Vier minuten (quatre minutes) de Chris Kraus

Le piano, instrument romantique par excellence, semble jouer un rôle particulier dans la représentation de la musique au cinéma. On ne compte plus les films mettant en scène des pianos et des pianistes. Imaginerait-on Holly Hunter jouant du basson ou de la viole de gambe dans La leçon de piano ?

Ou encore Adrien Brody jouant du trombone à coulisse devant un officier allemand dans Le pianiste ? Il semble donc que le piano, sa présence massive dans le champ de la caméra, les rondeurs de ses flancs, la simplicité géométrique de ses touches noires et blanches, suscite particulièrement les passions des réalisateurs et du public. Il est vrai que chacun peut aborder le piano et jouer quelques notes, alors que c'est l'instrument les plus difficile qui soit lorsqu'on veut bien en jouer.

J'ai vu un bon nombre de ces films et ils ne m'ont pas tous enthousiasmé. J'ai trouvé par exemple La pianiste de Michael Haenke, qui décrit la sexualité sado-masochiste d'une prof de piano, particulièrement malsain et nauséabond. Que faisaient Isabelle Huppert et Benoît Magimel dans cette galère ? Romain Duris fait un pianiste bien peu convaincant dans De battre mon coeur s'est arrêté. Quand à Albert Dupontel dans Fauteuils d'orchestre, on s'attendrait davantage à le voir déménager des pianos qu'en jouer avec sensibilité.

Vier Minuten

Vier minuten (Quatre minutes) de Chris Klaus est certainement un des meilleurs films que j'ai vus, toutes catégories confondues. Bien que restant fidèle aux stéréotypes cinématographiques du piano (le pianiste génial, la relation professeur-élève, la violence latente de la musique) il m'a frappé par sa force, sa profondeur, et son ambiance particulièrement prenante qui n'est pas sans rappeler La vie des autres. Si vous ne l'avez pas encore vu, je ne voudrais pas gâcher votre plaisir en révélant trop de choses à l'avance, aussi me contenterai-je de remarques de détail.

Par exemple, lors du premier plan où le piano apparaît, il est juché sur un camion, et l'on entend du heavy metal (guitares électriques saturées, chanteurs hystériques), celui que les livreurs barbus et tatoués écoutent à la radio. Chris Klaus ne donne pas de réponses toutes faites, mais il pose la question: qu'est-ce que la musique ? pourquoi jouer du piano aujourd'hui ?

Car le film ne se résume pas au face-à-face entre une jeune femme emprisonnée pour meurtre, pianiste virtuose (Hannah Herzsprung, une révélation !) et son professeur de piano, une vielle fille acariâtre et obstinée (Monica Bleibtrau). Il y a un troisième personnage, invisible mais bien présent: la musique. Mozart, Beethoven, Schubert mais aussi le rap, le jazz, la contemporaine... Lorsqu'elle entend son élève dans une improvisation qui ressemble à du jazz, la vielle dame se fâche: Ich will kein mehr NiggerMusik !. Un peu plus loin on aperçoit des rappeurs à la télévision danser et smurfer comme s'ils étaient montés sur ressorts. Musique de Nègres, disiez-vous ? semble nous dire le réalisateur. Chris Klaus laisse à son personnage toute son épaisseur, sa densité, ses contradictions: il ne nous fait pas la morale (ça change des films français tout à fait insupportables sur ce point !) mais se contente de nous suggérer des pistes de réflexion.

Vier Minuten

Le titre est parfaitement justifié car tout le film n'est qu'une préparation minutieuse et systématique des quatre minutes de la scène finale. Si vous allez le voir, je vous invite à prêter attention aux détails: décors, costumes, bruitages, rien n'est laissé au hasard dans ce film magistral. Comme dans le finale d'un bon Opéra, tous les fils de l'intrigue convergent, tous les personnages se retrouvent et toutes les tensions sont résolues dans les dernières minutes. C'est Annette Focks, une compositrice allemande de musique de film qui a écrit ce finale. Le scénario prévoyait: Une musique fantastique s'élève, qui relègue Schumann au rang de nullité, et le réalisateur raconte qu'il a eu beaucoup de mal à trouver la musique en question. Je préfère ne livrer aucun commentaire sur celle-ci: allez voir le film et ouvrez grand vos oreilles.

Commentaires

1. Le vendredi 8 août 2008, 11:04 par mathilde

Je suis d'accord ce film et sublime et les 4minutes de la fin sont prenante et incroyable c'est comme si on s'arrêtait de respirer de penser de vivre pendant 4 petite minute

2. Le mercredi 31 mars 2010, 02:11 par vie

Sans contredit un très grand film. Bonne intrique et le jeu des actrices. Quel jeu.... je donnerais 12/10