Le disque classique survivra-t-il à la mort des majors ?

Lu dans les Carnets sur Sol, quelques réflexions sur l'agonie des majors du disque et ses conséquences pour les amateurs de musique classique. Que je vous invite à lire, et auxquelles j'ajoute les miennes.

Les tout premiers disques qui ont été commercialisés (c'était d'ailleurs des rouleaux et non des disques) étaient de la musique classique (Caruso, etc). Puis l'avènement du disque comme industrie (et des instruments électriquement amplifiés, dont la voix) a profondément changé la nature même de la musique. Pour ne donner qu'un seul exemple, les "crooners" à la Frank Sinatra sont apparus dans les années 1940 lorsque les micros sont devenus plus sensibles: on pouvait alors placer l'unique micro (pas de stéréo !) tout près du chanteur qui susurrait une berceuse ou une cavatine galante tandis que l'orchestre était plusieurs mètres en arrière. La magie de la technique fit qu'on entendait une voix très douce mais très présente, soutenue par un orchestre un peu assourdi en arrière-plan. On ne peut pas imaginer ce style musical (et les compositions qui vont avec) indépendamment des possibilités techniques qui lui ont donné naissance. De même pour les styles pop / rock / soul / techno etc et les changements dans la pratique musicale qui les accompagnent (concerts dans des stades géants, boîtes de nuit, avènement des DJs, etc)


Donc ça n'est pas si étonnant que le classique ne soit pas la plus grosse part des ventes des majors; après tout,

  1. c'est de la vieille musique, on ne voit pourquoi ça intéresserait les jeunes;
  2. la musique classique a été conçue pour les salons de musique des grands bourgeois ou les salles de concert, pas pour le baladeur mp3 ou le Stade de France;
  3. pour les amateurs de classique, le disque reste un succédané du concert: tout le monde mange des légumes en boîte parce que c'est plus pratique, et parfois de très bonne qualité, mais on préfère toute de même les légumes frais quand on peut s'en procurer.

La fin des grandes maisons de disque signifie-t-elle la fin de l'âge d'or pour le disque classique ? Il a toujours été produit par des passionnés, avec de tous petits moyens, le plus souvent à perte. Du temps où le disque de rock/pop rapportaient des sommes indécentes, les majors accueillaient bien volontiers en leur sein des labels classiques déficitaires ou peu rentables, question de prestige. Cette générosité s'est tarie. Plus aucune maison de disque ne finance des disques d'orchestre de nos jours, mais comme le remarque David Le Marrec, les orchestre ont adapté leur stratégie en produisant eux-même des disques et des vidéos de leurs concerts diffusés sur Internet. Les majors agonisent mais le disque classique  leur survivra. Et il continuera longtemps à faire perdre de l'argent à ses producteurs pour le plus grand bonheur d'un petit nombre d'adeptes fidèles...