mardi 26 juin 2012

Au matin du septième jour, pour alto et piano

Au matin du septième jour est le titre d'une pièce relativement courte (un peu plus de 4 minutes) pour alto et piano, écrite l'été dernier à Courchevel et créée à Courchevel toujours avec l'excellent Philippe Colin-Hattat au piano. Légèrement révisée, cette pièce a été créée en Belgique le 14 juin dernier par le compositeur à l'alto et Brigitte Foccroule au piano.

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lundi 11 juin 2012

Trois concerts de fin d'année à Liège

J'ai le plaisir de vous convier à trois concerts de fin d'année auxquelles je participe, comme altiste, comme compositeur, ou les deux, dans le cadre des classes de composition et de musique de chambre du Conservatoire de Liège.

  • Jeudi 14 juin à 20h30 à la Salle Philharmonique, nous donnerons en création neuf pièces pour orchestre de chambre (13 musiciens) écrites par mes camarades compositeurs. Dont une pièce de mon cru intitulée Un soir de demi-brume à Londres... La direction artistique est assurée par l'excellent Toon Fret.
  • Lundi 18 juin à 18h puis à 20h30 à l'Espace Pousseur (rue Forgeur) auront lieu les auditions de fin d'année de la classe de composition. J'y jouerai, avec Brigitte Foccroule au piano, une pièce pour alto et piano qui s'appelle Au matin du septième jour. C'est une création belge (la création française eut lieu à Courchevel en août 2011 avec l'ami Philippe)
  • Vendredi 22 juin à 18h puis à 20h au Fiacre auront lieu les récitals de fin d'études de Clément Dechambre, Gaëlle Hyernaux et Sarah Wéry. Je participerai à celui de Clément dont nous jouerons un quatuor à cordes en 3 mouvements.
Vous pouvez consulter le programme pour plus de détails. Aux lecteurs liégeois de ce journal (car il existent, a ma grande surprise): n'hésitez pas à venir nombreux pour encourager mes camarades et moi-même. Aux lecteurs parisiens: ayez l'obligeance de me pardonner la rareté actuelle de mes billets, qui reviendront plus nombreux et fournis en juillet. Bonne fin d'année scolaire à tous.

lundi 4 juin 2012

Je travaille donc je suis

Le titre de ce billet est une citation empruntée à Maria Callas (que je cite de mémoire, sans aucune source fiable). 

Vous vous demandez peut-être, chers lecteurs et lectrices, pourquoi je vous néglige autant ces derniers temps. Ce ne sont pas les idées de billets drôles ou instructifs qui manquent pourtant. C'est que j'ai du travail, et une fin d'année des plus chargées au conservatoire (de Liège pour ceux qui ont suivi les épisodes précédents). Le minimum syndical voudrait que j'annonce les concerts de juin auquel je participe, et ce sera fait très bientôt, mais en attendant, voici juste une image assez parlante du quotidien d'un compositeur. Le plus dur, comme vous le savez, n'est pas de trouver l'inspiration. Les idées, vraiment, ça vient tout seul, il suffit de lever le nez de sa feuille et de rêvasser quelques secondes pour en attraper une. Le plus dur et surtout le plus long c'est de corriger tout ces petits détails chiants d'harmonie, contrepoint, instrumentation, instructions pour les modes de jeu bizarres, sans même parler de choses bassement matérielles comme la typographie. Ce n'est pas de la maniaquerie: c'est avant tout une marque de respect pour les musiciens qui vont passer du temps à travailler et jouer une partition que de faire le maximum pour leur proposer un beau texte. Un machin au poil, dont les harmonies sont aussi chiadées que la mise en page est élégante et aérée.

La procédure est la suivante: prenez une partition qui a l'air aussi parfaite que ma chère épouse quand on la regarde sur l'ordinateur. Imprimez-la, relisez attentivement, trouvez rapidement de véritables horreurs, raturez énergiquement en vert, en bleu, en rouge selon le stylo qui vous tombe sous la main. Gardez en outre du papier à musique sous la main pour les mesures ajoutées ou réécrites entièrement. Après une dizaine d'itérations et autant d'heures de travail par page, ça commence à s'éclaircir un peu:

partition_corrections.jpg

Lorsqu'on finit par presque voir les notes sous les corrections, la fin du tunnel approche. Et si on est complètement masochiste, il faut faire cela non avec une partition récente, mais avec un vieux machin comme ce Trio pour Piano, Violon et Violoncelle qui date de l'antiquité, c'est à dire 2006, et que j'ai dû ressortir du placard sous l'amicale pression de mon père qui voudrait le jouer prochainement. C'est un peu comme peigner une girafe avec un cure-dent un soir de pleine lune: c'est tout à réjouissant en soi mais c'est long, c'est long, c'est long...

dimanche 20 mai 2012

L'adieu à Dietrich Fischer-Dieskau

Dietrich Fischer-Dieskau, l'immense baryton allemand, nous a quitté il y a deux jours, le 18 mai. N'ayant pas eu la chance de l'entendre en concert, il fait partie des artistes comme Glenn Gould que j'aurai connu à travers le disque seulement. Notamment son intégrale des lieder de Schubert (avec Gérald Moore, en trois volumes chez Deutsche Gramophon). Il y en existe de très beaux disques de Schubert par une multitude d'autres chanteurs et pianistes, mais par la fluidité des lignes mélodiques, la perfection de la diction, l'élégance et la pudeur dans l'expression, celle-ci demeure ma référence. En revenant quinze ans plus tard, j'y retrouve intactes les émotions de l'adolescence. Et ce je-ne-sais-quoi dans la musique de Schubert et qui désarme toutes nos barrières et parle à notre coeur, de la façon la plus simple et la plus naturelle.

Les artistes ont souvent une vie bien difficile, même lorsqu'ils connaissent le succès. Mais il trouvent dans leur consolation dans cela même qui cause de leurs tourments, le travail acharné, la recherche éperdue de la perfection. Et trouvent parfois une pépite d'éternité qu'ils partagent avec nous.

