Joël au balcon, Pâques au tisons (Opéra de Paris, programme 2011-2012)

A lire sur ResMusica, un article de Maxime Kaprielian: Faire du vieux avec du vieux, qui brosse un tableau assez sombre mais fort juste hélas de la programmation 2011-2012 de l'Opéra de Paris. A part une création de Philippe Fénelon, on n'entendra que des compositeurs morts, cela va de soi (et la plupart morts depuis 100 ans au moins); mais on aura également droit aux metteurs en scène morts. La prochaine étape de cette fossilisation déjà bien avancée de l'opéra, c'est bien sûr les chanteurs morts. Ne suggérons surtout pas à Nicolas Joël de mettre sur scène un androïde doté de la voix enregistrée de la Callas, il serait capable de prendre cela au sérieux.

On en viendrais presque à regretter Gérard Mortier qui multipliait les provocations pour ensuite paraître s'étonner que parfois, le public réagisse aux dites provocations. Au moins il a programmé des compositeurs vivants comme Boesmans, Mantovani, ou Saariaho.

Il fut un temps où l'Opéra était un genre vivant, où chaque saison amenait des dizaines de nouvelles productions présentées par une demi-douzaines de scènes, parmi lesquelles le public parisien choisissait le ou les succès de l'année. Même si la plupart des opéras et ballets écrit par Adam, Meyerbeer, Cherubini, Auber, Massenet et les autres n'ont pas survécu. Ce temps semble bien révolu désormais, et la créativité qui s'exprimait à travers l'opéra a choisi d'autres vecteurs d'expression: cinéma, jeux vidéo, concerts rock, comédie musicale...

Mais la bonne nouvelle tout de même pour les Parisiens du début du XXIe siècle ce sont tous les trains à grande vitesse et les avions low cost qui sillonnent l'Europe et rendent tellement facile un petit saut à Bruxelles, Londres, Amsterdam ou Zurich pour aller voir un spectacle ou une exposition... au lieu d'un abonnement à l'Opéra, offrez-vous une carte grand voyageur !


Commentaires

1. Le lundi 21 mars 2011, 14:59 par phc

C'est vrai que la programmation de l'Opéra de Paris, à force de lire ton blog, ne me paraît pas très... diversifiée et moderne ! J'ai pas le temps d'aller à l'Opéra, mais je trouve ça injuste que l'Opéra de Paris n'ait aucune volonté de changer un peu son répertoire ; ils jouent des opéras, certes, mais des partitions qui restent bien à découvert sur un bureau, histoire de dire "on le refera encore l'année prochaine", tandis que les opéras contemporains sont soit mis dans un placard dont on aurait fait exprès de paumer la clé, soit renvoyés à l'expéditeur ; il faut que l'Opéra de Paris change, mais ils veulent du monde, des sous, donc quoi de mieux que de reprendre des trucs biens connus, en changeant juste les interprètes ? Du coup l'opéra contemporain n'a plus pour scène Paris, ancien lieu de création incontournable et qui aujourd'hui a perdu de cette notoriété (et ce depuis un certain temps). Tous les opéras contemporains sont joués autre part qu'à l'Opéra, en France ou dans un autre pays, et vu que la musique contemporaine n'attire pas tellement les foules qui, comme tu l'as très bien dit et que je vais déformer un peu, préfèrent les déhanchés de Lady Gaga à Saint-François d'Assise de Messiaen, ben y a jamais grand monde qui va se presser dans un haut lieu actuel de la création contemporaine, et ce sont surtout les français qui sont les plus réticents à s'ouvrir à ce style (j'en connais beaucoup qui, quand je leur joue du contemporain, me demandent : "c'est du Boulez ?"), qu'ils jugent incompréhensible, voire même "imbitable" car trop compliqué (tu en as déjà parlé il me semble, de la complexité...). Enfin bref... Après, pour l'histoire de la carte voyageur, faut avoir le temps et c'est pas forcément évident : trouver le temps d'aller dans un des lieu cités, payer la carte voyageur...
Et puis, l'opéra, c'est pas forcément mon genre préféré... Y a des opéras vraiment lourds, tout comme il y a des chefs-d'oeuvres.

