le chanteur Jonathan Coulton sur Twitter, "Y a-t-il d'autres musiciens comme moi qui voient l'argent AFFLUER EN MASSE depuis la fermeture de Megaupload ?".. Dans un article plus détaillé, le même chanteur détaille son point de vue, qui rejoint celui de Viviane Redding. A savoir que la liberté que procure Internet, les occasions de partage, de rencontre, de découverte artistique sont infiniment plus précieuses que les revenus des fabricants de disques. Coulson détaille notamment une notion intéressante de "piratage sans victime" c'est à dire sans impact négatif sur les ventes de disques ou de concerts. Et il constate qu'historiquement les musiciens ont très rarement pu tirer des revenus réguliers et conséquents de leur art: ainsi le fait qu'un certain nombre d'entre eux l'aient fait grâce à des médias comme la radio et le disque relève d'une époque peut-être révolue.

Et si la chute de l'industrie du disque pour faute d'inadaptation à un changement technologique massif pourrait chagriner les musiciens qui font de la pop (au sens large), elle n'aura aucun impact sur le disque de musique classique et contemporaine. Car c'est un marché de niche qui existe uniquement parce qu'une poignée de passionnés continue de financer souvent à perte des productions de grande valeur artistique mais d'un potentiel commercial limité. La logique purement commerciale des éditeurs fait bien partie des obstacles qu'on doit affronter, m'a confié un chef d'orchestre qui dirige un groupe de musique contemporaine à Bruxelles. Les partitions de musique contemporaine coûtent souvent très cher sans pour autant procurer des revenus décents aux compositeurs. En plus du prix excessif, le monopole produit souvent un service de très piètre qualité. Ne serait-il pas préférable pour les compositeurs et les interprètes de poster les PDF des partitions sur un site comme IMSLP ? Les compositeurs gagnent de l'argent avec les commandes et les droits d'exécution, non par les partitions qui sont tirées en trop petit nombre pour que ça soit rentable. Et de toute façon peu nombreux sont ceux qui en tirent un revenu suffisant pour éviter d'avoir une autre activité comme l'enseignement en parallèle.

Au contraire, je pense que les possibilités de partage gratuit ou quasi-gratuit de contenus numériques ouvrent aux artistes qui font de la musique contemporaine en particulier (compositeurs et interprètes) des possibilités nouvelles non seulement de faire connaître leur travail et de partager leur passion mais aussi de gagner plus d'argent (bien que ça ne soit pas leur motivation première). Mais pour cela il faut faire une révolution mentale et passer de l'économie de la rareté à celle de l'abondance, de la logique des éditeurs à celle des artistes. Il faut notamment que les musiciens désertent les rayons des sites marchands pour peupler ceux des sites alternatifs comme Jamendo ou Magnatune. Et peut-être le droit d'auteur est-il à revoir entièrement. Est-il vraiment raisonnable que les préludes écrits par Olivier Messiaen dans les années 1930 soient protégés jusqu'en 2060 et peut-être au-delà ? A qui un tel monopole profite sinon aux éditeurs et à des ayants-droit qui n'ont rien fait à part naître ? Au XXIe siècle, n'est il pas plus approprié pour un créateur de distribuer son travail sous une licence libre de type Creative Commons ? Et d'utiliser les matériaux ainsi fournis par d'autres créateurs dans ses propres oeuvres ? 
En résumé, le "piratage" (je préfère parler d'infraction au droit d'auteur car piratage est un terme marketing qui a été popularisé par l'industrie du disque) est inévitable: pour l'arrêter vraiment il faudrait mettre en place des mesures de surveillance tellement draconiennes qu'elles feraient passer les internautes chinois ou iraniens pour libertaires en comparaison. Ce qui serait disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi. Et les artistes, qui sont les premiers bénéficiaires des nouveaux moyens de communication, en serait également victimes. Il reste donc aux musiciens à espérer que l'Hadopi restera ce qu'elle est déjà: un machin administratif d'une efficacité proche de zéro... 

mercredi 14 septembre 2011

SibeliusMusic devient ScoreExchange

Le site SibeliusMusic qui héberge une centaine de mes partitions (compositions et arrangements) va bientôt fermer ses portes et être remplacé par ScoreExchange qui remplit peu ou prou la même fonction.