Ayant un peu de mal à trouver les mots aujourd'hui, j'emprunterai pour terminer ce billet ceux du poète Franz van Schober:

An die Musik

Du holde Kunst, in wieviel grauen Stunden, 
Wo mich des Lebens wilder Kreis umstrickt, 
Hast du mein Herz zu warmer Lieb entzunden, 
Hast mich in eine beßre Welt entrückt !

Oft hat ein Seufzer, deiner Harf' entflossen, 
Ein süßer, heiliger Akkord von dir 
Den Himmel beßrer Zeiten mir erschlossen, 
Du holde Kunst, ich danke dir dafür !


À la musique

Art tant aimé, en combien d’heures grises,
pris dans les liens du furieux cercle de la vie,
as-tu rallumé dans mon cœur l’étincelle de l’amour,
m’as-tu ravi pour un monde meilleur !

Bien souvent un soupir, échappé de ta harpe,
Un doux, un saint accord venant de toi
M’a ouvert le ciel des temps meilleurs,
Art tant aimé, pour cela, ma gratitude !

(merci à Anne Lapasset pour la traduction)

...et bien sûr les notes à Messieurs Franz Schubert, Dietrich Fischer-Dieskau, et Gerald Moore:

Fichier audio intégré

samedi 19 mai 2012

Le quatuor Tana de retour à Paris

Le quatuor Tana jouera ce soir (le samedi 19 mai 2012) donc au Musée de la chasse et de la nature à Paris 62 Rue des Archives, Paris 3eme, dans le cadre de la Nuit Européenne des Musées. Au programme:

  • 20h30-21h 2e quatuor d'Ondřej Adamek
  • 21h30-22h 1e quatuor d'Yves Chauris

Ayant déjà écrit tout le bien que je pensais de Tana et du quatuor d'Adamek dans un précédent billet, je serai donc bref: allez-y !

vendredi 11 mai 2012

Musicora: concerts en ligne sur medici.tv

Le salon Musicora qui se tient ce week-end à Paris au Palais Brogniart réunit tous les acteurs du microcosme de la musique classique: luthiers, éditeurs, maisons de disques, radios. Il comprend aussi quelques concerts retransmis sur medici.tv, avec quelques programmes assez originaux comme un quintette de percussionnistes lyonnais (samedi 14h) et une séance d'improvisation avec deux stars, le violoniste Didier Lockwood et le pianiste Jean-François Zygel (dimanche 18h). En rediffusion, je vous recommande également la prestation de l'ensemble Calliopée (Fauré-Maratka).

La liberté ou la mort !

La liberté ou la mort ! est le titre d'une pièce récente pour quatre trombones et électronique live qui a été créée le 17 décembre 2011 à Liège. 

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dimanche 6 mai 2012

Audition lundi 7 mai à la Schola Cantorum

Mon ami et confrère Stéphane Gassot vous convie à une audition de la classe de composition de la Schola Cantorum demain soir:

Mes amis, je vous invite solennellement à venir entendre ou réentendre mon trio pour violon, violoncelle et piano. Cette orgie aura lieu à l'auditorium de la Schola Cantorum de Paris (Salle César Franck).

Une petite contribution de 200 euros vous sera réclamée bien entendu. 
Si par hasard, vous aviez une empêchement, il n'y a pas de soucis, vous n'avez qu'à annuler ce que vous aviez prévu et venir quand-même. 

Il va de soi que je n'accepterai aucune excuse fumeuse. Ne serait-ce que par respect pour les musiciens qui se seront infusés cette daube, à savoir :

  • Jean-Ludovic Portejoie-Lagarde, violon
  • Kévin Bourdat, violoncelle
  • Philippe Hattat, piano

Vous pouvez en revanche arriver en retard puisque je suis joué en dernier et le reste n'a absolument aucun intérêt. D'ailleurs je pense que j'arriverai moi-même en retard.

Pour ceux qui n'ont aucun humour, et il y en a beaucoup parmi vous, je tiens à dire que je plaisante. Sauf pour les 200 euros, comprenez bien.

Bon alors à lundi 7 mai, nous fêterons ensemble l'avènement de Philippe Poutou, fraîchement élu Poutou changer !

samedi 5 mai 2012

Rencontres internationales du Piano à Maisons-Laffitte

La semaine prochaine se tiendra la 14e édition du concours international de piano d'Île-de-France. Comme le rappelait Claude Samuel dans son blog récemment, un concours de musique ne se réduit pas à son palmarès, loin de là. C'est l'occasion pour les artistes de rencontrer un public, de se lancer un défi à eux-même, de découvrir du répertoire ou d'apprendre en écoutant les autres candidats, et pour les plus brillants, de se faire connaître en décrochant un prix.

Ce marathon pianistique (190 candidats du monde entier qui joueront toutes la journée du 6 au 12 mai) est ouvert au public: pour la modique somme de 10€ par jour ou 25€ la semaine, on peut écouter autant de candidats qu'on le souhaite.

Du reste le concours n'est pas réservé aux jeunes pros car il comporte plusieurs catégories: Cycles 1, 2, 3, Supérieur, Adulte Grand Amateur, Excellence et Diplôme de Concert. Les détails et horaires sont sur le site opus-yvelines. Et nous laisserons le mot de la fin à Anne Quéffelec qui préside cette édition:

Dans notre monde où le virtuel est roi, où la facilité fait briller des mirages, le face à face avec un instrument tel que le piano reste une école de patience, de réflexion, une quête d’idéal et de beauté vitale pour tous

mercredi 2 mai 2012

Tristes débats sans âme !

Triste débats sans âme ! Le Sarko est allé sur ses petites jambes. Il se rêve déjà dans l'élection, après des négociations fêlées. Hollande ce mou, montre ses coquilles énormes à Sarko qui aime la 16 et les bus. Je ne vais pas reculer devant l'OTAN, dit-il en regardant la Ferrari. La journaliste s'agite mollement et montre ses fiches. Mais les candidats sont en lutte et ne sentent pas l'amour. Le petit calomniateur agite le drapeau rouge des syndiqués de la casquette.