2. Le mercredi 23 mars 2011, 19:02 par Azbinebrozer

Que les orchestres voyagent, le public tout pareil !

En partant voir Katia Kabanova lundi soir je pensais à mes futurs voisins d'opéra moderne, ces fidèles retraités abonnés qui râlent contre le manque de
"musicalité" !
Cette fois madame était seule et s'est enfuie à la fin du 2ème acte... Peut-être parce que l'éternel féminin lui était inaudible ? Quand on pense à ce que Janacek y a mis de lui-même. Dommage madame.
Pas plus d'accompagnateurs pour moi-même, Janacek hystérise mes amis... Alors quand on nous offre quelques niches sur le net, quel bonheur !
Sinon les livrets de l'opéra de Paris sont vraiment d'excellente qualité.

3. Le samedi 26 mars 2011, 12:15 par Aloysia

Ben tiens, ça ne m'étonne même pas.
Je me suis longuement lamentée sur les saisons du Capitole par Joël. Puis je suis allée voir celles de Koering à Montpellier. Même si le bonhomme est discutable, au moins, ses choix artistiques sont variés.
Maintenant qu'on a Chambert à Toulouse, les choses sont rudement plus intéressantes. Les plateaux n'ont peut-être pas la qualité de ceux de Joël, mais les chocs artistiques sont là, avec des nouveautés, des œuvres du XXème. D'ailleurs, dans Opéra magazine, ledit Chambert a livré en interview "Je cherche modestement à combler des lacunes dans les programmations passées"... ça veut tout dire !

4. Le jeudi 7 avril 2011, 18:00 par Capoeira

Suis venu plusieurs fois en France, et au Capitole souvent des années en arrière : la joie !
Je viens de passer presque une année à Toulouse et souvent au Capitole, à part une bouchée agréable, les "lacunes comblées", je les laisse aux Toulousains le plus souvent dubitatifs...

5. Le jeudi 7 avril 2011, 18:00 par Capoeira

j'ajoute : les Toulousains iront sûrement à Paris.

6. Le jeudi 7 avril 2011, 21:59 par DavidLeMarrec

Les proches faits à Joel (à part celui de ressusciter des productions vieillies depuis longtemps, et encore, ce n'est pas si... dramatique) me semblent quand même très exagérés.

Il a programmé beaucoup de raretés à Toulouse, en particulier dans le répertoire français de la fin du XIXe (certes en connivence avec Plasson !), et on ne peut pas dire que les saisons parisiennes en soient dépourvues non plus.

Pourquoi n'y a-t-il pas plus de compositeurs vivants ?
=> Parce que le public ne viendrait pas et qu'il faut bien remplir.

Pourquoi le public ne viendrait-il pas ?
=> Parce qu'en plus d'être moins célèbres, les compositeurs d'aujourd'hui sont bien trop complexes pour être appréhendés sans beaucoup d'efforts, pour moins de plaisir. Et souvent, il faut bien admettre que les livrets à la fois prétentieux, prosaïques et creux n'aident pas.

Effectivement, si les compositeurs écrivaient dans un langage respectueux de l'héritage comme Daniel-Lesur, Aboulker ou... Loiseleur, la question serait très différente.

Mais à l'heure actuelle, il est compliqué de donner tort aux directeurs et même au public, tant les vraies réussites sont rares (et toujours très exigeantes, donc s'adressant à un public plus restreint).

7. Le jeudi 7 avril 2011, 22:00 par DavidLeMarrec

Ce qui est amusant aussi, c'est que, comme souligné dans l'article, après avoir fait de Mortier l'Antéchrist et trouvé son antithèse, on découvre donc un nouvel Antéchrist qui prend parfaitement la place du premier. :-)