Danse de la joie des étoiles

Nous vivons une époque déprimante, je ne suis pas le seul à le remarquer. Une période spécialement éprouvante pour les musiciennes qui voient disparaître non seulement leur gagne-pain mais ce qui donne un sens à leur vie, ce à quoi elles ont tout sacrifié. Comment parvenir à garder le moral quand la musique a été classifiée parmi les activités inessentielles, que les salles de concert sont fermées alors que l'on se bouscule dans les magasins restés (presque tous) ouverts ? 

Une anecdote pourra peut-être, mes chères lectrices, vous apporter un baume au coeur, une lueur d'espoir au milieu de la tourmente. Pour cela il faut nous transporter quelques années en arrière, en août 2012. Le cumul des études musicale à Liège (en Belgique) avec un emploi à temps partiel à Paris m'avait amené au bord de l'épuisement. Le rythme infernal de 7 jours travaillés sur 7 avait dégradé ma vie familiale et conjugale. Je l'ignorais encore mais mon (ex-)épouse avait perdu patience et m'avait déjà trouvé un remplaçant. J'étais sur le point de perdre la femme que j'aimais le plus au monde et la famille que j'avais construite avec elle. J'étais épuisé, découragé, je pressentais une catastrophe déjà inéluctable. J'étais au bord du gouffre.

C'est alors que j'ai commencé à écrire la 2e partie de ma pièce pour treize altos commandée par Vincent Royer et la section d'alto du Gürzenisches Orchesters Köln (l'orchestre en résidence de la Philharmonie de Cologne, en Allemagne). En faisant le calme et le silence en moi-même pour y trouver de l'inspiration, à ma grande surprise, je n'y ai trouvé que de la joie. Alors qu'en surface tout allait mal, en plongeant à l'intérieur de moi-même, j'ai contemplé une grande joie. Une joie vivace, irrésistible, contagieuse, mystique, transcendante. Une joie immense qui n'avait pas d'autre cause qu'elle-même, qui éclairait le Monde avec la force généreuse, débordante et inépuisable qui émane du Soleil. La joie que dut éprouver le Créateur lui-même, lorsqu'il vit danser les étoiles et se déployer les galaxies, porteuses de millions de milliards de planètes et de vies innombrables.

C'est ainsi que j'ai écrit Danse de la Joie des Étoiles, deuxième partie de mon triptyque 13.2 milliard d'années-lumière pour treize altos solistes. Un motif dansant et syncopé, repris dans des micro-polyphonies qui donnent parfois l'impression qu'on a un orchestre entier, des harmonies hypertonales qui explorent librement tout l'espace séparant la consonnance du bruit blanc. La vie étant ce qu'elle est, le concert prévu en septembre 2012 n'a pu avoir lieu qu'en avril 2014. Il a été dédié à la mémoire d'un des altistes de ce bel orchestre, tombé gravement malade et décédé entretemps. Ainsi va notre vie où le rire se mêle parfois au larmes, où la musique nous aide à prendre conscience que nous nes sommes qu'une toute petite partie d'une merveille immense et éternelle, et à entrer pleinement dans cette merveille.

Mes chères amies musiciennes[1], avec la complicité de Vincent Royer et de ses amis, je vous offre ces 5 minutes de bonheur en vous exhortant à garder la foi, et à chercher au-dedans la source de la joie, de toute joie, qui ne demande qu'à s'exprimer, encore et encore, dans les bons moments comme dans les moins bons. Que la musique vive !

Note(s)

  1. ^ C'est un féminin inclusif bien sûr, qui enblobe les musiciens et les musiciennes.