À mes chers lecteurs

Une fois n'est pas coutume, c'est à mes lecteurs que je m'adresse aujourd'hui, spécifiquement à ceux qui sont de sexe masculin.

Vous avez certainement remarqué que dans ce journal je m'adresse bien volontiers "à mes lectrices". Précisons-le d'emblée: c'est un féminin inclusif. Autrement dit lorsque j'écris par exemple: "vous savez, chères lectrices, combien j'aime la musique d'Olivier Greif", je m'adresse aux hommes autant qu'aux femmes. Je n'ai jamais eu l'intention de réserver ce Journal à un lectorat exclusivement féminin.

Peut-être vous sentez-vous légèrement mal à l'aise devant cet emploi du féminin-qui-l'emporte, à rebours de l'usage communément accepté, recommandé par l'Académie Française et enseigné dans toutes les écoles primaires.

Ce léger malaise vous donnera peut-être une idée de ce que vivent les femmes lorsqu'on leur applique la règle du masculin-qui-l'emporte, en disant par exemple "Le gouvernement veut augmenter le salaire des infirmiers" bien que la grande majorité de cette profession soit constitué d'infirmières.

Et si l'on peut supposer que nos lecteurs et nos lectrices sont réparties en deux moitiés égales, on concédera bien volontiers que celles-ci possèdent ce petit supplément d'âme, de sensibilité, de charme qui l'emporte en définitive, sans que nos lecteurs masculins, aussi galants que cultivés et ouverts d'esprit, y trouvent rien à redire. Honni soit qui mal y pense !

On m'a parfois suggéré des alternatives. Je pourrais écrire "chères lectrices, chers lecteurs" mais c'est un peu lourd et cela nuit à la fluidité de la lecture. Le seul avantage de cette formulation symétrique serait de me faire penser à l'humour du regretté Pierre Desproges: "Mesdames, Messieurs, Françaises, Français, Belges, Belges, ...".

Quand à l'écriture inclusive, ça serait franchement laid et même grotesque: "ch.er.ère.s lect.eur.rice.s"

J'assume donc le risque de passer pour un "gourou à gonzesses" comme me l'a dit une de nos lectrices un peu facétieuse (un gros bisou à elle), et je continuerai, avec votre gracieuse permission, chers lecteurs, à employer l'expression "chères lectrices" pour désigner l'ensemble de mon lectorat, mâle, femelle et non-binaire.