- Tu sentiras Marine quand elle traversera le pont !

- J'ai bien joué avec cette flèche, assez ri !

Voilà le grand secret de l'élection: on vote tant qu'on rit.

 


samedi 21 avril 2012

Vous avez dit imposteurs ? (retour sur l'affaire Bogdanov)

Par une amusante coïncidence, j'ai reçu un courrier électronique signé Grichka Bogdanov le même jour où le lisais dans Le Monde un article sur les pressions exercées par les Bogdanov sur les scientifiques qui contestent la valeur de leurs travaux. Il me pose les questions suivantes:


Que savez-vous de nos travaux ? De nos livres ? De notre sincérité ? De la réalité des attaques déloyales dont nous sommes les victimes - en raison même de notre présence médiatique - depuis des années de la part d'une cohorte de scientifiques plus malveillants (et malhonnêtes) que compétents pour nous juger ?

Autrement dit : de quel droit osez-vous, sereinement, nous traiter d'imposteurs et vous faire ainsi le relais actif, à votre tour malveillant, d'une oeuvre douloureuse de destruction concernant nos personnes ?

Ce courrier en réaction à un billet consacré à un autre sujet où je mentionnais leur nom en passant, accompagné effectivement du mot "imposteurs". Questions qui méritent une réponse argumentée, et pourquoi pas publique puisque ce billet était public lui aussi.

Il se trouve qu'avant de me consacrer à la musique j'ai quelque peu étudié les sciences, jusqu'à décrocher un doctorat en informatique à Orsay. La physique n'est pas ma spécialité, juste un objet de curiosité pour moi: je suis avec une certaine attention les expériences récentes pour rechercher le boson de Higgs, ou sur ces neutrinos de l'expérience OPERA qui paraissent voyager plus vite que la lumière, au grand étonnement des chercheurs ayant fait les mesures. Lesquels ont réagi comme de bons scientifiques, c'est à dire qu'ils ont vérifié et re-vérifié le matériel, le protocole de synchronisation des horloges, les mesures avant de publier les résultats en admettant "on ne sait pas les expliquer". Aux dernières nouvelles, des problèmes de câbles et de synchronisation GPS pourraient être suffisants pour expliquer les 60 nanosecondes manquantes. Le responsable de l'expérience, Antonio Ereditato, n'en a pas moins démissionné le mois dernier. Il a déclaré à la BBC:

"We tried to find all possible explanations for this," he said.

"We wanted to find a mistake - trivial mistakes, more complicated mistakes, or nasty effects - and we didn't.

"When you don't find anything, then you say 'well, now I'm forced to go out and ask the community to scrutinise this'."

Je mentionne cette histoire car elle illustre bien le rôle central que joue l'éthique dans la travail des chercheurs.

La recherche scientifique est un métier excessivement difficile et ingrat. Pour vous en persuader, chers lecteurs de ce blog, plutôt que de puiser dans ma propre expérience, je vais vous parler d'une thèse de physique que j'ai observée d'assez près tout de même car c'était celle de mon frère. Il a travaillé sur les lasers et réussi à reproduire une expérience menée par une équipe (danoise, je crois me souvenir) visant à produire des lasers d'une longueur d'onde particulière dans le domaine des XUV, c'est à dire entre les rayons X et les ultra-violets.

Comme vous le savez peut-être, la longueur d'onde d'un rayon laser (sa couleur lorsqu'il est dans le domaine du visible) dépend du matériau, car les longueurs d'onde émises sont directement liées au saut d'un niveau d'énergie à un autre. Les lasers XUV ont beaucoup d'applications potentiels (ne serait-ce qu'améliorer la finesse gravure des micro-processeurs) mais il reste de larges bandes dans le spectre qu'on ne sait pas produire.

J'ai pu visiter l'installation utilisée par l'expérience. Un mélange très réjouissant de machines très sophistiquées qui coûtent plus cher qu'un Ferrari et de tuyaux de plastique assemblés avec du scotch. Il y avait notamment de gros condensateurs destinés à produire une décharge de l'ordre du million de volts pendant une micro-seconde, le dispositif d'émission laser proprement dit et un autre dispositif pour observer les rayons produits. L'ordinateur qui servait à rédiger la thèse était isolé dans un coin par une cage de Faraday, ce qui ne l'a pas empêché de lâcher au bout de deux ans. Faute de matériel existant sur le marché pour mesurer la longueur d'onde, mon frère a du développer du matériel ad hoc, tout un chapitre de la thèse étant consacré à calculs pour prendre en compte la rétro-action entre les capteurs et le courant qu'ils doivent mesurer. La liste des défis petits et grands qu'il a dû relever est sans fin.

Le reste du rapport de thèse détaillait d'abord l'état de l'art dans la physique des lasers, ensuite le matériel et le protocole utilisés, les difficultés rencontrées, les résultats expérimentaux ainsi que leur interprétation. Ayant obtenu au bout de quatre ans d'efforts plusieurs tirs réussis, le travail concluait que la méthode envisagée permettait bien de produire des lasers XUV de telle fréquence. Il constituait donc une validation indépendante des résultats publiés par une autre équipe.

Quatre ans de travail acharné par une personne aussi rigoureuse qu'imaginative et motivée: voilà ce qui est nécessaire pour faire avancer la science de façon somme toute modeste mais indéniablement positive.

