Un safari arctique (Jørn Riel)

On entend parfois décrire les chasseurs du nord-est du Groenland comme un peuple porté sur la fête. C'est probablement vrai si on veut dire par là que c'est un peuple qui a le goût de la fête. Peut-être cela prend-il sa source dans la monotonie de la vie quotidienne, et la dureté du travail et de l'isolement. Ou peut-être cela vient-il du fait que, dans cette partie du monde, on est plus joyeux, plus insouciant et plus ouvert qu'ailleurs aux possibilités de faire la fête qu'offre la vie

Les chasseurs est-groenlandais ne sont, en fait, pas différents des autres gens ailleurs de par le monde. Ils ont simplement d'autres possibilités. À celui qui vit toute sa vie derrière le grillage protecteur de la société, imaginer de vivre en arctique doit donner la chair de poule: la désolation des étendues de glace, la solitude effryante, une existence chaste de moine dans un monde infini et ingrat. Il est difficile de comprendre qu'on y reste, de sa propre volonté, année après année, et qu'en plus, on s'y plaise.

Mais pour qui a le désert dans le sang, c'est différent. La désolation n'est jamais désolante. Chaque montagne, chaque vallée, chaque fjord et chaque iceberg cachent des surprises. La solitude est rarement trop loude à supporter et souvent l'isolement donne un merveilleux sentiment de liberté. Le pays polaire est plein de vie et de changements. Il n'y a pas d'obsacle, si ce n'est les éléments, pas de patron, si ce n'est la nature, et pas de loi, si ce n'est celle qu'on décide entre hommes. Les gens de là-haut ne sont pas différents, mais peut-être simplement un peu plus heureux à cause des circonstances.

Jørn Riel, Un safari actique (traduit du danois par  Susanne Juul et Bernard Saint Bonnet, éditons 10-18).

Commentaires

1. Le dimanche 5 février 2017, 13:24 par blmeylan

Cela fait penser à ce que Epicure, Diogène et d'autres avaient énoncé au 5ème siècle avant J C.