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jeudi 31 mars 2011

Le piratage c'est mâle

En guise de poisson d'avril un peu en avance, voici cette publicité anti-piratage de la RIAA (syndicat américain des producteurs de disques) dont l'authenticité est douteuse mais dont le bon goût est absolument parfait:

RIAA_parody_81112669.jpg

Impossible malheureusement de retrouver la source de cette excellente parodie qui traînait sur mon disque dur. J'espère que les lectrices du Journal de Papageno me pardonneront; elles sont tellement cultivées qu'elles apprécieront davantage celle-ci, publiée par le Modern Humorist, qui imite le style des affiches de propagande maccarthyste dans les années 1950:

RIAA_parody3.jpgEt je vous laisse méditer sur le sujet du jour: à quoi bon télécharger des mp3 pirates sur des réseaux de peer-to-peer alors qu'on a toute la musique gratuite qu'on veut à la radio, sur youtube et spotify ? Les dissertations sont à rendre pour jeudi prochain.

vendredi 1 octobre 2010

En toute transparence

La SACEM et Google ont annoncé aujourd'hui un accord concernant la diffusion sur Youtube de vidéos utilisant des œuvres protégées. Les termes de cet accord sont secrets. Autrement dit, pas moyen de savoir qui paye quoi, ni en fonction de quels critères (fréquentation ? revenus publicitaires ?), et encore moins bien sûr la part des paiements de Google que la SACEM garderait pour ses menus frais de bouche (Si vous ignorez encore le degré d'opacité des comptes des sociétés sensées défendre les droits des artistes, je vous recommande la lecture de l'article "Les nouveaux fermiers généraux" de Joël Martin sur le site Mediapart qui est assez éclairant).

La seule certitude est que les sommes en jeu ne sont probablement pas considérables. On peut raisonner par analogie avec le site des streaming Deezer qui reverse environ 8% de son chiffre d'affaire publicitaire à la SACEM. Le site reverse 0,07 centimes d'euros par titre écouté, ce qui veut dire que même les morceaux les plus populaires, qui sont écoutés plusieurs centaines de milliers de fois, rapportent au mieux une centaine d'euros aux artistes et éditeurs. En bref, cet accord rapportera un peu d'argent de poche à des stars comme le DJ David Guetta (qui annonce près de 350 millions de visites sur sa chaîne Youtube), et des crottes de nez pour les autres.

Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas écrit: je considère les sites de streaming et de partage de vidéo comme une aubaine pour les musiciens et les mélomanes. Ils permettent aux uns de se faire connaître et aux autres de découvrir le répertoire et les artistes. Et ce ne sont pas que des lieux d'échanges, mais aussi des bibliothèques numériques, sorte de magnétoscopes géants qui permettent de garder une trace, un souvenir d'innombrables évènements culturels. Youtube et Dailymotion contiennent plus de trésors que la très regrettée bibliothèque d'Alexandrie !

Simplement, il nous faut bien constater qu'avant ou après cet accord avec la SACEM, les recettes publicitaires, qui ne suffisent même pas à payer l'hébergement car ces sites sont en général déficitaires, ne sauraient pas non plus fournir un revenu décent aux artistes. Ils ne peuvent remplacer l'agonisante industrie du disque. Notons que cela ne changera pas grand-chose pour les musiciens classiques car les disques classiques se vendent plutôt en milliers d'exemplaires qu'en millions; et le plus souvent ceux qui participent à un projet de disque en retirent davantage la satisfaction d'un travail bien fait que des revenus suffisant pour en faire une activité à temps plein. Parfois (bien plus souvent qu'on ne le croirait) ils ne sont même pas payés du tout. Faut-il s'en plaindre ? Le concert, c'est à dire la rencontre directe entre les artistes et le public, reste le lieu privilégié de création et de diffusion de la musique.

samedi 13 février 2010

Quel modèle économique pour la musique en ligne ?

Bien malin celui qui saurait prédire à quoi ressemblera le marché de la musique dématérialisée dans dix ans, ou même dans deux ou trois. Le bilan 2009 montre que les ventes de musique en ligne continuent de connaître une croissance explosive, sans pour autant compenser la baisse des ventes de disques. Par ailleurs le piratage sur les réseaux de P2P comme bittorrent ou kazaa est en baisse, mais d'autres formes de téléchargement sauvage apparaissent ou se développent. Sans compter la copie privée qui ne passe pas sur le réseau (c'est à dire votre beau-frère qui vous offre les oeuvres complètes de Johnny Halliday en mp3 sur une clé usb). Les majors continuent de prendre l'eau, mais pas de manière uniforme. Alors que l'une des "big four", EMI, est en quasi-faillite, certains labels spécialisés sur des niches (comme le classique) semblent bien se porter. Ainsi Deutsche Grammophon (aujourd'hui devenu un des labels d'Universal Music Group), qui avait en son temps breveté le 78 tours et proposé les tous premiers CD audio, et vient de fêter ses 111 ans, semble plutôt en forme.