La notion de validité scientifique d'un résultat obéit à des critères précis: ce n'est pas tout d'avoir fait une découverte, il faut encore persuader les autres chercheurs qu'on a raison. Pour cela il faut rédiger l'argumentation de manière détaillée et rigoureuse. Et se baser uniquement sur des faits issus d'expériences reproductibles ou sur des déductions logiques. Et la construction de la vérité scientifique est un processus collectif, long et patient, qui vise à éliminer toutes les sources possibles d'erreur pour arriver à poser des faits que personne ne puisse sérieusement contester. Le débat contradictoire fait partie intégrante de ce processus, mais il n'a d'intérêt que si les deux parties sont motivées uniquement par la recherche désintéressée de la vérité. En cette veille d'élections, on ne peut que le rappeler: la science n'est pas la politique, il ne s'agit pas d'être le plus fort et de gagner à tout prix. Il s'agit de participer modestement et de bonne foi à la construction collective du savoir.

Venons-en aux frères Bogdanov. Il y a quelques années j'ai lu leur livre "Avant le big bang" sans avoir d'idée préconçue sur leurs auteurs (je n'ai pas vu leurs émissions télé de vulgarisation, n'ayant pas de télé à la maison quand j'étais jeune). Comme l'indique l'introduction:

(...) pour la première fois, il nous est alors devenu possible d'explorer l'Univers avant le mur de Planck et de remonter jusqu'à la Singularité Initiale - ce mystérieux point zéro - qui marque "avant" le Big Bang, l'origine de l'espace-temps.

Ce voyage extraordinaire, nous le ferons ensemble, pour la première fois, dans les pages qui suivent.

Les physiciens appellent ère de Planck les tout premier instant de l'Univers, d'une durée estimée autour de 10e-44 seconde. On parle aussi de "mur de Planck" selon la plupart des spécialistes, on n'a pas encore les outils mathématiques pour modéliser physiquement ces instants, faute d'une théorie de la gravitation quantique suffisamment aboutie.

Voilà donc deux chercheurs qui affirment avoir trouvé une solution ou plutôt LA solution. C'est énorme. C'est beau. Très beau. Peut-être même un peu trop beau pour être vrai. Après tout, cette veuve sénégalaise atteinte d'un cancer en phase terminale qui m'a envoyé un email pour me proposer un héritage de 1.200.000$ me paraît fort sympathique, mais j'ai tout de même quelques doutes sur sa sincérité.

Le reste du livre comporte essentiellement des jolies phrases sur le nombre d'or, le visage de Dieu, et le temps "imaginaire" avec des sabliers couchés: mais après tout c'est un ouvrage de vulgarisation, il ne faut pas en attendre de détails précis.

J'ai donc voulu en savoir plus, mes amis physiciens m'ont appris tout l'histoire et transmis des documents. En fait de publications scientifiques, le dossier des frères Bogdanov est des plus minces: il comporte deux thèses de doctorat qui ont fait l'objet d'un rapport très défavorable du CNRS et une seule publication dans un journal scientifique avec comité de lecture (où les papiers doivent être acceptés par d'autres scientifiques qui ne connaissent pas le nom des auteurs avant d'être publiés). Cette unique publication dans la revue Classical and Quantum Gravity a été fortement critiquée après publication, au point de mériter le communiqué suivant de la part de la rédaction de ce journal. Le communiqué reconnaît sans ambages que ce papier ne satisfaisait pas aux critères de rigueur attendus, au point qu'il n'aurait pas dû être publié:

Classical and Quantum Gravity and the paper "Topological theory of the 
initial singularity of spacetime" by G Bogdanov and I Bogdanov, Class. 
Quant. Grav. 18 4341-4372 (2001) 
 
A number of our readers have contacted us regarding the above paper 
and in response we have decided to issue the following statement. 
 
Classical and Quantum Gravity endeavours to publish original research 
of the highest calibre on gravitational physics. It is not possible for the 
Editorial Board to consider every article submitted and so, in common 
with many journals, we consult among a worldwide pool of over 1000 
referees asking two independent experts to review each paper. Regrettably, 
despite the best efforts, the refereeing process cannot be 100% effective. 
Thus the paper "Topological theory of the initial singularity of spacetime" 
by G Bogdanov and I Bogdanov, Classical and Quantum Gravity 18 
4341-4372 (2001) made it through the review process even though, in 
retrospect, it does not meet the standards expected of articles in this 
journal. 
 
The journal's Editorial Board became aware of this situation already in 
April 2002. The paper was discussed extensively at the annual Editorial 
Board meeting in September 2002, and there was general agreement that 
it should not have been published. Since then several steps have been 
taken to further improve the peer review process in order to improve the 
quality assessment on articles submitted to the journal and reduce the 
likelihood that this could happen again. However, there are at this time 
no plans to withdraw the article. Rather, the journal publishes refereed 
Comments and Replies by readers and authors as a means to comment 
on and correct mistakes in published material. 
 
We are also grateful to our readers, contributors and reviewers for their 
vigilance and assistance both before and after publication. 
 
Dr Andrew Wray 
Senior Publisher 
Classical and Quantum Gravity 
Institute of Physics Publishing 
 
Professor Hermann Nicolai 
Honorary Editor 
Classical and Quantum Gravity 
Albert Einstein Institute

Suite à cet affaire, le journal en a profité pour modifier ses procédures d'acceptation afin d'éviter qu'un tel dysfonctionnement ne se reproduise. L'article n'a pas été censuré ni "dépublié": au lieu de cela, la direction du journal Classical and Quantum Gravity a décidé de publier les réponses et courriers des lecteurs qui dénonçaient précisément les lacunes et incohérences de ce papier.

Par comparaison le CV d'une chercheuse comme Lisa Randall de l'université de Harvard comporte pas moins de 159 publications, seule ou bien en collaboration, et ses papiers sont abondamment cités par ses confrères physiciens.

L'expérience des frères Bogdanov en recherche scientifique paraît donc très limitée (deux thèses d'une qualité douteuse et une seule publication dans une revue, elle aussi d'une qualité douteuse) et la reconnaissance qu'ils ont obtenue des autres chercheurs en physique quantique quasiment nulle et proche du zéro absolu.

