L'introduction à Jean-Sébastien Bach enfin rééditée

On a du mal à le croire, mais cela fait plus de 20 ans que l'Introduction à Jean-Sébastien Bach de Boris de Schloezer est introuvable en librairie. Les Presses Universitaires de Rennes s'apprêtent à rééditer ce texte majeur, certainement un des plus profonds et des plus passionnants qu'il m'ait été donné de lire sur la musique.

La question que se pose Boris de Schoezer est la suivante: mettons que j'écoute le prélude en mi bémol BWV 878 du Clavier bien tempéré, joué au piano par Glenn Gould ou bien par Hans-Georg Shäfer, ou encore au clavecin par Daniel Benn. Qu'est-ce que j'écoute exactement ?  Est-ce bien la même oeuvre que j'entends jouée de manière si différente ? Un interprète ne le jouera jamais deux fois exactement de la même façon. Et même si j'écouter le même enregistrement deux fois de suite, ma perception est différente la deuxième fois du fait même que je l'ai déjà entendu une première fois. En fin de compte, existe-t-il réellement un objet appelé Prélude en mi bémol BWV 878 ? Boris de Schoezer répond par l'affirmative après avoir soigneusement et systématiquement réfuté la thèse subjectiviste qui dit qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Il développe des notions comme la connaissance érotique de l'oeuvre, qui justifient qu'on puisse dire: j'aime ce Prélude.

L'édition poche que je garde préciseusement dans ma bibliothèque commence par une préface du compositeur André Boucourechliev qui explique que ce livre a servi de manifeste à toute une génération de compositeurs d'avant-garde dans les années 1950, car on y trouve une théorie  de l'oeuvre et de l'écriture musicale indépendante de l'enseignement traditionnel. Il a sans doute également contribué à la redécouverte de l'oeuvre de Jean-Sébastien Bach, qui n'est véritablement sortie d'un long purgatoire d'oubli et d'indifférence qu'à partis des années 1950, grâce à l'avènement du disque en particulier.

Soulignons enfin que l'Introduction à J-S Bach est écrite dans une langue dont la pureté ferait rougir beaucoup de nos romanciers à la mode ou de nos philosophes familiers des plateaux de télévision. Il convient donc de saluer cette réédition et même de souhaiter qu'on la trouve rapidement au format poche dans toutes les bonnes librairies.

(à lire également: la fiche du site musicologie.org)

Commentaires

1. Le lundi 18 mai 2009, 12:49 par Jean-Brieux

"mettons que j'écoute le prélude en mi bémol BWV 878 du Clavier bien tempéré, joué au piano par Glenn Gould ou bien par Hans-Georg Shäfer, ou encore au clavecin par Daniel Benn. "

Je vote pour le 2 (plus fluide que le 1). Le 3 est très dépaysant. Et vous, vous votez pour qui ?

"Un interprète ne le jouera jamais deux fois exactement de la même façon."

Assez d'accord. On fera toujours une fausse note mais jamais au même endroit. Comme la foudre. Injouable Bach. :-)

"En fin de compte, existe-t-il réellement un objet appelé Prélude en mi bémol BWV 878 ?"

En quoi une telle question serait-elle à poser dans le cadre d'une réflexion restreinte à Bach ? L'essai n'a-t-il pas une portée plus générale ?

"Il développe des notions comme la connaissance érotique de l'oeuvre, qui justifient qu'on puisse dire: j'aime ce Prélude."

Ma connaissance - érotique si vous voulez - de l'oeuvre me fait dire : je ne sais pas si j'aime ce Prélude (comprendre : plutôt pas). Cela n'exclut pas d'être fasciné par ce que l'on n'aime pas (ou peu).

"Il a sans doute également contribué à la redécouverte de l'oeuvre de Jean-Sébastien Bach, qui n'est véritablement sortie d'un long purgatoire d'oubli et d'indifférence qu'à partis des années 1950"

Bach is back : tous aux abris ! Dans les chambres insonorisées... (j'exagère certes)

Petite précision : j'aime Bach ... notamment les allusions à Bach chez Chopin ou Montgeroult ou encore Mendelssohn. Et Bach transcrit par Liszt (j'ai toujours besoin de la traduction en langage pianistique).

C'est grave docteur ? :-) :-)

2. Le mercredi 20 mai 2009, 19:19 par Papageno

La musique de Bach est pour moi une source de joie inépuisable. Et puisque vous posez la question, voici une suggestion du docteur Papageno: si vous sortiez un peu le nez de votre piano pour découvrir les cantates, la musique orchestrale et les deux Passions ? ou de Liszt et Mendelssohn que vous mentionnez, la musique orchestrale et religieuse ?

3. Le jeudi 21 mai 2009, 15:00 par Jean-Brieux

C'est quoi un orchestre ? :-)

Merci pour vos conseils cher Docteur Papageno, d'autant qu'ils sont remboursés intégralement par la Sécurité sociale. On comprend maintenant d'où vient le trou. Conseil au gouvernement : déremboursez les soins pour les pianopathes.

4. Le jeudi 21 mai 2009, 16:21 par Jean-Brieux

Addendum :

"découvrir les cantates, la musique orchestrale et les deux Passions ?"

je connais déjà mais les réécouterai avec plaisir.

"ou de Liszt et Mendelssohn que vous mentionnez, la musique orchestrale et religieuse ?"

je connais très peu. raison de plus pour (re)découvrir. :-)

à bientôt.