Broadwood 1805

Si vous n'avez jamais entendu les pianoforte carrés de Broadwood (qui connurent un grand succès outre-Manche il y a deux petits siècles), jetez donc un coup d'oreille à cette vidéo où l'on voit et l'on entend L'Oiseleur des Longchamps dans une mélodie de Beethoven, AdélaÏde. Notez la position de la pianiste qui tourne le dos au public mais voit très bien le chanteur. Le son délicat et un peu aigrelet du Broadwood (qui est un authentique instrument de 1805 restauré, et non une copie d'ancien) n'a bien sûr rien en commun avec celui des pianos de concert d'aujourd'hui. La pianiste Aya Okuyama m'avait raconté qu'avec un piano ancien, le pianiste accompagnateur doit utiliser tout son instrument, notamment le solliciter beaucoup dans les passages forte qui n'auront rien de très puissant pour autant. Mais bien là tout l'intérêt de ce type d'instrument: comme avec la guitare, le clavecin ou la harpe, l'équilibre avec la voix se fait tout naturellement, le chanteur n'a pas besoin de forcer pour passer "au-dessus" du piano, et la pianiste n'a pas à sous-utiliser son instrument. Comme le timbre du piano (ancien comme moderne) change avec la nuance, un grand piano moderne utilisé entre les nuances ppp et mp ne sonne pas du tout comme un piano ancien entre les nuances p et ff.

Pour autant, ce type de piano n'est pas très adapté selon moi à d'autres pièces de Beethoven comme les Sonates. En rendant la partition de la Hammerklavier à son éditeur, Beethoven se vantait: "voilà qui donnera bien du fil à retordre aux pianistes dans 50 ans !". Il aurait pu dire 150. Toutes les évolutions du piano au XIXe siècle, jusqu'au pianos 1900 qui sont déjà fort proches des pianos d'aujourd'hui, peuvent s'expliquer comme les efforts conjugués des interprètes et des facteurs d'instrument pour trouver le son qui permettrait de jouer les 10 dernières Sonates de Beethoven. Plus de puissance, de vélocité, un ambitus élargi, des ambitions quasi symphoniques... il est manifeste en lisant les partitions que Beethoven avait imaginé le piano du XXe siècle. Ce Ludwig, il avait mauvais caractère, il était radin et coléreux, sourd comme un pot, mais quel talent tout de même !  

Commentaires

1. Le lundi 12 mars 2012, 13:01 par Jean-Brieux

J'avais assisté à cet agréable concert. Après écoute de l'enregistrement, j'apprécie d'autant plus le fait d'avoir pu écouter en direct et en réel les interprètes.