Mais l'industrie se cherche toujours son modèle économique. Il n'existe actuellement que deux manières de gagner de l'argent:
  • les sites de vente, qui sans doute n'atteindront jamais le chiffre d'affaire qui était celui du disque physique au tournant des années 2000;
  • les sites de streaming, financés par la publicité.
Le problème est que les sites de streaming ne rapportent quasiment rien. Quelques centaines d'euros par an pour les 10 titres les plus écoutés de l'année, quelques centimes pour les autres. C'est la raison pour laquelle Warner a annoncé récemment son retrait des sites de streaming.

Par ailleurs on lit sur Rue89 qu'un nouveau site veut se lancer pour proposer aux internautes ayant téléchargé de payer après coup. On peut être au minimum dubitatif sur l'initiative en question, sachant que:
  1. Si on a récupéré gratuitement un album qu'on aime bien, rien n'empêche de l'acheter sur un site de vente en ligne si on veut se mettre en règle et même pourquoi pas payer les gens qui ont travaillé pour le produire (en fait ce sont surtout les intermédiaires qui s'en mettent plein les poches, mais c'est un autre débat)
  2. Les maisons de disques sont tout à fait réservées sur le concept. Le modèle du téléchargez d'abord, écoutez, payez ensuite, si vous voulez leur convient certainement moins bien que celui du payez d'abord, écoutez si vous voulez. Y compris sur le plan psychologique, car cela assimile les artistes à des mendiants.
  3. Le site en question n'est pas bénévole, puisqu'il se propose de prélever 20% des transactions, soit sensiblement autant que ce qu'Apple prélève sur une vente iTunes
Je vous recommande surtout de lire le commentaire d'un musicien à l'article qui est sans doute ce que j'ai lu de plus sensé sur le sujet. Il y remarque notamment que les droits SACEM sont en général payés par le diffuseur et pas par le public. Si vous écoutez de la musique dans un restaurant, il n'y a pas de supplément sur la facture, mais le restaurant paye une redevance à la SACEM. De même pour les concerts et autres événements culturels: qu'ils soient payants ou gratuits, ce sont les organisateurs qui s'arrangent avec la SACEM. Dans la même logique, ce serait aux fournisseurs d'accès à Internet de payer pour la musique qui est téléchargée grâce aux tuyaux numériques qu'ils fournissent et qu'ils facturent. Du reste tout cela n'est pas si nouveau car de nombreux économistes ont remarqué que le téléchargement sauvage constituait une sorte de subvention que les industries culturelles (dont les contenus si chers à  produire, films, jeux vidéos, etc) versaient aux entreprises de télécommunications, qui sont les seules à profiter véritablement (et financièrement en tout cas) du téléchargement illégal massif.

Entre le tout gratuit (les sites de streaming) et le trop cher (la ventre à 10 euros l'album), n'y a-t-il donc aucun intermédiaire ? Il y a bien les sites avec abonnement (une sorte de licence globale si l'on veut) dont certains sont proposés par des fournisseurs d'accès à Internet comme SFR ou Orange. On pourrait aussi imaginer des systèmes de micro-paiements (quelques centimes la minutes ou l'heure) similaire au téléphone ou au minitel, au moins sur les terminaux mobiles du type smart phone ou tablette. Mais cela signifie que les compagnies comme Apple ou Vodafone vont remplacer les majors pour distribuer la musique. Du reste c'est déjà en train de se produire.

Dernier point, la musique, justement. L'avènement de la radio et du disque a permis un développement de la musique sans précédent dans l'histoire de l'humanité. La musique de tous les styles est devenue accessible au plus grand nombre, et beaucoup de musiciens ont pu devenir riches et célèbres bien plus facilement qu'à l'époque de Haydn et Mozart. La musique enregistrée est devenue une véritable industrie, dont on se demande aujourd'hui si elle va muer ou simplement disparaître. Qu'est-ce que cela changera pour les musiciens ? D'un côté on aura la rude concurrence des catalogues pléthoriques de millions de titres existants, dont le prix ne peut que s'effondrer. De l'autre des ressources plus réduites pour les nouvelles productions. Allons-nous entrer dans une ère de décadence de la musique après l'âge d'or que nous vivons actuellement, à en croire les Carnets sur Sol ? Il y a tout de même plusieurs raisons d'espérer:
  • les goûts changent, et chaque génération réclame ses nouveaux artistes
  • les musiques sérieuses (classique, contemporain, jazz, opéra) ont des publics moins nombreux mais plus fidèles et pourront sans doute résister aux cycles économiques comme aux mutations technologiques
  • enfin et surtout, le lieu privilégié de production, d'écoute et de partage de la musique, c'est tout de même le concert. Tant qu'il y aura des scènes, des artistes sur la scène et un public en face, la musique vivra.

