Le succès du film Black Swan de Darren Aronofsky tient bien sûr à la performance de Nathalie Portman, qui a vaillamment repris des cours de danse classique pour incarner de manière crédible la danseuse de ballet qui sombre dans la folie, ainsi que le suggère très bien l'affiche.
Il vient peut-être aussi de la très bonne musique de Clint Mansell, qu'on avait déjà remarqué pour les boucles minimalistes et dérangeantes de Requiem for Dream.
Le ballet Le Lac des Cygnes de Piotr Illytch Tchaïkowsky, sorte de tarte à la crême de la danse classique, tient une place centrale dans le film et donc aussi dans la musique de ce film. Commençons par ré-écouter l'introduction de la version originale, où le hautbois énonce une gentille mélodie en si mineur qui pourrait faire penser à la symphonie inachevée de Schubert, en plus gentil et en plus fade aussi:
Dans la musique de Clint Mansell, la musique de Tchaïkowsky survit par fragments, elle surnage en quelque sorte comme les morceaux de bois joliment ouvragé d'un navire qui vient de sombrer. Dès l'introduction, on ne tarde pas à sentir un certain malaise pointer (extrait de Nina's Dream):
Assez rapidement, on perd ses repères et ne sait plus vraiment ce qui est de Clint Mansell et ce qui est de Tchaïkowsky, dont les apparitions peuvent adopter toutes les intermédiaires entre la citation littérale et le fragment quasi- méconnaissable. Extrait de Night of Terror:
Ainsi déconstruite, cassée en morceaux et torturée, la musique de Tchaïkowsky devient tout à fait écoutable...