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vendredi 12 juin 2009

Boileau, auteur de plagiat par anticipation

Voilà une chose sans doute que j'aurais du faire plus tôt: une petite recherche sur Internet pour Sombres Pensées, le titre que j'avais donné à une pièce pour violoncelle seul écrite cette année. Il y a même un group de heavy metal qui s'appelle Sombre pensée (au singulier). Une belle photo sur flickr, plusieurs poèmes,  quelques blogs et un grand nombre d'articles portent ce titre, mais le plus significatif est de loin ce poème de Boileau qui constitue un exemple flagrant de ce que les oulipiens appellent un plagiat par anticipation. Je vous laisse admirer la perfection toute classique de ce poème qui contient le vers peut-être le plus célèbre de Boileau (ce qui se conçoit bien...):


Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont d'un nuage épais toujours embarrassées ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Surtout qu'en vos écrits la langue révérée
Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée.
En vain, vous me frappez d'un son mélodieux,
Si le terme est impropre ou le tour vicieux :
Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme,
Ni d'un vers ampoulé l'orgueilleux solécisme.
Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin
Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain.
Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse,
Et ne vous piquez point d'une folle vitesse
Un style si rapide, et qui court en rimant,
Marque moins trop d'esprit que peu de jugement.
J'aime mieux un ruisseau qui, sur la molle arène,
Dans un pré plein de fleurs lentement se promène,
Qu'un torrent débordé qui, d'un cours orageux,
Roule, plein de gravier, sur un terrain fangeux.
Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage
Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.


(Boileau, Art poétique, Il est de certain esprits)

En guise de représailles, je pourrais toujours chiper les trois permiers vers pour les placer en exergue de la partition. Non mais !