Schnubel, Merlet, Franck, Schumann à la Cité U

Entendu hier, un concert de [l'orchestre (et la chorale) de la cité internationale universitaire |http://www.ciup.fr/orchestre.htm|fr].

Un mot d'abord sur l'orchestre, où je reconnais une demi-douzaine de musiciens (le monde est petit): le théâtre de la cité U étant leur salle de répétition, ils sont à l'aise, trop à l'aise peut-être. Après s'être assis, chacun commence à jouer pour "se chauffer", dans une belle cacophonie, comme un orchestre amateur avant une répétition. Puis le premier violon arrive et l'on s'accorde. C'est un peu dommage, cette attitude de l'orchestre, car elle nous prive de cet instant de silence où l'on se concentre, où l'on attend, et qui donne toute sa valeur à la musique. Lorsqu'ils jouent, sans grande surprise, il manque aux musiciens cette tension, cet engagement absolu qui est peut-être la seule différence entre les grands orchestres et les autres.

On commence par une création: l'ouverture d'un opéra Nahylia de Henri-Jean Schubnel. Des couleurs impressionnistes et orientalisantes, des harmonies modales avec des gammes à 5 tons qui peuvent évoquer Debussy. La comparaison s'arrête là cependant car la musique orchestrale de Debussy est audacieuse, inventive, parfois abrupte; celle de Schubnel est beaucoup plus sage, trop sage peut-être. A la baguette, un jeune chef violoniste plein d'énergie: Julien Leroy.

La seconde pièce, Une soirée à Nohant de Michel Merlet pour violoncelle, est d'une toute autre facture. Dirigé avec doigté par Xavier Saumon, l'orchestre produit des couleurs sombres, inquiétantes, aux harmonies complexes, dans la nuance piano, tandis que le violoncelle exprime sa plainte. Le thème initial, en mi mineur dans le grave, a des résonances romantiques (le titre "une soirée à Nohant" étant d'ailleurs une référence explicite à Chopin, pour qui Merlet a beaucoup d'admiration) mais il est développé de façon moderne. Le violoncelliste Romain Gariou se donne à fond dans ce mini-concerto, il concentre et projette le son avec une intensité remarquable. Par ailleurs les difficultés techniques (pizz. de main gauche, doubles cordes) ne semblent pas lui poser de problème particulier. L'accord final, atonal, suspendu dans le vide, a quelque chose de saisissant.

Suit la cantate Rebecca de César Franck. C'est mignon tout plein, un peu daté, un peu kitsch (le fameux "choeur des chameliers"). Le duo de Rebecca et Isaac ne manque pas de charme.

Après un entracte, retour de l'orchestre sur scène, re-cacophonie, re-entrée du premier violon, re-accord. Le chef Adrian McDonell dit quelques mots sur la 2e symphonie de Schumann, nous fait entendre les deux thèmes principaux qui reviennent dans toute la symphonie, ce qui est bien vu car ces deux thèmes sont présentés simultanément dans l'introduction. L'ensemble se déroule sans accroc, et s'écoute avec plaisir. On aimerait peut-être un son des violons un peu plus rond dans le mouvement lent, mais malgré sa petite taille il faut reconnaître que l'acoustique de ce théâtre, sèche et métallique, n'est pas particulièrement flatteuse.

Dans l'ensemble un très beau programme, plutôt orginal et très bien servi par les interprètes.