Bien qu'aux arts d'Apollon...

Chers amis lecteurs de ce journal, vous allez croire que je vous néglige car une rentrée chargée me laisse peu de temps pour écrire. En guise de consolation, voici une réflexion de Joachim Du Bellay (tirée des Regrets, publiés en 1558) sur l'utilité de l'art, ou sa futilité si l'on veut:

Bien qu'aux arts d'Apollon le vulgaire n'aspire
Bien que de telz trésors l'avarice n'ait soing,
Bien que de telz harnois le soldat n'ait besoing,
Bien que l'ambition telz honneurs ne desire :

Bien que ce soit aux grands un argument de rire,
Bien que les plus rusez s'en tiennent le plus loing,
Et bien que Dubellay soit suffisant tesmoing
Combien est peu prisé le mestier de la lyre :

Bien qu'un art sans profit ne plaise au courtisan,
Bien qu'on ne paye en vers l'œuvre d'un artisan,
Bien que la Muse soit de pauvreté suivie,

Si ne veulx-je pourtant delaisser de chanter,
Puisque le seul chant peult mes ennuys enchanter,
Et qu'aux Muses je doy bien six ans de ma vie.