Disques: Les lettres enlacées

Les lettres enlacées c'est un disque chez aeon avec un programme Levinas et Hindemith par Gérard Caussé et le Quatuor Ludwig. J'ai acheté ce disque car j'aime beaucoup le jeu de Gérard Caussé, que j'ai entendu plusieurs fois en concert: il fait passer tellement d'émotion dans chaque note ! C'est un soliste renommé, et aussi un chambriste très recherché. Parmi les oeuvres qui lui ont été dédiées, notons le Prologue des Espaces Accoustiques de Gérard Grisey, une pièce absolument ébouriffante dont je reparlerai dans ce journal.

Les lettres enlacées

  • Hindemith: Sonate op. 25 n° 1 pour alto seul (1922), Gérard Caussé La sonate d'Hindemith (1922) est beaucoup plus moderne que celle Ligeti qui vient pourtant 70 ans plus tard ! Elle est restée célèbre par son quatrième mouvement indiqué "Rasendes Zeitmass. Wild. Tonschönheit ist Nebensache", autrement dit: "Tempo furieux et sauvage, la beauté du son est accessoire". Cette sonate est composée de 5 mouvements enchaînés (lent - rapide - lent - rapide - lent). J'en ai une autre version au disque, par Kim Kashkashian, qui est très bonne, très virtuose, mais elle ne dégage pas autant d'émotion que celle de Gérard Caussé. Il existe aussi une version d'Hindemith lui-même, enregistrée dans les années 1930 aux Etats-Unis, mais on ne peut pas la comparer aux versions modernes, les techniques de prises de son et de montage ayant tellement changé.
  • Lévinas: Les lettres enlacées II (2000), Gérard Caussé Michaël Lévinas est davantage connu comme pianiste que comme compositeur. Voici ce qu'il nous dit de cette pièce: la composition est basée à la fois sur le chevauchement, la superposition, le croisement et le retour à une à une répartition quasi-parallèle de deux voix mélodiques (...) L'instrumentiste joue une mélodie en canon de micro-intervalles sur deux cordes simultanément. Chaque ligne poursuivant l'autre par une sorte de dédoublement en micro-intervalles. Les figures mélodiques issues de ces modes de jeu peuvent être considérées comme de faux glissandi ou encore comme des effets globaux et paradoxaux obtenus par cette polyphonie en lettres croisées. Soit. On comprend bien le concept, mais à l'oreille ça donne quoi ? Après avoir entendu cette pièce en concert, écouté et ré-écouté le disque, j'avoue que je reste assez peu convaincu. C'est une pièce extrêmement difficile mais Gérard Caussé semble y nager comme un petit poisson dans l'eau.
  • Lévinas: Les lettres enlacées IV (2000), Gérard Caussé et le quatuor Ludwig le principe formel de la pièce nait d'une écriture polyphonique en spirale (...) une échelle qui se déroule dans un registre grave va être reproduite une octave au-dessus en subissant une altération similaire à l'effet Doppler. Ces belles constructions intellectuelles donnent à l'oreille une impression plutôt mécanique et pour tout dire assez désagréable. J'hésite à écrire ces mots car je n'aime pas dire du mal des autres musiciens, mais en définitive pour la musique quel autre juge que notre oreille et notre goût ?
  • Hindemith: Sonate op 11 no 4 (1919) pour alto et piano C'est la première sonate d'Hindemith pour cet instrument. L'alto énonce au début de la Fantasie ce thème doucement balancé:

Hindemith Sonate op 11 no 4.

Puis viennent quelques variations, suivies d'un Thema mit Variationen et d'un Finale mit variationen. Au cas où vous n'auriez pas compris, cette sonate n'est qu'une grande série de variations. Douceur sans mièvrerie, énergie sans brutalité, intelligence sans sécheresse, Gérard Caussé et Michaël Lévinas nous livrent une belle interprétation de cette oeuvre tout à fait abordable et pas assez souvent jouée à mon goût.

Pour finir, signalons la jaquette très élégante de ce disque et le livret qui contient un texte de Richard Millet, un écrivain passionné par la musique, qui collabore régulièrement avec le label aeon, et qui a publié notamment La voix d'alto, un roman qui raconte la vie d'un altiste.