Petites injustices et gros mensonges autour de la copie privée

Comme on entend tout et n'importe quoi au sujet de la copie privée, je vous invite à consulter ce dossier qui date un peu mais qui comporte un rappel des faits.

disque dur externe

Les tarifs de la redevance pour copie privée vont bientôt être mis à jour (voir le communiqué de la SACEM), et surtout cette redevance sera étendue au disques durs externes et aux clés USB.

On peut discuter de l'utilité et de la pertinence de ce système, qui existe aussi au Canada et dans certains pays Européens: je me contenterais de relever quelques mensonges grossiers qu'on entend régulièrement à la télévision ou à la radio.

  1. La redevance pour copie privée sert à soutenir la création artistique. En théorie un quart des sommes collectées par la SACEM sont consacrées à des actions de soutien à la création et au spectacle vivant. Ce qui signifie en clair un saupoudrage de subventions à des festivals, écoles de musique, etc. Si on fait le point, on constate que seul un faible pourcentage des sommes collectées revient in fine à des compositeurs ou des interprètes. L'essentiel va en fait aux producteurs et aux éditeurs, ainsi qu'aux ayant-droit des compositeurs décédés (comme Rachmaninov ou Ravel pour la musique classique). Par ailleurs le mode de répartition de l'argent, basé sur des statistiques de la part de marché, avantage les ``gros'' au détriment des petits, et les artistes déjà connus au détriment de ceux qui débutent.
  2. C'est un impôt. Faux: son montant est fixé par un décret dans le Journal Officiel, mais ce sont deux sociétés civiles (Sorecop et Copie France) rattachées toutes deux à la SACEM qui encaissent et redistribuent le produit de la redevance. Combien prélèvent-elles en frais de gestion ? mystère ! le système est d'une totale opacité.
  3. Vous êtes tous des pirates, de toute façon. Considérons deux consommateurs: Mr Gentil et Mr Roublard.
    • Mr Gentil achète pour 10 euros un album de musique en ligne. Il ne sait pas que sur les 10 euros, moins de 40 centimes sont versés aux artistes (le reste va au distributeur, à l'éditeur, au producteur, à la publicité, etc). Pour écouter la musique sur sa chaîne hi-fi, il grave l'album sur un CD audio. Le CD coûte 65 centimes, dont 35 centimes pour la copie privée, qui sont distribués à tout le monde (SACEM, Johny Halliday, etc) sauf peut-être aux artistes de l'album en question. Au total, il a payé deux fois, et seul un faible pourcentage de ce qu'il a payé revient aux artistes qui ont enregistré l'album.
    • Mr Roublard télécharge tout gratuitement grâce aux sites pirates: il s'en fout que les artistes (ou les autres personnes ayant travaillé pour produire la musique: ingénieur du son, responsable artistique, etc) ne soient pas payés. Il achète les CD-audio par paquet de 50 sur un site étranger, donc il ne paye pas non plus la redevance pour copie privée. Sur les forums internet il se vante d'avoir trouvé le moyen d'enculer le système (sic)

Je ne prétends pas avoir réponse à tout, surtout sur des sujets aussi complexes, qui font intervenir des questions de politique culturelle, de droit d'auteur, de gros sous, et aussi (mais un tout petit peu) de création artistique. Dans un monde où il y a sans doute dix Mr Roublard pour un Mr Gentil, il faut bien des mesures coercitives pour protéger le travail des artistes et l'investissement des producteurs. Est-ce que la taxe sur la copie privée telle qu'elle fonctionne en France actuellement, est le meilleur système ? La liste des trois objections que je vois correspond à la liste des trois mensonges ci-dessus:

  1. les artistes profitent assez peu du système en définitive ils font surtout figure de prétexte idéal pour défendre les gros sous des producteurs et de leur syndicat, la SACEM.
  2. le système de redistribution est inéquitable et opaque
  3. ce sont les gens honnêtes qui payent et non les filous

Le dernier défaut que je vois à la taxe pour la copie privée est qu'elle donne une sorte de caution morale aux consommateurs qui plaident pour une le tout gratuit, ou bien à la limite pour une licence globale. Après la télé gratuite (financée par la pub), les journaux gratuits (financés par la pub), la musique gratuite (financée par la pub elle aussi) ? Pour ma part je préfère une musique de qualité, qu'on paye et qu'on choisit avec soin, en soutenant les artistes qu'on aime et les maisons de disques qui travaillent bien. Mais peut-être suis-je un peu trop idéaliste ?