dimanche 4 octobre 2009

Cent partitions sur le site Tamino Productions

Le site Tamino Productions où je publie mes compositions et arrangements a récemment atteint le seuil symbolique de 100 partitions disponibles. Il bénéficie également d'un superbe nouveau logo bleu avec une plume dessiné par une cousine qui fait des études de design:

Bien que la navigation se soit améliorée avec la deuxième version du site SibeliusMusic qui héberge ces partitions, elle souffre encore de certains défauts. Le principal étant l'utilisation d'un plug-in propriétaire qui ne fonctionne que sur les ordinateurs Mac ou Windows, quand il veut bien fonctionner (plusieurs de mes amis m'ont rapporté des difficultés à installer le pug-in ou à imprimer des partitions). Mise à jour: le site s'appelle maintenant ScoreExchange et permet d'acheter les partitions en PDF. Par ailleurs le nouveau site Tamino Productions est maintenant en ligne.

Côté positif, ce site permet de poster des extraits en MP3 à côté des partitions, offre une bonne visibilité dans les moteurs de recherche ainsi qu'une forme d'animation communautaire grâce aux reviews et autres liens.

Quelques partitions sont également disponibles sur le site lulu.com qui permet de commander des partitions imprimées (au lieu de les imprimer soi-même). Mais ce site dédié aux livres en général ne permet pas facilement d'imprimer les parties séparées pour les oeuvres de musique de chambre, ce qui constitue un gros handicap.

N'étant pleinement satisfait ni par l'une ni par l'autre solution, je vais probablement développer dans les mois qui viennent un nouveau site pour publier mes partitions mais aussi celles d'autres compositeurs. Dans l'idéal il sera multilingue et Web 2.0, basé sur un CMS comme SPIP ou Joomla. Sa principale caractéristique sera d'offrir le téléchargement gratuit des partitions dans le format le plus universel qui soit (le PDF). Les compositeurs seront rémunérés soit par les droits SACEM si l'oeuvre est jouée en public soit par un don en ligne si elle ne l'est pas. Contrairement aux sites d'auto-publication, il y aura un comité éditorial pour faire le tri, ce qui évitera aux utilisateurs du site d'avoir à le faire eux-mêmes.

Pourquoi offrir une partition gratuitement sur Internet plutôt que de signer un contrat classique avec un éditeur ? D'abord pour faire connaître son travail. A l'heure où la quasi-totalité des oeuvres de Mozart, Bach, Beethoven sont disponibles gratuitement sur des sites comme IMSLP, bien peu de gens vont être motivés pour acheter la partition d'un compositeur dont ils n'ont jamais entendu parler, surtout s'ils ne peuvent même pas y jeter un coup d'oeil avant de payer. Dans un magasin de partitions, on peut feuilleter avant d'acheter. Dans un magasin en ligne, feuilleter implique voir à l'écran donc potentiellement imprimer (toutes les tentatives pour permettre à l'utilisateur de voir à l'écran sans imprimer étant futiles et vouées à l'échec, comme les DRM). Autant permettre explicitement à l'utilisateur d'imprimer la partition au lieu de faire semblant de vouloir l'en empêcher. Sans même parler du piratage plus classique comme la photocopie d'une partition empruntée à un ami ou à la bibliothèque, qu'il est quasiment impossible d'empêcher en pratique. Autant prendre le taureau par les cornes et autoriser la photocopie, en adoptant une licence du type Creative Commons.

Est-ce idéaliste ? Une partition est un objet particulier. ça n'est pas vraiment un objet fini et prêt à consommer comme un livre, mais un produit intermédiaire destiné à des musiciens. Le produit fini c'est la musique, le concert, le disque. Signalons que les éditeurs perdent en  général de l'argent sur l'impression des partitions, et ils en gagnent avec les droits d'exécution (SACEM) et de reproduction discographique (SACD). Les éditeurs eux aussi pourraient faire des économies et mieux défendre leur écurie de compositeurs s'ils mettaient les partitions en ligne gratuitement. Mais bien peu d'entre eux sont prêts à faire ce geste, même pour les partitions épuisées. Dans ce contexte, il ne reste plus aux compositeurs qu'à se regrouper en coopérative et profiter de l'Internet pour diffuser le produit de leur travail. Si tout va bien, Tamino Productions sera bientôt l'une de ces coopératives.

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