Le temps l'Horloge d'Henri Dutilleux (enregistrement de la création)

Voilà un disque pour les happy few, tiré à un nombre ridiculement petit d'exemplaires et introuvable dans le commerce et dont je suis reconnaissant à un ami d'avoir pu l'emprunter. Il s'agit de l'enregistrement du cycle de mélodies pour soprano et orchestre d'Henri Dutilleux, Le Temps L'Horloge, donné à Paris au théâtre des Champs-Élysées le 7 mai 2009, par Renée Fleming, accompagnée par Seiji Osawa à la tête de l'Orchestre National de France. Bien que le disque indique création mondiale, trois des quatre mélodies avaient été données en concert au japon en septembre 2007.

Henri Dutilleux a toujours travaillé avec une proverbiale lenteur, sujet de mille et unes anecdotes. Cela explique sans doute pourquoi il n'a pas composé de musique de film ou d'opéras. Mais sa musique est dense, profonde et belle comme une forêt ancienne, on ne se lasse pas d'y revenir. Beaucoup de compositeurs annoncent fièrement dans leur biographie qu'il sont à l'écart des courants et des modes, mais dans le cas de Dutilleux c'est la stricte vérité. Il poursuit son chemin solitaire avec une constance et une humilité remarquables depuis bientôt trois quarts de siècle. La pochette du disque rappelle que la première création d'une oeuvre de Dutilleux au Théâtre des Champs-Élysées remonte à 1944 c'est à dire l'année de naissance de mon père...

Pour sa deuxième oeuvre pour voix et orchestre (après Correspondances en 2003), Dutilleux a choisi deux poèmes de Jean Tardieu dont Le Temps L'Horloge qui ouvre le cycle et lui donne son nom:


L'autre jour j'écoutais le temps
qui passait sous l'horloge.
Chaînes, battants et rouages
il faisait plus de bruit que cent
au clocher du village
et mon âme en était contente. 

J'aime mieux le temps s'il se montre
que s'il passe en nous sans bruit
comme un voleur dans la nuit...

(Jean Tardieu, extrait de "L’Accent grave et l’Accent aigu")

On retrouve bien sûr les thèmes chers à Dutilleux, la nuit et le temps. Suivent un autre poème de Tardieu (Le masque), puis Desnos (Le dernier poème) et après un interludes confié aux violoncelles et au clavecin, un poème de Baudelaire: "Il est l'heure de s'enivrer! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; Enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise."

C'est avec des accents joyeux et d'une surprenante fraîcheur que ce conclut ce cycle magistral. Et pour ma part je ne conclurai pas ce billet sans saluer la performance des interprètes dont on sent qu'ils ont mis tout leur coeur dans cette création. Devant l'accueil plus qu'enthousiaste du public, les spectateurs du TCE ou pu entendre Le Temps L'Horloge bissé dans son intégralité. Petits veinards !

Commentaires

1. Le mercredi 31 mars 2010, 22:08 par Azbinebrozer

J'adore la photo choisie ! Et la musique de cet homme.

Pour voix et orchestre, et déjà sur le temps, peut-on compter aussi sur "The shadows of time" de 1997 avec ses voix d'enfants ?