Un petit bout de Métamorphose
Par Patrick Loiseleur le mardi 11 octobre 2011, 14:25 - Disques - Lien permanent
Il est sept heure moins quart, je suis encore tout engoncé de sommeil, maman me réveille mais sa voix sonne bizarrement... et quelle drôle de sensation ! que m'arrive-t-il ? à qui sont ces pattes insectoïdes ? où sont passées mes mains ?
La Métamorphose de Kafka, relue par Novarina, mise en musique par Michael Lévinas dont c'est le troisième opéra, a été créée en mars 2011 par l'ensemble Ictus puis diffusée sur France Musique. Pour ceux qui l'auraient manqué, l'ensemble a publié sur son blog des extraits d'un disque en préparation. Instruments acoustiques, sons synthétiques, voix retravaillées: tout se mêle en une étrange alchimie propre à rendre l'atmosphère cauchemardesque et surréaliste de la nouvelle de Kafka. Je vous recommande en particulier le dernier extrait (« la bête est crevée, bien crevée ») lugubre à souhait.
A ceux et celles qui se demanderaient dans quelle direction la musique peut bien aller en ce début de XXIe siècle, après avoir été sérielle, concrète, stochastique, post-moderne, spectrale et j'en passe, l'opéra de Lévinas peut donner des éléments de réponse. Grâce aux courage des défricheurs comme Pierre Henry et tant d'autres, la musique électronique est maintenant parvenue à une forme de maturité qui permet d'intégrer le travail avec les instruments acoustiques et le travail sur le son; qui permet également le retour de la voix au coeur du projet de composition.
Le métier du compositeur évolue aussi, car il doit travailler un nouveau type de musiciens qui l'aident à produire des sons synthétique ou retravailler les sons captés. Sans devenir forcément un expert, il doit maîtriser suffisamment certains outils pour les intégrer à sa palette. Au fond, l'ampli, la mixette, l'ingé son et les 60 mètres de câbles qui viennent avec deviendront peut-être partie intégrante de tout ensemble de musique contemporaine, comme c'est le cas depuis longtemps déjà dans la musique populaire.
Quoi qu'il en soit, c'est un grand coup de chapeau que méritent les créateurs de cet opéra contemporain. Bravo !
Commentaires
En effet c'est plutôt inquiétant !!
Si tu aime ce genre de musique, je ne saurais que tu conseiller les sorties du label Cold Meat Industry (dont on parle par exemple ici : http://www.gutsofdarkness.com/god/l...)
Merci pour ces extraits, je suis fan de Kafka et c'est assez saisissant !
Puis-je vous recommander sans soutenir la comparaison, le dernier Björk ? Un travail toujours aussi sur le son, sur les voix, pas trop expérimental, « équilibré » tout en recyclant un peu parfois de la musique contemporaine.
Un tube à la Céline Dion surgi d'un instant de Ligeti ? Des morceaux plus douloureux « Dark Matter », « Hollow », percés mystiques, comme un tout petit air de Messiaen ?
J'abuse bien sûr ! Essayez et bien sûr son tube sacrificiel : « Sacrifice » !
"Elle n'a d'abonnement nulle part. Eh oui, du fin-fond du Massif-Central à la salle Pleyel, il y a 1 semaine de voyage en tracteur..."
Au secours Papageno ! Ouvrez vite les commentaires de "La musique classique c'est de la merde !". Que nous puissions tous dire à Annacello combien nous sommes tous prêts à faire le voyage en tracteur avec elle jusqu'à la salle Pleyel ! ;- ))
Oui, le parallèle avec Björk a du sens (elle reconnaît d'ailleurs s'être beaucoup inspirée de Stockhausen entre autres), et la convergence entre le classique contemporain (surtout la musique mixte qui mélange instruments acoustiques et électronique) et la pop "savante" est l'une des tendances fortes de notre génération.
Sinon, je ne commente pas toujours les commentaires ! Et je trouvais ça plutôt amusant qu'il y ait au moins une personne pour tomber dans le panneau de la provoc' et foncer dans le mur avec son tacteur (les premiers commentateurs m'ont presque déçu par leur capacité excessive à comprendre au second et au troisième degré).