Cavatines, mais pas vraiment coquines

Écouter deux jolies brunes dans un récital d'air d'opéras pour voix et harpe, n'est certainement pas la manière la plus désagréable de passer son dimanche après-midi. Tout comme la guitare, la harpe convient merveilleusement bien à l'accompagnement de la voix, car elle fournit des impact toujours audibles quelque soit la nuance, et une couleur harmonique qui soutient la chanteuse sans jamais la concurrencer. On ne peut pas en dire autant des pianos modernes, que les facteurs ont tellement cherché (et finalement réussi) à rendre chantants et timbrés qu'ils obligent les pianistes accompagnateurs à compenser en sous-utilisant leur instrument.

Au programme, une sélection d'airs d'opéra de Mozart et de quelques obscurs compositeurs italiens comme Rossini, Verdi, Bellini, Donizetti, Puccinin ou Siffredi. Et pour la bonne bouche, des pièces pour harpe seule d'Ernesto Halffter et John Thomas, compositeurs peu connus et qui feraient tout aussi bien de le rester.

Véronique Housseau a beaucoup de charme, et en disant cela je ne parle pas tant de son physique que du travail de l'artiste pour exprimer et communiquer des émotions avec son visage aussi bien qu'avec sa voix. Elle possède un ambitus étonnant, de la puissance, de la souplesse, une technique des plus solides. Le sérieux avec lequel ce programme exigeant a été préparé se voit jusque dans le programme détaillé qui fournit un "pitch" de quelques lignes à propos de chaque air. Et comme on a souvent les défauts de ses qualités, c'est aussi ce côté trop sage qui me gêne un peu: le répertoire bien choisi sans rien qui sorte des classiques, l'absence de ce petit grain de folie qui permettrait d'emporter réellement le public, de nous faire oublier que nous sommes dans un austère temple protestant et de nous faire pleurer avec Pamina ou rire avec Amina.

Je regrette un peu également l'absence de mise en scène même minimaliste qui pourrait aider le public à intégrer la dimension théâtrale. Il suffit parfois de vraiment peu de choses, vêtements, accesoires, mouvements de scène, textes bien choisis pour faire le pont entre deux morceaux (en évitant la "chasse d'eau" des applaudissement qui fait disparaître toute poésie, mais aussi l'embarassant silence du public qui se demande s'il doit attendre le prochain morceau ou non pour applaudir). Oui, peu de choses suffisent à tranformer un bête récital de chant en un véritable spectacle de théâtre musical doué d'une magie propre et d'une identité, comme le prouvent les beaux programmes proposés par L'Oiseleur des Longchamps ou Oriane Moretti. Mais je reconnais que cela demande du travail supplémentaire, avec un metteur en scène ou un acteur faisant office de récitant, et que cela demande aussi de bâtir des programmes ayant une cohérence interne, et pas seulement composés d'airs d'opéra magnifiques mais sans lien direct entre eux.

Quoiqu'il en soit je suivrai avec plaisir les activités futures des musiciens de la Cavatineanimés par une passion commune pour le répertoire des XVIIIe et XIXe siècles. Même si cet ensemble qui a vocation à explorer et ressusciter des œuvres lyriques oubliées ou créer des ouvrages inédits semble ignonrer tant les chefs-d'oeuvre du vingtième siècle que ceux d'aujourd'hui. Une attitude tellement banale de nos jours qu'on ne saurait leur reprocher, surtout si l'on remarque que les compositeurs aujourd'hui, qui se passionnent pour le geste instrumental ou l'électronique, sont bien peu nombreux à travailler vraiment pour la voix.