Le quatuor B.R.A.C. à l'improviste

Entendu hier à la maison de la Radio, le quatuor B.R.A.C. pour l'émission "À l'improviste" d'Anne Montaron. Les quatre musiciens (Tiziana Bertoncini, violon, Vincent Royer, alto, Martine Altenburger, violoncelle et Benoît Cancoin, contrebasse) se connaissent bien et travaillent ensemble depuis plusieurs années déjà. Il nous ont offert une très belle improvisation de 50 minutes, toute en couleurs et en contrastes. Une belle énergie circule entre ces musiciens intensément connectés entre eux tout en gardant chacun son style et sa personnalité

Le travail sur le son est très poussé et pourrait faire penser à du Lachenmann, en moins austère. Parce que je connais un peu son énergie, j'étais peut-être le seul à ne pas sursauter lorsque, les quatre musiciens étant quasiment parvenus à l'incandescence, Vincent Royer poussa un grand cri en tapant du pied, apportant une franche coupure qui introduisit un passage pianissimo où j'entendis une grande tristesse qui me mit les larmes aux yeux. Vérification faite en bavardant avec les musiciens après l'enregistrement, ce geste spectaculaire était... improvisé, comme tout le reste, mais la façon dont il a été acueilli par les camarades de Vincent Royer montre beaucoup un certain respect, une qualité d'écoute et d'ouverture qui fait tout le sel d'une bonne impro. Un grand Bravo aux B.R.A.C !

brac_12mai2014

Après l'enregistrement, outre le plaisir de serrer la pince à Anne Montaron, dont j'avais souvent entendu la voix à la radio (elle présente A l'improviste mais aussi Alla breve sur France Musique), j'eus celui de bavarder avec l'ami Vincent. Il m'a dit notamment que ce projet de concert d'altos à Cologne (avec notamment une improvisation préparée par ses soins et ma pièce pour 13 altos) lui a permis de se rapprocher de ses collègues du Gürzenich Orchester Köln, et de réunir ses deux activités, celle de musicien d'orchestre et celle d'altiste soliste spécialisé dans le contemporain et l'improvisation.

L'improvisation nourrit l'imagination et le désir du compositeur: on voit parfois la musique écrite comme un parcours à sens unique qui descend du compositeur à l'interprète et de l'interprète au public. En réalité, l'énergie, la passion, l'inspiration circulent en tous sens entre ceux qui jouent, ceux qui écoutent, et ceux qui écrivent. Et peut-être le XXIe siècle verra-t-il revivre l'époque bénie que Glenn Gould voyait dans le XVIIIe siècle viennois sous Frédéric II, à l'époque de Haydn et Mozart, lorsque la plupart des aristocrates étaient mélomanes, interprètes, improvisateurs et compositeurs. Quant à moi, après quelques tentatives plutôt réussies de passages semi-improvisé dans des pièces comme la Victoire de Guernica, j'ai bien l'intention de récidiver et d'utiliser davantage l'improvisation dans mes partitions futures. Quitte à fournir suffisamment d'instructions et explications pour encourager les interprètes qui diraient "je ne sais pas improviser", phrase devenue banale tant le système éducatif de la musique classique produit d'inhibitions. Une seule consigne pour ces musiciens qui ne croient pas en eux: Osez !