Pourquoi ils ne participeront pas à la mission Lescure

À lire sur le site de Libé, cette tribune: Pourquoi nous ne participerons pas à la mission Lescure signée par les représentants d'une association de consommateurs (UFC-Que Choisir), d'une autre qui représente les Internautes (la Quadrature du Net) et se rapproche le plus d'un parti pirate à la française, et d'un syndicat des artistes, musiciens, chanteurs, danseurs et enseignants (le Samup).

Les auteurs dénoncent la troisième mission en cinq ans confiée à une personne fortement impliquée dans les intérêts privés de la production, distribution et promotion des médias. Ce qu'ils ne sont pas les seuls à avoir vu, il me semble bien me souvenir d'avoir parlé de confier les clés du poulailler à un renard à propos de la mission Olivennes.

Cela étant posé, l'alternative qu'ils tentent de proposer à travers un projet Public - Création - Internet, une fois dépouillé de son bel habillage verbal, se résume ainsi: piquer 3 ou 5 euros par mois à tous les abonnés de l'Internet haut débit et les répartir au doigt mouillé entre les créateurs de contenus artistiques.

L'un des problèmes de ce système de licence globale est qu'il n'a rien de global justement s'il reste franco-français. Est-ce que les producteurs de séries télé américaines ou de films de cinéma indien accepteront d'être rémunérés de cette façon ? Faut-il payer les artistes français en fonction du nombre de Canadiens ou de Japonais qui vont écouter leur musique, sans payer, eux, les 3 euros par mois ? Ma belle-mère qui doit écouter moins de 30 minutes de musique par an sera-t-elle ravie de payer 36 euros d'impôts par an, en sus de la TVA, redevance télé, etc ? Et si après un an d'existence la Hadopi n'a envoyé qu'un petit million d'emails d'avertissement, comment peut-on espérer que l'Etat qui ne sait pas stopper le partage de fichiers saurait efficacement mesurer les même flux de partage pour calculer la rémunération des producteurs de contenus ?

Et encore on n'est pas au bout, car le partage de fichiers ne se limite pas à la musique ou aux contenus artistiques, tant s'en faut. Avec le milliard d'euros que pourrait rapporter une telle taxe, doit-on également rémunérer Microsoft et Oracle pour les copies déplombées de logiciels qui circulent ? Mais aussi Marc Dorcel et consort pour les vidéos cochon qui sont elles aussi massivement piratées ? Sans parler des livres éléctroniques, bandes dessinées, séries télé, films de cinéma... Ça en fait du monde pour se partager la gamelle !

Le point le plus positif ou le plus réaliste que je vois dans ce projet est la reconnaissance d'un statut pour les contenus que leurs créateurs mettent gratuitement à disposition des internautes, à travers des licences du type Creative Commons. Même la SACEM a commencé à s'y mettre d'ailleurs. Il y a beaucoup d'artistes pour qui ça a tout à fait du sens du point de vue économique de poster des vidéos gratuitement. Ceux qui font du spectacle vivant peuvent y trouver un moyen particulièrement efficace et pas cher de promouvoir leur travail, de recruter et de fidéliser un public. Est-ce que leur gagne-pain est menacé par l'existence d'Internet ? Au contraire. Bien entendu, ils ne gagneront jamais autant que des stars de la télé ou de l'industrie du disque, qui sont, elles, réellement menacées par la révolution technologique en cours.

Je l'ai déjà écrit dans ce journal: l'industrie du disque agonise, elle va mourir, rien ne pourra la sauver. Mais la musique vit, elle n'a jamais été aussi vivante, aussi riche, aussi diverse. Et les artistes n'ont jamais eu autant d'opportunités pour échanger, découvrir et faire découvrir leur musique. À eux d'inventer de nouveaux modes de rémunération compatibles avec le numérique. Le devoir de l'État n'est pas d'utiliser l'argent des contribuables pour protéger artificiellement le business model d'une industrie qui n'existait pas il y a 100 ans et qui disparaîtra comme les locomotives à vapeur ou le Ronéotype.

Pour en revenir à la mission Lescure, j'ai déjà prédit qu'elle accoucherait d'une souris... rendez-vous dans six mois.

Commentaires

1. Le jeudi 27 septembre 2012, 10:44 par Azbinebrozer

Faut-il taxer... "ma belle-mère qui doit écouter moins de 30 minutes de musique par an ?"
Oui Papageno ! Pour inculture musicale et autres soirées TV variétotoche imposées en famille ! ;- )

2. Le samedi 29 septembre 2012, 11:09 par Papageno

C'est vrai que si on inclut les demi-finales et finales de la Star Ac' on doit dépasser les 30 minutes, réflexion faite... en fait dans le monde moderne à moins d'être sourd il est extrêmement difficile d'échapper complètement à la musique.