Or pour un chercheur scientifique, rédiger proprement et clairement le résultat de ses recherches, citer les recherches sur lesquelles on s'appuie pour distinguer soigneusement son propre travail de celui d'autrui, ce n'est pas en option. C'est indispensable. Un chercheur scientifique qui ne parvient pas à convaincre en tout premier lieu les autres chercheurs de l'intérêt de ses travaux n'est pas un chercheur, et ses écrits sont à ranger au rayon "poésie" ou "ésotérisme" plutôt que "sciences". 

Bien sûr il reste la posture du génie incompris, qui consiste à affirmer (sur quelle base ?) que les autres scientifiques sont "plus malveillants (et malhonnêtes) que compétents pour nous juger" (je cite le courrier électronique que Grichka Bogdanov m'a envoyé). Venant d'un artiste comme Pierre Boulez, c'est une posture, désagréable certes, mais possible. Venant d'un scientifique c'est une imposture. CQFD

vendredi 20 avril 2012

La Vestale (Le roman de Pauline Viardot), par Arièle Butaux

La Vestale, publié en 2001 est le premier roman d'Arièle Butaux (laquelle est surtout connue pour ses émissions sur France Musique). 

ariele_butaux_la_vestale.jpgÉcrit à la première personne, ce récit de la vie de Pauline Viardot nous promène dans un dix-neuvième siècle des artistes très glamour, très people. Imaginez: le père de Pauline Viardot fut Manuel Garcia, ténor célèbre, le premier ayant chanté Don Giovanni en Amérique. La célèbre Malibran, disparue trop jeune, était sa grande soeur, et l'a initié à la scène. George Sand la considérait quasiment comme sa fille et la poussa à épouser Louis Viardot pour assurer sa carrière. Franz Liszt lui enseigna le piano et la composition, Chopin improvisait dans son salon, Ary Sheffer l'aurait fait poser pour un tableau célèbre aujourd'hui conservé au Musée du Louvre, et qui illustre l'édition poche de ce roman.

A vingt-cinq ans, j'ai consacré chaque jour de mon existence à la musique au détriment de ma vie de jeune femme et de mère. Ainsi se décrit la Vestale au début du roman. La suite nous apprend pourtant qu'elle eut un amant quasi officiel, Ivan Tougueniev, qu'elle subit également les tendresses fort ambigües de Georges Sand, ainsi que la cour effrénée d'Hector Berlioz. Quand aux amourettes avec Franz Liszt ou Charles Gounod, ça ne compte pas, c'est pour le plaisir seulement. Au total, notre Vestale a tout de même l'air de ne pas trop s'ennuyer !

Ce qui fait le charme de cette biographie romancée, c'est la plongée dans la vie d'une artiste avec ses moments sublimes et ses cruelles déceptions, ses personnages souvent célèbres (le portrait du jeune Gounod est assez croquignolet) dont on se rappelle soudain qu'ils ont un jour été des hommes et des femmes, qu'ils pouvaient se connaître, s'écrire, se détester, pourquoi pas coucher ensemble, en bref qu'ils furent vivant avant de devenir de simples noms dans les histoires de l'art ou sur les partitions. C'est aussi l'empathie assez forte qu'Arièle Butaux éprouve pour son sujet, au point d'avoir choisi de dire je pour raconter son histoire.

Ce qui a un peu moins de charme, c'est le style fluide mais sans grande originalité, qui ne nous épargne pas les clichés ou les pléonasmes ("un sacrifice douloureux", "surmonter une montagne de difficultés", etc). Et une légère tendance à la mièvrerie dont on peut se demander si c'était un trait de caractère de la véritable Pauline Viardot.

Au final les 350 pages de cette auto-fiction historique se lisent sans peine et non sans plaisir. Une véritable gourmandise pour lecteurs tant soit peu mélomanes ou cultivés.

jeudi 19 avril 2012

Il y a musique et musique

Piqué dans Les Echos ce matin, un article sur l'audience des stations de radio françaises (et le même avec quelques fautes de français en plus dans Le Parisien). Je vous passe les commentaires sur la baisse ou la hausse de telle ou telle station, ce qui a retenu mon attention était plutôt le tableau qui accompagne l'article:

 audience_radios_lesechos.jpg

Il n'y a rien qui vous frappe dans ce tableau ? Vraiment rien ? Regardez bien la classification des radios. Il y a d'un côté les "programmes musicaux", NRJ, Skyrock et consorts. Et de l'autre côté les "programmes thématiques" comme France Musique qui ne diffuse jamais de musique, comme son nom l'indique, ainsi que Radio Classique.

Au-delà du gag (France Musique et Radio Classique exclues de la liste des radios "musicales") on peut remarquer que dans la vieille Europe en général et dans l'Hexagone en particulier, les styles musicaux à la radio sont extrêmement cloisonnés: on n'entendra pas plus de rap sur Chérie FM que de Pierre Boulez sur Radio Classique. Pas étonnant que les goûts du public soient eux aussi tellement formatés et cloisonnés: ainsi l'amateur de classique qui par réflexe frémit d'horreur quand il entend le timbre de la guitare électrique (même si la guitare en question joue une pièce de Tristan Murail ou de Fausto Romitelli par exemple) ou l'amateur de jazz qui trouve que les symphonies de Mozart manquent un peu de "beat".

Quant à moi, j'apprécie les stations qui présentent le plus de diversité possible, comme FIP, France Musique (et certaines émissions musicales de France Culture). Ouvrir le poste sans savoir si on va tomber sur une improvisation, une symphonie, une chanson, une pièce contemporaine pour orgue ou une aria de Haendel, voilà qui stimule l'imagination et la curiosité. Je n'écoute plus tellement Radio Classique depuis que cette station a adopté le même format que les chaînes de rock, c'est à dire des morceaux de 5 minutes maximum sans lien entre eux. Tout simplement parce qu'une sonate de Brahms (ou même une symphonie de Bruckner, contrairement à ce que vous prétendez, cher David) c'est mieux de l'écouter en entier. Ce type de saucissonnage - une tranche de Vivaldi, une de musique de film, un zeste de Haendel et une plage de publicité - plaît peut-être à ceux qui souhaitent un fond musical agréable pour se détendre, mais à eux seulement. 

samedi 14 avril 2012

Trois millions

Trois millions de personnes par an. C'est le nombre de spectateurs pour les retransmissions au cinéma des opéras du Met de New York, à en croire cet article dans le Monde. La captation en vidéo (en direct et en haute définition s'il vous plaît) des opéras modifie dans le fond assez peu le travail des chanteurs et metteurs en scène, même si elle introduit un metteur en scène bis en la personne du monteur vidéo qui va choisir où placer les caméras et comment enchaîner les plans. Ces millions de spectateurs à distance apportent également un souffle d'air bienvenu aux finances structurellement déficitaires d'une maison d'opéra.

