Messiaen par Nigel Simeone et Peter Hill
Par Patrick Loiseleur le lundi 26 mai 2008, 15:16 - Livres - Lien permanent
Les livres sur Messiaen se classent en trois groupes:
- ceux écrits par Messiaen lui-même, comme Technique de mon langage musical et le monumental Traité d'Ornithologie et de Composition en sept volumes. Ces ouvrages s'adressent avant tout aux compositeurs, musicologues et interprètes.
- les livres d'entretiens réalisés de son vivant (comme celui qu'a réalisé son ami Claude Samuel en 1967)
- enfin, les livres posthumes (comme Permanences d'Olivier Messiaen: Dialogues et commentaires publié par Claude Samuel en 1999)
La biographie publiée par Nigel Simeone et Peter Hill chez Fayard entre dans la troisième catégorie.
Réalisée après la disparition du compositeur (bien que l'un des auteurs, Peter Hill, ait suivi ses cours au Conservatoire), elle vise avant tout à restituer la vie d'Olivier Messiaen. En se basant sur ses agendas, mais aussi sur des coupures de presse et des communications orales de témoins directs, notamment Yvonne Loriod, les auteurs ont minutieusement reconstitué la vie de cet homme célèbre et méconnu, à la fois ouvert et simple dans ses manières et très secret. Quitte même a rectifier légèrement certains faits rapportés de mémoire par Messiaen lui-même dans des entretiens, où à raconter (mais avec une pudeur remarquable) les évènements les plus douloureux, comme la maladie de sa première femme Claire Delbos.
C'est un personnage attachant qu'ils nous permettent de rencontrer, souvent décrit pour sa modestie, sa courtoisie et la douceur de son caractère. Un homme mystérieux aussi: son père (professeur en collège) confie à Marcel Dupré des centaines d'enfants me sont passés entre les mains, mais Olivier est le seul auquel je n'ai jamais rien compris.
. La foi catholique, la vocation musicale, la passion pour les oiseaux mais aussi pour le théâtre (celui de Shakespeare notamment): tous ces traits, s'ils se sont manifestés dès la jeunesse du compositeur, ne viennent pas directement de ses parents et ont dû les surprendre plus d'une fois. Mais Olivier Messiaen a certainement hérité du tempérament de sa mère, la poétesse Cécile Sauvage, auteur de l'Âme en bourgeon, disparue prématurément.
Une anecdote m'a paru particulièrement significative, car elle illustre très bien la solitude de l'artiste qui s'engage dans une nouvelle direction. Lorsqu'il donna la partition du Réveil des Oiseaux, la première pièce où il utilisait des chants d'oiseaux de manière explicite, à Yvonne Loriod, après avoir travaillé dur, elle fut toute heureuse de lui présenter une interprétation presque au point de la partie de piano quelques jours plus tard. Messiaen était consterné: il n'y a aucune faute, mais ça n'est pas ça du tout cela !
Pour mieux comprendre le contexte, il faut savoir qu'Yvonne Loriod, élève de Messiaen, pianiste, avait interprété les Vingt regards mais aussi (en duo avec le compositeur) les Visions de l'Amen. Null ne pouvait être plus proche du compositeur, mieux à même de comprendre ses intentions. Et là voilà pourtant mise en difficulté par la partition du Réveil des Oiseaux. Pour améliorer son interprétation, elle suivit le même parcours que Messiaen: écoute des oiseaux dans la forêt au petit matin, mais aussi sur bande magnétique. Elle apprit à les reconnaître, à apprécier leur chant, et pour finir construire une interprétation satisfaisante. On apprécie mieux avec cette petite histoire les efforts que doivent fournir les interprètes qui prennent part à une création. Les interprètes qui se contentent de donner les uvres du répertoire peuvent écouter des disques où le travail d'interprétation est déjà largement fait.
Cette biographie permet également, en pointillé, de rencontrer toutes les figures majeures de la musique du XXè siècle, Paul Dukas, Maurice Emmanuel, Marcel Dupré (ses professeurs), Jolivet (son complice dans les jeunes années), Strawinski, Dutilleux, Milhaud (ses contemporains), Boulez, Osawa, Murail, Benjamin (ses élèves). Nous avons essayé de montrer comment Messiaen percevait le monde
annoncent les auteurs dans l'introduction. Pari tenu, et j'ajouterai même que ces 500 pages, qui se lisent comme un roman, donnent un éclairage passionnant sur celui qui est resté un mystère même pour parents et amis les plus proches.