Des vibrations dans l'air
Par Patrick Loiseleur le vendredi 22 février 2008, 17:01 - Humeur - Lien permanent
Si l'on y réfléchit bien, le métier du musicien consiste à produire des vibrations dans l'air. Il est vraiment difficile d'imaginer une occupation plus vaine et plus futile. Alors qu'il y a des médecins et des pompiers qui sauvent des vies, des ingénieurs, des ouvriers, des professeurs, des notaires et des banquiers qui s'occupent de choses sérieuses, le violoniste ne s'occupe que de perfectionner son vibrato.
Le métier du compositeur est encore plus bizarre car il consiste à produire des signes sur du papier, illisibles pour le commun des mortels, mais que d'autre musiciens - les interprètes - sauront lire et transformer en vibrations dans l'air. Peut-on vraiment dépenser le meilleur de son temps, de son énergie, de son talent pour une chose si manifestement dénuée d'intérêt ?
Et ça n'est pas tout. En admettant, à la limite, que la musique soit une partie du secteur "loisirs et culture" de l'économie, et en temps que telle méritant sa place même modeste, pourquoi s'obstiner à vouloir écrire de la musique alors même que Mozart, Bach, Beethoven et des centaines d'autres ont constitué pour nous un répertoire si vaste et si riche en chef-d'oeuvres qu'une vie entière ne suffirait pas à l'explorer exhaustivement ?
Il y a pire. La recherche de la beauté suffirait peut-être à excuser les activités des compositeurs d'aujourd'hui. Mais ils manifestent une prédilection marquée pour les dissonances, les sonorités arides ou agressives, les rythmes irréguliers, la virtuosité excessive, l'usage à contre-emploi des instruments, bref tout ce qui est de nature à perturber la digestion des mélomanes qui, par curiosité ou par distraction, auraient échoué dans un concert de musique contemporaine.
Il faut donc s'y faire: l'activité de compositeur aujourd'hui ne répond à aucune nécessité extérieure, aucun besoin social identifiable. Tout au plus peut-on invoquer la satisfaction des compositeurs eux-mêmes et la relative innocuité de leurs activités. Sauf lorsqu'on monte le volume au-delà de 120dB, la mauvaise musique n'est en général pas dangereuse pour la santé...
Commentaires
Je me rappelle que nous avions parlé des "Métamorphoses" de Strauss en octobre 1994 ; tu venais d'en acheter la partition, justement, et tenais un discours proche de celui de ce billet. C'est d'illeurs toi qui m'as fait découvrir son "Till Eulenspiegel".
Autrement dit : cela fait plaisir d'avoir retrouvé ta trace, mais aussi de voir que tu es fidèle à toi-même. Je ne manquerai pas d'annoncer tes prochaines dates sur mon blog : j'ai quelques lecteurs parisiens.