Ce chiffre de trois millions peut évidemment servir à faire taire définitivement ceux qui prétendent que l'opéra est resté un art élitiste, un marqueur de classe sociale. Au contraire le théâtre, depuis les loges des princes et des ducs jusqu'au "paradis" sans place assise pour le peuple, a toujours été un haut lieu de rencontre sinon de brassage des classes sociales. En ce début de vingt-et-unième siècle, les maisons d'opéra semblent avoir compris que l'intérêt des retransmissions dans les salles de cinéma ou en vidéo à la demande sur internet étaient bien plus qu'un gadget à la mode. Il ne leur reste plus qu'à comprendre que les oreilles modernes ne sont plus celles du XIXe siècle, et que le répertoire mériterait lui aussi de rajeunir un peu.

vendredi 13 avril 2012

Stéphane Ginsburgh en concert à Paris le 29 avril

Le pianiste belge Stéphane Ginsburgh m'a écrit pour me signaler un concert prochain à Paris:

Cher ami/e parisien/ne,

J'ai le plaisir de jouer aux Instants Chavirés le 29 avril prochain à 18h des pièces pour piano et plus, dans la série Piano Solo.

De Frederic Rzewski, le magnifique monodrame De Profundis for speaking pianist sur le texte d'Oscar Wilde.

De Vykintas Baltakas, Pasaka/Ein Märchen, un conte étrange pour piano et bande sur un texte mythique indien dit en lithuanien.

Enfin, une création pour piano, sampler et actions de Matthew Shlomowitz (commande du Centre Henri Pousseur), Popular Contexts 2.

Si ce nom ne vous dit rien, je vous invite à jeter un coup d'oeil sur cette vidéo récente où Stéphane Ginsburg joue une autre pièce pour piano, percussions et électronique live de Panayiotis Kokoras.

mardi 10 avril 2012

Brucknerphobia

Très drôle, à lire sur le blog de Jessica Duchen (en anglais)

dimanche 1 avril 2012

Hadopi dissoute

C'est un scoop du journal de papageno, la nouvelle ne devant être annoncée que demain matin. Le président-candidat va annoncer très prochainement un décret portant dissolution à effet immédiat de la Haute Autorité pour le Développement et l'Organisation du Piratage sur Internet, plus connue sous l'acronyme d'Hadopi. Cette entité administrative créée suite au rapport Olivennes avait pour but de lutter contre le téléchargement illégal en essayant de menacer des millions d'internautes de coupure de leur connexion en cas d'infractions multiples au droit d'auteur dûment constatées par des officines privées en dehors de tout contrôle juridique. Elle avait aussi pour but d'aider à développer l'offre légale c'est à dire celle qui permet au majors de faire de l'argent sans pour autant rémunérer les artistes (faut pas déconner, non plus).

D'après nos informations, c'est en pensant récupérer une partie de l'électorat jeune que notre bouillonnant président n'a pas hésité à sacrifier ce qui fut son oeuvre et que comme le "bouclier fiscal" il imposa sans prendre en compte les critiques qui venaient parfois de son propre camp. Selon certaines sources c'est lorsque son fils Louis lui déclara "mais papa j'ai 12.000 MP3 sur mon ordi, tu crois que c'est avec l'argent de poche que tu me donne que j'aurais pu me les payer à 1 euro pièce ?".  Le fils présidentiel lui aurait également montré copie d'un email de relance qui menaçait la coupure de l'accès internet de l'Elysée, ce qui n'aurait pas été sans conséquences diplomatiques et politiques dommageables pour le candidat sortant (mais pas encore sorti).  

anti-HADOPI.jpgOn le sait, notre président est tellement prompt à passer de la réflexion à la décision que parfois il décide avant même d'avoir réfléchi; aussi ne lui fallut-il pas longtemps avant de se résoudre à la dissolution de l'Hadopi. Décision qui selon une autre source bien informée causa quelques heures plus tard une vive altercation entre Carla Bruni qui prétendait que le piratage était responsable des mauvaises ventes de son dernier album, et Jean Sarkozy qui répondit "belle-maman, avec tout le respect que je vous doit, elles sont nazes vos chansons, vous n'avez aucune voix, même en téléchargement gratuit personne n'en voudrait". Lequel Jean se vit gratifié d'une tarte en complément de sa licence de droit récemment obtenue (note de l'auteur: à son âge j'avais déjà un doctorat, un boulot en CDI et deux enfants, mais ça n'est pas charitable de se moquer des fils à papa victimes d'hyperpilectomie palmaire). Dispute parfaitement vaine, le père de famille ayant déjà tranché dans le vif.

En dissolvant de manière inattendue et par décret l'Hadopi, le président-candidat espère bien sûr couper l'herbe sous le pied de son rival socialiste, dont la 45e des 60 propositions pour la France (comprendre: pour une France bien à  gauche mais pas trop en fait si quand même sans excès mais sans compromis c'est clair j'espère)  vise à réformer radicalement l'Hadopi. La rédaction initiale du programme proposait la suppression pure et simple (une idée défendue par Aurélie Filippetti et critiquée par d'autres membres de l'équipe du candidat), mais le candidat PS a ensuite mis de l'eau dans son vin et dilué sa résolution dans les bons sentiments au point de la rendre illisible, peut-être par peur de fâcher les artistes qui avaient soutenu la loi Hadopi.

