Ne boudons pas les Victoires de la Musique Classique

Ce soir sur France 3 (et France Musique), les Victoires de la musique classique. Dans la liste des nominés, quelques têtes connues (l'altiste Antoine Tamestit, la soprano Patricia Petitbon, les compositeurs Nicolas Bacri, Karol Beffa et Philippe Manoury), d'autres que je n'ai jamais entendu comme le tubiste Thomas Leleu.

violoniste_bikini.jpgIl y a mille et une raisons de snober ce genre ce grand-messe télévisuelle. Pour commencer, le côté "Grande Finale" de Top Chef ou Miss France cadre assez mal avec la musique telle qu'on l'aime: c'est à dire le contact émotionnel entre les artistes et le public, la recherche de la perfection, l'authenticité et la simplicité. En bref, tout sauf le bling-bling. Et puis les choix du jury et du public, forcément arbitraires, vont consacrer des artistes pour la plupart excellents mais laisser de côté beaucoup d'autres qui sont tout aussi bons musiciens mais dont l'agent est moins doué pour le marketing. Et puis il faut se cogner Frédéric Lodéon, ce nouveau Léon Zitrone de la musique, pendant une heure et demie. Enfin, il faut compter avec la qualité de son du téléviseur moyen, capable de transformer le son du meilleur violoniste en un chuintement nasillard et mesquin. 

Cela étant posé, pourquoi bouder son plaisir ? Celui de voir la tête de tel ou tel musicien qu'on a entendu à la radio mais jamais vu ? De revoir tel autre qu'on avait particulièrement apprécié lors d'un festival l'été dernier ? De se laisser surprendre et peut-être séduire par un compositeur dont on ignorait jusqu'à l'existence ? On voit bien des vieux films ou des sosies de Claude François à la téloche, alors pourquoi pas un remake du Requiem de Fauré ? On regarde des séries débiles et des émissions de télé-réalité encore plus débiles, alors pourquoi pas un spectacle de qualité, même si son format n'est pas très adapté à la télévision, comme une pièce de théâtre ou un concert de musique classique ou contemporaine ? On a tendance à l'oublier tellement c'est devenu un robinet à publicité et le royaume des paillettes et des filles qui dansent à moitié nues sous les projecteurs multicolores, mais la télé, ça peut aussi être un moyen d'accès à la culture. Surtout la télé publique payée par nos impôts. S'il y a bien une réforme de Sarkozy que j'aurai soutenu sans réserve ces dernières années, c'est la malheureusement incomplète suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Assortie d'une programmation totalement différente, qui ne cherche pas à copier TF1 ou M6 et à leur piquer de l'audimat mais à diffuser des contenus culturels de qualité: théâtre, musique, danse, arts plastiques.

Cette réforme n'ayant abouti que partiellement, il faut nous contenter, nous autres mélomaniaques et glottolâtres, d'une seule émission par an (deux si on ajoute le Concert du Nouvel An du MusikVerein de Vienne), et nous accommoder de son format. Oublionsle concours de beauté des interprètes ou des compositeurs, le sourire des "gagnants" et la grimace des "perdants". Oublions le trop bavard Frédéric Lodéon, les projecteurs et les caméras. Il nous reste l'essentiel: un peu de musique.

(illustration de ce billet: Angy'art)

Commentaires

1. Le mardi 28 février 2012, 12:23 par Glottoland

(Plutôt glottophile que glottolâtre, il reste encore un peu de mélomane et de littéraire en moi. :) )

Je crois que ça tient beaucoup à une forme de lien social (paraît-il typiquement français) : on regarde pour pouvoir râler le lendemain, ça permet de faire la conversation.

Mais comme en l'occurrence personne ne regarde les Victoires de la Musique Classique, ça ne sert vraiment à rien de se forcer. :)

En ce qui me concerne, depuis que l'offre est devenue tellement pléthorique et configurable (avant d'avoir épuisé Medici ou Arte Live Web...), je ne regarde plus les Victoires, mais je trouve ça sympathique sur le principe, même avec toutes les limites qui sont les siennes.