Sound of Stockholm par l'itinéraire

Ouï au conservatoire Claude Debussy du 17e arrondissement le 23 janvier dernier, le programme Sound of Stockholm de l'itinéraire. Un ensemble qui réalise un travail fantastique avec des moyens matériels sans commune avec d'autre formations comme l'inter-contemporain pour ne pas le citer.

Comme son nom l'indique, ce programme a été composé pour le festival Sound of Stockholm comme un mille-feuilles alternant des créations et des pièces plus ``classiques'' de Grisey, Scelsi et Leroux.

On commence par Talea de Gérard Grisey, une fort belle pièce écrite pour le même effectif que le Pierrot Lunaire (piano, violon, violoncelle, flûte, clarinette), et dans laquelle j'apperçois pour la première fois chez Grisey une certaine parenté avec Boulez, notamment dans l'alternance de gestes instrumentaux virtuoses et parfois violents et de longues tenues pianissimo, atones.

Ensuite viennent les Points caractéristiques de Joakim Sandgren, une pièce avec électro-acoustique que je trouve fort intéressante dans les 3 premières minutes et un peu longue ensuite. La clarinette et le violoncelle sont utilisées uniquement comme des instruments de percussion, produisant des souffles inharmoniques qui se mêlent aux sonorités de la bande. Le tout est bien travaillé mais ne se renouvelle pas suffisamment sur la durée de la pièce.

Night Music de Djuro Zivkovic est une série de miniatures charmantes, fort bien instrumentées, volontiers consonnantes ou mélodiques sans être néo- ou rétro- pour autant. Une jolie réussite.

AAA de Philippe Leroux témoigne d'une réelle maîtrise. C'est nous dit la notice une sorte d'arrangment créatif d'une pièce d'abord conçue pour électronique seule. Des motifs répétés servent à créer de la tension, accumuler de l'énergie jusqu'à des ruptures savamment construites.

On entend également deux pièces pour violon solo: 

- L'âme ouverte de Giacinto Scelsi. Ecrite en 1973, cette pièce utilise essentiellement des doubles cordes avec des micro-intervalles. Passionnant si on l'écoute comme tel, un peu aride peut-être pour des oreilles peu accoutumées à la dissonance. En tout cas on sait où Michael Levinas est allé pêcher des idées pour ses lettres enlacées !

- ...et ainsi, ou, au-delà du chant... de Tetsuji Emura, une belle pièce qui me fait un penser à Takemistu par ses aspects méditatifs.

Pour compléter ce beau programme, les artistes de l'itinéraire nous ont proposé des lectures de textes de Grisey et Tarkovsky entre les morceaux, pendant les changements de plateau. Leur façon à eux de nous rappeler qu'en ces périodes troublées, marquées par une violence politique qu'on croyait révolue, et toutes les violence verbales qui viennent dans son sillage, l'art est plus que jamais une nécessité vitale.