En annonçant de plus que le budget 2012 non consommé de l'Hadopi sera alloué au fonds copie privée  destiné à soutenir le spectacle vivant, le président-candidat cherche également à séduire les artistes et montrer qu'il ne les oppose pas aux internautes. Notez qu'en pratique ce fonds sert essentiellement à subventionner des spectacles comme la nouvelle tournée d'adieu de Johnny, lesquels vous en conviendrez apportent une contribution essentielle au rayonnement artistique de la France dans le monde. Rayonnement qui dans le cas de Johnny s'étend au moins jusqu'à la Suisse qui héberge les revenus, sinon la personne du chanteur de rock francophone.

En dehors d'Eva Joly qui a réclamé que les amplis des guitares électriques ne soient pas alimentés avec de l'électricité d'origine nucléaire et que les émissions carbone du centre de musique baroque de versailles soient compensées en CO2, aucun des candidats n'a pour l'instant réagi à cette information.

lundi 26 mars 2012

Le pain quotidien

Trois concerts le week-end dernier. Samedi après-midi c'était Cantus Formus au CRR de Paris dont je retiendrai surtout la belle performance de Violaine Despeyroux. Un altiste toute jeune qui vient de rentrer au CNSM de Paris et à qui il ne manque pas grand-chose manifestement pour devenir une artiste accomplie. Elle jouait une Sonate rhapsodique de Dimitri Tchesnokov, oeuvre de facture plutôt classique mais pas dépourvue de qualités expressives et très bien écrite pour l'instrument.

Le soir c'était piano et percussions, un concert annoncé dans ce journal et tout à fait conforme à mes attentes qui étaient élevées. J'ai particulièrement aimé la finesse d'instrumentation des Makrokosmos de Crumb, où il y a un continuité totale entre les effets bruitistes des pianos et la percussion. Par ailleurs les gestes pour jouer dans le cordes du piano paraissent relativement simples à réaliser et sonnent très bien, ce qui indique que le compositeur a dû passer bien du temps pour les sélectionner et les affiner. J'ai noté aussi que les compositeurs américains n'ont pas le même rapport à la tradition que les Européens: à l'époque où l'on aimait la musique atonale pure et dure en Europe (les années 1970) Crumb ne voit aucun problème a utiliser des matériaux anciens comme la musique tonale ou modale (notamment la gamme pentatonique). Mais il le fait toujours de manière créative et inventive, un peu comme Berio ou Pousseur dans leurs oeuvres post-modernes. Ainsi quelques mesures de polyphonie à caractère tonal (est-ce une citation de Bach ou un pastiche, je ne saurais le dire) sont jouées avec une simple bande de papier sur les cordes qui donne un son un peu étouffé au piano, comme un vieil enregistrement; effet qui est complété par le vibraphone qui prolonge les harmonies du piano en les entourant d'un halo. Le tout sonne vraiment bien: c'est un peu une manière pour le compositeur américain de rendre hommage à une musique qui continue à nous émouvoir malgré la distance qui nous en sépare. La sonate pour deux pianos et percussions de Bartok était un vrai festival pour quatre percussionnistes, j'ai pu apprécier la précision hallucinante de Mary Olivon et Guillaume Mathias dans la synchronie des passages les plus rapides et les couleurs harmoniques toujours aussi vives de cette pièce qui date de 1937.

Dimanche, après avoir écouté, venait le tour de jouer un peu avec le Bach Cantus à Saint Pierre de Montouge. Ce concert s'articule autour d'une cantate de Bach. D'abord c'est une présentation rapide de l'oeuvre, qui rappelle les textes du bibliques qu'elle illustre et donc le type de sentiments qu'elle véhicule. Puis une improvisation à l'orgue suivie d'une exécution de la cantate. Le public, à qui on a distribué des feuillets avec la musique, est invité à chanter le choeur final en même temps que les choristes. Choeur final qu'il aura pu répéter dans le quart d'heure qui précède le concert. Le dure mois d'une heure dans un climat on ne peut plus joyeux et amical, malgré le thème assez dramatique de cette cantate BWV 48. Laquelle comporte une aria avec hautbois de tout beauté.

En travaillant puis en jouant cette cantate avec mes amis (je tiens à remercier particulièrement Nicolas de s'être opportunément cassé le bras afin de me permettre de le remplacer au pied levé), je repense au Clavier bien tempéré, aux Suites pour violoncelle et Partitas pour violon qui ont été et restent mon pain quotidien. La musique de Bach est comme le bon pain: toujours savoureuse et nourrissante pour l'esprit, jamais exotique ou d'un goût douteux, d'une simplicité dont on ne se lasse jamais. Quand je dis simplicité, naturellement, tout le monde sait à quel point Bach était fortiche en contrepoint. La simplicité est celle de chaque voix dans un choral, qui suit un parcours mélodique élégant et naturel tout en s'inscrivant dans une logique harmonique sans faille. Quiconque a travaillé un peu le contrepoint s'est fatalement retrouvé dans des impasses où la moins mauvaise solution était de torturer l'une des parties secondaires pour la faire rentrer au chausse-pied dans le parcours harmonique dessiné par les autres voix. De telles impasses sont absentes chez Bach qui paraît envisager en permanence le futur en même temps que le présent, et anticiper les conséquences du parcours de chaque voix sur l'équilibre de l'ensemble. Quel que soit le niveau qu'on a atteint, Jean-Sébastien Bach, le meilleur des pédagogue, nous prend par la main et nous invite à progresser encore, nous donne le désir de devenir meilleurs, non seulement techniquement mais aussi spirituellement. La musique de Bach est comme le goût du pain quotidien: on ne s'en lassera jamais.

mardi 20 mars 2012

Le disque classique, seul rescapé du tsunami numérique ?

