[Folle journée] Un clavier fort bien tempéré

Avec un peu de retard, voici le compte-rendu retrouvé sur une clé USB d'un concert de Zhu Xiao-Mei (piano) donné à Nantes le 1er février dernier, avec au programme le clavier bien tempéré (1er livre, 2e partie).

Au début, c'est doux, presque feutré, doucement nimbé dans un halo de pédale. Je ne sais si ça vient du piano (un Steinway de 4 mètres de long au bas mot) ou de la salle, mais le son ne semble venir d'aucun endroit précis: en fermant les yeux, on pourrait avoir l'impression que la pianiste chinoise joue tout à côté.

Je ne peux me défaire de l'impression que le piano moderne n'est pas l'instrument le plus adapté pour jour la musique de clavier Bach. Trop percussif, trop affirmatif, trop présent. Si on met la pédale, on a trop de son, si on l'enlève, c'est trop sec. Pas moyen de retrouver les délicates résonances du clavecin, qui de son côté peine à isoler les différentes voix dans une fugue, étant quasiment privé de toute possibilité de faire des nuances. L'orgue quant à lui a d'autres qualités: il tient le son, permet des changements de registre, et d'autres défauts: il n'offre aucune sensibilité au toucher, ce qui ne favorise pas la construction des phrasés. Il semble bien que l'instrument idéal pour jouer le clavier bien tempéré est encore à inventer.

Zhu Xiao Mei met dans son jeu des intentions, des émotions dans lesquelles on ne se retrouve pas forcément, mais on ne peut que reconnaître la finesse de l'interprétation et la solidité de la construction de l'ensemble. Dans les fugues, sujets et contre-sujets sont clairement énoncés, ils dialoguent ensuite avec grâce et fluidité. La grande fugue en si mineur, avec ses chromatismes et ses dissonances, bouleversant drame sans paroles, conclut à la fois le premier cahier du clavier bien tempéré et ce concert.