Le violon mis à nu par Tasmin Little

Tasmin Little La violoniste anglaise Tasmin Little vient de mettre en ligne son dernier disque, dédié au violon seul.

Un peu comme Barbara Hendricks dont j'ai déjà parlé dans ce journal, à cela près que le téléchargement est gratuit. Au programme:

  • une Partita de Bach (mi majeur)
  • une pièce de Patterson (compositeur né en 1947)
  • une sonate d'Ysaïe.

Les lecteurs de ce journal pourront facilement écouter par eux-mêmes et se faire une idée. Si je ne la mettrai pas plus haut que mes deux interprétations favorites (Hilary Hahn et Nathan Milstein), la Partita en mi majeur de Tasmin Little est tout à fait écoutable: vivante sans être romantique, sérieuse sans être tristounette, elle se défend très bien toute seule et c'est pourquoi je n'en parlerai pas davantage. A côté de deux grand classiques (Bach et Ysaïe), Tasmin Little nous propose une pièce de Patterson: Variations op 50, moderne mais pas trop, qui s'écoute avec plaisir mais ne laisse pas de trace profonde chez l'auditeur.

L'objectif de cette artiste est de toucher un public plus large que celui qui connaît déjà la musique classique, va déjà au concert et achète déjà des disques. Ses intentions apparaissent clairement dans le défi en trois étapes qu'elle propose aux visiteurs de son site:

  • Step 1: Listen to my spoken introduction and download my CD.
  • Step 2: Take some time to listen and get to know these pieces. Then write to me and tell me what you like (or don’t like) about each piece.
  • Step 3: Go to a concert, buy a CD or write and tell me what barriers still remain to prevent you from wanting to do either!

Certains pourront penser que cette violoniste déjà connue et reconnue cherche uniquement un coup de pub, une manière de se distinguer parmi une génération de virtuoses particulièrement brillants, pour qui la plus grande difficulté est de se faire un nom. Ce serait passer à côté de la démarche de l'artiste. On dit parfois d'un artiste qu'il a un don: pour moi un artiste est avant tout quelqu'un qui donne. Qu'a reçu Mozart en échange de la musique qu'il nous a légué ? rien ou presque. Quel que soit le prix des places, ce que nous donne un interprète en concert est au-delà de toute mesure: il nous donne souvent le meilleur et l'essentiel de lui-même.

Je pense que de nombreux artistes, à l'image de Tasmin Little, souhaitent sincèrement faire partager leur passion au plus grand nombre, sans limites et sans contraintes. Internet est une façon d'y parvenir, pas nécessairement la seule ni la meilleure d'ailleurs. Il est tout de même plus convivial d'écouter un disque avec des amis ou d'aller au concert que d'écouter un MP3 sur un ordinateur ou un baladeur. Et ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit: je ne souhaite pas que les artistes soient tous des bénévoles, des amateurs ou des crève-la-faim. Bien au contraire ! Mais on ne peut constater qu'une fois de plus que les grandes maisons de disques ont raté le virage de l'internet, et que ce sont les artistes qui reprennent aujourd'hui la distribution et la promotion de leur musique en main.