vendredi 10 janvier 2014

Et amollir le cueur des inhumains...

Blason de la Larme

Larme argentine, humide et distillante
Des beaulx yeulx clairs, descendant coye, et lente
Dessus la face, et de là dans les seins,
Lieux prohibez comme sacrez, et sainctz ;

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lundi 25 novembre 2013

Un appareil si vital et délicat... (Paul Valéry)

Il me semble que chaque mortel possède tout auprès du centre de sa machine, et en belle place parmi les instruments de la navigation de sa vie, un petit appareil d’une sensibilité incroyable qui lui marque l’état de l’amour de soi. On y lit que l’on s’admire, que l’on s’adore, que l’on se fait horreur, que l’on se raye de l’existence ; et quelque vivant index, qui tremble sur le cadran secret, hésite terriblement  prestement entre le zéro d’être une bête et le maximum d’être un dieu.

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mercredi 6 novembre 2013

Est-ce encor moi (Supervielle)

Est-ce encor moi malgré
Son visage en allé
Et ses jambes qui fuient
Dans la soie de la nuit.

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vendredi 27 septembre 2013

Je veux donner encore...

J'ai donné de l'amour
    et reçu du mépris
Donné de la tendresse
    et subi la colère
J'ai donné ma confiance
    et j'ai été trahi
J'ai donné mon pardon
    et j'ai été jugé

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lundi 13 mai 2013

Voici que le silence...

Voici que le silence a les seules paroles
Qu'on puisse, près de vous, dire sans vous blesser.
Laissons pleuvoir sur vous les larmes des corolles;
Il ne faut que sourire à ce qui doit passer.

À l'heure où fatigués nous déposons nos rôles,
Au même lit secret les dormeurs vont glisser;
Par chaque doigt tremblant des herbes qui nous frôlent,
Vous pouvez me bénir et moi vous caresser.

C'est à votre douceur que mon sentier m'amène.
Dans ce sol lentement imprégné d'âme humaine,
L'oubli, lent jardinier, extirpe les remords.

L'impérissable amour erre de veine en veine;
Je ne veux pas troubler par une plainte vaine
L'éternel rendez-vous de la terre et des morts.

Marguerite Yourcenar, extrait des Sept poèmes pour une morte, Les Charités d'Alcippe, éditions Gallimard.

jeudi 21 mars 2013

Le jour où elle m'a dit...

Le jour où elle m'a dit qu'elle voulait me quitter 

J'ai pleuré

J'ai pleuré

J'ai pleuré

J'ai pleuré

Je ne pouvais plus m'arrêter

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Quand j'ai vu avec qui la belle était partie

J'ai ri

J'ai ri

J'ai ri

J'ai ri

Je ne pouvais plus m'arrêter

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Elle a choisi sa punition

Inutile d'en rajouter

Elle mérite la compassion

Et m'a rendu la liberté

mardi 29 janvier 2013

Comme le marinier...

Comme le marinier que le cruel orage,
A long temps agité dessus la haulte mer,
Ayant finalement la force de ramer
Garanty son vaisseau du danger du naufrage,

Regarde sur le port, sans plus craindre la rage,
Des vagues ny des vents, les ondes escumer :
Et quelqu'autre bien loing, au danger d'abysmer,
En vain tendre les mains vers le front du rivage :

Ainsi mon cher Morel, sur le port arresté,
Tu regardes la mer, et vois en seureté
De mille tourbillons son onde renversee :

Tu la vois jusqu'au ciel s'eslever bien souvent,
Et vois ton Dubellay à la mercy du vent
Assis au gouvernail dans une nef persee.

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Joachim Du Bellay, Les Regrets (édition d'Albert-Marie Schmidt pour la bibliothèque de la Pléiade)

(avec une dédicace à François Gabart)

mardi 15 janvier 2013

Baise m'encor

Baise m'encor, rebaise moy et baise :
Donne m'en un de tes plus savoureus,
Donne m'en un de tes plus amoureus,
Je t'en rendray quatre plus chaus que braise.

Las, te pleins tu ? ça que ce mal j'apaise,
En t'en donnant dix autres doucereus.
Ainsi meslant nos baisers tant heureus
Jouissons nous l'un de l'autre à notre aise.

Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soy et son ami vivra
Permets m'Amour penser quelque folie:

Toujours suis mal, vivant discrettement,
Et ne me puis donner contentement,
Si hors de moy ne fay quelque saillie.

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(Louise Labé, Sonnet XVII, 1545-1555.
Illustration: Le baiser, Gustav Klimt, 1906)

lundi 3 décembre 2012

Allégeance (René Char)

ALLÉGEANCE

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus : qui au juste l'aima ?

Il cherche son pareil dans le vœu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.

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Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. À son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peu lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas ?

René Char, Fureur et Mystère (1947)

crédits photo: arts mots nid

jeudi 11 octobre 2012

Complainte du roi Henri de France

Lieux de moi tant aimés, si doux à ma naissance,
Rochers, qui des saisons dédaignez l’inconstance,
Francs de tout changement,
Effroyables déserts, et vous, bois solitaires,
Pour la dernière fois soyez les secrétaires
De mon deuil véhément.

J’ai le cœur si comblé d’amertume et d’oppresse
Que par contagion, je rends plein de tristesse
Ceux qui parlent à moi ;
Et qui pense adoucir le regret qui m’entraîne
Sent en me consolant couler dedans son âme
La tristesse et l’émoi.

De tous plaisants discours mon courage s’offense,
Un mal tel que le mien étant sans espérance
Est aussi sans confort.
Ce qui sonne le plus à mes tristes oreilles
Ce sont cris de hiboux, d’importunes corneilles
Et d’oiseaux de la mort.

Philippe Desportes (1583)

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Le roi dont il est question dans ce texte est Henri III de France, qui était célèbre (en 1583 du moins) pour ses accès de mélancolie inguérissable. Son homosexualité fait débat chez les historiens car les documents d'époque sont pollués par la propagande négative de la Ligue à son encontre. Son règne fut marqué par des guerres de religion entre catholiques et protestants qui lui valurent d'être assassiné après avoir fait assasiner le duc de Guise lors de la guerre des trois Henri. Ce fut le troisième Henri qui lui succéda sous le nom d'Henri IV et pacifia le royaume de France par l'Édit de Nantes en 1598.

samedi 29 septembre 2012

J'écris pour que le jour ... (Anna de Noailles)

J'écris pour que le jour où je ne serai plus
On sache comme l'air et le plaisir m'ont plu
Et que mon livre porte à la foule future
Combien j'aimais la vie et l'heureuse Nature.

Attentive aux travaux des champs et des maisons
J'ai marqué chaque jour la forme des saisons,
Parce que l'eau, la terre, et la montante flamme
En nul endroit ne sont si belles qu'en mon âme !

J'ai dit ce que j'ai vu et ce que j'ai senti
D'un coeur pour qui le vrai ne fut point trop hardi
Et j'ai eu cette ardeur, par l'amour intimée,
Pour être après la mort, parfois encore aimée,

Et qu'un jeune homme, alors, lisant ce que j'écris
Sentant par moi son cœur ému, troublé, surpris,
Ayant tout oublié des épouses réelles,
M'accueille dans son âme et me préfère à elles...

Anna de Noailles, tiré de l'Offrande (Orphée / La Différence)

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Ce billet inaugure une nouvelle catégorie de ce blog, Poésie, où je partagerai des textes qui me touchent, anciens ou modernes, commentés ou non.

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