Le disque de musique classique aurait-il une composition qui l'empêche de se dissoudre dans le èmmepétrois ? C'est la question que se pose Jean-Marc Proust dans Slate. Il y répond surtout par le profil sociologique du collectionneur de disques classiques, c'est à dire un homme de plus de 50 ans qui jouit d'un relatif confort matériel. Ce lieu commun apparemment étayé par des chiffres assez parlants.

Le disque classique est un marché de niche (10% des ventes toute de même) qui semble mieux résister à la crise que le reste. Pour autant, faut-il croire qu'il ne baissera jamais ? Deux éléments invitent au pessimismes. Les magasins "culturels" type Fnac ou Virgin ressemblent de plus en plus à des supermarchés, dont ils reprennent le modèle économique, et de moins en moins à des librairies. Le mélomane exigeant qui cherche un vaste catalogue et des vendeurs tout aussi passionnés que lui a tout intérêt à passer son chemin, et à trouver son bonheur plutôt sur Internet. Et tant qu'à acheter un disque sur Internet, pourquoi pas acheter la version numérique ? (ou télécharger une version pirate). Il faut noter également que la place de la grande musique à la télévision est ridiculement réduite: dès qu'un coup de pub est apporté à un artiste ou un compositeur par une brève apparition sur le petit écran, les ventes s'envolent, par rapport aux chiffres très modestes d'un disque classique moyen.

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Après avoir lu cet article et d'autres, comme celui-ci en anglais sur la diète à suivre pour se guérir du trouble auditif compulsif causé par l'abus de musique digitale, j'en suis venu à me poser une autre question: plutôt que de regretter la dématérialisation de la musique, c'est à dire le remplacement d'un support physique (CD audio) par un autre (mémoire flash ou disque dur), ne devrait-on pas s'étonner de la matérialisation de la musique par tous les moyens techniques disponibles depuis le dépôt de brevet du gramophone par Emile Deustch, il y a un siècle ?

Autrement dit, ce qui est surprenant, n'est-ce pas cette habitude quelque peu fétichiste que nous avons prise de vouloir capter l'art par excellence de l'ici et du maintenant, de capturer ce qui n'est que vibrations dans l'air, et de le mettre en boîte comme des haricots, pour une consommation ultérieure ? 

La musique authentique et originale, celle qui existe depuis l'aube de l'humanité, est celle qu'on partage en groupe; celle qu'on vit en chantant et en dansant en harmonie avec le groupe, celle qui rythme les gestes quotidiens comme les grands moments de la vie. Séparer les hommes en deux catégories, les musiciens et les auditeurs (ces derniers étant priés de faire le moins de bruit possible) est une évolution récente de la musique occidentale (deux ou trois siècles au plus), qui ne concerne qu'une partie de la musique d'ailleurs. Dans les concerts de rock, jeunes et moins jeunes continuent de chanter et danser comme les hommes le font depuis la nuit des temps. Séparer les musiciens en compositeurs et interprètes est encore plus récent et induit des effets pervers évidents. De même, séparer musiciens et public qui ne sont plus connectés que très indirectement, à l'aide de machines sophistiquées, peut remettre en cause la notion même de musique.

Nous nous sommes habitués à ces portions individuelles de plaisir musical en boîte, consommables à toute heure et en tout lieu; à tel point que des expressions comme j'écoute de la musique sont devenues en fait synonymes de j'écoute un disque (ou un mp3) . A tel point que les musiciens cherchent avant tout à sortir un disque, et que les concerts sont vus uniquement comme moyen de promotion du disque (avec la crise du disque, bien sûr, ce modèle est remis en question).

Avec la fin du disque, que perdrions-nous ? Un objet parfois agréable à regarder et à consulter, s'il est agrémenté d'une belle iconographie et d'un livret décent (tous les amateurs de 33 tours vous diront que le compact disc est très inférieur à son ancêtre à sillons noirs de ce point de vue). Un objet qu'on peut ranger dans une bibliothèque comme un livre, ou parfois chercher rageusement lorsqu'on l'a égaré, là encore comme un livre. Un objet qu'on peut posséder, c'est à dire aussi collectionner, offrir, convoiter, exhiber fièrement quand il est rare.

Mais la vraie question est que gagnerons-nous ? Une fois débarrassé de l'objet-disque, nous gagnerons justement ce vide. Une fois dépouillée de son support physique, la musique revient à l'essentiel, c'est à dire des vibrations dans l'air. Invisibles, impalpables et pourtant tellement présentes. Et la musique enregistrée revient à ce qu'elle est, c'est à dire un pauvre succédané de musique vivante. Une fois dématérialisée, la musique qui peut-être n'aurait jamais dû être matérialisée de la sorte nous donnera à nouveau l'envie de sortir de chez nous pour aller davantage au concert. La musique c'est comme les haricots: c'est bon en boîte, c'est meilleur frais.

dimanche 18 mars 2012

Bartok-Piazzola-Crumb pour deux pianos et deux percussions

Un programme original autant que passionnant et des interprètes d'une magnifique sensibilité et d'une technique irréprochables, voici qui pourrait convaincre les lecteurs de ce blog de se déplacer jusqu'à la paisible bourgade de Savigny-le-Temple dans l'Essonne (à ne pas confondre avec sa voisine Savigny-sur-Orge), où se tiendra le 24 mars prochain à 20h30 un concert pour deux pianos et deux percussions proposé par Mary Olivon et Guillaume Mathias (pianos), Rose Devas et Guillaume Lantonnet (percussions).

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Au programme, la Sonate pour deux pianos et percussions de Béla Bartok, le très passionnant et très émouvant Makrokosmos III de George Crumb et quelques douceurs d'Astor Piazzola. Tout ça se passe au conservatoire de Savigny le Temple le 24 mars prochain. Venez nombreux, comme on dit dans ces cas-là. Et en attendant, faites-vous plaisir en réécoutant cette Barcarolle de Rachmaninoff à 4 mains par les mêmes Mary Olivon et Guillaume Mathias sur ioutioube (très belle version live mais la prise de son est tout à fait détestable malheureusement).

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