Un hiver avec Schubert (et avec Olivier Bellamy)

Un hiver avec Schubert, c'est le titre d'un livre d'Olivier Bellamy, publié récemment chez Buchet Chastel, qui regroupe une quarantaine de texte courts, comme autant d'articles d'un dictionaire amoureux et savamment désordonné de Schubert. C'est là l'oeuvre d'un mélomane et non d'un musicologue: abandonnant toute prétention à l'exhaustivité, l'auteur a toute liberté pour nous raconter son Schubert, pour oser des rapprochements, des comparairons littéraires, des divaguations musicales et métaphysiques. Pour notre plus grand bonheur !

Au fil des pages, Olivier Bellamy nous brosse un portrait de son compositeur favori, pour lequel il a une admiration sans borne mais aussi une grande affection. Schubert, sa précocité, le rôle du lied allemand dans son oeuvre, ses tentatives d'opéra, sa solitude et ses nombreux amis, son admiration pour Beethoven, sa lettre restée sans réponse à Goethe, rien d'essentiel n'est laissé de côté. Les oeuvres les plus importantes sont évoquées (symhonies, sonates pour piano, quatuors à cordes, lieder bien sûr), et de nombreuses autres moins connues également. Avec enthousiasme et sans nous ennuyer par son érudition, l'auteur réussit à créer un vrai sentiment de proximité, d'intimité avec le compositeur viennois, surtout pour les lectrices qui serait déjà familières de sa musique (ce qui est certainement le cas des lectrices du Journal de Papageno, tellement cultivées et raffinées).

 
 
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Le style est très libre aussi, avec des envolées lyriques (comme les passages sur le Temps ou la Mort) et du langage plus familier parfois (à dessein, semble-t-il, et peut-être pour évoquer le côté terrestre et bon vivant du divin Schubert). Le tout se lit avec grand plaisir, sauf peut-être les anecdotes ayant un côté people (“nous en discutions justement à Prague autour d'un verre de vin rouge avec Radu Lupu et Noël Mamère...”) qui m'ont un peu agacé. En somme, la conversation d'Olivier Bellamy est celle de l'ami mélomane et cultivé qui anime le dîner par sa verve et sa passion communicative, et saute du coq à l'âne en passant d'une anecdote comique à des propos soudains profonds et quasi poétiques.

Voilà un bon petit livre à mettre entre toutes les mains, pour ceux et celles qui souhaiteraint en savoir plus sur Schubert sans de cogner l'indigeste pavé de Brigitte Massin. Et qui pourrait très bien se lire sur la plage cet été, en dépit de son titre. En voici un extrait pour conclure ce billet:

Qu'est-ce que la musique ? C'est une pensée, dit le compositeur. C'est une construction, dit un autre compositeur. C'est une suite d'équations, dit le mathématicien. C'est l'art de combiner les sons, dit le musicologue. C'est une émotion, dit timidement l'amateur. C'est une révélation, dit le poète. C'est le langage de l'âme, dit l'écrivain. C'est une friponne, peste le philosophe, agacé d'être distancé avec plus de force et de charme. C'est un miracle divin, dit le prêtre. C'est ma vie, dit le musicien. C'est mon gagne-pain, dit un autre musicien. C'est ... commence l'indécis. C'est ! Tranche l'homme d'esprit. C'EST QUOI ? demande le sourd.


Tous s'accordent sur le fait qu'il s'agit d'un mystère.