Disque: Debussy en miroirs, par Dana Ciocarlie

Il y a beaucoup de pianistes (y compris de grands professionels) pour qui le répertoire s'arrête à Ravel et Debussy. Pour cet album paru chez Triton, Dana Ciocarlie au contraire a choisi Debussy comme un point de départ.

Voici ce qu'elle nous dit de son projet:

L'idée centrale de ce disque qui se place sous l'ombre tutélaire de Claude Debussy: offrir des exemples d'écriture virtuose pour le piano de quatre compositeurs français nés entre 1965 et 1975.

Leurs langages musicaux, leurs parcours et leurs philosophies artistiques sont très différents, mais outre leur jeunesse et la recherche d'une volupté sonore, ils ont en commun de jouer eux-même du piano en virtuoses accomplis.

Ces oeuvres font toutes preuve d'une approche brillante du clavier, qui met en valeur l'instrument ce qui n'est pas si courant de nos jours

Debussy en miroirs

Au passage notons que Dana Ciocarlie met le doigt sur une tendance récurrente chez certains compositeurs du XXème siècle: l'utilisation des instruments (et des voix !) à contre-emploi, qui n'a pas peu contribué à la désaffection des interprètes et du public pour un certain répertoire. Fermons la parenthèse et examinons le contenu de ce disque plus en détail:

  1. Claude Debussy, Poissons d'Or (extrait des Images): musique impressionniste par excellence, qui émerge doucement d'une véritable mer de trémolos. Jouée avec délicatesse et avec de très belles couleurs.
  2. Frédéric Verrières, "Paraphrase": j'avoue que je découvre ce compositeur en même temps que sa Paraphrase des Poissons d'Or (2005). Si elle ne manque pas de qualités, elle n'en a pas hélas la poésie et la concision.
  3. Claude Debussy, Etude pour les arpèges composés. Impeccable.
  4. Karol Beffa, Trois études. D'après la notice du compositeur, deux tendances s'expriment dans ces études: l'atmosphère clouds, debussyste, et les clocks à la Ligeti, autrement dit une musique pulsée, métrique, hachée, rythmique. Ce qui m'étonne même dans l'Etude n°2, la plus mécanique, c'est l'élégance et la maîtrise dont fait preuve l'interprète. Ces trois études sont sans doute le point culminant ce ce disque.
  5. Claude Debussy, Ondine (extrait des Préludes). Une petite merveille de poésie.
  6. Franck Krawczyk, Toccata. Contrairement à d'autres Toccatas, cette pièce n'est pas toute entière dans l'agitation virtuose, et semble souvent s'arrêter de façon méditative et pour tout dire impressionniste.
  7. Claude Debussy, des pas sur la neige. Avec très peu de moyens, Debussy et Dana Ciocarlie nous emmènent loin, très loin...
  8. Thierry Escaich, Les litanies de l'ombre. Une pièce très développée (plus de 11 minutes) à la structure complexe faits de dialogues, de luttes et de superpositions, inspirée des grandes fresques orchestrales debussystes. Là encore la clarté et l'élégance de Dana Ciocarlie m'ont impressionné.

Pour conclure, dans ce répertoire aussi virtuose qu'audacieux, Dana Ciocarlie nous propose un programme bien construit et parfaitement exécuté.