Henri Dutilleux: Ainsi la nuit (documentaire de Vincent Bataillon)

J'ai pu assister ce soit à la projection en avant-première d'un film consacré par Vincent Bataillon au Quatuor à cordes d'Henri Dutilleux, interprété par le Quatuor Rosamonde. Je vous renvoie à la filmographie de Vincent Bataillon sur IMDB: il suffit de dire ici qu'il a pratiqué le violoncelle dans sa folle jeunesse et réalisé moult captations de concerts, festivals et opéras.

Comme nous le rappelle Xavier Gagnepain, violoncelliste du quatuor Rosamunde, avant la projection, le quatuor Ainsi laNuit, écrit en 1976 pour les Juilliard, a connu un succès immédiat et durable car depuis cette date il a été enregistré plus de 25 fois au disque. Tout en s'inscrivant dans une certaine tradition française (l'héritage debussyste étant revendiqué sans ambages par Dutilleux lui-même), c'est une oeuvre très personnelle. Mystère, poésie, profondeur, clarté: on est bien en peine d'arriver à exprimer avec de simples mots les émotions subtiles et profondes que ce quatuor suscite en nous. Parvenue au bout de son sac à mots, la violoniste Agnès Sulem conclut simplement par "et puis il y a ... l'inexprimable".

Faute de parler de l'inexprimable, j'évoquerai plus simplement le travail de la caméra, qui nous invite dans le jardin de Monsieur Dutilleux au bord de la Loire, et nous fait partager l'intimité des musiciens tout en restant infiniment respectueuse. Ainsi que le travail admirable des Rosamonde qui ont peaufiné leur interprétation pendant des années, ciselé chaque phrase avec une patience de bénédictins.

Ce film d'une heure à peine mérite certainement d'être vu et contribuera sans doute à inviter davantage de personnes dans l'univers de Dutilleux, dont il faut écouter la musique bien plus d'une fois pour l'apprécier vraiment. C'est aussi un témoignage très émouvant de la relation du compositeur et des interprètes. Il devrait être diffusé dans les mois qui viennent sur la télévision publique et en DVD. J'en retiens pour ma part une petite phrase d'Henri Dutilleux: "les oeuvres que je regrette le moins sont celles où j'ai pris le plus de risques". Prendre des risques signifie pour le compositeur chercher à aller au-delà de ce que l'on sait déjà faire. Rétrospectivement, ce qui est certain est qu'il n'y a pas grand-chose à regretter dans une oeuvre telle que'Ainsi la nuit.