Complainte du roi Henri de France
Par Patrick Loiseleur le jeudi 11 octobre 2012, 19:05 - Poésie - Lien permanent
Lieux de moi tant aimés, si doux à ma naissance,
Rochers, qui des saisons dédaignez l’inconstance,
Francs de tout changement,
Effroyables déserts, et vous, bois solitaires,
Pour la dernière fois soyez les secrétaires
De mon deuil véhément.
J’ai le cœur si comblé d’amertume et d’oppresse
Que par contagion, je rends plein de tristesse
Ceux qui parlent à moi ;
Et qui pense adoucir le regret qui m’entraîne
Sent en me consolant couler dedans son âme
La tristesse et l’émoi.
De tous plaisants discours mon courage s’offense,
Un mal tel que le mien étant sans espérance
Est aussi sans confort.
Ce qui sonne le plus à mes tristes oreilles
Ce sont cris de hiboux, d’importunes corneilles
Et d’oiseaux de la mort.
Philippe Desportes (1583)
Le roi dont il est question dans ce texte est Henri III de France, qui était célèbre (en 1583 du moins) pour ses accès de mélancolie inguérissable. Son homosexualité fait débat chez les historiens car les documents d'époque sont pollués par la propagande négative de la Ligue à son encontre. Son règne fut marqué par des guerres de religion entre catholiques et protestants qui lui valurent d'être assassiné après avoir fait assasiner le duc de Guise lors de la guerre des trois Henri. Ce fut le troisième Henri qui lui succéda sous le nom d'Henri IV et pacifia le royaume de France par l'Édit de Nantes en 1598.